Monsieur le ministre, si nous saluons le courage des négociateurs face à d’autres projets encore plus libéraux, et notamment votre pugnacité au cours de ces négociations tendues, nous ne sommes, hélas, pas satisfaits de la réforme qui se dessine. La nouvelle PAC tourne le dos à la régulation, qui est un enjeu majeur pour l’agriculture. Il nous semble important de maintenir les outils de régulation de l’offre. Nous condamnons, par exemple, l’abandon des quotas laitiers en 2015 et celui des quotas sucriers en 2018.
De même, si nous saluons la convergence interne des niveaux de paiement direct et l’abandon des références historiques, nous constatons que le plafonnement des sommes perçues à 300 000 euros, sujet qui cristallise l’opposition du Royaume-Uni et de l’Allemagne, est trop élevé. Qui plus est, cette mesure est optionnelle, comme une bonne partie du dispositif.
Le report à 2019 du rendez-vous pour que les agriculteurs reçoivent en paiement direct 60 % de la moyenne nationale, étant entendu que les mieux dotés ne doivent pas perdre plus de 30 % de ce qu’ils recevaient, relativise sensiblement l’équité et la solidarité du dispositif, alors que ces principes devraient prévaloir dans une véritable politique agricole commune.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous fournir des précisions sur ce que va représenter la dégressivité au-delà de 150 000 euros par exploitation, dont 5 % devraient être reversés par les agriculteurs les mieux dotés au deuxième pilier de la PAC ? La création d’une prime aux 50 premiers hectares est tout à fait capitale, mais, là encore, tout dépend du montant de l’aide. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur le nombre d’hectares concernés ? Dispose-t-on de simulations ?
Bien entendu, nous saluons le combat mené par la France, qui a abouti à ce que les jeunes agriculteurs, jusqu’à quarante ans, bénéficient d’une aide supplémentaire dans la limite de 2 % de l’enveloppe nationale des aides directes. Les jeunes se heurtent de véritables difficultés pour s’installer. La pression foncière constitue un problème général et persistant, qui est encore plus patent dans le domaine de l’agriculture biologique. Peut-être avez-vous prévu de répondre à ce problème dans le cadre du projet de loi d’avenir pour l’agriculture.
Enfin, nous nous réjouissons des avancées obtenues sur le front du couplage des aides, enjeu fondamental pour l’élevage en France. L’augmentation du taux de couplage à 13 %, plus 2 % sur les protéines végétales, est une bonne nouvelle. Pensez-vous que cette possibilité, combinée à la diversification – deux cultures pour les exploitations de plus de 10 hectares et trois au-delà de 30 hectares, la principale pouvant couvrir 75 % des terres disponibles –, sera suffisante pour gagner en indépendance protéique ? Le volet « protéines » devra-t-il être impérativement intégré dans la rotation ?
Avant de conclure, je veux insister tout particulièrement sur l’élevage. Ce sont des milliers d’emplois qui risquent de disparaître dans ce domaine, comme dans tout le secteur agroalimentaire. Le cas des abattoirs Gad, dans le Finistère, l’illustre tristement.
Tout d’abord, il est urgent de faire cesser le dumpingsocial en Europe. Notre collègue Éric Bocquet s’est emparé de cette question, qui a donné lieu à un rapport d’information intitulé « Le travailleur détaché : un salarié low cost ? » Il y détaille les principales raisons de l’explosion qu’a connue la fraude au détachement. Depuis 2004, le secteur agricole a subi la plus forte augmentation – de l’ordre de 1 003 % – du nombre de salariés détachés, avant le bâtiment ou l’hôtellerie !
Dans ma région, les éleveurs de porcs ont évalué à 125 millions d’euros la perte annuelle pour la seule filière porcine française, du fait des distorsions de concurrence opérées sur le dos de travailleurs ! Ils dénoncent par ailleurs les problèmes d’étiquetage, question sur laquelle nous ne manquerons pas de revenir lors de l’examen du prochain projet de loi relatif à la consommation.
Ils demandent, au surplus, une simplification administrative concernant les procédures appliquées aux installations classées d’élevage. Que comptez-vous faire en la matière ?
Je souligne en outre qu’il faut stopper la végétalisation de l’agriculture, qui emporte de lourdes conséquences en termes d’emploi.
Pour conclure, je dirai que les négociations sur la PAC confirment la volonté de persister dans une ligne de déréglementation et de libéralisation de l’agriculture, une ligne que nous combattons résolument. Nous sommes d’autant plus alarmés concernant l’avenir de notre agriculture que d’autres négociations, menées sous la tutelle du ministère du commerce extérieur, sont également en cours. À moyen terme, elles pourraient remettre en cause les quelques avancées que vous avez obtenues, monsieur le ministre.
Le projet de loi pour l’avenir de l’agriculture parviendra-t-il à apporter un peu de justice à ce système ? Nous le souhaitons vivement, et nous y consacrerons toute notre énergie. §