Intervention de Claude Belot

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 26 juin 2013 : 1ère réunion
Audition de M. Claude Belot vice-président de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation sur son rapport d'information « collectivités territoriales : mobiliser les sources d'énergie locales »

Photo de Claude BelotClaude Belot :

Merci de me recevoir, c'est pour moi un grand honneur de pouvoir discuter avec vous de ces sujets, que je suis attentivement depuis des années. L'énergie représente 8 % du PIB, quand l'agriculture en représente 2 % : cela remet les choses en perspective. L'énergie passionne les médias et l'opinion, mais essentiellement autour de deux thèmes : le nucléaire et les gaz de schistes, le reste est peu traité. Je suis pour ma part favorable à une exploration, pour repérer nos gisements en gaz en schiste. L'essentiel est que des compagnies françaises ayant le savoir-faire s'y essaient. C'est le cas pour Total en ce moment en Grande-Bretagne. Concernant le nucléaire, il faut indiquer que l'ensemble de la filière électrique française représente 22 % de la consommation énergétique. Si on vise 50 % de nucléaire, cela fera 11 % de la consommation. J'aurais donc tendance à dire que ce n'est pas le sujet essentiel.

J'aborde la problématique de l'énergie avec le souhait d'une responsabilisation des collectivités territoriales. Depuis bien longtemps, l'énergie est considérée dans le cadre d'une approche collective. Les paroisses françaises avaient toutes des bois communaux. La grande période de la prise en main de l'énergie par les collectivités locales françaises a été le 19ème siècle, sous l'influence notamment de l'esprit saint-simonien. Ce n'est pas l'Etat qui a réglé le problème du développement de l'électricité et du gaz, mais bien les communes, plus ou moins regroupées, avec la création de régies publiques. Elles en ont assuré le développement et le fonctionnement jusqu'après la Seconde Guerre mondiale. Dans le quartier où nous sommes, c'est à partir du 17ème siècle qu'ont été installés, pour des raisons de sécurité, des becs de gaz. Le Sénat est chauffé par la Compagnie parisienne de chauffage urbain, créée à la fin du 19ème siècle, et alimentée par la combustion des déchets de Paris. Les gens sont parfois surpris quand on leur rappelle l'histoire.

A partir de 1946, nous sommes entrés dans une ère nouvelle. Pour des raisons économiques, idéologiques aussi, ont été créées les grosses entreprises de l'énergie, EDF et GDF en particulier. L'énergie est alors considérée comme un facteur devant être contrôlé par la puissance publique nationale. Une politique totalement centralisée de la production énergétique a été mise en place, qui impliquait un transport très important. Les sources d'énergies locales ont été mises au second plan, voire abandonnées.

Nous avons aujourd'hui le plus gros parc de chauffage par effet joule des grands pays développés. Seuls le Canada et la Norvège sont devant nous. La seule différence est qu'ils ont des kilowatts d'énergie hydroélectrique en abondance. Le moyen le plus économique de se chauffer reste d'utiliser les ressources de la nature. Cet hiver en France, nous avons assuré nos pointes de consommation électrique liées au froid en achetant de l'électricité d'origine allemande produite avec du charbon américain...

Le Sénat a été très actif pour influer sur l'attitude des pouvoirs publics. Nous avons adopté par exemple il y a quelques années un amendement pour abaisser la TVA à 5,5 % sur les réseaux de chaleur alimentés au bois. L'idée que les collectivités territoriales se mêlent d'énergie a longtemps été impopulaire. Ce n'était pas la doctrine, qui prônait une politique centralisée. Le Grenelle a marqué une évolution dans l'état d'esprit général.

Toutes les conditions, législatives comme économiques, sont aujourd'hui remplies en France pour que les collectivités territoriales reprennent en main leur destin énergétique et mettent en valeur les sources d'énergies locales. Beaucoup de collectivités ont pris des initiatives intéressantes. Je cite quelques exemples dans mon rapport. C'est une opportunité pour les habitants, mais aussi pour l'emploi. L'ennemi, c'est l'hydrocarbure importé. Il favorise les économies du Moyen-Orient et de la Russie, au détriment de notre emploi et de notre balance commerciale.

Les collectivités territoriales essaient de faire des économies d'énergie. Toutes ou presque ont adopté des réglementations en termes d'isolation. Certaines se sont équipées en véhicules électriques. C'est le premier degré de l'action énergétique. Les collectivités peuvent aussi agir en matière de pédagogie, par exemple à travers la création de maisons de l'énergie, afin de conseiller les gens sur le bâti et sur les permis de construire.

Les collectivités peuvent enfin s'engager dans la production et la mise en valeur des énergies locales. La nature est assez généreuse. Nous avons évoqué la géothermie. Dans nos bassins sédimentaires français, qui couvrent plus de la moitié du territoire, il y a de nombreux aquifères pouvant être mis en valeur, y compris des aquifères de sub-surface qui permettent de créer des réseaux d'eau géothermique tempérée. En plaçant ensuite chez chaque utilisateur des pompes à chaleur eau, le coefficient de performance est de 4 : avec un kilowatt électrique, vous retirez 4 kilowatts thermiques.

La géothermie plus profonde est également une opportunité. On a beaucoup parlé des échecs de certaines opérations en Île-de-France, à un moment où on apprenait encore le métier, au début des années 1980. Aujourd'hui, les techniques sont maîtrisées. Certains puits sont de très belles réalisations techniques et financières, en région parisienne mais aussi en Aquitaine par exemple. La France est bien dotée en ressources géothermiques, et dispose d'entreprises nationales avec les savoir-faire nécessaires. Nous pouvons alimenter des centaines de milliers de logements avec la géothermie.

Concernant la biomasse, des réseaux de chaleur existent aussi. Contrairement à ce qui est parfois affirmé, nous avons d'excellents chaudiéristes français. Ces systèmes sont normés, et ils s'autofinancent. Vous vendez du kilowatt moins cher que le fioul ou le gaz, et vous créez de l'emploi local.

Nous avons aussi des possibilités de production électrique. Les collectivités disposent de déchets ménagers : elles collectent également les déchets de tontes d'espaces verts. Dans mon territoire, je donne 250 000 euros par an aux agriculteurs pour qu'ils enfouissent les boues de stations d'épuration ; je paye 400 000 euros une grande entreprise française pour me débarrasser des déchets verts de 70 000 habitants. J'envisage de passer au biogaz pour une meilleure rentabilité.

Les collectivités ont donc une marge de manoeuvre pour agir, sans aller à l'encontre de la politique menée au niveau national. Les maires, les présidents de communautés, de conseil général et de conseil régional peuvent avoir une démarche, que ce soit pour économiser la consommation d'énergie, jouer un rôle de pédagogie ou entrepreneurial.

Sur mon territoire, il y a aujourd'hui cent mégawatt-crête, soit l'équivalent de 10% d'une tranche nucléaire, pas seulement sous forme d'électricité, essentiellement sous forme de chaleur. Avec les parcs électriques photovoltaïques et une production en cogénération sur du biogaz, nous sommes certains jours complètement autosuffisants avec de l'énergie renouvelable.

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