Séance en hémicycle du 13 juin 2013 à 9h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

Source

La séance est ouverte à neuf heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe socialiste, la discussion du projet de loi relatif à l’élection des sénateurs (projet n° 377, résultat des travaux de la commission n° 539, rapport n° 538, rapport d’information n° 533).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l'heure est matinale mais le sujet, j’imagine, en vaut la peine. (Sourires.)

Voilà maintenant six mois, j’ai présenté pour la première fois devant votre assemblée le projet de loi réformant, notamment, l’élection des conseillers départementaux. J’ai alors pu, comme au long des débats qui ont suivi, vous indiquer quels étaient les principes démocratiques essentiels que le Gouvernement souhaite mettre en œuvre. La parité et la juste représentation des territoires et des populations s’inscrivent naturellement au premier rang de ces principes d’une démocratie moderne et aboutie.

Ces principes sont au cœur du projet de loi dont nous discutons aujourd’hui. Ce sont eux que nous souhaitons voir davantage respectés dans le mode d’élection des sénateurs.

Hier, pour les élections locales, je vous présentais une loi vraiment novatrice. Aujourd'hui, je vous présente une loi équilibrée, que j’ose qualifier – en pensant aux interventions qui auront sans doute lieu au cours de cette matinée – de modérée…

Alors que nous débutons précisément l’examen de ce texte, je crois utile de clarifier les choses : le Gouvernement est attaché au bicamérisme à la française et aux spécificités du Sénat. Avec ce texte, il s’agit d’approfondir le caractère démocratique de l’élection des sénateurs – et non pas, monsieur Mézard, de révolutionner ce mode de scrutin.

L’essence du bicamérisme réside d’abord – vous le soulignez fort justement dans votre rapport, monsieur Kaltenbach – dans une représentation différenciée de la nation.

Les éléments de cette différentiation, ce sont bien sûr l’élection au scrutin universel indirect et le renouvellement par moitié.

Cette différence entre le Sénat et l’Assemblée nationale tient encore à la lettre de la Constitution de 1958, qui précise que le Sénat « assure la représentation des collectivités territoriales » – et je sais que, sur toutes les travées, vous êtes légitimement attachés à ce principe.

Cette différence tient, enfin, au mode de scrutin. Chambre des collectivités, le Sénat est également la chambre de la diversité – diversité des élus, diversité des courants d’opinion. C'est aussi la chambre dans laquelle le fait majoritaire s’applique différemment avec en quelque sorte moins de brutalité – et peut-être, aussi, moins d'efficacité – qu’à l’Assemblée nationale.

Dans les dernières décennies, votre assemblée a su se moderniser, se renouveler, tout en restant fidèle à ses spécificités. C'est d'ailleurs sur votre initiative que la durée du mandat a été réduite de neuf ans à six ans et que le renouvellement s’opère désormais par moitié.

Le projet de loi que je porte aujourd’hui n’entend nullement remettre en cause cette identité du Sénat. D’ailleurs, ce texte ne modifie ou n’ajoute aucune disposition de nature organique.

Non, ce que souhaite le Gouvernement, c’est avant tout conforter la légitimité de la Haute Assemblée à l’égard de nos concitoyens.

Le texte que nous vous présentons, simple et bref, comporte deux séries de dispositions. Il tend d’abord à élargir le collège sénatorial afin d’assurer une meilleure représentation des territoires de notre République et des populations qui la composent. Puis, parce la parité est un impératif démocratique et constitutionnel, ce texte tend à la renforcer au Sénat.

Je vous propose donc aujourd’hui de procéder à ce renforcement. En un peu plus de vingt ans, les progrès de la parité au sein de la Haute Assemblée ont été indéniables. Il faut ici rappeler quelques chiffres : alors que, en 1989, le Sénat ne comptait que 3 % de sénatrices, vous représentez aujourd’hui, mesdames les sénatrices, 22 % de votre assemblée. C’est certes encore insuffisant…

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

… mais le progrès est réel.

Bien sûr, l’augmentation du nombre de femmes au Sénat correspond en partie à un mouvement général de la société mais, surtout, à d'indéniables évolutions politiques. Cet impact reste toutefois limité : entre 1989 et 1998, le nombre de sénatrices avait certes doublé, mais pour n’atteindre que 6 % en 1998.

En définitive, le progrès de la parité au Sénat n’a été possible que parce qu’une action volontariste a été menée. Ici comme pour les autres élections, l’action du gouvernement de Lionel Jospin a été, monsieur Mézard, tout à fait déterminante.

Les facteurs de cette progression sont parfaitement identifiés et il faut ici les rappeler. La féminisation du Sénat résulte avant tout de la combinaison des dispositions de deux lois promulguées en 2000.

Il y a d'abord, bien entendu, la loi du 6 juin 2000, qui visait à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux. Cette loi a traduit, pour le mode de scrutin sénatorial, le principe qui, grâce à l’action conjuguée de Lionel Jospin et de Jacques Chirac, figure depuis 1999 à l’article 1er de notre Constitution : « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ». L'obligation de présenter des listes paritaires aux élections se déroulant au scrutin proportionnel qui en est résultée a bien sûr permis le progrès de la parité dans notre vie politique.

Au Sénat, cette disposition serait restée insuffisante sans la loi du 10 juillet 2000, qui a abaissé le seuil de l’élection à la représentation proportionnelle. Auparavant, les sénateurs n’étaient élus à la proportionnelle que dans les départements comptant au moins cinq sénateurs. Ce seuil a été abaissé à trois sénateurs.

Cette volonté politique a eu un effet immédiat : en 2001, lors du premier renouvellement suivant l’adoption de ces mesures, la proportion de femmes au Sénat a presque doublé, atteignant 11 % contre 6 % auparavant. L’effet de l’extension de l’élection au scrutin proportionnel est très clair : sur vingt-deux femmes élues cette année-là, vingt l’ont été à la représentation proportionnelle.

Cette dynamique s’est poursuivie pendant dix ans, si bien que la part des sénatrices a quasiment quadruplé entre 2001 et 2011, passant de 6 % à 23, 3 %.

Mais aujourd’hui – et vous le soulignez fort justement dans votre rapport d’information, madame Cohen –, cet élan est pour la première fois en voie d’essoufflement. Lors du renouvellement de 2011, pour la première fois, la part des femmes dans la Haute Assemblée a – certes, légèrement – reculé. À la veille du scrutin de 2011, le Sénat comptait quatre-vingts sénatrices. Elles étaient soixante-dix-sept après le renouvellement, alors même que le nombre total de sièges avait, lui, augmenté.

Depuis 2008, la proportion des sénatrices était supérieure à celle des femmes députés, ce qui n’est plus vrai aujourd’hui. Pourtant, l’élection des députés au scrutin majoritaire est moins favorable à la parité que la représentation proportionnelle, même s’il existe des mécanismes d'incitation financière pour les élections législatives.

Le Gouvernement rejoint donc pleinement vos conclusions, madame la rapporteur : il est temps de relancer la dynamique paritaire au Sénat. Comme en 2000, la parité ne sera mieux respectée que si nous faisons preuve de volonté politique.

C’est pourquoi nous vous proposons de ramener, comme cela était prévu par la loi du 10 juillet 2000, le seuil de l’élection à la proportionnelle à trois sénateurs élus dans le département.

Pour les élections sénatoriales, l’élection au scrutin proportionnel reste en effet le meilleur gage d’une parité accrue. Là encore, les chiffres sont sans ambiguïté. Pour le renouvellement de 2011, dans les départements votant à la proportionnelle, presque 35 % des sièges ont été remportés par des femmes. Cette proportion n’est que de 17 % dans les départements votant au scrutin majoritaire.

Très concrètement, le retour au scrutin de liste dans les départements élisant trois sénateurs concernera 75 sièges. Mécaniquement, un plus grand nombre de femmes devrait donc accéder au mandat de sénateur dans ces départements.

Enfin, cette mesure favorisera également la pluralité politique. Je viens de le dire, le Sénat est déjà la chambre où les sensibilités s’expriment le plus. C'est là une richesse parfois difficile, mais toujours stimulante pour un ministre qui se présente à la tribune de la Haute Assemblée avec un texte de loi ; et je ne cache pas mon plaisir, depuis un an, d'être souvent avec vous et d'éprouver cette diversité

Sourires.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

C’est un fait, le scrutin proportionnel favorise cette pluralité des opinions. Dans les départements élisant trois sénateurs, ce mode de scrutin permettra le plus souvent la représentation de deux, voire de trois sensibilités politiques différentes. Demain, cette diversité sera possible dans vingt-cinq départements supplémentaires, si bien qu’elle concernera 255 sénateurs.

Meilleure représentation des femmes, meilleure représentation des courants d’opinion, tout cela serait incomplet si nous ne cherchions pas à mieux représenter les territoires et ceux qui y vivent.

J’ai déjà évoqué l’article 24 de la Constitution. Le Sénat « assure la représentation des collectivités territoriales de la République », de toutes les collectivités territoriales. Ces collectivités, ce sont bien sûr des entités juridiques, des élus, ce sont aussi des habitants, dont il faut tenir compte.

Là encore, le constat est, je crois, partagé. La composition du collège électoral qui élit les sénateurs ne tient pas suffisamment compte des grands équilibres démographiques de notre pays.

Les délégués des communes constituent la très grande majorité de ce collège – le Gouvernement n’a pas cru devoir remettre en cause ce principe –, mais les disparités entre les communes elles-mêmes ne permettent plus à ce collège de refléter la réalité du pays.

Pour exemple, plus de deux tiers des délégués municipaux représentent des communes de moins de 10 000 habitants, quand celles-ci ne regroupent que la moitié de la population. Ces disparités sont encore plus sensibles entre les communes les plus peuplées et les communes les moins peuplées. Aujourd’hui, les communes de moins de 500 habitants disposent de deux fois plus de délégués que les communes de plus de 100 000 habitants, alors qu’elles comptent deux fois moins d’habitants.

Un Sénat qui représente les collectivités, c’est un Sénat qui représente la réalité de ces collectivités. Encore une fois, le Gouvernement ne souhaite pas bouleverser le mode de scrutin sénatorial ; il ne souhaite pas bouleverser radicalement les équilibres existants. Non, ce que le Gouvernement souhaite, c’est une meilleure représentation de collectivités, de territoires entiers qui sont aujourd’hui sous-représentés ou mal représentés ; c’est mieux concilier deux principes constitutionnels : la représentation des collectivités et l’égalité du suffrage.

C’est l’objectif de l’article 1er de ce projet de loi qui modifie les règles d’attribution des délégués supplémentaires dans les communes de plus de 30 000 habitants. L’ajustement, très honnêtement, est modeste : il y aura désormais un délégué supplémentaire par tranche de 800 habitants, et non plus par tranche de 1 000 habitants.

Ce rééquilibrage au sein du collège municipal est volontairement limité. Il n’affecte en rien la représentation des territoires les moins peuplés, et je pense ici aux territoires ruraux, auxquels je suis comme vous attaché. Ces communes conserveront le même nombre de délégués, soit environ un pour 227 habitants dans les communes de moins de 500 habitants. En revanche, il est juste, me semble-t-il, d’améliorer la représentativité des communes très peuplées. Dans les communes de plus de 300 000 habitants, cette réforme permettra de passer d’un délégué pour 931 habitants à un délégué pour 760 habitants.

Au total, un peu plus de 3 000 nouveaux délégués supplémentaires seront élus. Ce dispositif constitue, là aussi, une mesure de justice, mais reste raisonnable. La part des délégués supplémentaires dans le total du collège communal n’augmentera que de quelque 2 %, passant de 8, 3 % à 10, 2 %.

Nous avons souhaité également, dans tous les territoires, garantir la prééminence du nombre de délégués élus communaux sur les délégués supplémentaires. Cette condition a été fixée par le Conseil constitutionnel dans sa décision relative à la loi du 10 juillet 2000 et fait obstacle à une représentation strictement proportionnelle de la population au sein du collège sénatorial.

En l’espèce, la modification que je vous propose aujourd’hui respecte la lettre de la décision du Conseil constitutionnel, et la participation des délégués supplémentaires conserve « un caractère de correction démographique ». L’étude d’impact est d’ailleurs très claire : nous avons procédé à plusieurs simulations, et le Gouvernement a finalement opté pour celle qui préserve le mieux la part des délégués émanant directement des conseils municipaux.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte constitue, vous le voyez, une évolution de l’élection sénatoriale, dont le principe central est la représentativité : une meilleure représentation des femmes, avec un nouvel élan donné à la parité, une meilleure représentation des territoires et, au final, de nos concitoyens. Une évolution mesurée, dans le respect du Sénat, de ses spécificités, de son identité ; une évolution autour de laquelle, je l’espère, nous parviendrons à nous rejoindre. §

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la représentativité des élus de la République est conditionnée par le mode de scrutin et le collège électoral retenu dans le cadre de leur élection. Il en va de leur légitimité.

Un débat sur un mode de scrutin, s’il intéresse bien sûr les élus et ceux qui aspirent à l’être, doit également être l’occasion de nous interroger sur le fonctionnement de notre démocratie. Il ne s’agit pas d’un débat interne au Sénat ; il s’agit de définir ensemble les conditions dans lesquelles les élus de la Haute Assemblée seront plus représentatifs et plus légitimes pour voter les lois.

Aussi, le législateur, attentif aux évolutions de la société, notamment à ses évolutions démographiques, se doit d’adapter les modes de scrutin et les collèges électoraux afin d’assurer continuellement la meilleure représentativité possible des élus. C’est la fonction attribuée à l’organe représentatif qui guide le choix du mode de scrutin et du collège électoral.

Dès l’origine, la Haute Assemblée a été pensée, par rapport à la chambre basse du Parlement, comme une représentation différenciée de la nation. Attachée au principe du bicamérisme, la commission des lois a d’ailleurs toujours plaidé dans ce sens. Assemblée permanente, le Sénat se compose donc de membres élus au scrutin indirect et ne procède à son renouvellement que partiellement. Un bref aperçu historique nous permet de constater que ce mode de scrutin est relativement stable depuis la IIIe République.

Dès l’instauration, sous la IIIe République, d’un Sénat élu au suffrage universel, les règles électorales relatives à l’élection de ses membres sont, pour l’essentiel, demeurées inchangées. Au début de la IIIe République, le Sénat est composé de 300 membres : 225 sont issus des départements et des colonies et 75 sont sénateurs à vie.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

Ces derniers sénateurs sont élus d’abord par l’Assemblée nationale, puis directement par le Sénat.

La loi du 9 décembre 1884 met fin à cette pratique et la Haute Assemblée est alors progressivement intégralement élue et non plus cooptée pour partie. Pour la petite histoire, le dernier sénateur inamovible, Émile de Marcère, siégera jusqu’à sa mort, en 1918, à l’âge de quatre-vingt-dix ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

Dès l’origine, en 1875, le mode d’élection des sénateurs était double. L’article 4 de la loi du 24 février 1875 prévoyait que « les sénateurs des départements et des colonies sont élus à la majorité absolue et, quand il y a lieu, au scrutin de liste, par un collège réuni au chef-lieu du département ou de la colonie ». Ces principes ont peu évolué, les sénateurs é »tant encore élus, aujourd’hui, au scrutin majoritaire pour certains, au scrutin de liste pour d’autres.

À l’époque, le collègue électoral était composé des députés, des conseillers généraux, des conseillers d’arrondissement et des délégués des conseils municipaux. Les délégués des communes étaient déjà fortement majoritaires au sein du collège électoral, ce qui amènera d’ailleurs Gambetta à déclarer que le Sénat est le « Grand conseil des communes de France ».

Les communes rurales bénéficiaient alors d’une forte représentation par rapport aux communes urbaines, un choix complètement égalitaire – un maire égale une voix – ayant été retenu à l’origine, toutes les communes pesant donc le même poids.

Il a fallu attendre 1884 pour que soit introduite une part de progressivité. La loi du 14 août fera varier le nombre de délégués de deux à trente en fonction du nombre de conseillers municipaux. Ces délégués n’étaient en revanche pas nécessairement des élus municipaux.

Sous la IVe République, un premier projet de constitution, rejeté par référendum, prévoyait la disparition du bicamérisme. Le second projet de constitution conserve une seconde chambre, désormais dénommée « Conseil de la République ».

Jusqu’à la révision constitutionnelle du 7 décembre 1954, même si le Conseil de la République reste marqué par certaines caractéristiques du Sénat de la IIIe République, son rôle est fortement minoré. Son renouvellement s’effectue par moitié, toujours sur la base d’un scrutin indirect. Le mode de scrutin continue à être majoritaire ou proportionnel selon les départements en fonction du nombre de sièges. En outre, le collège électoral varie peu entre la IIIe et la IVe République.

La Ve République va restaurer pleinement la seconde chambre ; celle-ci recouvre ses prérogatives constitutionnelles et législatives. Le bicamérisme « inégalitaire » demeure tout de même, du fait du « dernier mot » octroyé à l’Assemblée nationale et des modalités de mise en jeu de la responsabilité du Gouvernement.

La dualité du mode de scrutin est conservée puisque, dès 1958, l’élection des sénateurs a lieu au scrutin majoritaire uninominal à deux tours dans les départements comptant quatre sénateurs ou moins. Dans les autres départements, le scrutin se fait à la représentation proportionnelle.

La loi du 8 juillet 2000, portée par le gouvernement de Lionel Jospin, abaissera l’application du scrutin majoritaire uninominal à deux tours aux départements élisant moins de trois sénateurs. Puis, pour des raisons sur lesquelles nous reviendrons sûrement au cours du débat, la loi du 10 mai 2004 remontera ce seuil à quatre sièges, ce qui est l’état actuel du droit.

Pour ce qui est du collège électoral, la Constitution de la Ve République maintient la présence des députés, ce qui peut d'ailleurs sembler étrange. Comme cela a été relevé en commission, le Sénat représentant les collectivités, pourquoi les députés participent-ils au vote ? En fait, c’est historique. Un amendement adopté en commission prévoit d’ailleurs, au nom de la tradition, de conserver les députés au sein du collège électoral, mais également d’y intégrer les sénateurs. Nous aurons l’occasion d’en débattre en séance publique.

Toutefois, la composition exacte du collège électoral sera modifiée au fil de l’évolution de l’organisation décentralisée de la République. Les conseillers territoriaux seront bien sûr intégrés après leur élection au suffrage universel direct. Les évolutions statutaires de certaines collectivités ont ensuite conduit à des modifications marginales du collège électoral, comme avec l’intégration, en 1999, des conseillers de l’assemblée de Corse pour l’élection au sein des départements corses.

Contrairement au début de la IIIe République, le nombre de délégués des conseils municipaux par commune n’est plus égalitaire. Il tient désormais beaucoup mieux compte de la population des communes. Les délégués sont désignés en fonction de strates démographiques.

Ainsi, lorsque les communes comptent plus de 9 000 habitants, tous les conseillers municipaux sont délégués de droit.

Pour les communes qui comptent plus de 30 000 habitants, un correctif démographique est institué par l’article L. 285 du code électoral : des délégués supplémentaires sont élus par le conseil municipal, à raison d’un délégué par tranche de 1 000 habitants.

L’élection des délégués et de leur suppléant connaît également un double mode de scrutin selon la population de la commune : pour les communes élisant le conseil municipal à la proportionnelle, l’élection des délégués se déroule à la proportionnelle ; pour les communes élisant leur conseil municipal au scrutin majoritaire, l’élection des délégués a lieu au scrutin majoritaire. La modification du seuil provoquera bien entendu des modifications du collège des grands électeurs pour les prochaines élections.

J’en viens maintenant à la réforme portée par le Gouvernement, qui a été excellemment présentée par M. le ministre de l’intérieur, Manuel Valls.

Le Gouvernement n’a pas souhaité, par cette réforme, bouleverser les traits fondamentaux et caractéristiques du scrutin sénatorial. J’ai lu dans la presse quelques attaques que je trouve particulièrement caricaturales et qui ne correspondent pas à la réalité de la réforme proposée.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

M. Philippe Kaltenbach, rapporteur. On est très loin du « tripatouillage », du « charcutage », de l’ « équarrissage » !

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

Des termes particulièrement forts ont été employés, et je souhaite ramener les choses à leur juste mesure.

Il s’agit de modifications somme toute modestes

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

D’ailleurs, cela a été dit, le texte ne prévoit aucune modification sur les dispositions organiques relatives au Sénat. Or on aurait pu considérer qu’il y avait là aussi matière à réforme. Je pense notamment au nombre de sénateurs par département.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

Nous savons qu’il y a, ici ou là, quelques « bizarreries », pour n’employer que ce mot. Toutefois, dans sa grande sagesse, le Gouvernement n’a pas souhaité ouvrir cette porte et s’en est tenu à des modifications, je l’ai dit, modestes.

Sous la Ve République, lorsque l’on souhaite faire évoluer les modalités d’élection des sénateurs, il est indispensable de concilier deux exigences constitutionnelles. Si la répartition des sièges et la composition du collège électoral des sénateurs sont tenues de respecter le principe d’égalité du suffrage énoncé à l’article 3 de la Constitution, il est impératif de concilier cette exigence avec la fonction que cette même Constitution assigne au Sénat, celle de représentant des collectivités territoriales.

Je sais combien notre collègue Jacques Mézard est attaché à cette exigence, qu’il souhaite voir inscrite dans le texte ; j’espère que son amendement, rectifié et adopté en commission des lois, sera également adopté par la Haute Assemblée, car ce rappel me semble indispensable.

M. Jacques Mézard opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

Le Gouvernement a su respecter ces deux exigences, et le projet qui nous est soumis introduit deux mesures. La première concerne la meilleure représentation des populations urbaines.

En effet, dans son article 1er, le texte modifie la composition du collège électoral des sénateurs en augmentant le nombre de délégués supplémentaires pour les communes de plus de 30 000 habitants. La mesure consiste à désigner un délégué supplémentaire par tranche de 800 habitants au lieu de la tranche actuelle de 1 000 habitants. Cette modification demeure, je crois, tout à fait raisonnable : nous allons passer de 151 458 délégués municipaux à 154 633, soit une hausse de 3175 délégués. Cette augmentation extrêmement mesurée n’est pas de nature à bouleverser les grands équilibres d’un collège électoral de plus de 150 000 délégués sauf, peut-être, dans les Bouches-du-Rhône, monsieur Gaudin, où la ville de Marseille aura un avantage certain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Il y aura plus de délégués du Front national !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

Nous sommes globalement parvenus à un équilibre qui, je crois, tient compte du fait urbain et de la nécessité de corriger le déséquilibre existant entre communes rurales et communes urbaines.

L’étude d’impact comporte un excellent tableau qui montre bien l’important avantage octroyé aujourd’hui aux petites communes : en moyenne, dans les communes de moins de 10 000 habitants, un grand électeur va représenter, suivant la strate, 300 ou 400 habitants alors que, dès qu’il s’agit des communes de plus de 20 000 habitants, un grand électeur va représenter plus de 1 000 habitants.

On constate donc que le ratio est très favorable aux petites communes rurales. S’il n’est pas scandaleux d’accorder un tel avantage, encore faut-il que les choses soient un peu mieux équilibrées. Avec la proposition du Gouvernement, ce ratio passerait, dans les communes de plus de 30 000 habitants, à un grand électeur pour 700 habitants. On corrige, on rééquilibre, mais les petites communes restent extrêmement avantagées par le mode de désignation des grands électeurs, car les modifications envisagées ne s’effectuent qu’à la marge.

Actuellement, plus des deux tiers des délégués des conseils municipaux représentent les communes de moins de 10 000 habitants, alors que celles-ci ne regroupent que la moitié de la population.

Tous ceux qui dénoncent une attaque envers le monde rural se trompent. Ce dernier restera de fait mieux représenté, mais un rééquilibrage s’opérera afin de tenir compte de l’augmentation de la population dans les zones urbaines et les villes importantes. En tant qu’élu du bitume et du béton §je ne peux qu’être favorable à une telle mesure qui vise à rééquilibrer le nombre de grands électeurs au profit des communes importantes.

La seconde modification concerne la proportionnelle dans les départements élisant trois sénateurs. Il s’agit des articles 2 et 3 du projet de loi qui modifient la répartition entre le scrutin majoritaire uninominal à deux tours et le scrutin de liste.

Je crois que la volonté du Gouvernement est claire : en modifiant le seuil de l’application de la proportionnelle, il s’agit de revenir à la loi votée en 2000 sous le gouvernement Jospin. La majorité de gauche fait donc preuve de cohérence en remettant sur la table ce qui avait été détricoté en 2004, de façon que le scrutin proportionnel s’applique dès trois sénateurs.

Comme cela a été dit, un tel système favoriserait la parité. Même s’il y a du mieux, notre marge de progression est en effet encore importante en cette matière, et ce n’est pas Mme Gonthier-Maurin qui me contredira : 22 % de sénatrices, c’est encore largement insuffisant ! Or, nous le savons et le constatons, la proportionnelle favorise la parité.

Un tel système permettrait également une plus grande pluralité au sein de la représentation sénatoriale de certains départements. Aujourd’hui, si 51 % des grands électeurs d’un département élisant trois sénateurs sont d’une même famille politique, ils peuvent emporter les trois sièges. A contrario, la famille politique représentant 49 % des grands électeurs n’aura donc aucun siège. Le dispositif prévu par ce texte permettra de rééquilibrer la représentation sénatoriale des départements dans lesquels les grands électeurs de l’opposition départementale sont en nombre important : ils pourront quand même être représentés par un sénateur, ce qui participera de la pluralité de l’expression politique dans les départements.

Le débat a été bien sûr extrêmement riche en commission des lois. Cette dernière, réunie le 24 avril dernier sous la présidence de Jean-Pierre Sueur, a longtemps débattu du texte mais ne l’a malheureusement pas adopté à l’issue de ses travaux. En application du premier alinéa de l’article 42 de la Constitution, c’est donc du texte du projet de loi déposé sur le bureau du Sénat par le Gouvernement dont nous débattrons ce jour.

Avant le rejet global du texte le 24 avril, j’avais présenté un amendement intéressant, qui avait été retenu, visant à ce que, dans les départements élisant des sénateurs au scrutin uninominal, on ne puisse plus être candidat directement au second tour sans l’avoir été au premier. D’autres amendements en ce sens ont été redéposés depuis. Je crois en effet indispensable de ne plus autoriser cette bizarrerie, cet anachronisme, qui permet de surgir directement au second tour. D’ailleurs, lors des différentes auditions que j’ai menées en recevant les présidents de tous les groupes de la Haute Assemblée, cette modification a semblé faire l’objet d’un très large consensus.

La commission a réexaminé hier l’ensemble des amendements déposés sur le texte. Là encore, le débat a été riche. Sans entamer la discussion à venir, plusieurs questions ressortent : faut-il extraire les députés du collège électoral des sénateurs ? Les sénateurs doivent-ils être associés à l’élection en tant que membres du collège électoral ? Une autre question délicate tient au vote par procuration, qui a pu conduire parfois à des annulations. Des interrogations ont également vu le jour sur le nombre de suppléants désignés par les conseils municipaux et le nombre de délégués pour la strate des communes comprises entre 3 500 et 10 000 habitants, dans lesquelles certains sénateurs ont relevé des incohérences. Il y a d’autres questions encore s’agissant de la parité sur le ticket, de l’instauration d’un seuil pour le second tour en cas de scrutin uninominal et du laps de temps entre la date limite du dépôt des candidatures et le vote des grands délégués.

Ces différents amendements ne remettent pas en cause la philosophie ni l’architecture générales du texte, mais visent seulement, s’agissant d’aspects techniques, à améliorer le mode d’élection des sénateurs.

Certains, bien sûr, souhaiteraient que cette réforme soit rejetée. Pour ma part, je crois qu’elle va dans le bon sens et qu’elle permettra au Sénat d’être plus représentatif. Et pour être légitime, il faut être plus représentatif, non seulement en tenant compte du fait urbain et de la taille de nos villes, mais aussi en favorisant la parité et le pluralisme politique.

Pour conclure, je tiens à remercier le Gouvernement, le ministre et son cabinet pour la disponibilité dont ils ont su faire preuve tout au long de mon travail.

Je crois, mes chers collègues, que nous avons eu en commission un débat extrêmement riche sur le mode de scrutin de l’élection sénatoriale. Je suis sûr que la discussion en séance publique sera de grande qualité et de haute tenue et que nous saurons améliorer le texte du Gouvernement à la marge, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

M. Philippe Kaltenbach, rapporteur. … sans remettre en cause tant la nécessité d’un plus grand nombre de grands électeurs dans les communes de plus de 30 000 habitants que le fait que la proportionnelle favorise non seulement la parité mais aussi la pluralité politique dans les départements.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, conformément à ses attributions, la délégation aux droits des femmes a examiné le présent projet de loi sous l’angle exclusif de son impact sur l’égal accès des femmes et des hommes au mandat sénatorial.

Je commencerai par un bref rappel historique pour appuyer vos propos, monsieur le ministre, que je soutiens.

Le Sénat est longtemps resté une assemblée essentiellement masculine : à la veille du renouvellement de 2001, on ne comptait encore que vingt sénatrices pour 321 sièges, c’est-à-dire à peine 6, 5 % de femmes.

C’est avec l’entrée en vigueur de la loi du 6 juin 2000 et de ses obligations paritaires que les choses ont véritablement changé. En une dizaine d’années, le nombre de sénatrices a été très exactement multiplié par quatre : à la veille du renouvellement de 2011, on comptait quatre-vingts sénatrices, soit 23, 3 % des 343 sièges.

Cette forte progression illustre, une fois de plus, l’efficacité de la loi du 6 juin 2000 et plus particulièrement des mécanismes qu’elle a prévus pour les élections se déroulant au scrutin de liste et à la représentation proportionnelle. On sait que celles-ci ont permis à la parité de devenir une réalité effective dans les conseils régionaux, qui comptent 48 % de femmes, dans les conseils municipaux des communes de plus de 3 500 habitants, qui comptent 48, 5 % de femmes, et au sein de la représentation française au parlement européen, qui compte 44, 4 % de femmes.

Les élections sénatoriales, avec un mode de scrutin mixte, en fournissent à leur façon une nouvelle démonstration : la consolidation des résultats des élections de 2001, 2004 et 2008, qui correspondent à un renouvellement complet du Sénat effectué sous obligation paritaire, montre que soixante et une sénatrices ont été élues au scrutin proportionnel, contre seulement dix au scrutin majoritaire.

Autrement dit, le scrutin proportionnel a fait entrer six fois plus de femmes au Sénat, alors que le nombre de sièges pourvus par l’un et l’autre modes de scrutin est actuellement très proche.

Les élections sénatoriales de 2011 ont confirmé le rôle déterminant du scrutin proportionnel : sur les quarante-neuf sénatrices élues, trente-neuf l’ont été au scrutin proportionnel et dix seulement au scrutin majoritaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Mais dans le même temps, la progression du nombre de sénatrices a marqué un palier, voire un léger tassement : de quatre-vingts, il est redescendu à soixante-dix-sept.

Un nouvel élan est donc aujourd’hui nécessaire pour reprendre le chemin d’une parité effective. Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui peut-il y contribuer ?

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Certes, en étendant le scrutin proportionnel aux départements comportant trois sièges, il devrait a priori avoir un effet positif sur le nombre des sénatrices.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Notre délégation est donc favorable à cet abaissement du seuil.

Mais deux phénomènes devraient en limiter la portée pratique : les têtes de listes masculines et les listes dissidentes.

Dans les départements comportant trois sièges, ces phénomènes auront des effets déterminants. Avec des têtes de listes masculines, des femmes ne pourront se faire élire que si l’une des listes parvient à obtenir deux des trois sièges disputés. Cette hypothèse sera d’autant moins fréquente que l’on continuera d’assister à une floraison de listes dissidentes qui, en fait, contournent la parité.

Nous avons exploré plusieurs pistes pour renforcer les effets d’une réforme un peu timide.

Première piste, nous nous sommes demandé s’il fallait aller plus loin et recommander d’abaisser à deux sièges le seuil de la proportionnelle. §

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Ah, voilà qui vous réveille ! C’est bien, je suis contente !

Cela nous a paru prématuré voire peu probant au regard des craintes exprimées par les responsables des partis politiques que j’ai rencontrés. Aussi demandons-nous d’abord au Gouvernement d’établir des données plus précises sur l’impact prévisible qu’aurait une telle mesure sur la parité et sur la diversité politique, car c’est pour nous un bien précieux.

Une deuxième piste consisterait en l’obligation pour le candidat et son remplaçant d’être de sexes différents, dans les circonscriptions où les élections sénatoriales continueront de se dérouler au scrutin majoritaire.

Nous ne devons pas nous résigner à ce que les quatre-vingt-treize sièges concernés soient dispensés de toute obligation paritaire. Je défendrai d’ailleurs un amendement en ce sens.

Une troisième piste serait un meilleur équilibre entre les sexes au sein du collège sénatorial. Le ministère de l’intérieur n’a pu nous donner de précisions sur la composition par sexe de celui-ci. Nous le regrettons et nous vous demandons, monsieur le ministre, de réunir ces données et de les faire systématiquement établir à l’issue de chaque élection sénatoriale.

Mais surtout, nous jugeons très étonnant qu’aucune obligation paritaire ne s’impose actuellement dans la désignation des délégués composant ce collège. Nous proposons de remédier à cela en prévoyant la constitution de listes paritaires lorsque l’élection s’effectue à la représentation proportionnelle. Je défendrai un amendement visant à transcrire notre recommandation dans le code électoral.

Nous proposerons une autre modification, de portée symbolique : il est en effet paradoxal qu’un projet de loi ayant pour objectif revendiqué de favoriser l’accès des femmes au mandat sénatorial n’évoque dans son titre que « l’élection des sénateurs ». Nous souhaitons par conséquent l’ajout de la référence aux « sénatrices ». §

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Oui, c’est très révolutionnaire.

Projetons-nous plus loin : il faut stabiliser la ligne de partage entre scrutin majoritaire et scrutin proportionnel, pour éviter un retour en arrière comparable à celui qui a été effectué par la loi de juillet 2003.

Un renforcement de la valeur juridique des dispositions relatives à l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives pourrait y contribuer à l’occasion d’une prochaine réforme constitutionnelle.

Enfin, je crois que la parité ne pourra véritablement progresser au Sénat que dans la mesure où les partis politiques veilleront, lors de chaque renouvellement, au respect d’un équilibre effectif dans la désignation des têtes de liste se réclamant de leur appartenance politique.

Il faut donc rappeler aux partis politiques la responsabilité que leur confie l’article 4 de la Constitution en ce domaine, même si nous savons que la bonne volonté dont ils font preuve dans la poursuite de cet objectif reste très inégale.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Nous devrons donc réfléchir aussi aux moyens qui nous permettraient de ne pas en rester au stade des incantations : une extension aux élections sénatoriales des pénalités financières qui existent déjà pour les législatives ; des conditions plus strictes dans le dépôt des candidatures.

Ces questions mériteront d’être approfondies à l’occasion de prochaines réformes, notamment de celle qu’a envisagée la commission Jospin en matière de modulation de l’aide financière aux partis politiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Sans doute aussi une avancée sur le statut de l’élu permettrait-elle, au-delà du seul enjeu des élections sénatoriales, de faciliter l’exercice par des femmes et des hommes de leur mandat. Je suis très étonnée que ce statut de l’élu peine à voir le jour, car un consensus m’avait semblé exister au moins sur ce point-là.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, nous exprimons notre soutien à une mesure favorable à la parité mais aussi notre attente très forte de voir explorer les pistes que j’ai rapidement ouvertes devant vous, afin de franchir une nouvelle étape dans l’égalité des femmes à l’accessibilité aux mandats électoraux, singulièrement pour les élections sénatoriales.

Lorsque j’ai été invitée à la commission des lois, on m’a dit que les femmes devaient être patientes ; il me semble que nous le sommes suffisamment et depuis trop longtemps. Il faut franchir une étape ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, modifier le mode de scrutin d’une élection, et a fortiori de celle de l’une des deux chambres du Parlement, n’est pas un acte anodin.

Ce n’est pas un acte anodin au regard du rôle premier que joue une assemblée comme le Sénat, mais surtout dans le contexte actuel marqué par une défiance accrue de nos compatriotes à l’égard de la représentation politique et des élus.

Ce contexte est celui d’une crise politique grave, qui est non pas une crise de régime mais bien une crise de la démocratie face à la mondialisation financière et au transfert du pouvoir du politique vers l’économie. Cette crise dépasse donc largement nos frontières et s’exprime d’une manière ou d’une autre dans de nombreux pays et tout particulièrement en Europe.

Le débat d’aujourd’hui n’a bien entendu pas vocation à trouver des réponses à des questions si fondamentales, mais les idéaux de transparence, de juste représentation, de pluralisme et de renouvellement ne peuvent être absents de cette discussion sur le mode de scrutin sénatorial.

Une chose paraît évidente aux sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen : une réforme du mode de scrutin sénatorial ne peut être débattue sans une réflexion sur le rôle et la représentativité du Sénat sur le fonctionnement actuel du Parlement dans son ensemble.

Le Front de gauche et le Parti communiste français en son sein l’affirment fortement depuis des années : la Ve République est un verrou démocratique qu’il est grand temps de faire sauter. §

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Elle porte en elle la concentration du pouvoir entre les mains d’un seul homme désigné au terme d’une élection plébiscite, l’élection du Président de la République au suffrage universel direct. Le peuple, dans un contexte de crise économique et sociale particulièrement sévère, se considère à juste titre bien loin des lieux de décisions, qu’ils soient nationaux, européens ou mondiaux.

Je ne prendrai qu’un exemple, celui de l’élaboration du budget de la nation. Cet acte politique majeur a toujours été, de fait, l’apanage du pouvoir exécutif, le Parlement étant limité à un rôle secondaire dans l’élaboration et en quelque sorte condamné à voter un texte qu’il n’a pas construit, l’article 40 de la Constitution réduisant de manière quasi absolue son pouvoir d’initiative en la matière.

L’Europe, dans sa logique libérale, a creusé un profond fossé entre les peuples. Une sorte d’oligarchie européenne décide maintenant, depuis le traité budgétaire européen ratifié par notre pays cet automne, du contenu des budgets des pays consentants. C’est la désormais tristement fameuse règle d’or.

Vous me direz, mes chers collègues, que je suis hors sujet. §

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Non, rassurez-vous, je ne suis jamais hors sujet, il y a toujours un lien.

Toute réforme institutionnelle ne doit-elle pas être tournée vers la restauration de la confiance entre les représentants et le peuple et vers l’amélioration radicale de cette représentation ?

Pour parvenir à cet objectif, il faut engager une réforme institutionnelle d’ampleur, saisir le peuple directement par la mise en place d’une assemblée constituante – j’ai eu l’occasion de l’évoquer encore hier à l’occasion du débat sur l’article 11 de la Constitution – et d’une nouvelle République, d’une VIème République.

Dans ce cadre, la réflexion pour une réforme profonde du Sénat doit être engagée. Une première question s’impose : le bicamérisme est-il nécessaire et utile à la démocratie ?

Le bicamérisme fut une invention institutionnelle pour calmer l’ardeur d’une assemblée unique, ardeur symbolisée par la Convention thermidorienne. La Ve République a rétabli pleinement un Sénat temporisateur, pour ne pas dire conservateur

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

… alors que la IIe République avait supprimé la seconde chambre et que la IVe République avait réduit à la portion congrue les compétences de cette dernière.

Les interrogations de notre groupe sur les modalités actuelles du bicamérisme trouvent donc leur source dans l’histoire de notre pays.

Le mode d’élection des sénateurs pose en lui-même problème. Le mode de scrutin est indirect et s’appuie sur un collège électoral particulièrement réduit.

Est-il démocratique qu’une assemblée qui ne tire pas directement sa légitimité des suffrages du peuple dispose de pouvoirs quasiment équivalents à ceux de l’Assemblée nationale qui, pour les lois ordinaires et les lois organiques ne concernant pas le Sénat, a le dernier mot mais peut être confronté au blocage de celui-ci ?

Pour les lois constitutionnelles ou les lois organiques qui concernent le Sénat, les pouvoirs de ce dernier sont équivalents à ceux de l’Assemblée nationale.

Est-ce justifiable démocratiquement ? Ne peut-on légitimement évoquer une anomalie démocratique ? La souveraineté populaire indirecte peut-elle avoir le même poids que la souveraineté populaire directe ? Un vrai débat sur cette question devrait enfin avoir lieu.

De plus, la part encore dominante des sénatrices et des sénateurs élus selon le mode de scrutin majoritaire favorise, en lien avec le caractère indirect de l’élection, une certaine « notabilisation » de la fonction.

M. Ladislas Poniatowski s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

En effet, c’est la proportionnelle qui garantit le pluralisme, le renouvellement, le rajeunissement et la parité.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Je m’arrêterai maintenant sur le contexte politique particulier de notre débat et sur un paradoxe qui, je l’espère, n’échappera à personne.

C’est au Sénat depuis 2011 que le débat politique est le plus dynamique. C’est au Sénat que la confrontation des idées apparaît plus fortement, notamment au sein de ce qu’il est convenu d’appeler « la majorité présidentielle ».

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

C’est aussi au Sénat – et cela date d’avant 2011 – que l’opposition pèse le plus.

Ainsi, est-ce dans l’assemblée qui, de toute évidence, ne dispose pas de la plus grande proximité avec le peuple, qui ne dispose pas, il faut le dire, de la plus grande légitimité démocratique, que semblent se retrouver dans des proportions plus proches de la réalité les différentes forces politiques françaises.

L’absence absolue de représentation proportionnelle, combinée avec l’inversion du calendrier qui place les élections législatives sous la tutelle directe de l’élection présidentielle, bloque le débat démocratique au Palais-Bourbon, dominé par le parti du Président, quel qu’il soit.

À l’Assemblée nationale, nous avons l’image du Parlement dans le cadre d’un régime semi-présidentiel ; et au Sénat, nous avons l’image d’un Parlement dans le cadre d’un régime parlementaire puisant sa force du pluralisme et de la richesse du débat.

