Intervention de Pierre Moscovici

Réunion du 26 juin 2013 à 15h00
Séparation et régulation des activités bancaires — Discussion en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Pierre Moscovici :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de dire ma fierté du travail que nous avons accompli ensemble sur ce projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires, dont la discussion parlementaire touche à son terme.

Cette fierté tient d’abord à des raisons de fond. De fait, grâce à votre action, ce texte va redessiner le paysage bancaire pour le rendre à la fois plus stable et plus éthique, au service de la croissance et de l’économie réelle ; il va redonner à la finance sa juste place et sa juste mission.

Cette fierté tient aussi à des raisons de forme. En effet, sur ce projet de loi, le Gouvernement et la représentation nationale ont travaillé main dans la main, ont véritablement fait œuvre de coproduction. De mon point de vue, l’écoute et l’échange entre nous ont été remarquables, exemplaires. La qualité du texte que vous examinez aujourd’hui en résulte directement.

Cette fierté tient enfin à des raisons de méthode. J’ai tenu, à chaque étape de la discussion parlementaire, à faire systématiquement le lien entre les travaux que nous menions en France et les progrès qui étaient accomplis parallèlement au niveau européen, souvent sous l’impulsion de notre pays. Le fait est que la matière dont nous traitons se distingue par son caractère extraordinairement mouvant, surtout à un moment où un certain nombre de cadres, comme le secret bancaire, sont ébranlés et commencent à évoluer. Je pense que c’est à cette articulation fine entre l’échelon national et l’échelon européen que la France doit d’exercer un leadership auprès de ses partenaires – je n’hésite pas à le prétendre –, tout en préservant la compétitivité de son économie.

Mesdames, messieurs les sénateurs, tel est l’état d’esprit dans lequel j’aborde, avec ma collègue Fleur Pellerin, la discussion de ce projet de loi en deuxième lecture devant la Haute Assemblée.

Je souhaite tout d’abord revenir sur les principaux axes structurants de ce que je considère comme une grande réforme. Au fond, l’objectif que je poursuis depuis un an, à la fois au niveau national et au niveau européen, c’est de mettre la finance au service de la croissance. Dans le présent projet de loi, cet objectif se décline selon trois principes : stabilité financière, soutien à la croissance, justice.

À l’axe de la stabilité financière ou, pour le dire autrement, de la maîtrise des risques financiers correspond la séparation des activités, avec la mise en quarantaine dans une filiale des activités spéculatives que la banque mène pour compte propre, c’est-à-dire – en l’absence d’intervention de la loi – au risque des dépôts de ses clients. Je rappelle que, en cas de difficultés, la maison mère ne pourra pas financer davantage cette filiale, quitte à ce que celle-ci s’en trouve condamnée. Si, au travers de ce texte, nous avons choisi d’isoler spécifiquement ces activités, c’est parce que ce sont elles qui ont concentré le gros des pertes que les banques françaises ont essuyées sur les marchés pendant la crise. Le cantonnement protégera à la fois la maison mère et ses clients, et empêchera que les activités pour compte propre ne retrouvent leur niveau d’avant la crise, lorsqu’elles menaçaient la stabilité financière.

Pour prévenir l’instabilité financière, la prévention et le contrôle du risque systémique constituent une autre dimension clé du projet de loi, qui comporte à cet égard un ensemble complet d’avancées.

Tout d’abord, il prévoit le renforcement des structures et des compétences de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, l’ACPR, ainsi que l’obligation, pour chaque établissement, de se doter d’un « testament bancaire », c’est-à-dire d’un plan préventif de résolution.

Par ailleurs, le texte institue une nouvelle autorité, le Haut Conseil de stabilité financière, le HCSF, qui sera doté de vrais pouvoirs d’intervention et aura une double mission : la prévention et la surveillance des risques systémiques.

Dernier point, qui n’est pas le moindre, l’ACPR pourra interdire à un établissement des activités présentant des risques excessifs, soit pour lui-même soit pour le reste du système bancaire et financier.

En ce qui concerne le soutien à la croissance, qui constitue le deuxième axe du projet de loi, il faut avoir conscience que le secteur bancaire joue un rôle important, et même décisif, pour le financement de l’économie, pour l’appui aux décisions d’investissement des entreprises ou de consommation des ménages, composantes essentielles d’une croissance aujourd’hui atone.

Ce rôle vital pour l’économie, le secteur bancaire doit le jouer mieux. C’est tout l’enjeu des réformes du financement de l’économie qu’il m’appartient de mettre en œuvre. Parce que je veux que nos entreprises puissent continuer à trouver auprès du secteur bancaire les possibilités de financement dont elles ont besoin pour investir et se développer, j’ai fait le choix –assumé – de préserver, tout en le réformant, le modèle français de banque universelle ; nous en avons déjà longuement débattu en première lecture.

La justice est le dernier axe qui structure le projet de loi. Ce principe est au fondement des dispositions relatives à la résolution, qui prévoient que l’ACPR pourra faire supporter les pertes d’une banque d’abord par ses actionnaires et certains de ses créanciers, plutôt que par les épargnants ou les contribuables.

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