C’est un fait, le scrutin proportionnel favorise cette pluralité des opinions. Dans les départements élisant trois sénateurs, ce mode de scrutin permettra le plus souvent la représentation de deux, voire de trois sensibilités politiques différentes. Demain, cette diversité sera possible dans vingt-cinq départements supplémentaires, si bien qu’elle concernera 255 sénateurs.
Meilleure représentation des femmes, meilleure représentation des courants d’opinion, tout cela serait incomplet si nous ne cherchions pas à mieux représenter les territoires et ceux qui y vivent.
J’ai déjà évoqué l’article 24 de la Constitution. Le Sénat « assure la représentation des collectivités territoriales de la République », de toutes les collectivités territoriales. Ces collectivités, ce sont bien sûr des entités juridiques, des élus, ce sont aussi des habitants, dont il faut tenir compte.
Là encore, le constat est, je crois, partagé. La composition du collège électoral qui élit les sénateurs ne tient pas suffisamment compte des grands équilibres démographiques de notre pays.
Les délégués des communes constituent la très grande majorité de ce collège – le Gouvernement n’a pas cru devoir remettre en cause ce principe –, mais les disparités entre les communes elles-mêmes ne permettent plus à ce collège de refléter la réalité du pays.
Pour exemple, plus de deux tiers des délégués municipaux représentent des communes de moins de 10 000 habitants, quand celles-ci ne regroupent que la moitié de la population. Ces disparités sont encore plus sensibles entre les communes les plus peuplées et les communes les moins peuplées. Aujourd’hui, les communes de moins de 500 habitants disposent de deux fois plus de délégués que les communes de plus de 100 000 habitants, alors qu’elles comptent deux fois moins d’habitants.
Un Sénat qui représente les collectivités, c’est un Sénat qui représente la réalité de ces collectivités. Encore une fois, le Gouvernement ne souhaite pas bouleverser le mode de scrutin sénatorial ; il ne souhaite pas bouleverser radicalement les équilibres existants. Non, ce que le Gouvernement souhaite, c’est une meilleure représentation de collectivités, de territoires entiers qui sont aujourd’hui sous-représentés ou mal représentés ; c’est mieux concilier deux principes constitutionnels : la représentation des collectivités et l’égalité du suffrage.
C’est l’objectif de l’article 1er de ce projet de loi qui modifie les règles d’attribution des délégués supplémentaires dans les communes de plus de 30 000 habitants. L’ajustement, très honnêtement, est modeste : il y aura désormais un délégué supplémentaire par tranche de 800 habitants, et non plus par tranche de 1 000 habitants.
Ce rééquilibrage au sein du collège municipal est volontairement limité. Il n’affecte en rien la représentation des territoires les moins peuplés, et je pense ici aux territoires ruraux, auxquels je suis comme vous attaché. Ces communes conserveront le même nombre de délégués, soit environ un pour 227 habitants dans les communes de moins de 500 habitants. En revanche, il est juste, me semble-t-il, d’améliorer la représentativité des communes très peuplées. Dans les communes de plus de 300 000 habitants, cette réforme permettra de passer d’un délégué pour 931 habitants à un délégué pour 760 habitants.
Au total, un peu plus de 3 000 nouveaux délégués supplémentaires seront élus. Ce dispositif constitue, là aussi, une mesure de justice, mais reste raisonnable. La part des délégués supplémentaires dans le total du collège communal n’augmentera que de quelque 2 %, passant de 8, 3 % à 10, 2 %.
Nous avons souhaité également, dans tous les territoires, garantir la prééminence du nombre de délégués élus communaux sur les délégués supplémentaires. Cette condition a été fixée par le Conseil constitutionnel dans sa décision relative à la loi du 10 juillet 2000 et fait obstacle à une représentation strictement proportionnelle de la population au sein du collège sénatorial.
En l’espèce, la modification que je vous propose aujourd’hui respecte la lettre de la décision du Conseil constitutionnel, et la participation des délégués supplémentaires conserve « un caractère de correction démographique ». L’étude d’impact est d’ailleurs très claire : nous avons procédé à plusieurs simulations, et le Gouvernement a finalement opté pour celle qui préserve le mieux la part des délégués émanant directement des conseils municipaux.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte constitue, vous le voyez, une évolution de l’élection sénatoriale, dont le principe central est la représentativité : une meilleure représentation des femmes, avec un nouvel élan donné à la parité, une meilleure représentation des territoires et, au final, de nos concitoyens. Une évolution mesurée, dans le respect du Sénat, de ses spécificités, de son identité ; une évolution autour de laquelle, je l’espère, nous parviendrons à nous rejoindre. §