Intervention de David Assouline

Commission pour le contrôle de l'application des lois — Réunion du 11 juin 2013 : 1ère réunion
Contrôle de la mise en application des lois — Examen du rapport annuel

Photo de David AssoulineDavid Assouline, président :

L'examen du rapport d'activité que nous sommes réglementairement tenus de présenter chaque année est un temps fort du travail de notre commission. Le rapport aussi est très attendu par les spécialistes à l'extérieur ! Cet exercice n'a donc rien de formel : il nous donne l'occasion d'une réflexion d'ensemble sur l'application des lois, assortie de propositions pour rendre notre environnement normatif plus performant, plus simple et plus accessible. Les sept commissions permanentes nous ont transmis leurs récapitulatifs le mois dernier. Je les remercie de ce travail préparatoire qu'elles ont assuré avec constance tout au long de l'année.

Concernant les statistiques de l'année, nous avons recoupé nos chiffres avec ceux du Secrétariat général du Gouvernement. Comment porter une appréciation sérieuse sur le rythme de publication des décrets d'application si nous ne partons pas de décomptes incontestables ? Avec M. Patrick Ollier, nous avions déjà corrigé l'an dernier un décalage de dates qui donnait lieu à des polémiques infondées. Cette année, il n'y aura pas matière à contestation car nos décomptes aboutissent à des résultats convergents.

Le rapport couvre la période du 14 juillet 2011 au 30 septembre 2012. Ces bornes ont été fixées avec le Secrétariat général du Gouvernement pour prendre en compte les effets liés au changement de Gouvernement et de législature suite aux élections de mai et juin 2012.

La chronologie des mandatures depuis 2007 n'est pas sans conséquence sur l'application des lois. Le Gouvernement Fillon n'a eu à mettre en application que des lois proposées par lui-même ou héritées des Gouvernements Raffarin et Villepin, c'est-à-dire venant toutes de la même majorité. Pour le Gouvernement Ayrault, la situation a été moins confortable : au cours de la dernière session, il a dû gérer à la fois des lois de l'ancienne majorité et ses propres textes. Quoi qu'il en soit, l'application des lois est une priorité forte du nouveau Gouvernement, dans la continuité du mouvement amorcé la dernière année de son prédécesseur. Il a confirmé l'objectif fixé de publier les décrets d'application de toute loi nouvelle dans un délai maximum de six mois.

Cette année, les statistiques sont en hausse, aussi bien en valeur absolue que pour les délais de publication des décrets. Le taux global de mise en application des textes adoptés durant la session 2011-2012 atteint 66 % (pourcentage arrondi), contre 64 % lors de la session précédente. Mais il faut dire que ce taux, qui plafonnait en réalité aux alentours de 30 à 40 % depuis des années, avait été artificiellement gonflé l'an dernier, car le Gouvernement Fillon, incertain de l'avenir, avait mis les bouchées doubles pour faire appliquer ses textes... Rapportée à la moyenne des années précédentes, la progression est donc bien réelle.

Sans être contraint par les mêmes échéances, le Gouvernement Ayrault a maintenu la pression toute l'année, au point que 90 % des lois de la session 2011-2012 sont aujourd'hui en application partielle ou totale. Il en va de même pour plus de 80 % textes votés par l'actuelle majorité, alors même que le délai de six mois n'est pas encore expiré. Soulignons que les textes issus de l'initiative parlementaire ne sont pas plus mal traités que les lois d'origine gouvernementale, avec toutefois plus d'empressement pour les textes de l'Assemblée nationale que pour ceux du Sénat.

Nous n'en sommes pas encore au taux de 100 % que le Parlement serait en droit d'attendre, mais dans l'ensemble, la dynamique est bonne.

Certes, la perception reste assez variable d'une commission permanente à l'autre. De même, comment admettre que le Gouvernement impose au Parlement d'examiner autant de projets de loi selon la procédure accélérée, alors que les décrets d'application de ces lois attendront plusieurs mois avant d'être publiés ? Il y a là une contradiction manifeste. Cette urgence à deux vitesses a quelque chose de choquant, même si nous comprenons qu'il y a des délais incompressibles pour l'élaboration des décrets, comme en rend compte une note technique que m'avait communiquée le Gouvernement et qui figurera en annexe du rapport écrit.

Le rattrapage des retards antérieurs se poursuit en revanche à un rythme médiocre avec, là encore, des écarts sensibles entre commissions. Pour les lois adoptées entre juin 2007 et juin 2012, l'actuel Gouvernement n'a publié que cinquante règlements ou rapports, soit la moitié des textes prévus. Mais on peut comprendre qu'un Gouvernement, quel qu'il soit, ne s'empresse pas d'appliquer les lois d'une majorité opposée à la sienne.

L'apurement du stock de lois antérieures à 2007 stagne, ce qui s'explique principalement, là encore, par les changements de priorités politiques. Nous avions déjà observé le même phénomène sous la XIIIe législature, alors qu'il s'agissait pourtant de la même majorité qu'avant. Devons-nous nous résigner à ce qu'une loi n'ayant pas été mise en application rapidement après son adoption soit condamnée à ne jamais l'être ? Une loi votée par le Parlement se périme-t-elle au bout de quelques années, sans que nous l'ayons formellement acté ?

Ne pourrait-on envisager une loi d'abrogation globale ? C'est une question que je livre à votre réflexion, mais cela nécessiterait bien sûr un consensus politique.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion