Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’article 1er de cette proposition de loi est sans aucun doute le plus important puisqu’il pose les bases légales nécessaires à l’expérimentation des maisons de naissance.
Nous l’avons dit dans la discussion générale, nous sommes favorables à la possibilité pour les femmes de choisir un mode d’accouchement plutôt qu’un autre. Il n’appartient pas à la loi de faire primer une méthode sur une autre : cela relève d’un choix personnel, qu’il nous faut évidemment respecter.
De la même manière, nous sommes conscients que la reconnaissance de la formation de sage-femme au grade de master 2 ainsi que l’élargissement de leur champ de compétences nécessitent une revalorisation de la profession, ce que nous avons toujours soutenu.
Les sages-femmes doivent, y compris au sein des établissements publics, pouvoir bénéficier d’une autonomie d’action plus large et obtenir, dans leur exercice en tant que professionnels libéraux ou dans le cadre de structures, une revalorisation de la nomenclature des actes.
Or ces sujets si importants ne sont pas abordés dans cette proposition de loi. Il nous semble pourtant – et les rencontres que nous avons eues avec les professionnels concernés le prouvent – qu’il s’agit là d’une demande commune à toute la profession.
Toutefois, nous ne perdons pas de vue le contexte dans lequel se situe l’examen de ce texte. Dois-je rappeler ici que de nombreuses structures publiques ou privées non lucratives ferment, soit victimes d’un financement insuffisant, en raison de l’application de la tarification à l’activité – T2A –, soit sous un prétexte sécuritaire, par exemple le fait que la maternité ne réaliserait pas suffisamment d’actes ? Je pense aux menaces pesant sur les maternités des Bluets, des Lilas ou de Vire.
Cet argument est d’autant plus étonnant que le seuil de 300 actes est régulièrement mis en avant, les autorités sanitaires considérant qu’en dessous de ce nombre, les professionnels de santé souffriraient d’un manque de pratique mettant en danger la santé des femmes et des enfants à naître.
Est-ce à dire, madame la ministre, que les maisons de naissance créées à titre expérimental qui réaliseraient moins de 300 naissances annuelles, ce qui est fort probable, notamment les premières années, seraient immédiatement fermées pour le même motif ? La question se pose.
Pour notre part, si nous sommes favorables au libre choix des femmes d’opter ou non pour un accouchement plus naturel, nous sommes opposés à ce que les maternités de niveau 1, celles qui accueillent les futures mamans dont la grossesse et le déroulement de l’accouchement ne présentent a priori aucun risque, c’est-à-dire la majorité, se voient imposer des règles différentes de celles applicables aux maisons de naissance.
Comme d’autres, je regrette la surmédicalisation des accouchements, qui est surtout le fait des maternités de niveau 3. Celles-ci, sous l’impulsion de la loi HPST – loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires – et sous l’effet conjugué de la T2A et de la convergence tarifaire, sont devenues ce que certains osent appeler des « usines à bébés ».
Or il serait sans aucun doute opportun de s’interroger sur le mouvement qui a conduit à cet état de fait.
Comment ignorer que la fermeture massive des maternités de proximité, essentiellement de niveau 1, avec le transfert des patients vers des maternités plus importantes et plus médicalisées, contribue à cette surmédicalisation ?
Je regrette qu’aucune mesure ne soit prise pour garantir le maintien de ces maternités publiques, qui offrent aux femmes qui le souhaitent – et elles demeurent très largement majoritaires – un cadre médicalisé sans outrance ainsi qu’un accompagnement personnalisé et humain.
Tout cela nous conduit à formuler, au travers de nos amendements, une proposition alternative à celle de notre rapporteur. Si ce qui compte pour vous, mes chers collègues, est de garantir aux femmes un accompagnement moins médicalisé et plus proche des aspirations de certaines femmes qui revendiquent le droit à un accouchement plus naturel, je suis certaine que vous lui donnerez une suite favorable.
Il s’agit clairement pour nous de concilier ces aspirations, que l’on peut entendre, avec celle de l’immense majorité de nos concitoyennes, puisque 75 % d’entre elles font confiance au service public hospitalier, en proposant que ce nouveau mode d’accompagnement relève de ce dernier.
C’est la force et le devoir du service public de santé que de s’adapter, et je suis convaincue que les professionnels s’engageront volontiers dans ce nouveau challenge. La période d’expérimentation devrait d’ailleurs nous en apporter la preuve.