Les sénateurs du groupe CRC, ainsi bien évidemment que les sénatrices

Ah ! sur les travées de l'UMP et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Il était nécessaire d’effectuer ce rappel pour comprendre l’attitude de mon groupe. Nous ne nous satisfaisons aucunement de la situation actuelle qui confère de fait la primauté du débat démocratique à l’assemblée qui n’est pas élue au suffrage universel direct.

Remettre la démocratie à l’endroit, restaurer le pouvoir du peuple et de ses représentants face aux marchés, exige bien entendu que soient prises d’autres dispositions qu’une modification, même radicale, du mode de scrutin. Je l’ai déjà indiqué, il faut redonner le pouvoir budgétaire au Parlement, conformément à l’esprit et à la lettre de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Il faut permettre une véritable maîtrise de l’ordre du jour par le Parlement, ce qui commence par donner du temps à l’élaboration législative.

L’organisation des semaines de travail parlementaire par la révision de 2008 est – disons-le ! – un échec. Je saisis l’occasion qui m’est offerte par notre discussion pour rappeler l’urgence d’une modification du calendrier parlementaire.

Au nom de l’exercice de son pouvoir de contrôle en fait bien significatif, le Parlement ne dispose pas du temps nécessaire pour débattre efficacement et démocratiquement des initiatives du pouvoir législatif. La précipitation est de mise face à l’inflation législative, qui nuit, de manière évidente, à la démocratie.

Pourquoi était-il possible, il y a quelques années, d’avoir de grands débats, longs si nécessaire, qui permettaient d’aller au fond des choses, alors que, aujourd’hui, au bout de quelques jours de débats non anticipés par le Gouvernement, celui-ci se sent obligé d’imposer le vote bloqué pour respecter le calendrier, ou plutôt son calendrier ?

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Au-delà du mode de scrutin, il reste beaucoup à faire pour redonner un souffle démocratique à nos institutions. Ces deux exemples l’attestent.

Le texte qui nous est proposé ne répond pas, bien sûr, à toutes ces interrogations. Cependant, en faisant le choix d’abaisser le seuil d’application de la proportionnelle aux départements qui élisent trois sénateurs et plus, le Gouvernement va dans le sens d’un renforcement du pluralisme et du renouvellement.

Ce texte permettra également de progresser vers la parité. Je salue, à cette occasion, l’excellent travail effectué par mon amie Laurence Cohen au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Avec la délégation, elle propose des améliorations que le groupe CRC soutiendra, bien évidemment. Je pense, en particulier, à l’amendement important qui permettrait d’imposer une forme de parité entre titulaire et suppléant, dans les départements encore soumis au mode de scrutin majoritaire. À mon sens, le Sénat pourrait adopter cette disposition à l’unanimité.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

En effet, même les partisans indéfectibles du scrutin majoritaire ne peuvent contester l’utilité d’une telle mesure pour promouvoir la parité.

Nous approuverons donc ce texte, mais en émettant une forte réserve, relative au collège électoral.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Tout en restant dans le cadre d’un scrutin indirect – nous ne changerons pas la Constitution aujourd’hui –, il apparaîtrait utile d’élargir le collège sénatorial, pour permettre une plus grande légitimité démocratique.

Nous n’étions pas favorables à un changement qui se serait opéré par le biais d’une plus forte représentation des conseils régionaux et généraux. En effet, cela n’aurait pas amélioré le pluralisme. Nous estimons plutôt nécessaire, dans le cadre imposé aujourd’hui, de préserver la représentation sur une base communale, qui nous semble la meilleure garantie d’une juste représentation des territoires dans le cadre d’un scrutin indirect.

En 1999, le Conseil constitutionnel avait censuré la disposition instaurant le principe d’un délégué par tranche de 300 habitants pour l’ensemble des communes. Il avait fondé sa décision sur la trop forte représentation en dehors des conseillers municipaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Nous proposons aujourd’hui de reprendre le chiffre initial du projet défendu par Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de l’intérieur, permettant la désignation d’un délégué pour 500 habitants. Il me semble que ce chiffre permettrait de revenir dans le cadre fixé par le Conseil constitutionnel. De toute manière, une jurisprudence du Conseil constitutionnel n’empêche aucunement le Parlement de voter une nouvelle loi, qui sera soumise à nouveau au Conseil constitutionnel.

Aussi, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe communiste républicain et citoyen votera-t-il le projet de loi…

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Mme Éliane Assassi. … dans le cadre de la crise démocratique que nous vivons aujourd’hui, mais avec la certitude que la marche vers la proportionnelle est la seule voie pour garantir une représentation plus démocratique et paritaire.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur quelques travées du groupe socialiste.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

M. Yves Détraigne . Je vous remercie par avance de votre approbation, mes chers collègues.

Sourires sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de débuter mon propos par une question adressée à M. le ministre : pourquoi le Gouvernement n’a-t-il pas inscrit le projet de loi dans le cadre de l’ordre du jour qui lui est réservé par priorité ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Ce texte, dont chacun mesure ici la portée éminemment politique, a connu des débuts difficiles. En effet, le 10 mai dernier, François Rebsamen a demandé – c’était tout à fait son droit – le report à aujourd’hui de l’examen du projet de loi relatif à l’élection des sénateurs. Si ce report était juridiquement possible, il n’en était pas moins inattendu, et je dirais même surprenant. Nous ne pouvons pas nous empêcher de nous demander la raison d’une telle décision. Quand on sait que la commission des lois n’a pas pu adopter de texte faute de majorité, cette question semble trouver réponse.

À cela s’ajoute le fait, comme je l’évoquais précédemment, que ce texte d’origine gouvernementale est examiné dans le cadre d’une semaine sénatoriale de contrôle, au sein de l’ordre du jour réservé au groupe socialiste, et non pas, comme cela aurait dû être le cas, dans l’une des semaines réservées par priorité au Gouvernement.

Chacun le sait, il n’est pas question de se prononcer sur ce texte dans un délai de quatre heures. L’ordre du jour réservé au groupe socialiste est donc insuffisant. C’est la raison pour laquelle la dernière conférence des présidents a fini par lever le suspense, en fixant la fin de son examen au mardi 18 juin.

Quel est l’intérêt de commencer volontairement l’examen d’un projet de loi un jeudi, sur le temps sénatorial, pour le terminer un mardi après-midi, sur le temps gouvernemental, alors que nous avons des propositions de loi à examiner ?

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Nous devons nous poser certaines questions importantes : quelle est la raison d’être de ce texte ? Est-il nécessaire de modifier le mode de scrutin applicable aux élections sénatoriales ?

Désigner un délégué supplémentaire par tranche de 800 habitants dans les communes de plus de 30 000 habitants et abaisser le seuil au-delà duquel les sénateurs sont élus au scrutin proportionnel sont deux choix purement politiques, je serais même tenté de dire qu’il s’agit de choix politiciens.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

M. Yves Détraigne. En réalité, l’objectif est très clair, même si on ne peut, naturellement, en trouver trace ni dans l’exposé des motifs du projet de loi ni dans son étude d’impact : il s’agit, monsieur le ministre, de conserver à tout prix la timide majorité que vous avez obtenue lors du dernier renouvellement sénatorial.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Pour atteindre cet objectif en septembre 2014, vous avez plusieurs possibilités.

Tout d’abord, il vous faut éviter à tout prix d’avoir à affronter des échéances électorales locales d’ici à septembre 2014. En effet, vous pouvez redouter l’attitude des électeurs après deux ans au pouvoir. En la matière, le calendrier de l’année 2014 laissait place à toutes les possibilités, puisque de très nombreux scrutins devaient avoir lieu : élections municipales, départementales, régionales et européennes. Pour ces dernières, le Gouvernement n’a pas de marges de manœuvre.

Pouvait-il reporter les municipales, dont on connaît l’importance avant un scrutin sénatorial ? Cela semble avoir été envisagé un temps. Heureusement, cette idée a été abandonnée. Ne restaient plus que les élections cantonales et régionales. Leur sort a été réglé, puisque la loi du 17 mai 2013 les a reportées à mars 2015.

Ensuite, il vous faut modifier le mode de scrutin sénatorial, en espérant en tirer profit.

Ces arrangements électoraux ont déjà largement été engagés par le Gouvernement, puisque la fameuse loi du 17 mai 2013 que j’évoquais à l’instant a, elle aussi, modifié les règles applicables, en instaurant le non moins fameux « binôme paritaire » aux élections cantonales, ce que j’ai présenté dans mon département en utilisant l’expression de « double mixte ».

Sourires sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Les élections municipales ont également donné lieu à des arrangements électoraux, en l’occurrence moins d’un an avant le scrutin, ce qui est contraire à l’usage républicain. Et que dire de l’élection municipale à Paris, que le Conseil constitutionnel a rendue impossible sans l’adoption d’un nouveau texte ? Or ce vote ne pourra avoir lieu que quelques mois seulement avant l’élection.

Bref, la matière électorale nous occupe déjà très largement depuis le début de cette législature, et cela semble bien parti pour durer. C’est sans doute une priorité pour nos concitoyens, victimes de la crise et du chômage.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Aujourd’hui, les modes de scrutin pour l’ensemble des élections nationales – à l’exception de l’élection présidentielle – et territoriales ne sont fixés ni par la Constitution ni par la loi organique. En clair, avec la prééminence institutionnelle de l’Assemblée nationale, un parti qui dispose de la majorité absolue des députés peut, à lui seul, modifier tous les modes de scrutin qui structurent notre démocratie, contre l’avis du Sénat et des autres forces politiques du pays.

Cette situation pose, me semble-t-il, un véritable problème démocratique : le parti qui obtient la majorité absolue à l’Assemblée nationale peut alors être tenté, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

… comme c’est le cas en ce moment, de modifier l’ensemble des modes de scrutin nationaux et territoriaux pour asseoir son pouvoir à tous les niveaux de notre démocratie.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Il n’est pas acceptable qu’une seule formation politique puisse modifier à elle seule les règles électorales à quelques mois des élections.

C’est pour cette raison que le groupe UDI-UC a déposé, il y a quelques semaines, une proposition de loi constitutionnelle tendant à faire en sorte qu’un seul parti ne puisse plus imposer au pays une réforme des modes de scrutin contre l’avis de toutes les autres formations politiques, à moins qu’il ne dispose d’une majorité des trois cinquièmes des membres de chacune des chambres du Parlement.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Il était temps d’y penser ! C’est drôle !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Revenons à ce projet de loi ; que se passerait-il s’il n’était pas adopté par le Sénat ? Constitutionnellement – et sauf erreur de ma part –, puisqu’il s’agit d’une loi ordinaire, l’Assemblée nationale pourrait parfaitement avoir le dernier mot, même sur une modification du mode de scrutin sénatorial.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

La question n’est donc pas juridique, elle est politique : que déciderait le Gouvernement si la Haute Assemblée rejetait ce texte ?

Venons-en au fond. Je souhaite partager avec vous, mes chers collègues, l’expérience que j’ai pu avoir du scrutin de liste proportionnel dans un département élisant au moins trois sénateurs, que ce texte tend à réintroduire. En 2001, dans la Marne, la liste de trois candidats que je conduisais, à un moment où le scrutin était le même que celui proposé par le projet de loi, avait remporté tous les sièges.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Nous avons récidivé en 2011, alors que le scrutin était redevenu majoritaire, preuve, s’il en est, que c’est d’abord l’implantation territoriale qui compte, avant tout calcul politicien.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Le développement de la proportionnelle pousse au calcul politicien.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

M. Yves Détraigne. Je ne suis donc pas certain – je le regrette presque pour vous – que cette nouvelle tentative de sauver une majorité

Applaudissements sur les travées de l'UMP . – Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

… en modifiant le mode de scrutin ait beaucoup de succès.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

J’ai même pitié de vous, mes chers collègues !

Enfin, nous sommes également opposés à la désignation d’un délégué supplémentaire par tranche de 800 habitants, au lieu de 1 000 habitants, dans les communes de plus de 30 000 habitants. Il est impensable d’adopter cette disposition sans en connaître les conséquences précises. L’étude d’impact prévoit environ 3 000 délégués en plus. Comment se répartiront-ils dans chaque département ?

Mon collègue Michel Mercier, qui aurait dû intervenir à ma place, le rappelait en commission : les délégués supplémentaires du Rhône passeraient de 600 à plus de 800 et représenteraient un quart du collège. Constitutionnellement, c’est contestable.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

En 2000, le Conseil constitutionnel a rappelé que le corps électoral devait être essentiellement composé de membres d’assemblées délibérantes des collectivités. Or, désormais, les 800 délégués non élus locaux seraient en mesure d’élire deux sénateurs. Dans ces conditions, il faudrait arrêter de prétendre que les sénateurs représentent les collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre groupe ne peut soutenir cette réforme.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

M. Yves Détraigne. Pour vous en convaincre un peu plus, Hervé Maurey vous présentera, au nom du groupe UDI-UC, la motion tendant à opposer la question préalable.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP . – M. Gilbert Barbier applaudit également.

Ah ! su r les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le ministre, vous nous avez dit que le Sénat était la chambre des collectivités territoriales. Vous avez raison, et nous saurons bientôt vous rappeler ces propos.

Vous avez débuté votre intervention par une ode au bicamérisme. Nous saurons aussi vous le rappeler bientôt.

Vous avez cité l’article 24 de la Constitution. Nous saurons, avec vous, le réciter longuement.

Le vrai moyen d’être attaché au bicamérisme, c’est de ne pas transformer la Haute Assemblée en pâle copie de l’Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Le vrai moyen de conforter le bicamérisme, c’est de lui garder ce qui a fait son essence : sa qualité de chambre de réflexion, qui permet, n’en déplaise à notre excellente collègue Éliane Assassi, de tempérer les excès des députés et du parti dominant, quel qu’il soit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. C’est aussi de conserver au Sénat son rôle essentiel de représentant des collectivités territoriales, donc des territoires. C’est d’avoir ici, dans cet hémicycle, des élus responsables d’un exécutif local.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC . – M. Gilbert Barbier applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. Je le dis, le projet de non-cumul au Sénat est une imposture pseudo-démocratique.

Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Le vrai progrès démocratique sera d’empêcher dans la loi, en adoptant nos amendements futurs, le parachutage électoral.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

De la même manière, si vous parvenez à vos fins, il faudra que les maires et les présidents d’un exécutif local démissionnent un an avant d’être candidats à l’Assemblée nationale ou au Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. Voilà qui devrait réfréner certaines ardeurs…

Sourires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Mes chers collègues, ne nous cachons pas derrière des paravents, le fondement de ce texte est bien connu : chaque majorité veut rester majoritaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le ministre, vous agissez en la matière comme tous vos prédécesseurs ont agi, y compris l’ancienne majorité. Faut-il rappeler la création des députés représentants les Français établis hors de France, avec le succès que l’on connaît ?

Sourires sur les travées du groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. Je pourrais également évoquer les nouveaux sièges de sénateurs institués en 2008 dans de toutes petites îles, certes très respectables, à la seule fin de conforter la majorité sénatoriale de l’époque.

Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste . – Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Pour notre part, nous ne voulons pas que les conseils généraux et les conseils régionaux fabriquent de nouveaux grands électeurs. Nous sommes totalement opposés au projet, défendu par la délégation aux droits des femmes, d’appliquer le scrutin proportionnel dans les départements qui élisent deux sénateurs ; autant dire qu’il y aurait alors une sénatrice UMP et un sénateur PS ou un sénateur UMP et une sénatrice PS dans chaque département !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Il n’y aurait plus besoin d’élections !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je ne crois pas que ce soit le bon chemin vers la démocratie.

Quelles que soient nos attaches partisanes, nous sommes tous ici – du moins, je l’espère – attachés au bicamérisme et donc au Sénat de la République. Tous, mais certains peut-être plus que d’autres...

Cette évidence n’est autre que la conception de la démocratie représentative héritée des grandes figures de la IIIe République, dont la plupart ont appartenu au groupe que j’ai l’honneur de présider. Mais ce n’est pas une évidence pour tout le monde… Faut-il rappeler qu’un ancien Premier ministre avait en son temps osé qualifier notre institution d’anomalie de la République ? Comme si une assemblée démocratiquement élue devait être supprimée parce qu’elle a toujours refusé d’être un supplétif du pouvoir exécutif ! Elle serait en quelque sorte supprimée pour défaut de consentement. Il est des chemins qu’il ne faut point emprunter.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Aujourd’hui encore, des esprits malins, ou qui se considèrent comme tels, se plaisent à rivaliser d’une fausse audace pour imaginer faire disparaître le Sénat, par exemple en le fusionnant avec le Conseil économique, social et environnemental.

Sourires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Cette idée est reprise aujourd'hui par des députés de la majorité ou de l’opposition irrités par un Sénat indépendant, frondeur et moins inféodé aux appareils des partis politiques. Combien de fois faudra-t-il rappeler que les groupes politiques sont antérieurs aux partis politiques ?

Mes chers collègues, n’oublions pas non plus le rapport sur la rénovation de la vie politique commis par le même ancien Premier ministre, dont les conclusions ne confortent guère notre assemblée. Mais pourquoi autant d’acharnement à notre égard, surtout que le Sénat a depuis fait la preuve que l’alternance y était aussi possible ?

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est évident que de telles attaques dénotent une incompréhension de notre système institutionnel tel que l’a voulu le constituant de 1958, mais tel aussi qu’il avait été conçu dès les lois constitutionnelles de 1875. Notre système parlementaire repose sur l’idée que le bicamérisme est indispensable, d’une part, pour pondérer les éventuels excès de la majorité de l’Assemblée nationale, surtout quand un seul groupe dispose de la majorité absolue à lui seul, et, d’autre part, pour s’assurer que le temps nécessaire à la réflexion aura été pris pour voter des lois a priori correctement rédigées.

Mais, surtout, le bicamérisme induit nécessairement que se noue un dialogue, que s’échangent des arguments qui vont nourrir un débat public consubstantiel à la démocratie, en tout cas celle à laquelle nous sommes attachés. En outre, le Sénat assure la continuité du Parlement par-delà les soubresauts, que l’on sait parfois versatiles, de l’opinion des électeurs. Nous n’avons ici rien inventé, puisque Montesquieu relevait déjà, après avoir observé le système institutionnel anglais, que le fait pour chaque chambre d’avoir la faculté d’« empêcher » l’autre participait de la séparation et de la pondération des pouvoirs.

Ces éléments nous conduisent à plaider pour que le Sénat, reconnu pour la qualité de ses travaux et son approche plus approfondie des sujets, continue à prendre toute sa place dans notre République. En tant que représentant des collectivités territoriales de la République au titre de l’article 24 de la Constitution, notre Sénat repose sur une légitimité différente de l’Assemblée nationale, sans pour autant lui être inférieure.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

C’est là que réside tout l’enjeu de la modernisation de notre institution.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Comment conforter notre légitimité et notre représentativité sans nous transformer en simple clone de l’Assemblée nationale, auquel cas il faudrait renoncer au bicamérisme ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Il est évident que si nous adoptions un système électoral trop proche de celui des députés, le bicamérisme s’en trouverait considérablement diminué. Non seulement la voix des collectivités et des territoires serait noyée dans le brouhaha de l’agitation médiatique, mais le pluralisme qui s’attache à des modes d’élection différents deviendrait également illusoire.

Monsieur le ministre, la lettre de l’article 24 de la Constitution est pourtant claire : le Sénat est une assemblée parlementaire de plein exercice, qui représente la nation tout entière, à l’instar de l’Assemblée nationale, et incarne comme elle la souveraineté nationale. Notre légitimité n’est donc pas discutable. Le fait qu’elle procède d’une autre logique, celle du suffrage universel indirect, justifie un bicamérisme inégalitaire, le dernier mot étant accordé aux députés en cas de désaccords entre les deux chambres.

Si les députés procèdent directement des électeurs, nous procédons, pour notre part, des collectivités territoriales, de toutes les collectivités territoriales, dans leur diversité géographique et démographique comme dans leur pluralisme. S’il ne saurait y avoir de sénateurs des villes ou de sénateurs des champs, il ne saurait non plus y avoir de sénateurs « hors sol », élus sur leurs seuls mérites de bons militants disciplinés, patients et assidus aux réunions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

C’est vrai, ils ne sont pas toujours assidus. De plus, ils ignorent souvent les réalités du terrain et les questions auxquelles sont confrontés nos élus.

C’est cette dérive que nous voulons et devons éviter. Il y va de la crédibilité de notre institution, de la qualité de ses travaux, à commencer par son expertise sur les collectivités territoriales.

Pour le dire clairement, nous ne voulons pas d’un Sénat d’apparatchiks, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

… de professionnels de la politique qui deviendraient parlementaires par l’onction du scrutin proportionnel sans jamais avoir siégé dans un conseil municipal ou s’être frottés à la gestion quotidienne d’une collectivité. Nos électeurs, les élus locaux de France, ne le souhaitent pas davantage !

