Intervention de Esther Benbassa

Réunion du 13 juin 2013 à 15h00
Évaluation médicale à la conduite pour les conducteurs de 70 ans et plus — Renvoi à la commission d'une proposition de loi

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

La proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui n’est pas anodine et doit être envisagée sous tous ses aspects.

On ne peut le nier, certaines personnes continuent de conduire, alors qu’elles devraient s’arrêter parce que leur vue et leur ouïe baissent, parce que leurs réflexes diminuent.

Toutefois, si elles continuent à conduire, c’est bien souvent par nécessité. La voiture reste, en dehors des grandes villes, un moyen indispensable pour aller faire ses courses, se rendre chez le médecin ou, tout simplement, avoir une vie sociale.

Imposer un contrôle médical aux conducteurs vieillissants, pourquoi pas ? Encore faut-il faire remarquer que cela n’a pas de sens s’ils ne sont pas pris en charge pour leurs déplacements quotidiens !

On le sait, la population française vieillit. Cela rend la question de l’autonomie et de la mobilité cruciale dans une société qui manque cruellement d’infrastructures pour accueillir les plus âgés. De surcroît, rien ne permet de dire aujourd’hui, faute de disposer de travaux en nombre significatif sur la question, que les conducteurs âgés de plus de 70 ans seraient à l’origine d’un plus grand nombre d’accidents que les autres. Au contraire !

Comme l’a dit Mme la ministre, les seniors n’ont pas tendance à conduire ivres ou sous l’emprise de drogues. D’ailleurs, nombreux sont ceux qui, sentant leurs capacités diminuer, modifient leurs habitudes, arrêtent de conduire la nuit ou d’emprunter l’autoroute.

Les accidents graves impliquant des personnes âgées ne sont pas toujours liés à l’âge du conducteur. Ainsi, comme le relèvent les députés Armand Jung et Philippe Houillon dans un rapport d’information remis en 2012, « ce n’est pas un quelconque malaise du conducteur octogénaire qui est à l’origine du drame de Loriol qui a coûté la vie, le 29 novembre 2002, à cinq pompiers drômois, mais le très grand excès de vitesse dont il s’est rendu coupable au volant d’un véhicule très puissant, aux abords d’un accident signalé ».

Si la question de l’aptitude à conduire est légitime, elle doit se poser à tous et à tous âges. Il semble au groupe écologiste que la sanction, comme la stigmatisation du vieillissement, ne peuvent être des solutions. Selon nous, c’est l’entourage et, surtout, le médecin traitant qui sont les plus à même d’alerter une personne sur la diminution de ses capacités.

Aux termes du texte que nous examinons, un médecin agréé de la préfecture rédigerait le certificat médical d’aptitude. Celui-ci n’est toutefois pas forcément le mieux placé pour évaluer la capacité à conduire. En effet, il n’a jamais rencontré la personne auparavant. De surcroît, tout le monde n’habite pas dans une ville où se trouve une préfecture. Dans bien des territoires, il faudra donc s’y rendre en voiture.

C’est la raison pour laquelle le groupe écologiste a déposé un amendement tendant à proposer que le médecin traitant se charge de déterminer l’aptitude à conduire.

Parallèlement, et parce que nous croyons que c’est la prévention qui peut durablement changer les comportements, nous avons déposé un amendement pour que des campagnes de sensibilisation aux risques routiers liés au vieillissement soient menées par divers canaux.

Bien que la présente proposition de loi ait le mérite de susciter un débat de société utile et une réflexion salutaire, pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, et notamment afin d’éviter d’inscrire dans la loi une discrimination liée à l’âge, le groupe écologiste ne votera pas ce texte. ()

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion