Intervention de Alain Vidalies

Réunion du 9 juillet 2013 à 14h30
Transparence de la vie publique — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi organique et d'un projet de loi dans les textes de la commission

Alain Vidalies :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, « rien n’est plus dangereux que l’influence des intérêts privés dans les affaires publiques ». Ces mots de Jean-Jacques Rousseau, tirés du Contrat social, sont l’esprit des projets de loi qui vous sont aujourd’hui proposés.

Je sais que beaucoup d’entre vous – j’allais dire « d’entre nous » – s’insurgent contre les sondages qui révèlent une défiance grandissante et inquiétante des Français à l’égard de leurs représentants.

Je sais aussi que la faute de quelques-uns ne peut justifier l’opprobre que l’on jette sur tous les autres, qui exercent leurs mandats dans le respect des principes qui fondent leurs engagements.

J’ai la conviction que ces réactions légitimes ne répondent pas à l’attente d’une opinion publique nourrie par le doute à l’égard de ses représentants, alors que, comme toujours en période de crise, l’antiparlementarisme et, au-delà, la remise en cause des responsables publics constituent le fonds de commerce de l’extrême droite.

L’enjeu de ces textes est simple : retrouver le chemin de la confiance de nos concitoyens et rétablir une capacité d’écoute de la parole politique.

Combattre le poison du soupçon permanent par l’exemplarité républicaine : telle est la démarche que vous propose le Gouvernement.

J’ai, au fil des dernières semaines, acquis une conviction sur le mot « transparence », qui a tant cristallisé les interrogations, parfois les critiques. Cette notion de transparence n’est au fond que l’une des modalités d’exercice de la souveraineté du peuple : la démocratie, c’est précisément la délibération publique des représentants élus comme le pari de l’intelligence de nos concitoyens.

Il ne s’agit pas là d’une concession passagère à la mode ou aux nouvelles technologies, qui modifient d’ailleurs, dans un sens souvent heureux, l’information de nos concitoyens. Pour se convaincre de l’ancienneté de cette notion dans le débat public, il suffit de relire les échanges qui ont eu lieu ici même en février et en mars 1988, lors de l’examen de la loi relative à la transparence financière de la vie politique, présentée par le gouvernement de Jacques Chirac.

Jacques Larché était le rapporteur de la commission des lois, et le compte rendu intégral des débats publié au Journal officiel témoigne de débats de haute tenue. Je citerai, par exemple, les brillantes interventions de Michel Dreyfus-Schmidt et, pour le groupe communiste, de Charles Lederman.

En outre, la lecture de ces débats m’a conduit à considérer que nul ne pourra s’exonérer d’un constat gravé dans l’histoire des trois dernières républiques : chaque majorité, chaque gouvernement souhaite légiférer dans la sérénité. Pourtant, il convient d’observer que les grands scandales politico-financiers ont tous abouti à des modifications législatives.

Sans remonter aux affaires des républiques passées ni des temps antiques, il suffit de se rappeler le scandale de la Garantie foncière, en 1971, qui rendit nécessaire la mise en place du système des déclarations d’activité.

Faut-il également rappeler les circonstances qui conduisirent le président Nicolas Sarkozy à commander un rapport à la commission Sauvé sur la transparence de la vie publique, rapport qui demeura sans suite législative ?

Parlant de la peste, ce fameux mal répandant la terreur et envoyé par le ciel pour punir les hommes, La Fontaine écrivait : « Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés. »

Convenons que ce mal qui touche régulièrement la vie de nos républiques est sans doute assez indissociable de la condition humaine et du fonctionnement des corps sociaux.

Convenons aussi qu’il nous appartient collectivement de lui administrer le meilleur des remèdes démocratiques : l’adoption de bonnes lois, qui seront bien appliquées.

Le Président de la République a demandé au Gouvernement de préparer quatre projets de loi, et d’en saisir sans délai le Parlement, lorsque les événements récents que vous connaissez, impliquant un ancien ministre du budget, ont profondément altéré la confiance des Français en leurs représentants.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la démocratie représentative ne peut se comprendre et être acceptée si ceux qui détiennent un mandat du peuple l’exercent à leur profit et non pour le bien des citoyens qui leur ont accordé leur confiance.

Nous le savons, les responsables publics de notre pays ne manquent ni d’honneur ni de vertu au sens où l’entendait Montesquieu. Mais je me suis forgé une solide conviction à cet égard au fil des mandats parlementaires que j’ai eu l’honneur de remplir. Les Français ne pourront nous écouter – si ce n’est nous entendre ! – que si la parole publique retrouve son prestige.

Il n’est pas là question d’affaires de parti, de droite ou de gauche. La démocratie est toujours une quête permanente. Elle doit se conforter par des pratiques et des mœurs faisant davantage place à la responsabilité de nos concitoyens.

Ces projets de loi font le pari de restaurer la confiance dans les institutions comme dans leurs serviteurs, en misant précisément sur la confiance en nos concitoyens.

Depuis le conseil des ministres du 13 mars dernier, je travaille à l’élaboration d’un projet de loi sur les conflits d’intérêts sur la base des recommandations du rapport de la commission Jospin mais, surtout, dans le prolongement des engagements pris par le Président de la République en faveur d’une République exemplaire.

Pour ce faire, j’ai pris connaissance, dès le début de mes travaux, de ceux de la commission des lois du Sénat et du groupe de travail pluraliste institué en novembre 2010, sous la présidence de Jean-Jacques Hyest.

Ce rapport, le premier du genre, est toujours une base de réflexion indispensable pour envisager le sujet qui nous occupe aujourd’hui.

Sur ce socle, votre commission des lois s’est attachée à concilier plusieurs exigences d’égale importance, que ce soit la publicité des informations et le droit à la vie privée, le contrôle par un organe extérieur et la séparation des pouvoirs, ou l’indépendance de l’élu et la liberté de mener une activité de son choix. Elle a adopté 109 amendements, signe de sa contribution importante à l’amélioration de la qualité de la loi, dont le président Jean-Pierre Sueur, on le sait, a le souci permanent.

Ces projets de loi s’organisent autour de trois objectifs : de nouvelles déclarations pour favoriser la transparence démocratique, de nouveaux contrôles autour d’une autorité administrative d’un nouveau genre et des dispositifs répressifs ou contraignants modernisés.

Le contrôle des électeurs sur ceux à qui ils ont confié le soin de les représenter est une exigence démocratique ancienne. Ce regard citoyen est l’essence même de la démocratie représentative.

À cet égard, je vous rappelle qu’une telle préoccupation apparaît dès l’aube du régime parlementaire avec la première assemblée élue au suffrage universel que la France ait connue : la Convention nationale.

C’est en effet le 14 mai 1793 que la Convention nationale décrétait que les représentants du peuple sont à chaque instant comptables à la nation de l’état de leur propre fortune. Je cite la résolution révolutionnaire : « On nous parle souvent de corruption et de fortune scandaleuses. Pour connaître de quel côté a été la corruption, il est demandé que chaque député soit tenu de donner l’état détaillé de sa fortune, que cet état soit imprimé et que celui qui aurait fait un faux bilan soit déclaré infâme ! »

Mesdames, messieurs les sénateurs, cette exigence demeure d’une grande actualité.

S’agissant de la déclaration de situation patrimoniale, notre dispositif d’origine, ambitieux, a été remanié.

Concernant la question de la publication des déclarations, qui a fait l’objet d’un débat au cours des dernières semaines, je rappelle qu’il ne s’agit pourtant pas d’une question récente. Souvenons-nous, parmi les 110 propositions de François Mitterrand, de l’engagement n° 49 : …

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