Intervention de Dominique Bailly

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 3 juillet 2013 : 1ère réunion
Organisme extraparlementaire — Désignation de candidats

Photo de Dominique BaillyDominique Bailly, rapporteur :

Le sport n'échappe pas aux maux de notre société.

Ces dernières années, on a ainsi connu des matchs truqués, du blanchiment d'argent, de la fraude fiscale, des violences dans les stades ou encore des pratiques dopantes.

Alors que le sport est supposé être porteur de valeurs positives, on a parfois l'impression que le sport et l'éthique sont antinomiques. L'objectif d'aller « plus loin, plus haut et plus fort » serait-il contre-productif ? Le sport business n'a-t-il plus à proposer aux amateurs qu'un pur spectacle dénué de symbole ? Bref, le fair play n'est-il réservé qu'aux doux rêveurs ?

Je ne le crois pas. La pratique et la compétition sportives jouent un rôle social majeur, et le succès du concept de sportivité n'est pas le fruit du hasard : il y a une aspiration à un sport éthique et le Parlement peut avoir l'ambition de réfléchir sur les moyens de lui apporter des réponses.

Je remercie donc la commission d'avoir constitué un groupe de travail, composé de quinze de nos collègues de tous les groupes et que j'ai eu la chance d'animer.

Après 34 auditions et plus de 60 personnalités entendues, nous sommes pleinement convaincus que l'éthique, parce qu'elle permet au sport de porter des valeurs positives (égalité des chances, dépassement de soi, respect des autres, santé des participants), doit être au fondement de notre politique sportive.

Nous ne partons pas d'une table rase sur ce sujet. Les lois du 9 juin 2010 encadrant l'activité d'agent, du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne et encore du 1er février 2012 visant à renforcer l'éthique du sport sont venues fixer des règles. Nos réflexions se sont appuyées sur ces dispositions existantes.

En outre nous ne sommes pas les seuls à réfléchir. Nous avons donc par exemple laissé de côté les questions sur le dopage puisqu'une commission d'enquête du Sénat rendra prochainement ses conclusions sur le sujet.

Nous avons abordé quatre problématiques qui nous sont apparues particulièrement pertinentes : les paris sportifs et leurs effets sur la vie des clubs, le rôle et l'encadrement des agents sportifs, l'éthique financière des clubs sportifs et la promotion des valeurs du sport dans la pratique amateur.

Et nous avons formulé dix propositions pour les faire vivre.

Les agents de joueurs tout d'abord. S'il y a un consensus, c'est bien que le marché des transferts de joueurs souffre aujourd'hui d'une trop forte opacité sur les transactions et que le rôle des agents ne facilite pas la transparence.

Le groupe de travail a débattu de la problématique du paiement des agents par les clubs et a considéré que le bilan de la loi de 2010 ne pouvait pas encore réellement être fait.

Il a donc fait des propositions sur ce qui lui paraît être le noeud du problème, à savoir la transparence de la transaction et de la commission de l'agent.

Sa première proposition est donc de mettre en place une chambre de compensation dans les ligues professionnelles par laquelle transiteraient toutes les sommes liées aux transferts des joueurs jouant dans les championnats de France, dont les commissions d'agents. Ce dispositif existe déjà au Royaume-Uni et est considéré comme extrêmement efficace. Je pense qu'il s'agit donc d'une initiative assez urgente à prendre.

Par ailleurs, les agents sont soumis aux obligations de déclaration de soupçon sur d'éventuels blanchiments de capitaux. Aucun élément n'est aujourd'hui remonté à Tracfin. Et pour cause, il n'existe aucun moyen de sanctionner les agents qui n'auraient pas respecté cette règle. Nous proposons donc qu'en cas de manquement, les agents puissent être sanctionnés par la commission nationale des sanctions, qui existe déjà pour les professions qui échappent à toute régulation.

Pour limiter l'influence des agents mais aussi rendre les compétitions françaises plus équitables, nous avons aussi estimé que les périodes de transferts à mi-saison devraient être supprimées : elles créent des perturbations dans les clubs et des inégalités en cours d'année. La règle serait donc : une seule et unique période de transferts entre chaque saison pour les sports professionnels.

Dernier point sur les agents : l'exercice de la profession d'agent sportif par des avocats ne disposant pas de la licence brouille totalement le jeu. Soyons clairs, les agents sont des courtiers exerçant une activité commerciale de prospection pour les clubs ou de négociation pour les joueurs, les avocats fournissent des conseils juridiques. Si un avocat veut devenir agent, il peut le faire, mais il passe la licence comme tout le monde et abandonne sa première activité.

En revanche, nous ne pensons pas pouvoir interdire pour le moment d'être agent de joueur et agent d'entraîneur car il n'existe pas dans la plupart des disciplines de « marché » d'agent d'entraîneur. Le football pourrait en revanche y penser de son côté.

Passons au sujet des paris sportifs, qui constituent un enjeu majeur pour le sport et l'intégrité de ses compétitions.

90 % des mises jouées sur les compétitions françaises le sont depuis l'étranger. Ce constat étonnant nous a conduits à faire plusieurs préconisations : si l'on veut prévenir les risques de trucage des matchs français, ce sont bien les paris passés depuis l'étranger qu'il faut suivre. Il est bien sûr impossible d'en avoir une connaissance approfondie mais les cotes suspectes pourraient être connues grâce à la mise en place d'une plateforme de supervision commune à toutes les disciplines sportives. Elle pourrait être gérée par l'Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel) au bénéfice de tout le sport français.

Se pose aussi la question de son financement. Nous avons considéré à cet égard que les opérateurs étrangers agréés devraient être mis à contribution dès lors qu'ils proposent des paris sur nos compétitions. Le droit au pari serait ainsi étendu aux opérateurs agréés à l'étranger, comme les chaînes de télévision étrangère paient pour diffuser le championnat de France de football ou Roland-Garros. Une telle mesure ne pourra bien sûr être mise en oeuvre qu'à la suite d'accords passés avec des pays européens avec des législations comparables.

Sur les paris sportifs, il y a un autre sujet difficile c'est celui de l'exercice d'équilibrisme permanent entre la volonté de limiter les paris qui constituent des risques pour les compétitions et le souhait de ne pas favoriser le passage des joueurs vers des sites illégaux et dérégulés.

Pour sortir de cette alternative, il y a la solution du blocage des sites illégaux. L'Arjel s'y est lancée avec des actions en justice mais c'est long et compliqué. Nous estimons qu'une autre approche doit être recherchée en travaillant avec les intermédiaires financiers (les banques, les sociétés de cartes de crédit, les sociétés de paiement) afin que les clients français ne puissent pas effectuer de dépenses sur les sites répertoriés comme illégaux.

Enfin, la désignation d'un délégué « intégrité » au sein des fédérations sportives pourrait permettre de les intéresser davantage à cette problématique.

D'autres sujets relatifs à l'éthique sont également apparus au fur à et à mesure de nos auditions.

Il a ainsi été constaté que les flux financiers entre les fédérations et les ligues professionnelles n'étaient pas forcément à l'avantage des premières, ce qui pose des questions sur la légitimité de l'existence des ligues, censées gérer l'aspect professionnel du sport au bénéfice des clubs amateurs. La réflexion devra être prolongée, peut-être sur la taxe Buffet, mais le monde professionnel pourrait par exemple s'engager à prendre en charge la formation des formateurs.

Enfin, les chartes éthiques fédérales, prévues par la loi, auraient dû permettre à chaque sport de définir sa vision de l'éthique n'ont pas été adoptées parce que le décret d'application n'a pas été pris. Pourtant, le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) avait avancé en prévoyant un projet de charte adaptable par les différents sports. Nous nous sommes donc dit qu'il fallait supprimer la référence au décret lors d'une prochaine loi sur le sport.

Voilà les conclusions du groupe de travail sur l'éthique sportive adoptées hier.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion