Intervention de Fleur Pellerin

Réunion du 26 juin 2013 à 15h00
Séparation et régulation des activités bancaires — Discussion en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Fleur Pellerin :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j’aimerais me féliciter, à l’instar de M. le ministre de l'économie et des finances, du parcours parlementaire réussi du projet de loi. Fruit d’une très bonne coopération entre le Parlement et le Gouvernement, ce texte marque de réelles avancées, nous permettant d’atteindre un objectif commun : doter la France d’une législation visant à remettre la banque et la finance à leur juste place, à savoir au service de l’économie réelle et de la croissance.

À cet égard, je tiens à saluer l’engagement du rapporteur Richard Yung et des rapporteurs pour avis Yannick Vaugrenard et Thani Mohamed Soilihi, qui se sont beaucoup impliqués dans les travaux préparatoires comme dans la discussion pour faire aboutir le texte.

Permettez-moi à présent d’apporter des éléments de réponse aux interrogations et interpellations que les orateurs ont formulées.

Monsieur le président de la commission des finances, vous m’avez posé des questions très précises à propos de la procédure de résolution. Je souhaite vous rassurer : les débats européens ne remettront en rien en cause le projet de loi que le Sénat s’apprête, je l’espère, à adopter. En effet, les négociations sur la proposition de directive sur la résolution bancaire ont débuté au mois de juin 2012. Plusieurs sujets ont été particulièrement débattus au cours des derniers mois, dont le dispositif du bail-in, qui permet d’imputer les pertes sur le secteur privé, ainsi que le financement de la résolution. Vous connaissez bien le sujet, puisqu’il s’agit de l’une des mesures phare du projet de loi.

La question du périmètre du bail-in a fait l’objet de débats importants et nourris, en particulier à l’occasion de la crise chypriote. La question a notamment été de savoir si les dépôts devaient ou non être inclus dans le périmètre du bail-in.

À cette occasion, je précise qu’il y avait un large accord pour exclure du dispositif les dépôts en dessous de 100 000 euros qui bénéficient de la garantie des dépôts. Personne n’entend revenir sur ce point, ni le remettre en cause. C’est, me semble-t-il, important de le souligner.

Par ailleurs, la France a obtenu une règle de préférence en faveur des dépôts des personnes physiques et des PME, chères à mon cœur, qui seront donc appelées après les actionnaires et les autres créanciers.

Nous sommes donc désormais dans la phase finale de la négociation. Nous ne sommes pas parvenus à un accord vendredi dernier. Voilà pourquoi M. le ministre de l’économie et des finances a dû partir tout à l’heure.

À ce stade des négociations, le principal sujet de discussion concerne la « flexibilité », c’est-à-dire la manière dont il est possible ou non de déroger au principe de mise à contribution des créanciers pour financer les pertes si les circonstances l’exigent, notamment si la stabilité financière est en jeu et si un risque de contagion systémique existe. Tout l’enjeu de la discussion d’aujourd’hui portera donc sur cette question, ainsi que sur les conditions et l’encadrement de la flexibilité laissée aux États membres.

Vous le savez, l’adoption du texte sera une étape importante dans la perspective de l’union bancaire. En effet, après la finalisation du mécanisme de supervision unique, dont l’adoption définitive doit intervenir prochainement, il nous faudra nous doter de directives en matière de résolution et de garantie de dépôts. Il nous faudra surtout faire un pas supplémentaire vers l’intégration en matière bancaire, avec un mécanisme unique de résolution européen.

Plusieurs d’entre vous ont évoqué l’extraterritorialité des règles américaines dans le domaine bancaire et sur les marchés financiers.

Le projet de règlement de la Fed, c'est-à-dire la règle dite « Tarullo », vise à renforcer la réglementation prudentielle des banques étrangères aux États-Unis en leur imposant la création d’une holding intermédiaire. Il comporte une dimension extraterritoriale, en les incitant fortement à respecter sur une base consolidée, y compris hors États-Unis, des exigences sensiblement plus élevées que celles qui sont définies par les règles de Bâle III.