Nous ne voulons pas que la voix des territoires fragiles, du rural comme de l’urbain, déjà peu audible en ces temps de tarissement des finances locales, devienne un simple bruit de fond auquel on ne prêtera plus guère attention. Ces territoires ont besoin d’être représentés par des sénateurs qui savent de quoi ils parlent !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Il est vrai que notre assemblée a déjà su se moderniser par le passé, même s’il avait fallu quelque peu forcer le mouvement contre une certaine inertie conservatrice. La réforme de 2003 avait pris acte, avec retard, de la nécessité d’accorder la composition du Sénat avec les nouvelles réalités démographiques de notre pays. Elle avait également raccourci le mandat de neuf à six ans pour se mettre au diapason d’une certaine idée de la modernité démocratique.

Auparavant, en 2000, le législateur avait déjà abaissé le seuil d’application du scrutin proportionnel aux départements élisant trois sénateurs – il ne s’agit pas d’une réforme considérable, puisque le dispositif envisagé par le présent texte a déjà existé – et avait imposé la parité sur les listes de candidats.

Pour notre part, nous ne sommes a priori pas hostiles à toute rénovation du mode de scrutin sénatorial, à condition que certaines limites ne soient pas franchies. Nous n’oublions pas que les changements de mode de scrutin ont, dans l’histoire électorale, rarement favorisé ceux qui les avaient initiés.

Sourires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Cela n’empêche pas les uns ou les autres de continuer.

En tout état de cause, il importe d’abord que la voix de l’ensemble des territoires de la République puisse être suffisamment entendue dans notre hémicycle. Ce sera le sens de l’un de nos amendements.

À cet égard, nous resterons attentifs à ce que l’augmentation du nombre de délégués des conseils municipaux n’ait pas pour effet d’amenuiser encore ce qui reste du poids politique des territoires les plus en difficulté, en particulier dans les zones rurales.

M. Bruno Sido approuve.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Nous serons encore plus attentifs à ce que la représentation des départements et des régions au sein du collège électoral ne prenne pas un poids disproportionné, qui reviendrait à disqualifier celle des petites communes. Après l’instauration du binôme et l’adoption du remodelage de la carte cantonale, il s’agirait là d’un coup fatal porté contre elles et, par ricochet, contre les populations qui y vivent par choix ou par obligation.

Il importe également que le Sénat donne une représentation fidèle de ce que sont les territoires de la République. Nous ne sommes évidemment pas opposés par principe à la parité. S’il n’est pas normal que la moitié de la population française peine autant à accéder aux responsabilités, qu’elles soient politiques, économiques ou sociales, nous sommes aussi très attachés à la valeur républicaine du mérite.

Vives exclamations sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

C’est pourquoi nous estimons excessif de vouloir imposer partout et à tout prix la parité, comme si c’était en réalité le seul objectif poursuivi de bien des politiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Nous nous méfions de l’aspiration de certains à ne vouloir analyser la société qu’au travers d’un prisme « genré », comme il faudrait le dire maintenant.

Nous avons hérité des Lumières une conception abstraite du citoyen, qui n’est qu’un individu doté de raison, quelles que soient ses particularités. Nous ne pouvons donc pas souscrire aux recommandations de notre délégation aux droits des femmes, dont les conséquences n’ont pas été évaluées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Nous pensons en particulier à la recommandation n° 3. Comme je l’ai souligné, instaurer la proportionnelle dans les départements élisant deux sénateurs reviendrait à attribuer d’office un sénateur et une sénatrice aux deux grands partis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Dans ce cas, plus besoin de débat, de campagne et d’élection.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. Il suffira de convaincre dans son parti pour être élu. Ce n’est pas raisonnable ! De plus, il est contradictoire de réclamer la proportionnelle partout tout en faisant en sorte qu’il n’y ait plus que les deux grands partis représentés.

Protestations sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Autre point auquel nous tenons : le pluralisme. La Ve République est, hélas ! ainsi faite qu’elle institutionnalise le fait majoritaire et la domination d’un grand parti dans chacun des deux blocs politiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Nous faisons partie de ceux qui refusent cette approche strictement binaire et bipartisane de la vie politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Nous ne pourrons donc pas vous suivre dans cette direction. Nous soutenons très simplement, et notre opinion n’est pas arrêtée à cet égard, tout ce qui laisse une liberté de choix aux électeurs, grands électeurs compris, et qui ne place pas les seuls partis dominants en position d’arbitre. Cela va dans le bon sens, celui de la République !

Nous serons à l’écoute des arguments et des amendements des uns et des autres. Nous prendrons donc notre décision à l’issue des débats, conformément à ce que je viens d’exposer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je souhaite – c’est même plus qu’un souhait, monsieur le ministre ! – que, lors de l’examen des prochains textes dont nous serons saisis, notre voix soit entendue.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. Faisons en sorte que nos travaux au sein de la Haute Assemblée puissent continuer à être l’expression d’un véritable bicamérisme !

Applaudissements sur les travées du RDSE et de l'UDI-UC, ainsi que sur quelques travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous devons discuter aujourd’hui de notre propre élection.

Il est toujours difficile d’être juge et partie, et les réactions que j’ai entendues préalablement à mon intervention le prouvent. Toutefois, justement, ce paradoxe aurait pu nous permettre d’imaginer un autre Sénat, plus proche des citoyens et des citoyennes.

Pourquoi n’avons-nous pas imaginé une élection du Sénat au scrutin direct ? §Les bienfaits du bicamérisme n’en seraient pas amoindris. Ils en seraient même renforcés, puisque les citoyens et les citoyennes s’impliqueraient d’avantage dans les débats.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

… et qu’il m’est donc permis de m’exprimer ainsi, même si nous n’en avons pas les moyens financiers.

Avec un scrutin direct, les citoyens pourraient mieux comprendre le fonctionnement du Parlement et les médias donneraient une meilleure couverture à notre élection et, surtout, à nos travaux. Une telle réforme apporterait également une réponse au problème du rééquilibrage des délégués sénatoriaux non élus au profit des communes les plus peuplées.

Comment, me direz-vous, préserver dans ce cadre l’idée d’une chambre des territoires ? Peut-être en organisant le scrutin à une échelle régionale, ce qui aurait pour effet de transformer la Haute Assemblée en chambre des régions.

Il faudrait alors revoir la part écrasante que représentent les délégués des conseils municipaux dans le corps électoral. Ils représentent en effet près de 96 % de celui-ci, alors que les régions et les départements réunis n’en représentent que 3, 8 %.

De toute façon, même dans la réalité actuelle, il nous faut rééquilibrer ce système, non pour défavoriser les communes, mais bien pour donner une place méritée à ces deux échelons essentiels de notre organisation que sont les régions et les départements. Vous remarquerez au passage que, pour une fois, je défends ces derniers…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

L’interprétation de la Constitution par le Conseil constitutionnel nous interdit, pour l’heure, un tel rêve. Néanmoins, rien n’interdit d’imaginer une modification constitutionnelle qui ouvrirait cette possibilité.

Je constate également que les députés font partie du corps électoral, dont ils représentent 0, 4 %, et qu’une majorité des sénateurs sont électeurs en raison de leurs mandats locaux. Dans un souci de cohérence, il faudra s’interroger sur le retrait des députés du corps électoral ou sur l’inclusion des sénateurs et sénatrices sans autres mandats locaux dans celui-ci. C’est l’objet d’amendements dont les dispositions retiendront certainement notre attention durant une bonne partie de la discussion de ce texte.

J’en viens maintenant à l’objectif, louable, affiché par l’exécutif d’élire plus de sénatrices par le recours accru à l’élection proportionnelle.

Force est de constater que, pour atteindre la parité dans cette assemblée, et si nous ne faisons pas preuve d’un peu plus de volontarisme, il faudra attendre de nombreuses élections. Il ne s’agit pas seulement de respecter la Constitution, mais de réparer une injustice sociale qu’il est bien difficile d’expliquer à nos filles et petites-filles en ce début du XXIe siècle.

Pourquoi, aujourd’hui, les femmes politiques restent-elles dans leur territoire, certes plus vaste que la domus de la Rome antique, et ne trouvent-elles pas la voie républicaine qui leur permettrait d’arriver jusqu’à ce palais ? Est-ce lié à leur timidité naturelle, à leur pudeur ancestrale, à leur faiblesse chromosomique ou à la nature intrinsèque d’êtres dominés, soumis, que leur attribue la société et dans laquelle elles sont encore éduquées ?

Sont-elles vraiment responsables de ce plafond, non pas de verre, mais de fer, qui empêche que la représentation des territoires soit à l’image de la population qui les compose ?

Pourtant, nous sommes des élus indirects, présélectionnés par nos partis à la suite d’accords plus ou moins visibles, ce qu’on ne manque pas de nous reprocher. Dès lors, la composition de notre assemblée devrait être exemplaire, au moins lors de la présentation des candidats et candidates qui précède les mystérieux aléas du vote. La parité, dès ce moment, devrait être un réflexe de légitimité, non une obligation constitutionnelle.

Toutefois, il règne ici une misogynie ambiante, feutrée et souvent niée. Je l’ai découverte en arrivant dans cet hémicycle et j’en ai été extrêmement étonnée, au point que je ressortirai sans doute du Sénat plus féministe que j’y suis entrée.

Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

M. Jean-Pierre Raffarin. Il faut changer de groupe, madame !

Sourires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

Je n’en ai vraiment pas envie, monsieur Raffarin, car chez les Verts, au moins, il y a plus de femmes que d’hommes.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

Cette misogynie, entretenue sans doute par les représentations statufiées ou peintes qui nous entourent, nous empêche d’être les bons élèves de la parité.

Est-ce parce que nos citoyens et concitoyennes ne prennent pas part à notre élection que nous sommes si frileux, voire si frileuses ? L’enjeu de ce texte ne devrait pas être seulement celui d’une meilleure représentation de la moitié de notre population, mais bien celui de l’implication démocratique des citoyennes.

Nous vous proposons donc trois amendements visant à progresser un peu plus vite vers la parité et la diversité politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

Nous aurions pu, au regard de mes propos précédents, en proposer bien davantage, mais je ne souhaitais pas importuner encore plus notre assemblée.

Comme vous le constaterez, nous vous proposons de reprendre les dispositions adoptées dans le cadre de l’élection des conseillers départementaux, ce scrutin unique, que le monde nous envie.

Rires sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

C’est un scrutin dont il nous a été martelé qu’il était le seul et l’unique moyen de parvenir à la parité. Je veux bien entendu parler du scrutin binominal paritaire ! Si cette affirmation, rabâchée contre nos arguments visant à intégrer plus de proportionnalité, correspond à l’opinion du Gouvernement, je suis persuadée que M. le ministre me suivra dans cette proposition de scrutin binominal appliqué aux départements où sont élus deux sénateurs. Cela ferait, enfin, progresser la parité !

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

Pour ma part, je propose de l’appliquer aux départements où sont élus deux sénateurs, qui sont au nombre de 42, ce qui entrainerait l’élection de 21 femmes au scrutin binominal paritaire. Le pourcentage de femmes au Sénat augmenterait de six points, ce qui n’est tout de même pas énorme.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

Mme Hélène Lipietz. Il s'agit d’un effort modéré, mais indispensable. En effet, dans la rédaction actuelle du projet de loi, si tous les partis – j’insiste sur ce point – mettent en tête de liste des hommes, la progression du nombre de femmes au Sénat sera nulle.

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

J’en viens à notre deuxième amendement, qui est bien plus complexe. Il vise la parité nationale des têtes de liste sur l’ensemble des départements où l’élection a lieu au scrutin de liste proportionnel. Il assurerait ainsi que, sur les trois élus, deux ne soient pas systématiquement des hommes, ou trois sur cinq pour les départements élisant cinq élus. En effet, finalement, la parité n’est réelle que pour les départements comportant un nombre pair de sénateurs.

Notre troisième amendement vise toujours à l’instauration du scrutin binominal, mais, cette fois, en ajoutant une dose de proportionnelle. S’il est adopté, dans les départements élisant trois sénateurs, deux d’entre eux seraient élus au scrutin binominal et le troisième serait désigné au scrutin de liste paritaire et proportionnel sur une liste nationale.

Ce système aurait le mérite de faire émerger une campagne sénatoriale nationale et, espérons-le, d’intéresser les citoyens non-élus à cette nouvelle élection particulière.

Pour finir, je tiens à saluer un amendement qui tend à mettre fin à un archaïsme ancien, qui voulait qu’un candidat puisse se présenter au second tour sans s’être présenté au premier.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste . – Mme Gisèle Printz applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collèges, on peut appréhender ce projet de loi comme un verre à moitié vide ou comme un verre à moitié plein.

On pouvait s’inquiéter de la volonté de certains, qui souhaitaient bouleverser complètement l’organisation des élections sénatoriales ; il s’agit d’ailleurs d’une idée récurrente et peu marquée politiquement, puisque, sous la précédente législature, la majorité de l’époque avait déjà souhaité procéder à un tel bouleversement.

Aussi, l’impression qui domine à lecture de ce projet de loi, plutôt modeste, est que le bon sens a fini par prévaloir et que ceux qui souhaitaient ainsi bouleverser l’organisation des élections sénatoriales, soit n’ont pas eu gain de cause, soit sont revenus à la raison.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Ce projet de loi n’a donc pas une portée considérable, et je voudrais pour ma part m’exprimer sur les deux modifications principales qui en résulteraient : l’une à laquelle je suis radicalement hostile, l’autre à laquelle je suis très favorable.

Celle à laquelle je suis très hostile consiste à modifier le nombre de délégués en fonction du nombre d’habitants des communes. Nous avons déjà connu un certain nombre de reculs du principe de la représentation des territoires. Il s’agirait là d’une petite régression supplémentaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Je précise bien que j’ai conscience que ce recul est limité : pour les communes les plus peuplées, on passe de la désignation d’un délégué par tranche de 1 000 habitants au-dessus de 30 000 habitants à un par tranche de 800 habitants. Toutefois, ses effets se cumuleraient avec le recul de la représentation des territoires ruraux qui est entraîné par le redécoupage des cantons, lequel aurait eu lieu également, il est vrai, si le conseiller territorial n’avait pas été abrogé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Je crois que ce n’est pas la peine d’en rajouter, et c’est la raison pour laquelle je ne voterai pas l’article 1er.

En revanche, je trouve l’apport des autres dispositions tout à fait positif.

Je le rappelle, certains sénateurs, avant les élections de 2001, s’inquiétaient fortement de l’instauration de la parité et du système proportionnel dans les départements élisant trois sénateurs. On avait l’impression que c’était la fin du monde !

Or, pour avoir été élu en 2001, je sais que l’arrivée des sénatrices dans cet hémicycle s’est tout à fait bien passée et que personne ici ne peut regretter qu’il y ait des femmes dans l’hémicycle.

Exclamations.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

… c’est en raison de l’instauration de la parité.

Si l’on dresse le bilan des élections de 2001, comme je l’avais fait à l’époque, on constate que les femmes élues, en moyenne, avaient dix ans de moins que les hommes et cumulaient trois fois moins de mandats.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Or je pense que la diminution du cumul des mandats, qui favorise le présentéisme, est très positive. De plus, on ne peut pas dire que les femmes qui composent cette assemblée sont moins compétentes ou travaillent moins bien que les hommes.

Exclamations.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

M. Jean Louis Masson. Je pense, pour ma part, que c’est une très bonne chose d’appliquer la parité dans les départements à trois sénateurs. De même, je considère comme très positive l’instauration de la proportionnelle dans ces départements. En effet, il n’est pas normal qu’un parti qui recueille 51 % des suffrages dans un département y obtienne les trois sièges de sénateur. Où est la démocratie ici ?

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Que l’on ne vienne pas nous dire, comme je l’ai entendu tout à l’heure, que c’est faire la place aux deux grands partis. C’est totalement faux ! Rien n’empêche le candidat indépendant d’être devant le candidat socialiste ou devant le candidat UMP, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

… comme je l’ai moi-même été aux précédentes élections.

Sourires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Je pense donc que non seulement la disposition en cause est positive, mais que l’expérience de 2001 montre qu’il en résulterait un pluralisme démocratique plus important. Ce type de dispositions empêche en effet le maire du chef-lieu de département de s’entendre avec le président du conseil régional, entrainant un blocage total de la respiration démocratique.

C’est la raison pour laquelle, à la différence du premier article que j’ai évoqué, je voterai bien volontiers les autres dispositions de ce projet de loi !

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes ravis de vous retrouver de nouveau sur ces bancs.

Nous sommes un peu gênés, pour vous et pour votre emploi du temps, que le Gouvernement vous envoie, semaine après semaine, défendre des réformes électorales dont personne ne veut réellement, y compris au sein de votre propre majorité.

Ne croyez pas que nous serions lassés de ces rendez-vous quasi hebdomadaires avec vous. Toutefois, les sujets dont nous avons à débattre sont vraiment répétitifs. En un an, nous avons eu droit au changement de seuil pour la proportionnelle aux élections municipales, à la modification des règles d’élection des conseillers intercommunaux, à la suppression des conseillers territoriaux, au rétablissement de la proportionnelle pour les conseillers régionaux, à la création baroque et sans équivalent au monde de binômes de conseillers départementaux « siamois » sur de très grands cantons.

J’ajouterai qu’il fallait beaucoup d’audace pour présenter au Parlement un projet de loi sexualisant les candidatures aux élections cantonales au moment même où vous défendiez un texte désexualisant le mariage !

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Sur l’initiative de votre majorité, l’Assemblée nationale a également eu à débattre du changement de mode de scrutin pour les élections européennes. N’en doutons pas, sous peu, vous reviendrez nous voir avec la proportionnelle pour les élections législatives.

Cet inventaire me fait penser à Marcel Pagnol qui, dans La Gloire de mon père, se souvenait des vieilleries que son père ramenait de chez les brocanteurs lorsqu’il revenait de « toucher son mandat » à la mairie. Il écrivait : « Un compas diviseur épointé (1 fr 50), […] une scie de chirurgien (2 fr), une longue-vue de marine où l’on voyait tout à l’envers (1 fr), un couteau à scalper (2 fr) ». Si Marcel Pagnol ne savait pas ce que son père pouvait faire d’une scie de chirurgien et d’un couteau à scalper, nous, monsieur le ministre, nous n’avons aucun doute de l’usage que vous en ferez !

Sourires et applaudissements sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Nous avons plaisir à vous voir, monsieur le ministre. Toutefois, quitte à nous rencontrer toutes les semaines, ne pourrions-nous pas plutôt discuter de sujets qui relèvent de votre responsabilité et pour lesquels nos concitoyens éprouvent des inquiétudes de plus en plus fortes ?

Il y a dans nos quartiers – et pas seulement dans les quartiers – des Français qui n’ont pas la même échelle de priorité que le gouvernement auquel vous appartenez. Il y a des Français qui ont du mal à percevoir l’urgence nationale qu’il y a à légiférer pour offrir aux élus socialistes des modes de scrutin sur mesure afin de contourner l’inévitable sanction des urnes !

M. Roger Karoutchi opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Ces Français, monsieur le ministre, comment voulez-vous qu’ils admettent que l’imagination de vos services ait été dévolue à changer les modes de scrutin plutôt qu’à trouver des solutions à la délinquance, qui a repris de plus belle ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Nous aurions aimé que vous fassiez preuve d’autant d’imagination pour lutter en faveur de l’emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

Et les contrats d’avenir ? Et les contrats de génération ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

M. Jean-Claude Gaudin. Malheureusement, une fois rangés la scie de chirurgien et le couteau à scalper, il n’y a plus de place dans votre fameuse « boîte à outils » pour d’autres ustensiles !

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Il est vrai, monsieur le ministre, qu’en matière d’inventivité électorale, vous avez de glorieux prédécesseurs, place Beauvau. Je pense, notamment, à celui que nous avons eu en commun, M. Gaston Defferre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Quelle ingéniosité ! C’est l’homme qui a inventé la loi dite « PLM », c'est-à-dire Paris, Lyon, Marseille, dont l’originalité a été de séparer les arrondissements parisiens, pour que les conseillers de Paris soient élus dans chacun des vingt arrondissements, et, dans le même temps, de regrouper par quatre, par trois, par deux les arrondissements marseillais – même si quelquefois il n’y en a qu’un seul –, sans aucune logique territoriale, afin de « noyer » les îlots de droite dans des secteurs de gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

M. Jean-Claude Gaudin. Il a fallu attendre 2001 pour que la loi Defferre profite aux socialistes à Paris. En effet, avec moins de 49 % des suffrages, Bertrand Delanoë a été élu maire de la capitale. Grâce à cette incongruité électorale, avec moins de voix que la droite, la gauche a obtenu vingt et un sièges d’avance au conseil de Paris.

Sourires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

En revanche, à Marseille, Gaston Defferre n’a pas eu à attendre vingt ans les bénéfices de cette entourloupe électorale. Grâce au scrutin de secteur, il a été réélu en 1983, bien que votre serviteur ait obtenu plus de suffrages que lui sur l’ensemble de Marseille !

Sourires sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

M. Jean-Claude Gaudin. Tout avait été bien pensé ! Dans les secteurs de gauche, le nombre des élus était impair, ce qui permettait d’arrondir à l’entier supérieur. Dans les secteurs de droite, le nombre des élus était pair, et l’on n’arrondissait « que dalle » !

