Intervention de Alain Richard

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 11 juin 2013 : 1ère réunion
Réforme du conseil supérieur de la magistrature et attribution du garde des sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et d'action publique — Audition de Mme Christiane Taubira ministre de la justice garde des sceaux

Photo de Alain RichardAlain Richard :

Je suis réceptif à la crainte, formulée par plusieurs de nos collègues, d'une banalisation des réformes constitutionnelles sur un tel sujet. Dans le même temps, je constate un large accord pour l'avis conforme. Compte tenu de cet accord, un refus de cette réforme apparaîtrait lié à des considérations de pure opportunité politique. Le parquet, qui est une partie du point de vue de la procédure, représente l'intérêt général. Pour préserver cet élément de notre tradition, parmi des systèmes nationaux différents appelés à se mélanger, il faut renforcer sa légitimité en garantissant son indépendance. S'opposer à l'avis conforme exposera au soupçon de vouloir préserver un pouvoir d'appréciation individualisé sur les nominations : pour notre crédibilité internationale, le sujet mérite que l'on s'y penche.

La nomination des personnalités qualifiées par un collège spécifique suscite des appréhensions. Qu'est-ce que l'indépendance ? Les parlementaires ont tendance à considérer que l'autorité ne peut dériver que de l'élection par le peuple. Cependant, l'indépendance réclame justement une coupure avec le pouvoir politique. L'indépendance de la BCE, que nous ont apportée les Allemands, en choque encore beaucoup ; pour ceux-là, le gouverneur d'une institution monétaire doit être sous l'autorité directe du pouvoir politique. Voulons-nous reconnaître une part à l'éthique, à la déontologie professionnelle et au savoir ? Lorsqu'on a signé à l'âge de vingt-cinq ans sa première décision de justice « au nom du peuple français », on sait qu'à côté de la préférence politique, il y a des devoirs d'État.

Les six membres extérieurs nommés par le collège apporteront un surcroît d'indépendance au CSM. Les présidents de nos assemblées n'incarnent pas au premier chef l'indépendance vis-à-vis du pouvoir politique, puisqu'ils en sont la représentation. Les parlementaires grognent souvent contre les autorités administratives indépendantes, qui seraient autant de compétences retirées au Parlement. Pourtant, certaines choses doivent être dépolitisées. Et puis, nous gardons le contrôle des nominations par les commissions, ce qui établit un équilibre, que les députés ont rompu en instaurant la recherche d'une approbation positive au trois cinquièmes. J'observe, sur ce point, que nous risquons d'être entraînés à l'étendre à d'autres institutions.

La nomination de membres du Conseil par un collège de gens représentant des autorités, des savoirs, des éthiques différentes représente un gain d'indépendance salutaire. Les autres démocraties nous enseignent que la recherche du consensus peut devenir un objet de négociations partisanes. Si le débat se poursuit, nous devrions chercher à atténuer cette exigence, de manière à éviter un saut dans l'inconnu.

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