Intervention de Pierre Moscovici

Réunion du 26 juin 2013 à 15h00
Séparation et régulation des activités bancaires — Discussion en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Pierre Moscovici, ministre :

La deuxième des avancées obtenues lors de la deuxième lecture du texte par l’Assemblée nationale porte sur la lutte contre la fraude fiscale internationale.

Depuis le mois de mars dernier, une vague s’est levée, en Europe, au sein du G20 et du G8, contre l’opacité financière, particulièrement insupportable dans un contexte de redressement des comptes. La France a été à l’avant-poste dans ce combat, elle en a été le fer de lance déterminé, poussant la Commission européenne, par le biais de plusieurs initiatives coordonnées avec ses grands partenaires européens – l’Allemagne, l’Italie, la Grande-Bretagne, la Pologne –, à être à la manœuvre pour faire refluer ce qui, au final, est une anomalie.

J’ai notamment demandé, au travers d’une initiative partagée avec nos grands partenaires européens, à ce que l’Europe se dote d’un mécanisme inspiré du FATCA américain, le Foreign Account tax compliance act. Nous avancerons ensemble vers l’échange automatique d’informations, procédure tout de même plus transparente, plus simple et plus pratique que l’échange d’informations à la demande, aux résultats aléatoires : la réponse, quand il y en a une, est transmise plus ou moins vite et n’est pas forcément complète. Franchement, si on veut ébranler le secret bancaire tel qu’il existe actuellement, il faut passer à une autre démarche.

Pour marquer notre détermination et faire preuve de leadership sur ce projet, qui est d’abord au service de la justice fiscale, j’ai proposé à l’Assemblée nationale d’inclure dans le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires un dispositif permettant l’application, lorsqu’ils entreront en vigueur, des accords d’échange automatique d’informations de type FATCA. L’Assemblée nationale a ainsi adopté un amendement instaurant une obligation d’information qui s’imposera dans le futur aux banques.

À chaque étape, ma préoccupation a été, je le répète, de faire en sorte que la France soit précurseur sur ces sujets, sans pour autant nous désarmer unilatéralement dans ce qui reste une compétition, sans fragiliser notre système bancaire. C’est dans cet esprit que cet amendement a été adopté.

La dernière avancée forte que j’ai soutenue lors de l’examen en deuxième lecture du texte à l’Assemblée nationale, c’est l’extension à toutes les grandes entreprises du champ du dispositif de transparence pays par pays déjà applicable aux banques, grâce à vos travaux de première lecture. Je rappelle que, à l’issue des travaux de la représentation nationale, les banques seront soumises à une obligation de transparence élargie. L’Assemblée nationale a souhaité étendre ce dispositif aux grandes entreprises, avec un seuil à définir par décret. Ce sera la traduction, en France, des avancées obtenues par le Président de la République lors du dernier Conseil européen.

Là encore, je souhaite que nos travaux tiennent compte de l’état d’avancement des discussions européennes, toujours pour éviter un « désarmement unilatéral ». Dans cette optique, la date d’entrée en vigueur effective de l’extension du champ d’application de ce dispositif de transparence pays par pays sera la même que celle de la règle au niveau européen, d’ailleurs en bonne voie. C’est de bonne méthode, me semble-t-il, pour préserver la compétitivité de notre économie tout en allant de l’avant.

Dans l’ensemble, les travaux des deux chambres ont donc convergé, ce qui a permis de renforcer le projet de loi tout en préservant sa cohérence. Selon moi, il n’y a pas lieu de pousser de nouveaux feux. Je veux cependant appeler votre attention sur un amendement du Gouvernement visant à étendre le champ d’application de l’article 14, qui a pour objet de doter l’Autorité de contrôle prudentiel de prérogatives en matière de gouvernance des banques. Votre commission des finances n’a pas souhaité modifier cet article, le jugeant en l’état adapté pour le secteur bancaire. Cependant, je solliciterai votre soutien pour qu’il s’applique également au secteur des assurances. Si nous introduisons cette modification relativement tard, c’est parce que nous avons eu, avec le secteur des assurances, un débat nourri pour élaborer un dispositif qui soit le mieux adapté possible à ses particularités. Le dispositif en question a fait l’objet, je peux vous l’assurer, d’une concertation intensive avec les acteurs concernés, avant d’obtenir leur aval. En réalité, il s’agit donc d’une mesure très consensuelle, que je vous proposerai d’approuver.

Je voudrais maintenant prendre le temps d’une pause, pour mesurer avec vous les progrès accomplis ensemble sur ce texte.

Ces progrès sont d’abord le fruit du travail de qualité que nous avons su, je crois, mener ensemble, le fruit de l’implication résolue du Parlement dans l’examen de ce projet de loi. Ainsi, 280 amendements, dont beaucoup d’amendements de fond, ont été adoptés en première lecture : c’est un travail immense et remarquable par sa qualité.

Sur les points clés du texte – la protection des consommateurs, la séparation des établissements, les procédures de résolution, l’encadrement des frais bancaires –, le Parlement a enrichi et renforcé le texte, avec mon soutien. En effet, j’ai voulu qu’il puisse jouer tout son rôle.

Sur les points qu’il n’était pas initialement prévu d’aborder dans le projet de loi, comme la lutte contre les paradis fiscaux ou le blanchiment de capitaux, notre discussion collective a été très ouverte et presque toujours fructueuse ; elle a conforté la logique du texte, ainsi que nos positions aux échelons européen et international. Je tiens, mesdames, messieurs les sénateurs, à vous en remercier.

Plafonnement des bonus, lutte contre la fraude fiscale avec la procédure de type FATCA, extension des obligations de transparence pays par pays : les discussions en deuxième lecture à l’Assemblée nationale ont permis d’enregistrer de belles avancées, grâce au progrès des débats européens sous la pression de la France. Le Sénat a joué un rôle essentiel dans les travaux que l’exécutif a conduits avec le Parlement, et je crois que nous pouvons être collectivement fiers de ces avancées et du travail accompli.

Vous aviez, en première lecture, adopté ce texte sans opposition, montrant ainsi qu’il était précurseur et d’intérêt général. Vos travaux ont trouvé leur prolongement dans les votes de l’Assemblée nationale, qui n’ont été en rien contradictoires avec les vôtres. Je souhaite donc que, de façon cohérente, vous puissiez de nouveau marquer, avec la même force, votre soutien à cette réforme qui place la France dans une situation de précurseur, de leader en Europe et qui donnera à notre secteur financier, tout en lui conservant sa compétitivité, plus d’efficacité, de rayonnement et de régulation.

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