Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat que nous consacrons aujourd’hui à la politique agricole commune est évidemment fondamental. Toutefois, on peut regretter qu’il intervienne un peu tard au Sénat, notamment au regard du calendrier européen.
Tous les jours, dans nos départements, dans nos communes, on mesure l’impact de la PAC. L’agriculture est en effet le secteur économique dans lequel l’intégration communautaire est allée le plus loin. L’Union européenne lui consacre une grande part de ses crédits : je rappelle que la PAC représente 43 % du budget communautaire total.
Il est bon de souligner que les agriculteurs de France bénéficient d’aides extrêmement importantes. À cet égard, il faut bien distinguer deux réalités, qu’ont relevées tous les orateurs qui se sont succédé et sur lesquelles nous devons, à mon sens, nous appesantir.
Premièrement, les aides directes du premier pilier – aides couplées, découplées, ou droits à paiement unique –, constituent 70 % du budget de la PAC. Le paiement unique par exploitation est accordé aux producteurs sur la base de références historiques ou, plus généralement, selon la surface de l’exploitation.
Pour la période 2007-2013, la France est le premier bénéficiaire des dépenses relatives aux marchés agricoles. De fait, il n’est pas inutile de le rappeler, les agriculteurs français reçoivent environ 10 milliards d’euros d’aides par an, dont 85 % viennent du premier pilier. En 2010, la France a ainsi reçu plus de 19 % de l’ensemble des crédits. Elle est également l’un des plus gros financeurs de la PAC, dans la mesure où elle contribue au budget à hauteur de 21, 9 milliards d’euros.
Deuxièmement, par la politique de développement rural, deuxième pilier de la PAC, l’Union européenne cofinance des mesures qui contribuent au dynamisme socio-économique des territoires et à la préservation des paysages. Ces dispositifs représentent 25 % du budget de la PAC.
La France semble bénéficier, en matière d’agriculture, d’une position de choix, mais celle-ci doit être protégée. C’était, pour notre pays, tout l’enjeu des négociations qui se sont déroulées ces derniers jours et dont l’objet n’était rien de moins que la définition de la PAC pour les six années à venir, de 2014 à 2020.
Malheureusement, ces discussions se sont conclues sur une enveloppe en baisse de 7, 3 % par rapport à la période 2007-2013 : le nouveau budget de la PAC s’élèvera à 373 milliards d’euros. Désormais, monsieur le ministre, tout va se jouer dans la traduction nationale de ces résultats. Dès lors, jamais le débat national n’aura été aussi important pour notre agriculture.
Parmi les points qui me semblent à la fois délicats et fondamentaux, se trouve la fameuse convergence concernant la redistribution des aides. Sous la pression de certains « gros pays », comme l’Allemagne, on a opté pour l’abandon du plafonnement des aides directes, qui est donc devenu facultatif. C’est plutôt regrettable. En échange, le principe de dégressivité devrait être appliqué. Une convergence externe et interne devrait donc conduire à plus de justice. Pour le moment, cependant, il nous semble qu’un accord n’a été trouvé que sur la convergence interne.
Nous sommes favorables à une distribution plus juste des aides afin d’aider les plus petites exploitations défavorisées par rapport aux plus grandes, qui bénéficient actuellement de 80 % des aides directes. Nous n’oublions certes pas que ces grandes exploitations contribuent à l’économie et à la production de masse de ce pays, mais nous restons attachés au principe de justice.
Sur ce sujet, la notion des 50 premiers hectares n’est pas rejetée, le débat national doit s’engager ; nous sommes prêts à y prendre part de manière très ouverte. La solution se situera au point d’équilibre idoine entre l’impérieuse nécessité d’éviter la disparition fatale des agriculteurs et la préservation de la production nationale.
Je déplore cependant une orientation trop peu marquée en faveur de l’élevage, dont les perspectives sont extrêmement moroses ! Certes, le taux pour les aides couplées a été renforcé, passant de 10 % à 13 %, avec une possibilité de 2 % supplémentaires pour la production de protéines végétales, possibilité qui permettra de soutenir le développement de l’autonomie fourragère protéique de l’élevage. C’est une grande nouveauté. Cela s’accompagne d’un mécanisme de limitation des pertes, afin d’éviter des baisses trop fortes, supérieures à 30 %. Enfin, afin de favoriser l’emploi, qui concerne davantage les exploitations de petite et moyenne taille, une majoration des aides directes sur les premiers hectares serait mise en place.
Mais tout cela est insuffisant, ou au moins perfectible. Il faut absolument utiliser toutes les mesures disponibles pour accorder un soutien maximal aux exploitations d’élevage ; je pense en priorité à la filière « bovins viande ».
À l’avenir, il faudra utiliser les leviers suivants : le couplage, dont toutes les possibilités n’ont pas été exploitées, les compensations de handicaps, les mesures adaptées de soutien au titre du deuxième pilier, les mesures en faveur des bâtiments d’élevage, la préservation des niveaux des DPU des systèmes naisseurs-engraisseurs et engraisseurs.
La pleine utilisation de ces leviers vaut également pour la production laitière. Si la tendance actuelle se poursuit, le paysage de la production laitière va être totalement bouleversé dans les dix ans à venir, au point de mettre en péril l’approvisionnement de l’industrie laitière. La disparition des élevages classiques ne s’accompagne en effet d’aucune formule de remplacement. Il faut donc, dans ce domaine, lancer des signes très forts. Sur ce sujet encore, nous vous donnons rendez-vous, monsieur le ministre, en vous rappelant notamment l’engagement pris par le Président de la République lors du salon de l’agriculture.
Je souhaite ajouter quelques mots sur une filière qui est un peu oubliée dans ces négociations : la filière chevaline. (