Intervention de Pierre Moscovici

Réunion du 26 juin 2013 à 15h00
Séparation et régulation des activités bancaires — Discussion en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Pierre Moscovici, ministre :

L’enjeu de la résolution bancaire dépasse nos frontières ; il fait notamment l’objet d’un débat intense avec nos partenaires européens. D’ailleurs, je devrai hélas vous quitter avant la fin de l’examen de ce projet de loi pour participer, à Bruxelles, à un Conseil Ecofin spécialement consacré à ce sujet. Le fait est que nous n’avons pas réussi, dans la nuit de vendredi à samedi dernier, qui fut fort longue, à trouver un accord sur ce point ; je ferai tout mon possible pour que nous y parvenions ce soir, afin que nous puissions faire un nouveau pas vers l’union bancaire, à laquelle je crois fondamentalement.

Vous savez que l’Eurogroupe a défini, la semaine dernière, les grandes lignes de l’intervention du Mécanisme européen de stabilité, le MES, qui sera l’outil commun de la zone euro pour intervenir en cas de restructuration de banques importantes ; c’est ce que l’on appelle la recapitalisation directe. Il nous reste à définir le mécanisme de résolution, que nous anticipons dans ce projet de loi. Les ministres des finances européens en ont discuté la semaine dernière, en ce qui concerne notamment l’étendue du bail-in, c’est-à-dire de la contribution des déposants. Nous avons considérablement rapproché nos points de vue, même s’il nous reste encore une partie du chemin à parcourir.

La justice, c’est aussi la boussole qui oriente les dispositions du projet de loi relatives à la banque de détail.

Dans la mesure où, au départ, le projet de loi devait être centré sur la séparation des activités, il n’allait pas de soi qu’il traite de l’activité de détail ; cependant, il m’est apparu d’emblée que, cette activité étant cruciale et particulièrement sensible pour la vie quotidienne de nos concitoyens, il était important que le texte comporte des dispositions protégeant les clientèles : amélioration du « droit au compte » et des procédures de traitement du surendettement, encadrement des commissions d’intervention. Sur ce dernier point, qui a fait l’objet d’une divergence entre le Sénat et l’Assemblée nationale, je précise que j’avais indiqué devant l’Assemblée nationale que, selon moi, le système du double plafond, adopté par le Sénat, était préférable à celui du plafond unique, qui ne permettrait pas de traiter au mieux le cas spécifique de certaines clientèles particulièrement fragiles. Les députés ne m’ont pas suivi. Ce qui importe, c’est que la commission mixte paritaire parvienne au meilleur accord possible ; je vous fais confiance, mesdames, messieurs les sénateurs, pour en définir les bases et pour convaincre, le moment venu, vos collègues députés.

La justice, enfin, consiste à lutter contre tout ce qui sape l’équité des efforts de chacun pour le redressement de l’économie du pays, en particulier sur le plan budgétaire.

Je pense à l’opacité financière, à l’évasion fiscale, au blanchiment d’argent : parce qu’ils s’attaquent à la capacité des États à recouvrer l’impôt, qu’ils hypothèquent nos efforts de redressement des comptes en permettant à certains de s’y soustraire, ces phénomènes doivent être combattus avec détermination. Nous le faisons à l’échelle internationale, comme en témoignent les résultats du dernier sommet du G8, à l’échelle européenne et plus encore, grâce à ce projet de loi, à l’échelle nationale.

Stabilité, croissance, justice : voilà les trois lignes de force du projet de loi.

Je veux à présent revenir rapidement sur les débats de l’Assemblée nationale, pour souligner, en manière d’hommage au Sénat, qu’elle a très largement confirmé vos travaux de première lecture, en particulier sur des articles essentiels du texte.

L’Assemblée nationale a notamment validé les ajouts du Sénat en matière de cantonnement des filiales spéculatives, de résolution des crises bancaires et dans le domaine du trading à haute fréquence. Elle a également consolidé les apports du Sénat concernant les dérivés de matières premières agricoles, en introduisant des dispositions complémentaires utiles pour encadrer encore un peu plus l’action des banques sur ces marchés.

Enfin, la deuxième lecture du texte à l’Assemblée nationale a été l’occasion de nouvelles avancées sur trois thèmes éminemment politiques. Ces modifications ont permis de prendre en compte à la fois les progrès réalisés au niveau européen depuis la fin du mois de mars et la première lecture du projet de loi par le Sénat.

Au niveau européen, tout d’abord, j’ai tenu à ce que nous puissions articuler de manière très fine, tout au long de cette procédure législative, nos initiatives européennes et nos initiatives nationales. À mes yeux, il existe un continuum parfait entre les deux.

J’ai voulu d’abord élever le regard, prendre en compte ce qui se passe en Europe, car la France n’est pas un isolat. J’ai souhaité ensuite pousser au maximum notre voix, nos vues à Bruxelles, pour faire en sorte que les mesures que vous avez décidées puissent être généralisées à l’échelon européen. C’est l’approche qui a prévalu, avec succès, notamment pour les dispositions concernant la transparence pays par pays, qui ont inspiré les travaux du conseil Ecofin et du Conseil européen, en particulier de celui du 22 mai dernier.

J’ai évoqué trois avancées décisives intervenues lors de la deuxième lecture à l’Assemblée nationale : j’y reviens plus en détail, en soulignant qu’elles font largement écho à des mesures que le Sénat avait commencé à défricher.

La première de ces avancées concerne les bonus des dirigeants des banques et des traders. Grâce à la position très forte prise par la France lors des débats au Conseil, la directive CRD IV adoptée à Bruxelles instaure un dispositif pour plafonner ces bonus. Nous voulions cette mesure, nous voulions aussi qu’elle soit européenne. Nous avons obtenu que ces avancées s’appliquent à l’échelle de l’Europe.

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