Nous sommes globalement parvenus à un équilibre qui, je crois, tient compte du fait urbain et de la nécessité de corriger le déséquilibre existant entre communes rurales et communes urbaines.
L’étude d’impact comporte un excellent tableau qui montre bien l’important avantage octroyé aujourd’hui aux petites communes : en moyenne, dans les communes de moins de 10 000 habitants, un grand électeur va représenter, suivant la strate, 300 ou 400 habitants alors que, dès qu’il s’agit des communes de plus de 20 000 habitants, un grand électeur va représenter plus de 1 000 habitants.
On constate donc que le ratio est très favorable aux petites communes rurales. S’il n’est pas scandaleux d’accorder un tel avantage, encore faut-il que les choses soient un peu mieux équilibrées. Avec la proposition du Gouvernement, ce ratio passerait, dans les communes de plus de 30 000 habitants, à un grand électeur pour 700 habitants. On corrige, on rééquilibre, mais les petites communes restent extrêmement avantagées par le mode de désignation des grands électeurs, car les modifications envisagées ne s’effectuent qu’à la marge.
Actuellement, plus des deux tiers des délégués des conseils municipaux représentent les communes de moins de 10 000 habitants, alors que celles-ci ne regroupent que la moitié de la population.
Tous ceux qui dénoncent une attaque envers le monde rural se trompent. Ce dernier restera de fait mieux représenté, mais un rééquilibrage s’opérera afin de tenir compte de l’augmentation de la population dans les zones urbaines et les villes importantes. En tant qu’élu du bitume et du béton §je ne peux qu’être favorable à une telle mesure qui vise à rééquilibrer le nombre de grands électeurs au profit des communes importantes.
La seconde modification concerne la proportionnelle dans les départements élisant trois sénateurs. Il s’agit des articles 2 et 3 du projet de loi qui modifient la répartition entre le scrutin majoritaire uninominal à deux tours et le scrutin de liste.
Je crois que la volonté du Gouvernement est claire : en modifiant le seuil de l’application de la proportionnelle, il s’agit de revenir à la loi votée en 2000 sous le gouvernement Jospin. La majorité de gauche fait donc preuve de cohérence en remettant sur la table ce qui avait été détricoté en 2004, de façon que le scrutin proportionnel s’applique dès trois sénateurs.
Comme cela a été dit, un tel système favoriserait la parité. Même s’il y a du mieux, notre marge de progression est en effet encore importante en cette matière, et ce n’est pas Mme Gonthier-Maurin qui me contredira : 22 % de sénatrices, c’est encore largement insuffisant ! Or, nous le savons et le constatons, la proportionnelle favorise la parité.
Un tel système permettrait également une plus grande pluralité au sein de la représentation sénatoriale de certains départements. Aujourd’hui, si 51 % des grands électeurs d’un département élisant trois sénateurs sont d’une même famille politique, ils peuvent emporter les trois sièges. A contrario, la famille politique représentant 49 % des grands électeurs n’aura donc aucun siège. Le dispositif prévu par ce texte permettra de rééquilibrer la représentation sénatoriale des départements dans lesquels les grands électeurs de l’opposition départementale sont en nombre important : ils pourront quand même être représentés par un sénateur, ce qui participera de la pluralité de l’expression politique dans les départements.
Le débat a été bien sûr extrêmement riche en commission des lois. Cette dernière, réunie le 24 avril dernier sous la présidence de Jean-Pierre Sueur, a longtemps débattu du texte mais ne l’a malheureusement pas adopté à l’issue de ses travaux. En application du premier alinéa de l’article 42 de la Constitution, c’est donc du texte du projet de loi déposé sur le bureau du Sénat par le Gouvernement dont nous débattrons ce jour.
Avant le rejet global du texte le 24 avril, j’avais présenté un amendement intéressant, qui avait été retenu, visant à ce que, dans les départements élisant des sénateurs au scrutin uninominal, on ne puisse plus être candidat directement au second tour sans l’avoir été au premier. D’autres amendements en ce sens ont été redéposés depuis. Je crois en effet indispensable de ne plus autoriser cette bizarrerie, cet anachronisme, qui permet de surgir directement au second tour. D’ailleurs, lors des différentes auditions que j’ai menées en recevant les présidents de tous les groupes de la Haute Assemblée, cette modification a semblé faire l’objet d’un très large consensus.
La commission a réexaminé hier l’ensemble des amendements déposés sur le texte. Là encore, le débat a été riche. Sans entamer la discussion à venir, plusieurs questions ressortent : faut-il extraire les députés du collège électoral des sénateurs ? Les sénateurs doivent-ils être associés à l’élection en tant que membres du collège électoral ? Une autre question délicate tient au vote par procuration, qui a pu conduire parfois à des annulations. Des interrogations ont également vu le jour sur le nombre de suppléants désignés par les conseils municipaux et le nombre de délégués pour la strate des communes comprises entre 3 500 et 10 000 habitants, dans lesquelles certains sénateurs ont relevé des incohérences. Il y a d’autres questions encore s’agissant de la parité sur le ticket, de l’instauration d’un seuil pour le second tour en cas de scrutin uninominal et du laps de temps entre la date limite du dépôt des candidatures et le vote des grands délégués.
Ces différents amendements ne remettent pas en cause la philosophie ni l’architecture générales du texte, mais visent seulement, s’agissant d’aspects techniques, à améliorer le mode d’élection des sénateurs.
Certains, bien sûr, souhaiteraient que cette réforme soit rejetée. Pour ma part, je crois qu’elle va dans le bon sens et qu’elle permettra au Sénat d’être plus représentatif. Et pour être légitime, il faut être plus représentatif, non seulement en tenant compte du fait urbain et de la taille de nos villes, mais aussi en favorisant la parité et le pluralisme politique.
Pour conclure, je tiens à remercier le Gouvernement, le ministre et son cabinet pour la disponibilité dont ils ont su faire preuve tout au long de mon travail.
Je crois, mes chers collègues, que nous avons eu en commission un débat extrêmement riche sur le mode de scrutin de l’élection sénatoriale. Je suis sûr que la discussion en séance publique sera de grande qualité et de haute tenue et que nous saurons améliorer le texte du Gouvernement à la marge, …