Merci pour votre accueil, Monsieur le président. La crise économique a détourné l'attention des questions climatiques, mais la Commission estime qu'une politique de l'environnement intelligente - préparation de la conférence de Paris en 2015, fixation des objectifs pour 2030 - sera bénéfique pour les économies européennes : en 2012, les importations de pétrole ont coûté un milliard d'euros par jour aux vingt-sept États membres ! Ces sommes déséquilibrent nos balances commerciales sans faire l'objet d'aucun débat politique. Améliorer notre efficacité énergétique créera des emplois. Le secteur de l'énergie verte et de la gestion des déchets est l'un de ceux qui ont le mieux traversé la crise, puisque le nombre d'emplois y a augmenté. Il fait partie, avec la santé et les télécommunications, des trois domaines susceptibles de contribuer à la création nette d'emplois d'ici à 2020. L'Europe a la capacité de créer des millions d'emplois si nous faisons les bons choix.
Le 22 mai, les chefs d'État ont eu une discussion thématique sur l'énergie. Ils se sont déclarés favorables au livre vert de la Commission sur la stratégie climatique pour 2030 et nous ont encouragés à faire des propositions précises avant la fin de l'année, qu'ils examineront en mars prochain, avant les élections européennes de mai. Si nous manquons cette échéance, la détermination de la stratégie européenne sera considérablement retardée. Faut-il un objectif unique de limitation des gaz à effet de serre ? Faut-il le lier à un objectif d'efficacité énergétique ? Le livre vert a vocation à être enrichi par des contributions des Parlements nationaux.
Vous connaissez les difficultés du système d'échanges de quotas d'émission (EQE) européen. Pourtant, la Corée adopte un système d'échange de quotas d'émission, la Californie, huitième économie mondiale - dont les innovations se répandent généralement aux États-Unis - fait de même, l'Australie aussi - nous cherchons comment relier leur système au nôtre - et la Chine commence à mettre un prix sur le carbone : après Shanghai, un projet-pilote est lancé à Shenzhen. Nous travaillons avec les autorités chinoises sur la transformation de ces expérimentations en un système national. Dans ce contexte, il serait regrettable que l'Europe ne parvienne pas à faire fonctionner son système d'EQE. La commission des réglementations du Parlement a trouvé hier soir un accord sur le CO2, j'espère qu'un autre sera trouvé aujourd'hui pour favoriser l'innovation en Europe et créer ainsi des emplois.
Nous avons introduit dans le cadre financier pluriannuel de l'Union européenne l'idée que 20 % au moins des dépenses doivent nous aider à atteindre nos objectifs en matière de climat. Cela imposera une nouvelle mentalité dès la phase de planification des politiques structurelles.
L'Europe pourra-t-elle parler d'une seule voix en 2015 ? A Durban, il y a deux ans, l'Europe a obtenu des États-Unis, de la Chine et de l'Inde qu'ils acceptent en 2015 un accord rompant avec la logique de Kyoto, qui créait des niveaux différenciés d'engagement pour les pays en développement. Cette grande victoire de l'Union européenne a été possible parce que l'Europe a parlé d'une seule voix, et a su passer des alliances avec d'autres pays, notamment africains. La dynamique ainsi créée a fini par faire flancher la Chine, l'Inde et le Brésil. Pourrons-nous faire de même à Paris en 2015 ? Je l'ignore, et cette incertitude est un cauchemar quotidien. La Pologne, par exemple, s'oppose à ce que nous définissions avant cette conférence les objectifs pour 2030 - tout comme certains industriels. Si nous adoptons cette position, l'Europe ne sera certainement pas capable d'agir avec unité lors de la conférence de Paris.
Il y a de bonnes chances, pourtant, pour que nous parvenions à un accord. Faut-il adopter un processus ascendant ou descendant ? La conférence de Copenhague a illustré les difficultés des deux processus : les Nations unies avaient fixé des objectifs, qui ont ensuite été soumis à la discussion, et plus de 90 pays sont arrivés avec des plans et des objectifs nationaux sur le climat. Mais l'addition de ces engagements ne permettait pas d'atteindre l'objectif de limiter à deux degrés l'augmentation de la température moyenne du globe. Ce décalage s'est creusé depuis. L'ambition essentielle de la conférence de Paris doit être de le réduire : sinon, à quoi bon négocier un accord international ? En travaillant ensemble, les États doivent décider de faire un peu plus que ce qu'ils feraient s'ils ne savaient pas ce que font les autres pays : telle doit être la dynamique de cette conférence.
Je connais l'inquiétude des gouvernements, qui ne souhaitent pas créer des attentes sans savoir s'ils pourront les satisfaire. De fait, si les attentes sont moins élevées, l'échec sera moindre ; Copenhague l'a bien montré, a contrario. Mais s'il n'y a pas d'attentes, qu'est-ce qui poussera les gouvernements à faire plus d'efforts ? Il y a là un équilibre délicat à trouver. Les gouvernements ne doivent pas décider seuls : la communauté des ONG fera pression. Pour ne pas décevoir les attentes, nous ferons tout notre possible pour apporter notre aide sur la question des formes juridiques et du financement. Par exemple, le Qatar est le pays qui a le revenu par tête le plus élevé : pourquoi ne contribuerait-t-il pas ? Des ajustements s'imposent !
Les dirigeants hésiteront, je pense, à décevoir les espoirs de leurs opinions publiques, d'autant plus que le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) va prochainement publier un rapport qui rétablira un sentiment d'urgence. La France devra jouer le rôle d'honnête courtier, pour lequel son expérience diplomatique ancienne la qualifie, même si l'organisation, en Europe, d'une pareille conférence accroît toujours les difficultés : les autres pays adoptent une attitude d'expectative devant les efforts de l'Europe. Il ne faudra pas négliger les nombreux pays en développement, et veiller à s'assurer le soutien des États insulaires, sans se concentrer sur les plus grands pays comme la Chine ou les États-Unis.