Intervention de Manuel Valls

Réunion du 13 juin 2013 à 9h00
Élection des sénateurs — Discussion d'un projet de loi

Manuel Valls, ministre :

… mais le progrès est réel.

Bien sûr, l’augmentation du nombre de femmes au Sénat correspond en partie à un mouvement général de la société mais, surtout, à d'indéniables évolutions politiques. Cet impact reste toutefois limité : entre 1989 et 1998, le nombre de sénatrices avait certes doublé, mais pour n’atteindre que 6 % en 1998.

En définitive, le progrès de la parité au Sénat n’a été possible que parce qu’une action volontariste a été menée. Ici comme pour les autres élections, l’action du gouvernement de Lionel Jospin a été, monsieur Mézard, tout à fait déterminante.

Les facteurs de cette progression sont parfaitement identifiés et il faut ici les rappeler. La féminisation du Sénat résulte avant tout de la combinaison des dispositions de deux lois promulguées en 2000.

Il y a d'abord, bien entendu, la loi du 6 juin 2000, qui visait à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux. Cette loi a traduit, pour le mode de scrutin sénatorial, le principe qui, grâce à l’action conjuguée de Lionel Jospin et de Jacques Chirac, figure depuis 1999 à l’article 1er de notre Constitution : « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ». L'obligation de présenter des listes paritaires aux élections se déroulant au scrutin proportionnel qui en est résultée a bien sûr permis le progrès de la parité dans notre vie politique.

Au Sénat, cette disposition serait restée insuffisante sans la loi du 10 juillet 2000, qui a abaissé le seuil de l’élection à la représentation proportionnelle. Auparavant, les sénateurs n’étaient élus à la proportionnelle que dans les départements comptant au moins cinq sénateurs. Ce seuil a été abaissé à trois sénateurs.

Cette volonté politique a eu un effet immédiat : en 2001, lors du premier renouvellement suivant l’adoption de ces mesures, la proportion de femmes au Sénat a presque doublé, atteignant 11 % contre 6 % auparavant. L’effet de l’extension de l’élection au scrutin proportionnel est très clair : sur vingt-deux femmes élues cette année-là, vingt l’ont été à la représentation proportionnelle.

Cette dynamique s’est poursuivie pendant dix ans, si bien que la part des sénatrices a quasiment quadruplé entre 2001 et 2011, passant de 6 % à 23, 3 %.

Mais aujourd’hui – et vous le soulignez fort justement dans votre rapport d’information, madame Cohen –, cet élan est pour la première fois en voie d’essoufflement. Lors du renouvellement de 2011, pour la première fois, la part des femmes dans la Haute Assemblée a – certes, légèrement – reculé. À la veille du scrutin de 2011, le Sénat comptait quatre-vingts sénatrices. Elles étaient soixante-dix-sept après le renouvellement, alors même que le nombre total de sièges avait, lui, augmenté.

Depuis 2008, la proportion des sénatrices était supérieure à celle des femmes députés, ce qui n’est plus vrai aujourd’hui. Pourtant, l’élection des députés au scrutin majoritaire est moins favorable à la parité que la représentation proportionnelle, même s’il existe des mécanismes d'incitation financière pour les élections législatives.

Le Gouvernement rejoint donc pleinement vos conclusions, madame la rapporteur : il est temps de relancer la dynamique paritaire au Sénat. Comme en 2000, la parité ne sera mieux respectée que si nous faisons preuve de volonté politique.

C’est pourquoi nous vous proposons de ramener, comme cela était prévu par la loi du 10 juillet 2000, le seuil de l’élection à la proportionnelle à trois sénateurs élus dans le département.

Pour les élections sénatoriales, l’élection au scrutin proportionnel reste en effet le meilleur gage d’une parité accrue. Là encore, les chiffres sont sans ambiguïté. Pour le renouvellement de 2011, dans les départements votant à la proportionnelle, presque 35 % des sièges ont été remportés par des femmes. Cette proportion n’est que de 17 % dans les départements votant au scrutin majoritaire.

Très concrètement, le retour au scrutin de liste dans les départements élisant trois sénateurs concernera 75 sièges. Mécaniquement, un plus grand nombre de femmes devrait donc accéder au mandat de sénateur dans ces départements.

Enfin, cette mesure favorisera également la pluralité politique. Je viens de le dire, le Sénat est déjà la chambre où les sensibilités s’expriment le plus. C'est là une richesse parfois difficile, mais toujours stimulante pour un ministre qui se présente à la tribune de la Haute Assemblée avec un texte de loi ; et je ne cache pas mon plaisir, depuis un an, d'être souvent avec vous et d'éprouver cette diversité

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