Intervention de Philippe Kaltenbach

Réunion du 13 juin 2013 à 9h00
Élection des sénateurs — Discussion d'un projet de loi

Photo de Philippe KaltenbachPhilippe Kaltenbach, rapporteur :

Dès l’origine, en 1875, le mode d’élection des sénateurs était double. L’article 4 de la loi du 24 février 1875 prévoyait que « les sénateurs des départements et des colonies sont élus à la majorité absolue et, quand il y a lieu, au scrutin de liste, par un collège réuni au chef-lieu du département ou de la colonie ». Ces principes ont peu évolué, les sénateurs é »tant encore élus, aujourd’hui, au scrutin majoritaire pour certains, au scrutin de liste pour d’autres.

À l’époque, le collègue électoral était composé des députés, des conseillers généraux, des conseillers d’arrondissement et des délégués des conseils municipaux. Les délégués des communes étaient déjà fortement majoritaires au sein du collège électoral, ce qui amènera d’ailleurs Gambetta à déclarer que le Sénat est le « Grand conseil des communes de France ».

Les communes rurales bénéficiaient alors d’une forte représentation par rapport aux communes urbaines, un choix complètement égalitaire – un maire égale une voix – ayant été retenu à l’origine, toutes les communes pesant donc le même poids.

Il a fallu attendre 1884 pour que soit introduite une part de progressivité. La loi du 14 août fera varier le nombre de délégués de deux à trente en fonction du nombre de conseillers municipaux. Ces délégués n’étaient en revanche pas nécessairement des élus municipaux.

Sous la IVe République, un premier projet de constitution, rejeté par référendum, prévoyait la disparition du bicamérisme. Le second projet de constitution conserve une seconde chambre, désormais dénommée « Conseil de la République ».

Jusqu’à la révision constitutionnelle du 7 décembre 1954, même si le Conseil de la République reste marqué par certaines caractéristiques du Sénat de la IIIe République, son rôle est fortement minoré. Son renouvellement s’effectue par moitié, toujours sur la base d’un scrutin indirect. Le mode de scrutin continue à être majoritaire ou proportionnel selon les départements en fonction du nombre de sièges. En outre, le collège électoral varie peu entre la IIIe et la IVe République.

La Ve République va restaurer pleinement la seconde chambre ; celle-ci recouvre ses prérogatives constitutionnelles et législatives. Le bicamérisme « inégalitaire » demeure tout de même, du fait du « dernier mot » octroyé à l’Assemblée nationale et des modalités de mise en jeu de la responsabilité du Gouvernement.

La dualité du mode de scrutin est conservée puisque, dès 1958, l’élection des sénateurs a lieu au scrutin majoritaire uninominal à deux tours dans les départements comptant quatre sénateurs ou moins. Dans les autres départements, le scrutin se fait à la représentation proportionnelle.

La loi du 8 juillet 2000, portée par le gouvernement de Lionel Jospin, abaissera l’application du scrutin majoritaire uninominal à deux tours aux départements élisant moins de trois sénateurs. Puis, pour des raisons sur lesquelles nous reviendrons sûrement au cours du débat, la loi du 10 mai 2004 remontera ce seuil à quatre sièges, ce qui est l’état actuel du droit.

Pour ce qui est du collège électoral, la Constitution de la Ve République maintient la présence des députés, ce qui peut d'ailleurs sembler étrange. Comme cela a été relevé en commission, le Sénat représentant les collectivités, pourquoi les députés participent-ils au vote ? En fait, c’est historique. Un amendement adopté en commission prévoit d’ailleurs, au nom de la tradition, de conserver les députés au sein du collège électoral, mais également d’y intégrer les sénateurs. Nous aurons l’occasion d’en débattre en séance publique.

Toutefois, la composition exacte du collège électoral sera modifiée au fil de l’évolution de l’organisation décentralisée de la République. Les conseillers territoriaux seront bien sûr intégrés après leur élection au suffrage universel direct. Les évolutions statutaires de certaines collectivités ont ensuite conduit à des modifications marginales du collège électoral, comme avec l’intégration, en 1999, des conseillers de l’assemblée de Corse pour l’élection au sein des départements corses.

Contrairement au début de la IIIe République, le nombre de délégués des conseils municipaux par commune n’est plus égalitaire. Il tient désormais beaucoup mieux compte de la population des communes. Les délégués sont désignés en fonction de strates démographiques.

Ainsi, lorsque les communes comptent plus de 9 000 habitants, tous les conseillers municipaux sont délégués de droit.

Pour les communes qui comptent plus de 30 000 habitants, un correctif démographique est institué par l’article L. 285 du code électoral : des délégués supplémentaires sont élus par le conseil municipal, à raison d’un délégué par tranche de 1 000 habitants.

L’élection des délégués et de leur suppléant connaît également un double mode de scrutin selon la population de la commune : pour les communes élisant le conseil municipal à la proportionnelle, l’élection des délégués se déroule à la proportionnelle ; pour les communes élisant leur conseil municipal au scrutin majoritaire, l’élection des délégués a lieu au scrutin majoritaire. La modification du seuil provoquera bien entendu des modifications du collège des grands électeurs pour les prochaines élections.

J’en viens maintenant à la réforme portée par le Gouvernement, qui a été excellemment présentée par M. le ministre de l’intérieur, Manuel Valls.

Le Gouvernement n’a pas souhaité, par cette réforme, bouleverser les traits fondamentaux et caractéristiques du scrutin sénatorial. J’ai lu dans la presse quelques attaques que je trouve particulièrement caricaturales et qui ne correspondent pas à la réalité de la réforme proposée.

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