Quelle stratégie pour préparer la conférence de Paris ? Tout d'abord, une mise à jour des connaissances scientifiques s'impose. Cela aidera aussi à faire comprendre à l'opinion publique qu'il y a urgence. L'année 2015 est aussi la date-butoir pour les objectifs du millénaire issus du processus de Rio, qui vont se transformer en objectifs du développement durable (ODD). Chaque gouvernement devra chercher un nouveau modèle de croissance exploitant de manière plus efficace les ressources. Nous devons comprendre que des changements majeurs s'imposent : l'impact financier des catastrophes naturelles des dernières semaines en Europe sera compris entre 7 et 12 milliards d'euros. Aux États-Unis, en Inde, les compagnies d'assurances ont dû payer d'énormes sommes. Ce qui se passe est conforme à ce que les scientifiques avaient prévu.
Les étapes sont les suivantes : conférence de Varsovie, Pérou, conférence de Paris, mais les attentes seront fortes pour la conférence de Paris. Ne soyez donc pas trop polis : si vous laissez les Polonais s'occuper de la conférence de Varsovie, et les Péruviens de celle du Pérou, vous aurez peu de temps pour préparer la conférence de Paris. L'Europe fera de gros efforts pour que nous parvenions à un accord juridiquement contraignant : les bonnes intentions ne suffisent pas, le suivi et le financement sont déterminants. A Copenhague, il a été décidé qu'à partir de 2020, cent milliards de dollars seraient consacrés chaque année aux problématiques du climat. Je pense que le financement public ne suffira pas à réunir de pareilles sommes : la communauté des pays donateurs réfléchit donc à des manières d'utiliser les investissements publics pour susciter des investissements privés, de telle sorte que chaque euro investi soit bon pour l'énergie, pour le développement, pour la croissance et pour le climat. C'est l'une des grandes batailles pour 2015 : il faut inscrire le financement des politiques climatiques dans un cadre large.
Nous devons aussi envisager la création de domaines de coopération sur des problématiques précises : réforme des systèmes de subvention pour les carburants fossiles, réduction de l'usage des gaz HFC, élaboration de normes de construction des bâtiments accroissant leur efficacité énergétique... Sans attendre que les 194 pays se mettent d'accord, un petit groupe peut commencer à agir pour montrer l'exemple. Les villes, les régions sont aussi détentrices de nombreuses solutions, et peuvent montrer la voie : à cet égard, les parlementaires nationaux ont une responsabilité. Les pays en développement craignent en effet que cette conférence sur le climat n'interfère avec leur droit à la croissance. L'objectif est d'arriver à une croissance plus intelligente. Pour cela il faut montrer que celle-ci comporte des avantages : il ne s'agit pas de faire de sacrifices ou de diminuer le bien-être, mais de bâtir des villes plus attirantes, de respirer un air plus propre, d'avoir une circulation moins bruyante, moins polluante... Il existe pour tout cela des technologies, que nous devons appliquer. La France devra mettre en avant les solutions qui existent.
Quel accord avec la Pologne ? Celle-ci souhaite qu'il n'y ait pas d'accord sur les objectifs pour 2030 avant la conférence de Paris. Elle a toutefois un intérêt prononcé pour l'efficacité énergétique, pour laquelle - comme les autres pays de l'ex-bloc de l'Est - son potentiel est énorme. Il faut aussi joindre aux objectifs le développement des énergies renouvelables, qui est un gisement d'emplois industriels pour l'Europe. Plutôt que de fixer uniquement un objectif d'émissions de CO2, nous devons faire en sorte d'inclure la Pologne dans notre accord pour 2030 en le construisant autour de l'efficacité énergétique, des énergies renouvelables.
Utiliser les catastrophes naturelles pour orienter l'opinion publique peut sembler cynique, mais soyons réalistes : s'il n'y avait pas eu l'ouragan Sandy à la fin de la campagne de M. Obama, celui-ci ne s'apprêterait pas à tenir ce soir un discours sur le changement climatique. Prenez aussi la République tchèque, ou l'Allemagne, où des maisons sont sous l'eau depuis trois semaines... Le Premier Ministre de Saxe m'a montré des photos : l'eau est encore là, les villages sont encore inondés. Cela frappera sans doute les esprits !