Rires et applaudissements sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

J’ai vécu cette période, monsieur le rapporteur, ce qui m’autorise à faire ce rappel !

Cette parenthèse close, nous voilà donc de nouveau réunis avec vous, monsieur le ministre.

Le dépeçage des cantons n’est pas terminé – nous le savons tous –, que l’« équarrissage » du Sénat va débuter.

Sourires sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Il est vrai que le Sénat de la République est le trublion quotidien de votre majorité depuis un an. Il ne pouvait pas braver le Gouvernement plus longtemps sans encourir de sanction. Le Sénat, « enfin de gauche », symbole à vos yeux en 2011 de l’irrésistible marche vers le pouvoir du parti socialiste, se trouve être aujourd’hui votre premier opposant !

Tous les textes importants sont rejetés les uns après les autres : loi de finances pour 2013 ; loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 ; loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes ; loi relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral. Plus rarement, certains textes ont été adoptés, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

M. Jean-Claude Gaudin. … mais parce que le groupe UMP est venu à votre secours !

Sourires sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Je pense à la loi relative à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme, pour laquelle votre propre majorité vous faisait une fois de plus défaut.

Finalement, vous constaterez avec moi qu’il faut que les textes viennent de l’opposition pour qu’ils soient adoptés à l’unanimité par le Sénat !Je pense au référendum d’initiative partagée ou à notre proposition de résolution relative au respect des droits et libertés des collectivités territoriales.

Il fallait donc punir le Sénat : pour cela, vous avez fait appel au plus irréductible adversaire de la Haute Assemblée sous la Ve République, M. Lionel Jospin !

Lionel Jospin n’a jamais admis qu’une assemblée de la République puisse représenter les territoires. Seule la stricte démographie comptait à ses yeux. Quatorze ans après avoir qualifié le Sénat d’« anomalie démocratique », l’ancien Premier ministre poursuit son acharnement contre le Sénat et la ruralité.

En 2000, sa réforme du Sénat, qui visait à affaiblir la représentation des communes rurales, avait été censurée par le Conseil constitutionnel. Qu’à cela ne tienne ! Avec la même obsession, il reformule à l’automne les mêmes propositions au nom d’une commission ne comptant aucun élu : proportionnelle à partir de trois sièges et affaiblissement du poids des communes rurales dans le collège électoral sénatorial, en augmentant celui des départements et des régions.

À rebours de tous les principes constitutionnels, Lionel Jospin va jusqu’à proposer le vote plural. De quoi s’agit-il ? Tout simplement de donner des bulletins de vote de différentes valeurs – comme des jetons de casino ! §– aux grands électeurs, afin d’écraser la représentation de la ruralité.

Ici, tel maire rural aura une voix, et là, tel conseiller municipal en aura quinze ! Dieu merci, il n’y a pas eu un seul constitutionnaliste sérieux pour aller dans ce sens. Vous avez donc dû privilégier d’autres pistes pour façonner le Sénat à votre main. Ce fut l’extension de la proportionnelle à partir de trois sièges.

Quel impératif vous a-t-il animé ? La parité ? J’en doute !

Sourires sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Poursuivons. Si vous êtes réellement convaincu que ce mode de scrutin est le plus juste pour le Sénat, pourquoi n’êtes-vous pas allé jusqu’à appliquer la proportionnelle aux départements élisant deux sénateurs ? Pourquoi vous arrêter à trois sièges ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Tout simplement pour gagner sur le tapis vert un scrutin qui s’annonce d’ores et déjà difficile dans les urnes.

La proportionnelle à partir de deux sièges aurait défavorisé le parti socialiste, voilà pourquoi vous n’en voulez pas ! Car c’est dans cette strate de départements que vous réalisez vos meilleurs résultats. Faut-il que je cite les quinze départements où la majorité aurait tout à y perdre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

M. Jean-Claude Gaudin. Dans ces départements, je doute fort que vos élus auraient accepté, comme cela a été dit, d’offrir l’un des deux sièges à l’opposition. Dans ces départements, le pluralisme et la parité deviennent curieusement des objectifs moins immédiats...

Sourires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

En revanche, examinons les départements élisant trois sénateurs. Quelque 27 départements seront concernés par ce basculement vers la proportionnelle, dont 17 dès 2014. Or ce sont principalement des sénateurs de l’opposition qui seront affectés. En effet, sur les 51 sénateurs sortants concernés, on dénombre 27 UMP, 7 UDI-UC et un non-inscrit, soit 35 sénateurs de l’opposition, pour seulement 16 sénateurs de la majorité.

Ainsi, sur la seule série renouvelable en 2014, à collège électoral constant, la gauche gagnera mécaniquement 9 sièges et n’en perdra que 2.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Cela fait 7 sièges de plus pour la majorité et 7 sièges de moins pour l’opposition. Outre les 6 sièges de retard actuel, l’opposition entamera les élections sénatoriales avec un handicap mécanique de 14 sièges supplémentaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Avec la proportionnelle à partir de trois sièges, la majorité sénatoriale s’offre donc une marge de 20 sièges. Cela mérite d’être souligné !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Monsieur le ministre, ce seuil n’a aucun sens. Je vais vous en apporter la preuve.

Jusqu’au renouvellement de 1998, la proportionnelle ne s’appliquait qu’à partir de cinq sièges. Un tiers des sièges était donc renouvelé à la proportionnelle. La loi Jospin de 2000 a abaissé le seuil de la proportionnelle à partir de trois sièges. Seule la série B de 2001 fut renouvelée selon cette règle. Le rapport fut alors inversé. Trois quarts des sièges furent donc renouvelés à la proportionnelle.

Revenue au pouvoir en 2002, notre majorité aurait pu rétablir la proportionnelle à partir de cinq sièges.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Nous n’avons pas souhaité le faire, car il nous semblait qu’il fallait cesser cette bataille de modes de scrutin.

Nous avions donc proposé une loi de compromis, qui devait nous permettre de nous retrouver à mi-chemin des aspirations des deux camps.

En fixant le seuil de la proportionnelle à quatre sièges, nous avons atteint un juste équilibre, puisque la moitié des sénateurs – 52 % – sont élus à la proportionnelle et l’autre moitié – 48 % – au scrutin majoritaire. Ce compromis s’est appliqué aux renouvellements de 2004, 2008 et 2011. Ce seuil avait vocation à durer. Vous voulez aujourd’hui le briser sur l’autel de vos intérêts.

L’autre mesure de votre projet de loi est tout aussi insidieuse. Il s’agit de l’augmentation du nombre de délégués dans les communes de plus de 30 000 habitants.

La tentation de la gauche a toujours été de restreindre la part des communes rurales dans le collège électoral sénatorial.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La loi Jospin de 2000, censurée par le Conseil constitutionnel, proposait déjà une représentation purement démographique des communes. Chaque commune aurait désigné un grand électeur par tranche de 300 habitants. Ce système ubuesque aurait conduit à faire élire les sénateurs par un collège électoral majoritairement composé de délégués non élus, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

… jusqu’à 71 % du collège électoral dans certains départements d’Île-de-France.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La décision du Conseil constitutionnel s’était révélée protectrice pour la représentation de la ruralité, puisqu’elle a affirmé que le Sénat devait rester élu « par un corps électoral essentiellement composé de membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales ».

C’est cette décision que vous essayez de contourner, aujourd’hui, en proposant qu’un délégué supplémentaire soit désigné par tranche de 800 habitants dans les communes de plus de 30 000 habitants.

En tant que premier bénéficiaire – comme vous me l’avez fait remarquer, monsieur Kaltenbach –, le maire de Marseille ne devrait pas s’en plaindre. Sauf qu'il faudra compter aussi les élus du Front national…

Cela me donne, au contraire, plus de force pour vous dire que cette règle est injuste et pénalisante pour nos territoires ruraux. En procédant ainsi, vous augmenterez le collège électoral sénatorial de plus de 3 000 délégués supplémentaires, au bénéfice des 260 communes les plus peuplées.

Je vous le dis solennellement, dans la situation d’équilibre politique que connaît le Sénat aujourd’hui, il me semble hasardeux de modifier cette règle de compromis sans risquer d’entacher la sincérité du prochain scrutin sénatorial.

Le texte que vous proposez a été rejeté par la commission des lois de la Haute Assemblée. Passer en force ne serait pas acceptable.

S’agissant de l’élection des conseillers départementaux, il était choquant que le Gouvernement donne le dernier mot à l’Assemblée nationale sur un texte relatif aux collectivités territoriales, alors que le Sénat l’avait rejeté. Toutefois, passer en force à l’Assemblée nationale un projet de loi relatif au Sénat, contre l’avis de ce dernier, serait encore beaucoup plus grave.

Avant de conclure, monsieur le ministre, je voudrais faire appel au sens du dialogue qui a su jusqu’à présent être le vôtre dans de nombreuses circonstances. Comme Yves Détraigne, j’aimerais savoir si vous allez prendre l’engagement d’arrêter la navette au cas où le Sénat rejetterait ce texte en première lecture, comme l’a fait la commission des lois.

Enfin, en persistant à passer ce projet de loi, vous ne vous rendez pas service. Vous le savez, les électeurs sanctionnent toujours durement ceux qui manipulent les modes de scrutin.

Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Vous en avez fait l’amère expérience par le passé. Nous aussi !

Par ailleurs, en y réfléchissant bien, vous ne servez pas vos intérêts en tentant de maintenir, coûte que coûte et contre le sens du courant, le Sénat à gauche.

Le Gouvernement est battu sur tous les textes par sa propre majorité, sous le regard attentif de la presse qui ne manque pas de souligner les échecs que le Sénat vous inflige. Vous vous rendriez service à laisser le Sénat revenir à droite et au centre.

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Bien entendu, les textes continueraient d’être rejetés avec le même entrain ! Mais vous pourriez vous retrancher derrière le fait que le Sénat est dorénavant dans l’opposition. §

Si vous ne le faites pas par souci d’équité électorale, faites-le pour vous-même ! Renoncez à ce projet de loi, au nom de la solidarité gouvernementale, qui, à vous entendre, existe réellement, pour simplifier la vie de vos collègues au Parlement !

Sourires sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Les sénatrices et sénateurs du groupe UMP ne sont pas du tout favorables à un changement de mode de scrutin. Ils seront unanimes pour vous le dire !

Bravo ! et applaudissements prolongés sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

M. Jean-Pierre Michel . Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai été très sensible à la brillante intervention de M. Gaudin

Ah ! sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

M. Jean-Pierre Michel. Cependant, monsieur Gaudin, l'humour dont vous avez fait preuve dans votre intervention montre que ce texte ne mérite pas toute l’indignité dont vous le couvrez, même s'il ne faut non plus lui attribuer trop d'honneur !

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

En effet, cela a été dit, ce projet de loi est un petit texte, dont l’objet est très limité. Je me bornerai à faire quelques réflexions pour vous exposer la position du groupe socialiste, qui votera bien entendu ce texte.

Tout d'abord, rappelons, comme l’a fait mon excellent collègue Jacques Mézard, que le Sénat ne représente pas seulement les collectivités territoriales de la République. Il est aussi une assemblée politique à part entière qui représente, aux côtés de l'Assemblée nationale, l'ensemble de la Nation, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

… même si les modes de scrutin des deux chambres diffèrent.

À ce propos, je souhaiterais vous faire remarquer, madame Lipietz, que c'est dans le texte même de la Constitution qu’il est écrit que le Sénat ne peut pas être élu au suffrage universel direct. Néanmoins, peut-être voudriez-vous que la Constitution soit modifiée, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

… pour que nous passions à une sixième, septième ou huitième République ?

Cela étant dit, le bicamérisme, auquel je suis très attaché, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

… tout comme d'autres au sein du groupe socialiste, est le fondement même de notre régime parlementaire, même si, ou peut-être parce que, ce dernier est fortement amoindri par un système plus ou moins présidentiel. Pour reprendre l’expression de Maurice Duverger, nous vivons sous un régime semi-présidentiel, au sein duquel le pouvoir législatif doit peser fortement. C'est ce que nous essayons de faire ici au Sénat.

Depuis le début de la Ve République, notre assemblée a été très longtemps à droite, avant qu’il y ait une légère majorité de gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Dans tous les cas, elle a toujours essayé de faire entendre sa voix, qui est celle des territoires qui nous élisent, certes, mais aussi de l'ensemble du peuple français, avec une tonalité quelque peu différente de celle de nos collègues de l'assemblée nationale. Nous sommes élus différemment : les élections sénatoriales n’interviennent pas juste après l’élection présidentielle, laquelle affecte forcément les élections législatives. Nous sommes par conséquent peut-être plus libres et plus dégagés des contraintes ou des règles de nos différentes formations politiques.

Je le fais remarquer pour m'en réjouir, ce projet de loi ne prévoit aucune modification des dispositions organiques régissant notre assemblée. Certains, à droite comme à gauche, y avaient pensé. À droite, le fils même d'un ancien président de la Haute Assemblée l'avait suggéré à un Président de la République, et l’on connaît le sort réservé au référendum de 1969, qui prévoyait purement et simplement la dissolution du Sénat dans un ensemble hétéroclite dans lequel les élus n'auraient eu que peu de place et de pouvoir. Quant au Président de la République en question, il a démissionné immédiatement après cet échec.

Le Sénat reste donc ce qu'il est. Le Gouvernement et sa majorité affirment que notre assemblée a toute sa place dans le bicamérisme et qu'il doit continuer à légiférer.

D'ailleurs, lorsqu'on a été dans un premier temps député avant de devenir sénateur, comme c'est le cas d’un certain nombre de mes collègues ici, dont M. Jean-Claude Gaudin, on apprécie d’autant mieux l'apport du Sénat au travail législatif. Par rapport à nos collègues de l'Assemblée nationale, non seulement nous sommes, comme je le disais, un peu plus libres de nos réflexions, mais nous avons également davantage d’expérience et d’expertise – je le dis comme je le pense et comme je l'ai vécu. Cela tient au mode d'élection et, il faut le dire, à la durée et aux modalités de renouvellement de notre mandat.

Si l'on compare la situation des sénateurs à celle des députés, l’on s'aperçoit que le rythme de renouvellement du mandat des députés est beaucoup plus rapide que le nôtre. Ainsi, certains sénateurs, de tous bords politiques, sont des experts reconnus dans un certain nombre de matières, parfois d'ailleurs sur de créneaux très étroits, auxquelles ils apportent tout leur savoir. On pense naturellement aux questions relatives aux collectivités territoriales, mais il y en a bien d'autres, comme on le constate à la commission des lois ou dans d’autres commissions. Fort heureusement, le projet de loi n’apporte aucun changement sur ce point, auquel nous sommes très attachés.

Je ne m’étendrai pas sur ce texte, qui tend à apporter, cela a été dit, deux modifications mineures.

La première consiste à abaisser le seuil de la proportionnelle aux départements qui élisent trois sénateurs. L’objectif n’est pas de renforcer la parité parce que, d’une part, il faudrait pour cela beaucoup plus de temps, et, d’autre part, je ne sais pas si la parité implique forcément une répartition à 50-50.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

À l’UMP, ils présentent deux listes pour éviter les femmes !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Il s'agit de renforcer la place des femmes au Sénat. C'est une très bonne chose quand on voit l'apport des femmes à la vie politique, non seulement dans les assemblées parlementaires, mais aussi, et surtout – car c'est là qu’elles sont les plus nombreuses –, au sein des assemblées territoriales, qu’il s’agisse des conseils municipaux des communes de plus de 3 500 habitants ou des conseils régionaux. Et il en ira de même, demain, dans les conseils généraux, grâce à une réforme qui fut fortement décriée, mais qui a été totalement validée par le Conseil constitutionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Nous ne pouvons qu’être satisfaits de cette première modification. La seconde porte sur le collège des grands électeurs dans les communes de plus de 30 000 habitants.

Pour ma part, je regrette que nous ne soyons pas allés plus loin, que l’on n’ait pas traité la question de la représentation des communes rurales. Lorsque l’on examine combien un grand électeur représente d’électeurs, on s'aperçoit de la très grande inégalité des situations et de la très grande discrimination dont souffrent un certain nombre de communes rurales. Moi qui suis élu d'un département qui n'a pas de communes de plus de 15 000 habitants, je vois bien qu'un élu d'une commune de 30 000 habitants représente 300 habitants, alors que, par exemple, un élu d’une commune de 500 habitants représente tous ses mandants. On aurait donc dû revoir totalement l'échelle de la représentation, pour la rééquilibrer.

Mon groupe n’a pas exprimé de position sur ce point, mais, à titre personnel, j’estime que le rééquilibrage devrait passer par une meilleure représentation des autres élus territoriaux, qui doivent participer, comme le prévoit la Constitution, au collège électoral sénatorial. Je veux parler des élus du conseil départemental – la nouvelle appellation du conseil général – et du conseil régional, qui sont aujourd'hui vraiment très minoritaires dans le collège électoral.

On nous rétorque qu'il faut prendre en compte la décision du Conseil constitutionnel. Toutefois, celui-ci a simplement demandé que la part des élus locaux dans le collège sénatorial soit prépondérante. Supposons que l’on mette en place une proportionnelle intégrale pour les villes de 100 000 habitants et plus. Cela donnerait à Marseille une centaine de grands électeurs ou plus, si bien que, fatalement, la majorité de ces grands électeurs ne seraient pas membres du conseil municipal, ni même des conseils d’arrondissement. C’est tout ce qu’a dit le Conseil constitutionnel !

En fixant un certain plafond, qui aurait pu être de 10 % du collège électoral dans tel ou tel département, on aurait donc pu – et, à mon avis, on aurait dû, monsieur le ministre – prévoir une meilleure représentation des conseils généraux et des conseils régionaux. Cela n’a pas été fait et, pour ma part, je le regrette.

Au terme de ces quelques observations, je veux souligner que le groupe socialiste votera, bien entendu, ce projet de loi dans son intégralité.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls

Je serai bref, car la discussion des articles et des motions de procédure nous permettra de revenir sur un certain nombre d’arguments.

Je remercie M. le rapporteur des justes rappels historiques et juridiques qu’il a bien voulu présenter sur un ton dépassionné. Je partage, comme je l’avais déjà dit, l’objectif de progression de la parité rappelé par Mme la rapporteuse…

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Moi, je le dis, madame Debré ! C’est ainsi. Souffrez-le pendant deux secondes.

Je salue la détermination de Mme Assassi, sénatrice et présidente du groupe CRC. Je connais son engagement pour le bicamérisme. Je connais aussi son volontarisme, dont elle nous a fait part avec l’enthousiasme qu’on lui connaît.

À M. Détraigne, je rappelle que le principe de base de la démocratie, c’est que la majorité l’emporte sur la minorité. Je lui rappelle aussi la loi de 2003, qui revenait sur celle de 2000, laquelle avait déjà étendu la proportionnelle aux départements élisant trois sénateurs. En l’occurrence, je le reconnais, il y a débat au sein du Sénat entre la gauche et la droite sur cette question.

M. Mézard, avec son talent habituel, même s’il n’a pas rappelé cette fois-ci Clemenceau, qui fut membre de cette assemblée, a témoigné à nouveau de son engagement radical pour la tradition républicaine !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Monsieur le sénateur, vous avez souligné, avec raison, que ce projet est modéré – Jean-Pierre Michel vient de le rappeler lui aussi. Vous avez eu raison également de mentionner le rapport, auquel vous vous référez souvent, d’ailleurs, de la commission présidée par Lionel Jospin. Celle-ci proposait des réformes du mode de scrutin du Sénat beaucoup plus ambitieuses, si on veut être tout à fait juste.

Vous avez également rappelé avec justesse le caractère « exotique » des mesures qui ont permis de créer un siège de sénateur à Saint-Martin, élu par 24 électeurs au total, …

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

… et un siège à Saint-Barthélemy, pour seulement 20 électeurs. Monsieur Gaudin, cela aussi, vous auriez pu le rappeler !

Je tiens, enfin, à vous rassurer, monsieur Mézard, en vous confirmant que ce texte n’affecte pas les petites communes.

Je remercie le sénateur Masson d’apporter son soutien au dispositif le plus important du texte de loi.

M. Philippe Dallier s’exclame.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Monsieur Gaudin, je viens au Sénat pour y présenter des textes importants, c’est certain. C’est le cas, comme vous l’avez rappelé, du texte concernant le terrorisme. Je me situe là dans la continuité du sénateur Michel Mercier, avec lequel j’ai parlé hier à Lyon, notamment sur la retenue de seize heures. Nous devons, en effet, prendre des dispositions qui n’avaient pas été anticipées par le gouvernement précédent.

Je suis évidemment présent sur le terrain. Vous le rappelez avec malice, je suis souvent à Marseille, mais je ne me rends pas seulement dans cette ville. Je me déplace pour des sujets sérieux, qui nécessitent de s’unir et de se rassembler, puisqu’il s’agit de s’attaquer à la violence et à la délinquance. Les résultats sont présents, ils vont vous surprendre ! Et cela même si notre société reste, malheureusement, fracturée par ces questions.