C’est pourquoi nous partageons les réserves exprimées à la Fed par le commissaire Barnier et par la Banque de France sur ce projet, qui s’inscrit dans une approche non coopérative et qui pourrait nuire au financement de l’économie en accentuant les tendances à la fragmentation des marchés financiers. En outre, cela introduirait une distorsion forte de concurrence entre les banques américaines, qui ne se voient pas appliquer de telles mesures, et les autres banques internationales.

J’en viens aux marchés de produits dérivés. La vision portée par l’autorité américaine, la CFTC, de la portée extraterritoriale des règles américaines paraît tout à fait inacceptable. C’est un sujet sur lequel l’ensemble des autorités non américaines sont mobilisées. En particulier, la France, le Royaume-Uni et la Commission européenne sont particulièrement préoccupés sur ce point et ont déjà envoyé plusieurs lettres, que Pierre Moscovici a signées, à l’attention du trésor américain et de la CFTC.

Comme vous le savez, Pierre Moscovici est très fortement impliqué sur la question d’Euronext et de la place financière de Paris, qui pose un véritable défi. Une mission sur le sujet a été confiée à M. Thierry Francq, ancien secrétaire général de l’Autorité des marchés financiers, pour éclairer le Gouvernement dans ses décisions. Les conclusions du rapport seront remises le 1er juillet prochain.

Il est, je le crois, important d’insister sur la méthode. Toute décision concernant l’avenir d’Euronext doit être prise en concertation avec les autorités et les places financières de Paris, de Bruxelles, d’Amsterdam et de Lisbonne. À l’échelle nationale, il faut donc avoir un véritable consensus de place. Il sera donc essentiel que l’ensemble des acteurs se mobilisent dans l’éventualité d’un noyau dur d’actionnaires européens par exemple.

J’entends les questions de M. Marini sur le FATCA. Je voudrais rappeler le contexte dans lequel nous faisons progresser la question de l’échange automatique d’informations.

Le G8 a confirmé la semaine dernière qu’un véritable consensus a émergé pour prendre des mesures efficaces pour que chacun paie sa juste part d’impôt. L’idée de la coopération systématique entre les services fiscaux s’est affirmée.

Le « FATCA européen », que Pierre Moscovici a appelé de ses vœux, a commencé à prendre forme, le Conseil européen du 22 mai ayant pris date. Concrètement, cela signifie que lorsque l’échange automatique d’informations entre un État de l’Union européenne et les États-Unis, comme cela est prévu dans les accords « FATCA » signés par les États-Unis, sera effectif, c'est-à-dire à partir de la fin de l’année 2015, il le sera également entre l’État concerné et ses voisins européens.

J’entends l’impatience de certains. Pourquoi s’en remettre à l’Union européenne ? Pourquoi ne pas agir tout seul et immédiatement ? Je comprends cette impatience : d’un côté, l’Union européenne doit nous aider à obtenir ce que nous ne pouvons obtenir seuls ; mais, de l’autre, la France se doit d’être un aiguillon pour l’Europe dans le domaine de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales internationales. C’est la raison pour laquelle nous nous mettons en ordre de marche depuis quelques semaines.

Tout d’abord, les négociations que nous menons actuellement avec les Américains sur l’accord FATCA ont fait progresser l’engagement de réciprocité de la part des États-Unis et devraient nous permettre de signer un accord satisfaisant prochainement.

Ensuite, un amendement qui a été adopté dans le cadre du projet de loi traduit d’ores et déjà en droit français les nouvelles obligations à la charge des institutions financières pour mettre en œuvre les accords en la matière.

Enfin, la France a montré que, si elle se met en ordre de marche pour l’échange automatique, elle attend de ses partenaires le même engagement. Ceux qui le refuseront devront en assumer toutes les conséquences fiscales. C’est le sens de l’amendement au projet de loi relatif à la lutte contre la fraude, qui prévoit d’inscrire sur notre liste interne des paradis fiscaux tous les États qui auront refusé de s’engager en ce sens.

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