Intervention de Claude Belot

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 26 juin 2013 : 1ère réunion
Audition de M. Claude Belot vice-président de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation sur son rapport d'information « collectivités territoriales : mobiliser les sources d'énergie locales »

Photo de Claude BelotClaude Belot :

Monsieur Teston, je vous répondrai que le site de géothermie très profonde de Soultz est d'abord un lieu de recherche expérimentale. Je ne suis donc pas choqué qu'on y mette des crédits publics, afin d'apprendre cette technologie novatrice. Mais, bien sûr, il ne faudra pas faire cinquante projets analogues !

Monsieur Cornu, je crois qu'il importe surtout, lorsque l'on monte un projet local d'installations de production d'énergie, de bien calculer ses investissements, en se situant toujours dans le long terme. On n'amortit pas un réseau de chaleur sur cinq à dix ans, mais bien sur vingt à vingt-cinq ans. Mais le plus intéressant, c'est que ce genre d'équipements continue de fonctionner au-delà de cette période d'amortissement. Ainsi, le réseau de chaleur que j'ai mis en place en 1980 fonctionne toujours aujourd'hui, alors qu'il est payé depuis longtemps. En ce qui concerne les régies, il faut bien distinguer celles qu'on exerce soi-même de celles qu'on confie à des tiers gestionnaires. Je crois qu'il est essentiel que la collectivité soit propriétaire des équipements, et qu'elle veille à contrôler leur exploitation. Si l'on fait le choix de la concession, on perd la maîtrise des coûts. Je le constate, par exemple, pour le service des eaux : ma vie est beaucoup plus simple depuis que ma commune s'est mise en régie. Mais cela ne veut pas dire que je peux piloter moi-même le réseau de chauffage urbain : un autre le fait bien mieux que moi, à condition qu'on lui fixe des engagements et des objectifs à tenir.

Monsieur Fouché, la « loi Grenelle I » a quand-même donné naissance au fonds chaleur, qui a permis le financement de nombreux projets énergétiques locaux. En ce qui concerne les dépenses d'énergie des personnes les plus pauvres, il faut savoir que les propriétaires, qu'ils soient publics ou privés, font rarement les investissements nécessaires pour une forme de chauffage efficace, mais privilégient le chauffage électrique par effet joule. C'est pourquoi les personnes les moins aisées ont l'énergie la plus coûteuse, et que les communes, comme les départements, doivent mettre en place des fonds de solidarité pour permettre à celles-ci de faire face à leur facture énergétique. J'estime que nous sommes aujourd'hui en devoir de mettre en place des systèmes d'énergie moins coûteux. C'est d'ailleurs là un problème très spécifique à la France. Il y a des possibilités d'action. Par exemple, quand un propriétaire dépose auprès de ma mairie une demande de permis de construire pour un logement locatif qui prévoit un mode de chauffage par effet joule, nous lui demandons de venir s'expliquer. Et la solution de chauffage finalement retenue est souvent différente de celle initialement envisagée.

Monsieur Filleul, la difficulté vient de ce que l'on branche sur un réseau de distribution commun des sources d'énergie très différentes. L'éolien et le photovoltaïque ne sont pas encore vraiment compétitifs : on paie l'électricité ainsi produite plus chère que celle provenant de l'énergie nucléaire, de l'hydraulique ou des énergies fossiles. Mais il faut espérer que l'on aura bientôt de l'énergie solaire plus compétitive, grâce aux technologies de concentration, qui intéresseront notamment le sud de la France.

Monsieur Dantec, la péréquation est un vrai sujet. Historiquement, les villes, qui ont été les premières zones du territoire alimentées en électricité, ont fourni la péréquation au profit des campagnes. Dans mon secteur, entre l'arrivée de l'électricité à Jonzac et le raccordement des dernières communes rurales, il s'est écoulé cinquante années ! Cette lenteur de l'électrification a d'ailleurs contribué pendant longtemps à l'image dégradée des campagnes. Mais il est évident que le réseau de distribution demeure plus cher à entretenir dans les campagnes que dans les villes. Ce phénomène est vrai également pour l'eau, pour le numérique, et pour tous les réseaux de distribution en général. Il ne serait donc pas acceptable que les métropoles ne participent pas au financement des réseaux des autres communes. À cet égard, le régime des métropoles prévu par le projet de loi en cours d'examen au Parlement nous interpelle sur beaucoup de sujets. Il ne faudrait pas se diriger vers une France à deux vitesses.

Monsieur Grignon, je ne suis pas anti-nucléaire. Je voulais simplement mettre en perspective la part réelle du nucléaire dans le bilan énergétique de la France. Sur une consommation énergétique totale de 100 %, l'électricité ne représente que 22 %, soit de 15 % à 11 % pour la part du nucléaire, selon l'objectif que l'on se donne en la matière. Personnellement, je ne suis pas favorable à la fermeture de la centrale de Fessenheim. Quant au projet de chute d'eau sur l'Isle que vous avez cité, c'est une bonne démonstration de l'intérêt des projets d'initiative locale. En allant voir la manière dont procèdent les Suisses, vous constaterez que ceux-ci mettent d'abord en valeur la moindre chute d'eau, avant d'envisager d'autres formes d'énergie, et développent une multitude de régies locales. Si EDF est le plus grand électricien du monde, c'est uniquement parce que le système électrique français est historiquement très centralisé.

Monsieur Pointereau, le cas de votre communauté de communes m'a été signalé comme particulièrement intéressant. Nos sources d'information ont été AMORCE, ainsi que les représentants de toutes les catégories de collectivités territoriales. Nous avons auditionné beaucoup de monde pendant l'année d'élaboration du rapport.

Messieurs Revet et Vairetto, je vous confirme que la forêt à un gros potentiel énergétique. Mais celui-ci doit être régulé. Nous avons des difficultés à travailler avec les forestiers privés, qui ne veulent pas prendre d'engagements à long terme lorsqu'on leur demande une sécurité d'approvisionnement. C'est pourquoi j'ai mis en place dans mon secteur des cultures de saules. Cette essence d'arbre pousse très vite, même sur des terres peu favorables à d'autres cultures. Et cette ressource en biomasse me permet de mettre les forestiers sous une relative pression concurrentielle. La vraie difficulté vient de ce que la propriété forestière n'a pas de doctrine claire et durable sur le sujet.

Il me paraît essentiel de convaincre un maximum d'élus locaux de s'engager dans la production d'énergie. Cela pourrait devenir une démarche conduite par la France toute entière, au lieu de n'être qu'une initiative de quelques-uns. La somme des énergies produites localement pourrait représenter une masse de tonnes équivalent pétrole très importante.

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