Il m’arrive, en effet, de présenter ici des textes d’une tonalité différente, qui concernent, par exemple, les modes de scrutin. Je vous retrouverai d'ailleurs avec plaisir dans quelques semaines pour débattre du non-cumul des mandats.

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

M. Manuel Valls, ministre. Et je ne doute pas que j’aurai un grand succès d’estime. Je me prépare, tout d’abord, à la discussion devant l’Assemblée nationale. Après quoi, je prendrai cet été quelque repos, dont je ne doute pas qu’il me sera nécessaire avant de vous affronter sur cette question.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Cependant, monsieur Gaudin, n’ayons pas, au-delà de votre talent de conteur, une mémoire politique sélective. Dans l’histoire de la Ve République, je ne crois pas que ce soit Lionel Jospin qui se soit le plus violemment attaqué au Sénat ! À mon sens, c’était le général de Gaulle, en 1969.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

En effet ! Et je sais dans quel camp vous vous situiez alors.

J’en viens au seuil de la proportionnelle. Faut-il le fixer à trois ? Honnêtement, il n’y a pas de vérité arithmétique pour la droite comme pour la gauche.

Vous le savez bien, le Sénat serait peut-être resté à droite en 2011 si vous n’aviez pas remonté le seuil de la proportionnelle à quatre sénateurs. La représentation du Morbihan, de l’Indre et de la Loire aurait été davantage partagée. De ce point de vue, je le rappelle, ce n’est pas un mode de scrutin qui change la volonté des électeurs ou des grands électeurs. Il faut être prudent de ce point de vue.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Nous sommes victimes du sectarisme idéologique !

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Quant aux modes de scrutin qui concernent Paris, Lyon ou Marseille, vous auriez pu les modifier quand vous aviez la majorité, et vous l’avez fait d’ailleurs pour d’autres élections. Vous veillez sur Marseille, la ville dont vous êtes le maire, et c’est bien normal.

Je le répète, si vous aviez voulu changer des modes de scrutin, vous auriez pu le faire pendant les dix ans au cours desquels vous avez exercé le pouvoir. Vous l’avez fait pour ce qui concerne le redécoupage des circonscriptions législatives, pas toujours avec le sens de l’équilibre et de la justesse, d'ailleurs. Cela n’a pas changé le choix des électeurs !

En tout cas, je veux vous le dire une nouvelle fois, ce texte est modéré. Outre qu’il ne touche pas la représentation des communes rurales, il peut rééquilibrer à la marge, et c’est l’essentiel, au profit des électeurs des villes pour réduire les inégalités de représentation, tout en gardant ce qui fait la représentation du monde rural ici, au Sénat.

Enfin, je vous réponds de manière très claire sur un point que vous avez abordé. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire à nombre d’entre vous, puisque ce texte concerne le Sénat, il doit trouver une majorité à la Haute Assemblée. Si tel n’est pas le cas, cela posera incontestablement un problème. S’il y a une majorité au Sénat, cette réforme sera pleinement légitime, et je ne doute pas que vous l’admettrez !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des motions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Je suis saisi, par MM. Zocchetto, Maurey et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, d'une motion n°36.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi relatif à l'élection des sénateurs (377, 2012-2013).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Hervé Maurey, pour la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous le savez, le groupe UDI-UC se situe dans l’opposition, mais dans une opposition constructive.

Nous n’étions pas des godillots dans la précédente majorité, et je crois l’avoir prouvé. Nous ne sommes pas davantage aujourd’hui dans une confrontation de principe avec l’actuelle majorité et le Gouvernement.

Chaque fois que le Gouvernement s’est présenté devant la Haute Assemblée avec des projets répondant à l’intérêt général, nous les avons approuvés, sans dogmatisme, et nous l’assumons. C’est ainsi que nous avons majoritairement voté le projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi, le projet de loi autorisant la ratification du traité sur la stabilité et, vous devez vous en souvenir, monsieur le ministre, le projet de loi relatif à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme, quand vos partenaires vous faisaient cruellement défaut.

Si certaines initiatives du Gouvernement peuvent être soutenues, d’autres, en revanche, doivent être combattues.

C’est le sens de la présente motion tendant à opposer la question préalable à ce projet de loi modifiant le mode de scrutin des sénateurs. Il constitue, en effet, une initiative que nous jugeons inopportune, inadaptée et dangereuse.

Elle est inopportune, car, depuis désormais plus d’un an que vous êtes aux responsabilités, monsieur le ministre, votre bilan est lourd, très lourd même !

Il y a, tout d’abord, la récession économique, quand vous nous promettiez la croissance, et la hausse du chômage, qui a connu un record historique avec 40 000 nouveaux chômeurs en mai 2013 – c’est du jamais vu, alors que le Président de la République avait promis que, « lui président », l’emploi serait sa priorité !

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Il y a, ensuite, la baisse du pouvoir d’achat. Elle aussi connaît des records, et elle s’explique notamment par une hausse de la fiscalité qui relève tout autant de l’exploit, puisqu’elle dépasse 33 milliards d’euros en plus d’un an !

Il y a, enfin, une insécurité qui progresse nettement depuis mai 2012, monsieur le ministre de l’intérieur.

Le 24 avril dernier, à l’issue du vote du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, le Président de la République indiquait que « tout maintenant doit être consacré à ce qui est l’essentiel : la réussite économique de notre pays et la cohésion nationale ». Nous nous sommes réjouis de cette déclaration. Pensez donc, le Gouvernement allait enfin s’attaquer aux problèmes des Français !

Hélas, il n’en est rien ! Nous le constatons aujourd’hui, puisque, malgré cette déclaration, vous êtes ici pour un énième texte de tripatouillage électoral.

Quelle différence entre les propos du Président de la République et la réalité qui vous conduit, une fois de plus, dans une démarche de politique politicienne, à vouloir sauver les meubles en changeant le mode de scrutin sénatorial pour tenter d’échapper à la sanction des élus.

Vous qui ne vous cachez pas d’avoir de grandes ambitions, et c’est très bien, soyez heureux, monsieur le ministre, vous êtes déjà entré dans l’histoire comme celui qui aura modifié le plus de modes de scrutin en un temps record !

Vous avez modifié le mode de scrutin pour les élections municipales dans les communes de plus de 1 000 habitants et le mode de scrutin désignant les conseillers communautaires.

Vous avez créé un scrutin unique au monde, le scrutin binominal pour l’élection des conseillers départementaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Naturellement, vous avez pris soin de figer une partie du collège électoral en décalant l’élection départementale et l’élection régionale, qui interviendront après les élections sénatoriales.

Vous avez modifié le mode de scrutin des sénateurs représentant les Français établis hors de France.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Et aujourd’hui, vous vous attaquez au mode de scrutin pour l’élection des sénateurs.

Alors que vous nous aviez fait l’éloge du scrutin majoritaire lors de l’adoption du scrutin binominal, voilà que vous voulez renforcer le poids de la proportionnelle pour l’élection des sénateurs. C’est à n’y rien comprendre !

Il y a pourtant déjà plus de la moitié des sénateurs qui sont élus au scrutin proportionnel. Il y en aurait près des trois quarts – 73, 7 % – si ce projet de loi était adopté.

Il est tout de même curieux que, selon l’élection dont il s’agit, vous vous fassiez le défenseur de modes de scrutin tout à fait différents. Quelle est la logique, si ce n’est celle de vos calculs et de vos intérêts partisans ?

Quand donc le Gouvernement consacrera-t-il enfin son temps, son énergie et celle des parlementaires aux réformes dont notre pays a vraiment besoin ? Quand donc s’attaquera-t-il vraiment aux problèmes des Français ?

Cette réforme n’est pas seulement inopportune, elle est également inadaptée. Si j’en crois l’exposé des motifs de votre projet de loi et les propos que vous avez tenus ce matin, monsieur le ministre, ce texte vise deux objectifs.

Le premier serait, d’après l’étude d’impact, de « permettre une meilleure représentation des communes urbaines », ce qui témoigne, une fois de plus, et j’y reviendrai, de votre volonté de réduire le rôle de la ruralité, y compris dans cette assemblée représentative des collectivités locales.

Le second objectif, que nous partageons, serait de « renforcer la parité au sein du Sénat ». La parité me semble vraiment ici une noble cause qui sert de prétexte à de bien tristes manœuvres politiques !

L’étude d’impact que vous nous avez présentée, monsieur le ministre, me semble tirer des conclusions un peu hâtives. Vous nous y expliquez que, grâce à l’abaissement du seuil de la proportionnelle de quatre à trois sénateurs, « mécaniquement, un nombre plus important de femmes devrait accéder au mandat de sénateur ». Or rien ne le prouve !

En effet, plus la proportionnelle est appliquée à un nombre réduit de postes à pourvoir, moins elle est à même de répondre aux objectifs de pluralisme et de parité.

Au vu du seul exemple dont nous disposons, les élections de 2001, où dix départements ont élu leurs trois sénateurs à la proportionnelle, on observe que, dans seulement trois départements sur dix, une liste a remporté deux sièges. Cela signifie que, dans les sept autres, la proportionnelle s’est révélée de fait un scrutin majoritaire à un tour. Dans ces dix départements, six sénatrices ont été élues sur les trente sièges à pourvoir, soit 20 % de femmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

En 2011, toutes nos collègues qui avaient été élues en 2001 et dont le département avait changé de mode de scrutin ont été réélues au scrutin majoritaire, ce qui prouve que nos collègues de sexe féminin n’ont pas besoin de scrutin ad hoc pour être élues !

J’ajoute que, en 2011, quelque 20, 8 % des sièges à pourvoir ont été attribués à des sénatrices, c’est-à-dire plus qu’en 2001 à la proportionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

À cette échelle, il n’y en a pas : comme je viens de le montrer, les effets à attendre sur la parité sont nuls, et je regrette que l’étude d’impact soit à ce sujet bien silencieuse, pour ne pas dire trompeuse.

Dans son rapport établi au nom de la délégation aux droits des femmes, Laurence Cohen l’avoue à demi-mot : « Même s’il concerne un assez grand nombre de sièges, [l’abaissement du seuil] n’aura pas nécessairement un effet aussi prononcé sur la parité ».

Pour renforcer la parité, il serait certainement plus adapté de rendre obligatoire le choix d’un suppléant de sexe différent, comme de nombreux collègues l’ont suggéré lors des débats en commission et comme le proposent les membres de la délégation aux droits des femmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

La parité pour les suppléants ? C'est n'importe quoi !

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Je rappelle, car vous le savez déjà, monsieur le ministre, que c’est non pas au Sénat, mais à l'Assemblée nationale, où le scrutin est pourtant uniquement majoritaire, que l’on compte le plus grand nombre de femmes.

Monsieur le ministre, vous avez précisé ce matin que ce projet de loi favoriserait le pluralisme en évitant la représentation politique uniforme d’un département.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Je vous fais cependant remarquer que, sur vingt-cinq départements élisant aujourd’hui trois sénateurs, seuls sept ont une représentation monocolore.

En outre, dans plus d’un département sur trois, les grands électeurs sont représentés par des sénateurs de la majorité et de l’opposition. C'est le cas dans l’Ain, dans l’Aisne, en Côte-d’Or, dont je salue l'un des représentants ici présent, dans le Doubs, dans le Gard, dans le Loiret, dans la Manche, dans les Pyrénées-Atlantiques et dans le Vaucluse.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Cela montre bien que le scrutin majoritaire, tel qu’il est appliqué pour les élections sénatoriales et qui est le même que pour les élections municipales dans les petites communes, est un scrutin de liberté : liberté pour les candidats de se présenter seuls ou en liste, que celle-ci soit complète ou incomplète ; liberté pour les grands électeurs qui peuvent ainsi panacher et exprimer dans un même vote leur attachement à une famille politique et la reconnaissance du travail accompli par un élu.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Je souligne d’ailleurs que les élus locaux sont très attachés à ce mode de scrutin et qu’ils n’apprécient pas votre volonté de le changer.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Certains élus de l’Eure qui se trouvent dans les tribunes pourraient vous le confirmer.

Plus grave encore, cette réforme est dangereuse, car elle est de nature à remettre en cause l’identité même de la Haute Assemblée.

Comment pourrait-il d'ailleurs en être autrement, puisque votre réforme s’inspire du rapport de M. Jospin, pour qui le Sénat est une « anomalie démocratique » ? Je rappelle que M. Jospin a déjà tenté, lorsqu’il était Premier ministre, de modifier les règles relatives à la désignation des sénateurs dans des conditions telles qu’elles entraînèrent – fort heureusement, d'ailleurs – la censure du Conseil constitutionnel.

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous avez ce matin voulu être rassurants. Vous avez rappelé votre attachement au bicamérisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Vous avez souligné que ce texte n’entraînerait pas de bouleversements. Vous nous avez assuré vouloir conforter notre légitimité.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Je n'avais pourtant pas le sentiment que celle-ci était menacée...

Vous avez déclaré qu’il n’était pas question de remettre en cause le Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Pour ma part, je considère que ces modifications du mode de scrutin, même si elles sont limitées en apparence, sont de nature à avoir un impact sur la Haute Assemblée et sur son rôle.

Monsieur le rapporteur, ce n’est pas parce que, comme vous l’écrivez, ce texte « ne prévoit aucune modification sur les dispositions organiques relatives au Sénat », que les logiques qui l’inspirent n’en sont pas moins source d’inquiétudes.

En mettant en place la proportionnelle dans les départements élisant trois sénateurs, vous renforcez le rôle des partis politiques dans la sélection des candidats, au détriment de celui des élus.

En voulant renforcer la prise en compte du poids démographique des collectivités, vous niez la spécificité du rôle du Sénat. Ce dernier représente les collectivités territoriales ; le peuple, lui, est représenté par l’Assemblée nationale.

Les collectivités locales, ce sont essentiellement nos 36 681 communes. Or deux tiers des communes comptent moins de 500 habitants et sont donc de petites communes rurales. Dans ces conditions, il est normal que le rôle des élus ruraux soit prépondérant dans la désignation des membres de la Haute Assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Monsieur le ministre, j'ai été très surpris de vous entendre ce matin déclarer : « En renforçant le critère démographique, on renforce les territoires. » Ma citation est approximative, car j'ai relevé vos propos au vol.

C'est très exactement l'inverse ! Par définition, quand on renforce les territoires, on ne peut promouvoir un mode de scrutin qui prend davantage en compte le poids démographique.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Encore une fois, c'est à l'Assemblée nationale de prendre en compte ce poids démographique.

L’élargissement du collège qui nous est proposé se traduira, à l’échelon national, par une augmentation de 3 175 délégués issus du monde urbain. Certes, cela peut sembler minime, mais cela aura un réel effet dans certains départements, sans que l'étude d'impact le précise d’ailleurs, comme l’ont souligné Yves Détraigne et Michel Mercier.

Ce dispositif vient en outre s’ajouter à la diminution de la représentation des élus ruraux dans les assemblées départementales, du fait à la fois du nouveau mode de scrutin que vous avez fait adopter pour l’élection des conseillers départementaux et du redécoupage auquel vous procédez. Là encore, cela aura un effet sur le collège électoral, puisque les conseillers départementaux sont de grands électeurs. L’étude d’impact n’en parle pas non plus.

Monsieur le ministre, je m'interroge. Pourquoi vouloir toujours renforcer le poids du monde urbain ? Pourquoi le Gouvernement s’attaque-t-il ainsi, texte après texte, à la ruralité ?

Il y a là, d’ailleurs, un paradoxe sur lequel j’attire votre attention, mes chers collègues, entre, d'une part, la volonté de nos concitoyens, qui, de plus en plus, souhaitent vivre en zone rurale, et, d'autre part, l’attitude du Gouvernement, qui, au lieu de soutenir la ruralité, veut encore et toujours renforcer le fait urbain au détriment du monde rural.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Depuis une dizaine d’années, la Haute Assemblée a connu d’importants changements : la durée du mandat, la fréquence des renouvellements, les modes de scrutin. Plutôt que de procéder par modifications successives d’apparence anodine, ne vaudrait-il pas mieux s’interroger sur le rôle du Sénat, aujourd’hui et demain ?

Il est vrai que, pour cela, il faudrait un Gouvernement capable de fixer un cap... Or nous le voyons tous les jours : ce n’est pas le cas.

M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Jouer aux apprentis sorciers avec des curseurs tantôt sur le collège, tantôt sur le mode de scrutin, tantôt dans un sens, tantôt dans l’autre, n’aura qu’un seul effet : affaiblir notre institution et semer le trouble parmi celles et ceux dont nous sommes les représentants.

Monsieur le ministre, vous tentez par ce texte une petite opération politicienne, destinée à permettre au Sénat de rester un peu plus longtemps à gauche. Ce n’est pas digne de quelqu’un qui aspire aux plus hautes fonctions de l’État. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Vous n'êtes pas les mieux placés pour donner des leçons ! Vous avez été complice de la création de certains postes de sénateurs tout à fait scandaleux !

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Ce n’est pas non plus une marque de confiance dans la capacité de la gauche sénatoriale à rester majoritaire.

Il est vrai que, ce matin, elle a encore prouvé combien elle était désunie !

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Monsieur le ministre, vous le savez, ce ne sera pas efficace : les lois électorales se sont toujours retournées contre leurs auteurs.

En outre, et je comprends que cela dérange certains de mes collègues, car ils en seront victimes, la colère des élus est grande et s’accroît de jour en jour. Vous leur avez laissé espérer qu’avec vous les dotations, gelées par le précédent gouvernement – et Dieu sait que vous aviez critiqué cette mesure à l’époque, mes chers collègues socialistes –, allaient augmenter. Or elles vont diminuer pour la première fois de notre histoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Vous leur aviez promis qu’ils seraient respectés, considérés et consultés. Vous avez mis en place une réforme des rythmes scolaires qui témoigne d’un grand mépris et d’une méconnaissance totale du monde rural.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

M. Jean-Louis Carrère. Et la météo ? Il pleut !

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Je comprends que cela vous dérange, chers collègues !

Vous ne cessez de vous attaquer à la ruralité et, aujourd’hui, vous voulez supprimer un mode de scrutin auquel les élus ruraux sont profondément attachés.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fauconnier

Arrêtez avec la ruralité ! Vous avez supprimé des milliers de poste dans les zones rurales !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Quelle démagogie ! Je ne vous croyais pas comme ça : je vous imaginais plus nuancé !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Pour blesser, il faut atteindre. Nous avons le cuir un peu plus épais !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. François Rebsamen, contre la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai pris quelques notes pendant l'intervention fort instructive de Jean-Claude Gaudin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

M. Jean-Louis Carrère. Pendant la « pagnolade » !

Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Je vais m'efforcer d'y répondre.

Monsieur Maurey, déposer une question préalable, motion de procédure assez exceptionnelle, sur une modification du mode de scrutin des sénateurs est une démarche assez incongrue.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Parce que, vous, vous ne l'avez jamais fait ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

M. François Rebsamen. C’est sans doute pour cette raison que votre argumentation portait plutôt sur d'autres sujets et se terminait par une attaque personnelle à peine acceptable contre le ministre de l'intérieur.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

M. François Rebsamen. Je commencerai par rappeler quelques principes à nos collègues de l'UMP, si prompts ce matin, par l'intermédiaire de Jean-Claude Gaudin, à nous faire la leçon en matière d'inventivité électorale, et je les comprends !

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Si vous citez souvent Lionel Jospin, je n'aurai pas, pour ma part, l'outrecuidance de vous rappeler les propos du général de Gaulle. Il est vrai que l'on compte de moins en moins de gaullistes authentiques dans cet hémicycle.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Nous sommes peu nombreux à avoir connu 1940, comme à avoir connu Jaurès, d'ailleurs !

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

En tout cas, on peut facilement remonter plus avant dans le temps. En matière d'inventivité électorale, les exemples sont nombreux. Jean-Claude Gaudin a parlé de scalpel. Je me rappelle davantage le brevet, déposé par l'ancien ministre de l'intérieur Charles Pasqua, validant le ciseau à dents !

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

C’est bien cet instrument qu’il avait utilisé, en 1986, pour le découpage des circonscriptions.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

À l’époque, ce découpage avait été décidé par ordonnance.

En matière électorale, il vaut mieux avoir un peu de mémoire. Ainsi, on s’aperçoit que l'exemple venait de haut, puisque le président Giscard d'Estaing avait déjà commencé à affecter les Français de l'étranger dans les villes et circonscriptions qui l'arrangeaient, et ce dès les années soixante-dix.

Je veux souligner que votre volonté, quasi systématique, d'assurer la représentation des Français de l'étranger sous des formes diverses frise parfois le ridicule. L'inanité de la démarche est indéniable : il n’est qu’à voir les circonscriptions que vous avez créées et le taux de participation qui montre l'intérêt que nos concitoyens portent à ces circonscriptions.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Je constate que vous avez quelquefois du mal avec ce principe de base de la démocratie : un homme – ou une femme –, une voix.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Pourtant, c’est bien cela le principe démocratique le plus juste.

Au nom d'une ruralité dont vous vous prétendez les défenseurs exclusifs, alors que, en réalité, vous en êtes bien souvent les fossoyeurs par conservatisme électoral, vous refusez de voir notre société changer. Car, c'est un fait, vous ne voyez pas le monde qui change. Vous imaginez toujours le maire rural comme un de vos affidés, …

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

… souvent un électeur obligé, sorte d'agriculteur conservateur dont le vote vous serait acquis.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

C'est dans vos rêves, ou plutôt dans vos cauchemars, que cela se passe ainsi.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Cela vous a amenés à de nombreuses déconvenues électorales. Toutefois, dans la mesure où vous vous refusez au moindre inventaire sur les raisons de vos échecs, ce qui est votre droit le plus strict, vous persévérez et continuez à ne pas voir le monde évoluer.

Le temps n'est plus où l'on pouvait opposer, comme vous le faites allègrement, ruralité et monde urbain. La vérité, c'est que les échanges sont aujourd'hui beaucoup plus fréquents, grâce au développement des moyens de communication, grâce à Internet, quand ce réseau est présent dans le monde rural ; ce n'est pas toujours le cas, d'ailleurs, vous devriez vous en occuper. Par conséquent, une complémentarité existe entre monde rural et monde urbain.

Bien souvent, les maires de petites communes rurales sont d'anciens membres de la fonction publique à la retraite, qui se mettent au service de leurs concitoyens et exercent ces fonctions bénévolement. Cela change bien souvent leur vote, que vous imaginez tout à la fois toujours sûr et conservateur.

Puisque vous nous rappelez l’inventivité dont nous avions fait preuve avec le scrutin binominal départemental, comment ne pas évoquer votre propre invention, celle qui vous a obligé à faire voter le président du Sénat en catastrophe pour que la création du conseiller territorial soit adoptée, ...

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

... cet être hybride qui était tout à la fois conseiller général et conseiller régional et qui, par conséquent, ne représentait plus rien, surtout pas les communes rurales ? Aussi, de grâce, épargnez-nous les leçons !

Le seul but de ce projet de loi est d’assurer une meilleure représentation de l’ensemble de nos territoires.

Oui, mes chers collègues, le fait urbain s’est développé dans notre pays, et le Sénat, qui a vocation, selon l’article 24 de la Constitution, à assurer la représentation de l’ensemble des collectivités locales, ne peut pas l’ignorer. Nous devons donc assurer la représentation à la fois du monde rural et du monde urbain, dont vous ne pouvez pas nier l’existence – M. Jean-Claude Gaudin s’est d’ailleurs bien gardé de le faire !

Quant à la modification des modes de scrutin, oui, les lois électorales peuvent évoluer, ne serait-ce que pour tenir compte des évolutions démographiques – les changements sont alors imposés par le Conseil constitutionnel – ou sociologiques, même s’il est parfois difficile de revenir sur des découpages qui ont été opérés au ciseau à dents.

Non, mes chers collègues, vous n’êtes pas les seuls défenseurs de la ruralité ! Je constate simplement que vous êtes des conservateurs – ce n’est pas un reproche – qui ne voient pas le monde évoluer, comme nous avons pu le constater récemment à propos d’un autre texte.

Monsieur Maurey, le dépôt d’une motion tendant à opposer la question préalable pour une modification aussi mineure du mode de scrutin de l’élection des sénateurs ne manque pas de m’interpeller. Il est vrai que votre intervention à la tribune fut surtout pour vous l’occasion de mener un réquisitoire contre la politique du Gouvernement, en omettant soigneusement de préciser tout ce que vous n’avez pas fait au cours des dix dernières années – la mémoire courte est décidemment l’une des caractéristiques premières de l’opposition d’aujourd’hui.

J’ai rappelé vos réalisations en matière électorale : il n’y a pas de quoi être particulièrement fier, ce qui devrait vous inciter à faire preuve de davantage de modestie dans les critiques que vous formulez aujourd’hui contre ce texte.

Monsieur Gaudin, heureusement que la gauche a assuré une meilleure représentation de l’opposition en 1983, en la faisant entrer dans les conseils municipaux. Cette grande avancée démocratique n’a depuis lors jamais été remise en cause. Et puisque l’on a cité Gaston Defferre, je ne peux pas, aujourd’hui, au Sénat, laisser présenter l’ancien ministre de l’intérieur comme le ministre du découpage électoral, alors même qu’il a assuré, par une grande loi historique de décentralisation, la liberté des communes, des départements et des régions.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Quand on crie à la vilenie, c’est qu’on est habitué à en faire !

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Au moment où, remontant de toute part, une série de signes et de tendances indiquent que la démocratie est en crise, que la confiance de nos concitoyens dans les institutions démocratiques, qui fonde leur légitimité, faiblit, que le soutien et l’adhésion aux principaux partis républicains, ici représentés, chutent, tandis que les pronostics électoraux des partis extrémistes progressent, il ne serait pas responsable de notre part d’éluder le débat sur les solutions à apporter pour conforter la place de la Haute Assemblée dans nos institutions. Or le Sénat sera à sa juste place dans la République s’il assure la représentation de l’ensemble des collectivités.

L’avancée que nous proposons aujourd’hui est sans doute modeste, ainsi que l’a souligné Jean-Pierre Michel. Ensemble, nous pourrions peut-être aller plus loin demain, en prévoyant l’impossibilité pour un seul parti de modifier les modes de scrutin – vous constaterez d'ailleurs que, aujourd’hui, le changement proposé est souhaité par plus d’un parti –, ou en réfléchissant à la façon d’assurer une meilleure représentation des différentes collectivités locales.

L’objectif essentiel du présent projet de loi est donc d’apporter un correctif démographique, au bénéfice d’une représentation plus équitable des grandes villes, tout en préservant la représentation des petites communes. Contrairement à ce que vous prétendez, cela permettra de conforter le pluralisme et l’expression des différents courants d’idées, en abaissant quelque peu le seuil au-delà duquel les sénateurs sont élus dans le département au scrutin proportionnel.

Outre qu’elles prennent en compte certaines évolutions de notre société, les modifications proposées devraient permettre de renforcer l’expression du pluralisme des opinions.

La spécificité du Sénat réside dans le rôle de représentation des collectivités territoriales que lui attribue l’article 24 de la Constitution. Il n’y a donc pas de risque, contrairement à ce que j’ai entendu dire ce matin, dans des interventions quelque peu contradictoires, que la composition du Sénat soit alignée sur celle de l’Assemblée nationale. En confortant le scrutin proportionnel dans les départements élisant trois sénateurs, nous accentuons au contraire notre différence, ce qui permet de répondre aux interrogations et aux craintes exprimées par certains.

Je conclurai en évoquant la parité. En la matière, ce ne sera certes pas le grand soir – certains peuvent le regretter, d’autres s’en féliciter –, mais une avancée, qui s’inscrit dans le prolongement des mesures prises depuis 2001.

Pour reprendre l’argument de notre collègue Hervé Maurey, il me semble que les sénatrices réélues au scrutin majoritaire en 2011 l’ont certainement été parce qu’elles avaient été une première fois élues au scrutin proportionnel en 2001.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Cette première élection a permis à ces femmes de montrer leurs capacités, lesquelles sont sans doute bien plus grandes que celles de certains hommes qui pensent que tout leur est dû.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

M. François Rebsamen. Bien évidemment, cette remarque ne s’adresse pas aux collègues masculins présents dans cette assemblée ce matin…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Mme Éliane Assassi. À l’exception de quelques-uns !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Je vous l’accorde, ma chère collègue !

Dans ces conditions, la proposition de M. le ministre de l’intérieur d’étendre le scrutin de listes aux départements comportant trois sièges de sénateurs, qui ne fait finalement que reprendre une disposition proposée par le gouvernement Jospin que vous êtes empressés d’abroger dès votre retour au pouvoir, me semble pleinement justifiée au regard des évolutions de notre société.

Pour l’ensemble de ces raisons, nous vous demandons, chers collègues de la majorité sénatoriale, de rejeter la motion tendant à opposer la question préalable.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

Rejeter le projet de loi par l’adoption de cette question préalable conduirait à donner carte blanche à l’Assemblée nationale pour modifier le mode de scrutin du Sénat, comme cela avait été le cas avec la loi du 10 juillet 2000.

Il est préférable que ce soit le Sénat lui-même qui décide des évolutions à opérer dans son mode de scrutin, sur la base du texte présenté par le Gouvernement.

La commission considère donc que le Sénat doit discuter de ce projet de loi, qui vise à conforter le caractère démocratique de son mode de scrutin et à rééquilibrer la composition de son collège électoral au profit des communes les plus peuplées.

C'est pourquoi la commission est défavorable à cette motion.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

M. Rebsamen a dit l’essentiel.

Monsieur Maurey, vous avez parlé de bien des choses – politiques économiques, questions de sécurité, etc. –, mais peu du mode de scrutin. C’est votre droit, mais restons-en au Sénat, si vous le voulez bien. Le texte de loi présenté par le Gouvernement, examiné par votre commission des lois à la suite d’un travail important réalisé par les rapporteurs, mérite d’abord qu’une discussion ait lieu.

Les cinquante-sept amendements déposés permettront d’enrichir le débat sur ce texte, qui respecte par ailleurs les grands principes du scrutin sénatorial posés par le Conseil constitutionnel.

La représentation des communes au sein du collège électoral reflète la diversité de celles-ci, sachant que, si nous voulions appliquer les principes jusqu’au bout, il faudrait aller bien plus loin dans l’équité de représentation entre grandes et petites communes.

En moyenne nationale, un délégué au collège sénatorial représente 431 habitants. Toutefois, cette moyenne cache d’importantes disparités. Dans les communes de plus de 300 000 habitants, un délégué représente en réalité 931 habitants. Le vote d’un citoyen aux élections municipales a donc beaucoup moins d’influence sur l’élection des sénateurs lorsqu’il est inscrit dans une commune de plus de 300 000 habitants.

Pour autant, le Gouvernement n’a pas souhaité établir une égalité de représentation parfaite entre chaque catégorie de communes, l’article 24 de la Constitution rappelant que le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales de la République. C’est la raison pour laquelle je ne comprends pas votre argument, monsieur Maurey.

Ce texte va également permettre une meilleure représentation des femmes au Sénat, tout du moins dans un certain nombre de départements. Vous devriez vous en réjouir. Or tel n’est pas le cas. Une fois pour toutes, vous devriez assumer clairement vos positions.

Il y a, au Sénat comme à l’Assemblée nationale, une majorité de gauche qui défend la parité et la place des femmes au sein des assemblées. À chaque fois, vous vous opposez à cette représentation des femmes.

Protestations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Que cela vous plaise ou non, c’est la réalité ! Or la parité ne peut avancer que par la loi. §En effet, chaque fois qu’on laisse les formations politiques, notamment de droite, libres de toute contrainte légale en la matière, force est de constater que des régressions significatives se produisent, en dépit du coût important que le non-respect de la parité aux élections législatives représente pour les formations d’opposition.

Par ailleurs, monsieur Maurey, personne ne croit un seul instant à votre argument sur la représentation rurale. Le travail que nous sommes en train de mener sur le redécoupage des cantons

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Le texte que nous vous présentons est certes modeste, mais il permet des avancées significatives, sans dénaturer la représentation de la Haute Assemblée. La majorité et le Gouvernement ont montré qu’ils défendaient le rôle du Sénat. À vous d’en tirer les conséquences et de faire preuve de responsabilité, comme vous l’avez fait précédemment sur des textes que j’ai présentés.

En effet, c’est l’essence même du Sénat que de pouvoir débattre a priori de manière plus sereine et de faire avancer des textes importants pour la République et pour nos compatriotes.

Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, ce texte équilibré et modéré revient sur le choix que vous aviez fait en 2004, qui revenait lui-même sur la volonté exprimée par la majorité de gauche en 2000. Il permet une meilleure représentation des grandes villes, sans remettre en cause la réalité des territoires de ce pays, notamment des territoires ruraux.

Pour toutes ces raisons, je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à rejeter la motion tendant à opposer la question préalable.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Je souhaite très brièvement revenir sur l’intervention de notre présidente de groupe, Éliane Assassi, lors de la discussion générale.

Notre groupe estime que l’extension de la proportionnelle dans le cadre du mode de scrutin sénatorial est une avancée et un gage de résultat. Or il y a urgence !

La proportionnelle, c’est la garantie du pluralisme, et le groupe UDI-UC, qui est à l’origine de cette motion, devrait y être attentif, me semble-t-il.

La proportionnelle, c’est sinon la garantie, du moins la possibilité du rajeunissement ; c’est également la garantie de la parité, cela a été dit. Elle contribue à faire entrer davantage de femmes en démocratie, à accélérer le rythme de cette évolution. Or faire entrer davantage de femmes en démocratie, c’est faire progresser celle-ci dans notre pays.

C’est pourquoi nous sommes très attachés au mode de scrutin proportionnel. Celui-ci, en quelque sorte en amont, autorise un renouvellement de la vie politique et permet d’éviter cette forme de « notabilisation » qui est souvent, il faut le reconnaître, l’apanage du mode de scrutin majoritaire.

Pour l’ensemble de ces raisons, nous ne voterons pas cette motion tendant à opposer la question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Tout d’abord, que personne ne nous dise que le dépôt de motions tendant à opposer la question préalable ou tendant au renvoi en commission n’est pas une pratique habituelle de l’opposition. S’il vous plaît ! Nous aurions même pu déposer une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Lorsque la majorité actuelle était dans l’opposition, elle a systématiquement eu recours à toutes les procédures prévues par le règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest. Cela dit, ce texte soulève quand même un petit problème.

Ah ! sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Et dans le Val-de-Marne, en effet.

S’agira-t-il simplement d’une correction démographique ? C’est une vraie question, qui mérite d’être posée, monsieur le ministre. Y répondre nous permettra peut-être de préciser la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

En tout état de cause, nous considérons qu’il n’y a pas lieu de délibérer parce que, de notre point de vue, et cela a été largement démontré, ce texte ne favorisera pas la parité, contrairement à ce qu’on prétend.

La réalité, c’est qu’il y aura des listes concurrentes. Comme cela a été le cas avec les conseillers départementaux, on va « euthanasier »…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest. … tout un ensemble de parlementaires qui n’ont pas démérité, qui ont bien travaillé.

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC . – M. Gérard Longuet approuve.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

C’est la vérité ! Vous le verrez bien ! En tout cas, c’est tout à fait regrettable. De surcroît, cette méthode est brutale et ne favorisera aucunement la parité parce que chacun constituera une liste pour essayer d’être élu. On l’a déjà vu dans le passé. De mon point de vue, l’évolution vers la parité ne résultera pas de cette extension du scrutin de liste à la représentation proportionnelle à un tour aux départements comptant au moins trois sénateurs à élire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

C’est pourquoi il n’était pas nécessaire de revenir sur la précédente réforme précédente du scrutin sénatorial, aux termes de laquelle le scrutin à la représentation proportionnelle ne s’applique que pour les départements comptant au moins quatre sénateurs à élire, contre cinq auparavant. On ne va pas bouleverser chaque fois et lors de chaque alternance le mode d’élection du Sénat ! Comme le disait M. Maurey, de nombreux élus sont très attachés au scrutin majoritaire dans les départements.

Je le répète, nous voterons donc cette motion déposée par notre collègue tendant à opposer la question préalable.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Que le Sénat refuse de débattre d’une question qui le concerne aussi directement que celle du mode d’élection de ses membres, c’est un peu paradoxal.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Comme on l’a fait remarquer tout à l’heure, ce texte ne mérite ni cet excès d’honneur ni cette indignité.

S’agissant en particulier de son impact sur la représentativité des ruraux – c’est la question qui m’intéresse le plus –, je dirai que mon opinion est nuancée. En effet, l’abaissement de la barre de la proportionnelle aux départements qui élisent trois sénateurs n’est pas forcément défavorable au monde rural. Quand on évoque l’expression des opinions, on pense surtout aux opinions politiques représentées par les partis, mais il faut aussi avoir à l’esprit la représentation des opinions de nos concitoyens habitant dans telle ou telle zone et qui s’estiment particulièrement frustrés dans leur droit à la parole.

Les prochaines élections pourraient donner lieu à certaines péripéties en raison des candidatures dissidentes qui pourraient survenir, en raison des expressions différentes qui pourraient se faire jour sans avoir obtenu le label de tel ou tel parti. D’un point de vue démocratique, ce n’est pas forcément une mauvaise chose.

En revanche, l’augmentation du nombre de délégués dans les communes de plus de 30 000 habitants, avec la désignation par le conseil municipal d’un délégué supplémentaire par tranche de 800 et non plus de 1 000 habitants, est comparativement défavorable aux petites collectivités.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Cela dit, quand on fait le compte, on constate que cette modification ne modifiera qu’à la marge le mode de scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

M. Pierre-Yves Collombat. Les marges sont changeantes, chère collègue.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Pour reprendre les propos qu’a tenus tout à l’heure Jacques Mézard, président de mon groupe, nous demandons à débattre de ces sujets essentiels pour nous et, par conséquent, nous ne voterons pas cette motion.

M. le rapporteur applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Je mets aux voix la motion n° 36, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Voici le résultat du scrutin n° 257 :

Nombre de votants345Nombre de suffrages exprimés345Pour l’adoption167Contre 178Le Sénat n'a pas adopté.

M. Jean-Pierre Michel applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

M. le président. Mes chers collègues, je suis particulièrement heureux de saluer, en votre nom, la présence dans notre tribune d’honneur d’une délégation de l’Assemblée nationale du Burkina Faso, conduite par son président, M. Soungalo Apollinaire Ouattara.

Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre, se lèvent et applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Cette délégation est accompagnée par M. Jacques Legendre, président du groupe interparlementaire d’amitié France-Afrique de l’Ouest du Sénat, et des membres de son groupe. Elle effectue cette semaine une visite d’étude lui permettant de mieux connaître le fonctionnement de l’Assemblée nationale française.

Sa venue aujourd’hui au Sénat lui permet également de mieux appréhender le fonctionnement de la Haute Assemblée et d’échanger, à l’occasion du déjeuner, avec les membres du groupe interparlementaire d’amitié France-Afrique de l’Ouest.

Nous formons le vœu que cette visite conforte l’excellence des relations entre nos deux pays, relations tout à la fois historiques et tournées vers l’avenir. Et nous leur souhaitons la plus cordiale bienvenue au Sénat français.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif à l’élection des sénateurs.

Nous poursuivons l’examen des motions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Je suis saisi, par MM. J.C. Gaudin, Bas et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, d'une motion n° 1.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, le projet de loi relatif à l'élection des sénateurs (377, 2012–2013).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

La parole est à M. Philippe Bas, pour la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

M. Philippe Bas. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, on aimerait pouvoir donner acte au Gouvernement de ses bonnes intentions.

Ah ! sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Davantage de sénatrices, des villes mieux représentées, une plus grande diversité politique : tels sont les objectifs affichés de ce texte. Hélas ! vous n’avez manifestement pas oublié que charité bien ordonnée commence par soi-même.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

En effet, au-delà des apparences, il y a les réalités politiques. Elles sont d’ailleurs tellement limpides que l’on aurait aimé que le Gouvernement les assumât sans détour. La féminisation, la représentation des villes, le pluralisme sont des prétextes ; l’essentiel est ailleurs : vous voulez fortifier la gauche lors des prochains renouvellements du Sénat et vous réclamez à la loi électorale une garantie de résultat.

Jamais on n’aura en si peu de temps tenté de modifier autant de règles du jeu électoral.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

M. Philippe Bas. Et comme par hasard, alors que dans les départements le parti socialiste court-circuite les préfets en élaborant lui-même la carte des nouveaux cantons pour le compte du ministère de l’intérieur

Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Car telles sont bien aujourd’hui les urgences du Gouvernement, alors que la France est entrée en récession, que le chômage explose et que les chiffres de la délinquance ne cessent, hélas, de s’aggraver.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Dans les circonstances nationales et internationales que nous traversons, l’agenda gouvernemental n’est pas seulement déroutant, voire surréaliste ; il est aussi inconvenant. Il serait tout à fait vain de vouloir vous approprier « la rénovation et la déontologie de la vie publique », pour reprendre l’intitulé de la mission confiée à M. Jospin par le chef de l’État. Aucun d’entre nous n’est obligé d’invoquer la morale à l’appui de chacun de ses actes. Celui qui croit pouvoir le faire s’expose plus que d’autres à être jugé à cette aune.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Or, de morale, je ne vois guère dans ce texte. Rien ne vous arrête dans votre travail méthodique de déconstruction de ce qui fait l’originalité de l’institution sénatoriale.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Votre projet d’étendre les incompatibilités entre les différents mandats électoraux amplifierait encore ce travail de déconstruction, en empêchant les sénateurs de demeurer maires parmi les maires, élus locaux parmi les élus locaux.

La seule chose qui vous retienne encore, heureusement, c’est la Constitution, que vous n’avez pas le droit de modifier sans notre accord. Or le Conseil constitutionnel a refusé en 2000 que le collège sénatorial soit déséquilibré et dénaturé par la désignation massive de délégués non élus. Cela n’a pourtant pas empêché Lionel Jospin de proposer, à la fin de l’année dernière, un système baroque d’effet équivalent : on aurait vu partout, pour la première fois dans l’histoire de la République, des délégués sénatoriaux disposer chacun de plusieurs voix – jusqu’à quinze !

Cette astuce n’aurait certainement pas trompé le Conseil constitutionnel. Il faut cependant donner acte au Gouvernement de sa sagesse, …

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Ce n’est pas de la sagesse, c’est autre chose !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

… puisqu’il a finalement renoncé à son projet. La crainte du juge constitutionnel est pour vous le commencement de la raison politique.

Je tiens à rappeler les termes de l’article 24 de la Constitution : « Le Sénat […] est élu au suffrage indirect. Il assure la représentation des collectivités territoriales de la République. Les Français établis hors de France sont représentés à l’Assemblée nationale et au Sénat. »

Sourires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Dans la mesure où il assure la représentation des collectivités territoriales de la République, le Sénat doit être élu par un corps électoral lui-même composé principalement d’élus de ces collectivités. C’est le Conseil constitutionnel qui le dit. Et c’est le critère principal de la composition du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fauconnier

M. Alain Fauconnier. C’est le Sénat pour tous !

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Vous auriez le droit de remettre en cause les fondements historiques de notre institution, qui n’ont pas changé depuis la Troisième République ; Gambetta les critiquait déjà, en qualifiant notre assemblée de « grand conseil des communes de France ».

Toutefois, vous ne pouvez pas feindre de vous étonner que les délégués des communes dominent le collège sénatorial et que, de ce fait, les communes rurales y soient représentées en fonction de leur nombre, ainsi que de leur population d'ailleurs, c’est-à-dire d’une manière qui ne laisse qu’une moindre place aux communes urbaines, car il s’agit d’une donnée de base de l’institution sénatoriale dans notre République.

Si l’on veut parvenir à une égale représentativité démographique des sénateurs, ce n’est pas la loi électorale qu’il faut changer, mais le Sénat lui-même.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Il n’est d'ailleurs pas interdit d’en discuter. Les constituants auraient pu concevoir un autre Sénat, ou pas de Sénat du tout. Nous ne sommes pas là pour assurer une défense corporative de notre institution. Celle-ci ne vaut que par son apport au bon fonctionnement de notre régime parlementaire, pour le service de la France et des Français.

Il se trouve que la République a depuis longtemps voulu que le Parlement comprenne, en plus de l’assemblée du peuple, une assemblée des territoires. Dans notre nation une et indivisible, marquée par plusieurs siècles d’absolutisme royal puis de centralisme républicain, la République a veillé à placer au cœur du Parlement un puissant défenseur des libertés locales. C’est un contrepoids indispensable à notre tradition jacobine et aux inévitables excès de pouvoir qu’elle suscite, d’autant que ces excès sont aujourd'hui amplifiés par le fait majoritaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Le Sénat reste le meilleur antidote pour combattre les volontés uniformisatrices, par essence négatrices des libertés locales, qui ne cessent d’être à l’œuvre dans notre système politique exagérément étatisé.

Si l’on admet l’utilité et même la nécessité du Sénat, il faut reconnaître aussi que, tout en respectant autant que possible l’égalité de suffrage, sa composition accepte non pas comme une anomalie, mais comme un bienfait la représentation de nos territoires pour eux-mêmes. Les collectivités territoriales de la République ne peuvent être traitées comme de simples circonscriptions taillées pour l’expression du suffrage universel indirect. Ce sont des communautés humaines bien vivantes, qui font vivre la citoyenneté.

La France n’a certes pas voulu d’un régime fédéral, qui n’aurait en rien correspondu à son histoire. Néanmoins, depuis la révision constitutionnelle de 2003, proposée par Jacques Chirac et Jean-Pierre Raffarin, la Constitution proclame que l’organisation de la République est « décentralisée ». Le moment serait donc bien mal choisi pour affaiblir la représentation des territoires par le Sénat, en partant du principe que celle-ci est suspecte.

Votre réforme, même modeste, porte en germe la négation de l’identité de notre assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Vous avez le droit de dire que le Sénat vous gêne. Un débat sur cette question ne serait pas sans intérêt. Ce serait un débat constitutionnel tout à fait digne de notre démocratie. Le Sénat n’aurait d’ailleurs rien à en redouter. Il n’est pas inféodé au pouvoir en place, pas plus aujourd'hui qu’hier. Il sait dire non et, quand il dit oui, il sait le faire autour de majorités d’idées. Il est libre. Il sait prendre ses distances avec le système bipartisan qui irradie aujourd’hui la plupart de nos institutions.

Peut-être est-ce pour cette raison que les Français ont de l’estime pour le Sénat. Plusieurs fois dans son histoire, le peuple français a eu l’occasion de trancher la question du bicamérisme : ce fut le cas en 1946 comme en 1969. Si, comme l’ancien Premier ministre Lionel Jospin, vous estimez toujours que le Sénat est une « anomalie démocratique », assumez-le, dites-le, tirez-en les conséquences !

Si, au contraire, notre institution trouve enfin grâce à vos yeux depuis que vous y êtes majoritaires, ne cherchez plus à la dénaturer et cessez de saper ses fondements constitutionnels par des critiques incessantes sur sa composition.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

À règles constitutionnelles inchangées, vous ne parviendrez jamais à viser l’objectif d’équilibre démographique que vous ne cessez de poursuivre, car il est antinomique avec la représentation des collectivités territoriales par des élus de celles-ci. Or cette représentation est imposée par l’article 24 de la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Prenez deux à deux des départements également peuplés, et vous verrez à quel point le nombre de communes y est différent : 895 dans le Pas-de-Calais, 262 dans les Yvelines ; 163 dans les Alpes-Maritimes, 730 en Moselle ; 601 dans la Manche, 369 dans la Drôme. Et l’on pourrait continuer ainsi indéfiniment. Par conséquent, si l’on veut, comme l’impose notre loi fondamentale, représenter toutes les communes, la composition du collège sénatorial ne peut que refléter d’importants écarts d’un département à l’autre.

Il n’y a pas lieu de s’en scandaliser, puisqu’il s’agit de représenter démocratiquement les territoires et non la population elle-même, comme à l’Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Tant que nous vivrons dans le cadre fixé par la Constitution de la Ve République, le critère déterminant de la composition du Sénat restera la représentation des collectivités territoriales, donc des communes dans leur diversité, par le suffrage indirect. Ce n’est ni anodin ni secondaire : la légitimité propre de notre assemblée en procède.

Le fil qui relie le Sénat aux élus des communes ne doit pas être rompu, ni même distendu. Avec votre réforme, vous allez effriter cette légitimité, l’éroder, la fragiliser en ajoutant au collège sénatorial une fournée de grands électeurs non élus par le peuple, ce qui revient à transposer habilement les méthodes en usage sous la Restauration.

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Vous faites ainsi le choix de la politisation, en insufflant davantage d’esprit partisan là où le pouvoir constituant avait surtout voulu assurer l’ancrage du Sénat dans l’expérience des responsabilités locales.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

C’est pour cela que le général de Gaulle avait voulu le supprimer !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Ce n’est décidément pas la bonne voie, même si, au titre de la « correction démographique », le Conseil constitutionnel a admis des tempéraments à l’exigence de désignation des représentants des communes parmi les seuls élus municipaux, à condition, toutefois, que l’on n’aille pas trop loin dans cette direction hasardeuse.

Je veux tout de même rappeler que, réserve faite de l’Italie, partout où existe un Sénat, c’est-à-dire principalement dans les pays fédéraux, c’est non pas la recherche des équilibres démographiques, mais la représentation de territoires clairement identifiés qui l’emporte dans la composition de la deuxième chambre. Pour notre part, nous tenons déjà bien mieux compte de la démographie que ne le font les autres pays, et c’est en quoi notre système est démocratiquement supérieur aux leurs, même s’il est plus difficile à caractériser, dans la mesure où il est en réalité hybride.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Aux États-Unis – j’évoquerai l’Allemagne ensuite, monsieur Rebsamen –, le Wyoming, le Vermont et le Dakota du Nord, qui comptent moins de 700 000 habitants, ont chacun deux sénateurs, soit autant que la Californie, le Texas ou l’État de New York, qui comptent plus de 19 millions d’habitants. Pauvres Américains !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

Cela n’a rien à voir ! Les États-Unis sont un État fédéral.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

En Allemagne, monsieur Rebsamen, la Rhénanie du Nord-Westphalie, qui compte 18 millions d’habitants, dispose du même nombre de sièges – 6 – au Bundesrat que la Bavière, qui compte 12, 5 millions d’habitants, et la Hesse, qui ne compte que 6 millions d’habitants, ne possède qu’un siège de moins que ces deux Länder.

Or que va-t-on faire en France ? On va essayer de grignoter ici ou là quelques voix supplémentaires en ajoutant aux élus municipaux une poignée de militants bien choisis au nom d’un prétendu principe d’égale représentativité des délégués sénatoriaux, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

M. Philippe Bas. … un principe pourtant refusé par la Constitution, récusé par le Conseil constitutionnel et de toute façon hors d’atteinte à défaut d’une réforme constitutionnelle radicale que vous ne proposez pas.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Ne pensez-vous pas que vos propos sont un peu excessifs ? C’est assez bas, comme argument.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Cette approche n’est pas à la hauteur de notre institution et ne saurait se parer des vertus de l’ambition démocratique.

L’application de la représentation proportionnelle dans les départements comptant trois sénateurs constitue, elle aussi, un recul. Trois élus, ce n’est pas assez pour appliquer correctement la représentation proportionnelle sans prendre le risque de la confusion. Loin d’être un facteur de pluralisme dans ces départements, la représentation proportionnelle favorisera les deux principaux partis. L’attribution du troisième siège ressemblera malheureusement à une sorte de loterie. Ce ne seront plus les résultats électoraux qui feront, directement et de manière lisible, l’élection ; celle-ci procédera de savants calculs mathématiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Vous y voyez peut-être un moyen de favoriser l’élection de sénatrices. C’est très discutable, car, lorsque ce système a été appliqué pour la première fois, on a vu fleurir les listes permettant à des sénateurs sortants, qui avaient sans doute d’excellentes raisons de penser qu’ils n’avaient pas démérité et qu’il serait injuste de les remplacer, de tenter leur chance, souvent avec succès.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Au demeurant, que ceux qui ne cessent de rappeler hors de propos l’exigence d’égalité devant le suffrage universel quand il s’agit d’altérer la composition du collège des grands électeurs se souviennent que la disqualification de candidats du seul fait qu’ils sont de sexe masculin est une telle dérogation aux principes constitutionnels les plus solidement établis qu’il a fallu une révision de la Constitution en 1999 pour l’autoriser.

Le recul manque encore pour apprécier les conséquences de cette exception à nos règles démocratiques. On me permettra toutefois de continuer à penser que, en matière de discrimination positive, la plus grande prudence est nécessaire. Les restrictions de fait à la liberté de candidature peuvent faire progresser l’accès des femmes à la vie publique, mais elles ne font aucunement progresser la démocratie ; ce n’est d’ailleurs ni leur fonction ni leur but.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Le Sénat devrait être sensible à la sollicitude du Gouvernement, qui veut bien s’intéresser à lui en proposant de modifier sa composition. Néanmoins, il n’a nul besoin d’une telle attention.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Chers collègues de la majorité, si vous voulez changer radicalement l’esprit et la légitimité du Sénat, vous avez à votre disposition une procédure de révision de la Constitution qui est engagée : libre à vous d’y ajouter des éléments sur la composition de la Haute Assemblée pour assurer l’égale représentativité des sénateurs. Mais ce n’est pas ce que vous avez décidé de faire !

Pour notre part, nous souhaitons que la commission puisse se pencher de manière approfondie sur la question du bicamérisme à partir de votre projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, contre la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

En vérité, mes chers collègues, je suis gêné pour répondre à M. Bas, qui, encore une fois, détourne notre règlement.

Vous auriez pu, mon cher collègue, déposer une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité puisque vous invoquez la Constitution à tout propos.

Si le règlement vous y avait autorisé, vous auriez pu aussi défendre une deuxième motion tendant à opposer la question préalable. Au moins, votre propos aurait été un peu plus adapté !

Plus simplement, vous auriez pu tout aussi bien vous exprimer dans la discussion générale… Toutefois, pour cela, il aurait fallu que le président de votre groupe n’ait pas pris les trente minutes réservées au groupe UMP ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Mais, au dernier moment, par une espèce de pirouette, vous préférez demander que le travail reprenne en commission, pour discuter d’une autre question, beaucoup plus large, à savoir le bicamérisme.

Je suis désolé, mais ce n’est ni l’endroit ni le lieu pour avoir ce débat, qui n’a rien à voir avec le présent projet de loi.

Mes chers collègues, sachez que la commission des lois a travaillé comme à son habitude, sous la présidence de Jean-Pierre Sueur, qui s’excuse de ne pas pouvoir être là ce matin : il assiste aux obsèques de Pierre Mauroy, à Lille. Nous avons écouté et discuté le rapport de M. Kaltenbach pendant environ quatre heures ; ensuite, nous avons à nouveau travaillé pendant quatre heures pour examiner les nombreux amendements qui seront discutés la semaine prochaine. Vous avez d’ailleurs assisté à ces deux réunions, monsieur Bas.

Par ailleurs, M. le rapporteur a procédé à de nombreuses auditions, notamment celles de tous les présidents de groupe et des spécialistes du ministère de l’intérieur.

La commission des lois a donc travaillé normalement sur ce projet de loi, que tout le monde ici s’accorde à considérer comme étant de portée restreinte, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

… qui ne bouleverse pas grand-chose puisqu’il ne tend qu’à apporter deux corrections marginales au mode de scrutin sénatorial.

Dans ces conditions, mes chers collègues, je pense que vous aurez à cœur de repousser cette motion de renvoi en commission. §

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

La commission demande le rejet de cette motion. En effet, comme Jean-Pierre Michel vient de le dire, il y a bien eu des débats en commission, d’abord sur le texte, puis sur la soixantaine d’amendements déposés.

J’ai moi-même auditionné tous les présidents des groupes politiques du Sénat, ainsi que les experts en modes de scrutin du ministère de l’intérieur, et je ne vois pas ce qu’un nouvel examen de ce texte par la commission apporterait.

Toutefois, la Constitution ayant été brandie par certains orateurs, je souhaite leur répondre sur différents points.

Il faut rappeler que le juge constitutionnel a estimé qu’il ne fallait pas que le nombre de grands électeurs non élus représente une part substantielle du collège électoral des sénateurs au niveau national. Avant la réforme proposée par le Gouvernement, ils représentaient 8 % du corps électoral total. Si le projet de loi est voté en l’état, ce pourcentage passera à 10 %

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

On voit bien qu’on est encore très loin d’une « part substantielle » de grands électeurs non élus. Sur ce point, libre à ceux qui le souhaitent de saisir le Conseil constitutionnel, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

… mais je pense que ce dernier nous donnera raison, d’autant qu’il a ajouté, dans sa grande sagesse, que le nombre de grands électeurs non élus ne devait représenter une majorité des électeurs dans aucun département pris isolément. Or, aujourd’hui, il n’y a que Paris qui se trouve dans ce cas de figure. Sinon, le département où il y a actuellement le plus fort pourcentage de grands électeurs non élus est celui des Bouches-du-Rhône, avec 32 % ; la réforme le portera à 36 %, ce qui, tout le monde en conviendra, est encore loin de la majorité.

Au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, la Haute Assemblée peut donc être sereine.

Par ailleurs, j’ai entendu dire que les départements élisant deux sénateurs seraient majoritairement de gauche. J’ai donc voulu connaître les chiffres exacts : sur 41 départements dans ce cas, 17 ont deux sénateurs de gauche, 15 ont deux sénateurs de droite et 9 ont un sénateur de chaque bord. La réalité est donc beaucoup plus partagée.

Tous ceux qui accusent le Gouvernement et sa majorité de procéder à des tripatouillages et de ne pas respecter la Constitution feraient mieux de bien regarder les chiffres et de bien relire la jurisprudence du Conseil constitutionnel. §

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

J’ai écouté avec intérêt les explications de M. Bas. Comme cela vient d’être dit, le débat a eu lieu en commission, longuement et de manière approfondie. D’autres étapes sont prévues et rien ne justifie, sur le fond, un renvoi à la commission.

Cela dit, comme le rappelait M. Hyest, c’est de bonne guerre ! L’ancien député d’opposition que je suis ne peut que le reconnaître ! §

Mais encore faut-il que les arguments soient solides !

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

S’agissant de cette demande de renvoi à la commission, MM. Michel et Kaltenbach viennent de démontrer la faiblesse de ceux qui étaient avancés. En fait, ils tendaient plutôt à nous renvoyer à un débat sur le bicamérisme. Comme si c’était vous, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, qui souhaitiez ouvrir ce débat pour remettre en cause le bicamérisme !

Reprenant des propos qu’il avait tenus en commission des lois, si j’en crois le compte rendu, M. Kaltenbach a souligné que, précisément, le bicamérisme se justifie par une représentation différente de la nation par chacune des assemblées : le peuple, d’un côté ; les collectivités locales, qu’il faut se garder de confondre avec les territoires, de l’autre.

Alain Richard a aussi rappelé en commission qu’un important travail était à faire pour améliorer la représentativité du collège sénatorial.

Dans les différents textes de loi que j’ai eu l’honneur de présenter, il y a toujours eu, d’ailleurs, la volonté d’améliorer la représentativité des assemblées élues. Tel a été le cas pour les élections cantonales, car, au-delà du défi de la parité – qui concerne les départements tout comme le Sénat –, il y a cette recherche d’une meilleure représentation de nos territoires. En l’occurrence, nous partions des principes rappelés par le Conseil constitutionnel.

Il en a également été ainsi pour le Conseil de Paris, même si nous ne sommes peut-être pas allés jusqu’au bout à cet égard. Grâce à un recours déposé par l’opposition, le Conseil constitutionnel nous oblige désormais, à juste titre, à faire un travail que, peut-être, certains ne souhaitaient pas, mais qui est aujourd’hui indispensable.

C’est pourquoi, du reste, je me permets de vous inciter à la prudence, monsieur Bas : vous voulez saisir le Conseil constitutionnel. Soit. Mais faites attention : c’est le juge suprême…

C’est donc la recherche d’une meilleure représentativité qui nous animés lors de la préparation de ce texte sur le Sénat. Monsieur Bas, je ne peux pas vous laisser dire que nous serions allés trop loin. Vous êtes un sénateur très ancien ! N’avez-vous pas été élu en 2011 ?

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

M. Manuel Valls, ministre. Voilà !

Nouveaux sourires.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Un certain nombre de propositions ont été faites par la commission Jospin, c’est vrai. Mais est-ce que toutes les propositions de la commission Balladur ont été prises en compte à l’époque ? Non ! C’est la loi du genre !

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Qui décide ? Ce n’est pas une commission : ce sont les deux chambres du Parlement.

Je le répète, ce texte permet d’améliorer la représentativité. Ce n’est pas une surprise, car un gouvernement de gauche l’avait déjà proposé voilà près de treize ans. Le Conseil constitutionnel avait émis un certain nombre d’avis, mais pas sur la représentation à la proportionnelle dans les départements élisant trois sénateurs et plus.

Nous apportons certes un correctif en fonction des territoires, mais la représentation des départements et des collectivités locales – il suffit de regarder les chiffres ! – reste marquée par le poids des collectivités locales de moins de 30 000 habitants.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Non, vous n’avez pas à avoir peur ! Franchement, le texte est équilibré. Nous proposons une amélioration et il appartiendra ensuite aux grands électeurs de faire des choix politiques.

J’ai tout à l’heure démontré que les modes de scrutin ne changeaient pas profondément les résultats des consultations électorales.

Si vous voulez ouvrir un débat sur le bicamérisme, demandez-le. Je ne doute pas que M. Copé organisera un colloque sur le sujet… §

En conclusion, je puis vous dire que, jamais sous la Ve République, le Sénat n’avait joué un rôle aussi important que depuis 2011, mais surtout depuis 2012, même si cela pose parfois des difficultés au Gouvernement. Jamais ! D’ailleurs, souvenez-vous que la manière dont le Sénat était traité par l’ancien Président de la République et par l’ancienne majorité avait, à juste titre, provoqué un certain nombre de tensions. §

(Nouveaux sourires.) Quant au président Rebsamen, vous connaissez son engagement et sa rugosité !

Nouveaux sourires.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Honnêtement, discuter avec M. Mézard, ce n’est pas toujours facile, mais c’est enrichissant. §De même avec Mme Assassi ou avec Mme Lipietz ! Mais on apprend beaucoup dans ces discussions ! §

En tout cas, désormais, le Sénat est respecté et il compte dans la République. Alors, ne vous faites pas peur et jouez pleinement votre rôle ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Je rappelle qu’aucune explication de vote n’est admise.

Je mets aux voix la motion n° 1, tendant au renvoi à la commission.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Voici le résultat du scrutin n° 258 :

Le Sénat n'a pas adopté.

En accord avec le président du groupe socialiste, qui a demandé la discussion de ce projet de loi, la suite de celle-ci est renvoyée à la séance du mardi 18 juin 2013, à quatorze heures trente.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Charles Guené.