Intervention de Catherine Tasca

Réunion du 9 juillet 2013 à 14h30
Transparence de la vie publique — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi organique et d'un projet de loi dans les textes de la commission

Photo de Catherine TascaCatherine Tasca :

… dévouement, et intégrité, témoigne d’une réelle injustice, en tout cas d’un excès. Il n’en demeure pas moins que leur crédibilité est trop souvent mise en cause. Il est de notre devoir de tout mettre en œuvre pour que s’impose à tous l’exemplarité des élus de la République qui sont, pour la plupart, entièrement dévoués et engagés au service de l’intérêt général.

Mes chers collègues, nous ne pouvons pas laisser la situation telle qu’elle est et rester sourds à la défiance exprimée par nos concitoyens. Pour combattre celle-ci, nous devons agir. Et c’est le choix du Gouvernement.

Les projets de loi que nous examinons vont permettre à notre pays de combler un certain retard et de rejoindre le peloton de tête des pays ayant adopté des règles déontologiques strictes. En effet, ils comportent des avancées concrètes et consistantes : la publication des déclarations de patrimoine et des déclarations d’intérêts et d’activités d’un grand nombre de responsables publics ; la création de la Haute Autorité de la transparence de la vie publique, qui sera dotée de pouvoirs étendus, notamment en matière d’investigation et d’injonction ; la création de nouvelles incompatibilités ; des sanctions renforcées en cas de manquements aux nouvelles obligations créées par ces textes.

Je me réjouis du fait que la déontologie devienne un sujet de première importance pour le législateur. Le Sénat a d’ailleurs été précurseur dans ce domaine. Dès 2009 a été créé par la précédente majorité au sein de la Haute Assemblée le Comité de déontologie parlementaire pour, selon les termes de l’arrêté du bureau du 25 novembre 2009, traiter des « questions d’éthique concernant les conditions d’exercice du mandat des sénateurs et le fonctionnement du Sénat » sur saisine du bureau ou du président du Sénat.

Le premier président de cette instance fut Robert Badinter. Ce choix marquait la volonté de haute exigence éthique pour ce nouvel organe. Le président Bel a ajusté la composition du Comité, qui compte désormais six membres, pour assurer la représentation de chacun des groupes de notre assemblée. Il est en effet essentiel que les travaux du Comité échappent aux positions partisanes et permettent une approche collective des questions déontologiques. C’est bien au Parlement qu’il appartient d’assumer ces questions, dont il ne saurait être dessaisi ni exonéré.

Avec le bureau du Sénat, le Comité de déontologie a contribué à élaborer des solutions concrètes, comme la mise en place, à la fin de l’année 2011, d’un dispositif de déclaration d’activités et d’intérêts des sénatrices et des sénateurs étendu aux invitations et aux cadeaux qu’ils pourraient recevoir dans le cadre de leur mandat. Ces déclarations d’activités et d’intérêts sont rendues publiques par leur mise en ligne sur le site internet du Sénat depuis l’été 2012.

Le Comité de déontologie du Sénat, que j’ai l’honneur de présider, s’est réuni le 18 juin dernier, sur saisine du président du Sénat, afin de procéder à un échange de vues sur les incidences que pourraient entraîner les projets de loi organique et ordinaire relatifs à la transparence de la vie publique au regard de la situation des parlementaires.

Fortement attaché au principe de séparation des pouvoirs, le Comité a insisté sur la nécessaire articulation des compétences entre la future Haute Autorité de la transparence de la vie publique et le bureau des assemblées, ainsi que sur la place de l’organe de déontologie dans le dispositif envisagé par le Gouvernement.

S’il est évidemment complètement admis et souhaité que soient réservées à la Haute Autorité les compétences en matière de déclaration de situation patrimoniale, il est également souhaitable que les attributions relatives à la déontologie parlementaire, pour ce qui concerne les déclarations d’intérêts et d’activités, et la prévention des conflits d’intérêts, continuent d’être assumées par les assemblées parlementaires, même si elles sont simultanément soumises à la Haute Autorité. La primauté des bureaux des assemblées en matière d’incompatibilités parlementaires est préservée. Il conviendrait de conférer des compétences renforcées aux organes chargés de la déontologie parlementaire relatives à la prévention des conflits d’intérêts.

Nous appuyant sur les réflexions de notre Comité de déontologie, Alain Anziani, les membres du groupe socialiste et moi-même avons déposé des amendements allant dans ce sens et qui ont été adoptés par la commission des lois. Ils ont pour objet de donner une reconnaissance légale aux organes chargés de la déontologie parlementaire qui existent au sein de chaque assemblée : le déontologue de l’Assemblée nationale et le Comité de déontologie du Sénat.

Sans viser à donner de compétences contraignantes à ces derniers et en laissant au bureau des assemblées le libre choix d’en définir tant la forme que le fonctionnement et les attributions, ces amendements tendent à les associer étroitement aux nouveaux mécanismes de prévention et de traitement des conflits d’intérêts que mettent en place les projets de loi dont nous débattons aujourd’hui.

La consécration légale de ces organes déontologiques internes aux assemblées non seulement est forte symboliquement, mais constitue aussi une véritable avancée pour nos assemblées parlementaires et, par voie de conséquence, pour notre démocratie.

L’article 2 bis du projet de loi ordinaire, ajouté par l’Assemblée nationale en première lecture, confère au bureau de chaque assemblée le pouvoir de définir des lignes directrices, des « règles », selon la terminologie retenue par la commission des lois du Sénat, en matière de prévention et de traitement des conflits d’intérêts. Ces règles devront éclairer les parlementaires sur l’attitude qu’ils pourraient être amenés à prendre dans une situation potentielle de conflits d’intérêts à l’occasion d’un acte commis au cours de leur mandat.

Sur la suggestion du Comité de déontologie du Sénat, nous avons déposé un amendement visant à associer directement les organes chargés de la déontologie parlementaire dans chaque assemblée à la rédaction de ces lignes directrices en leur permettant de donner au bureau un avis sur celles-ci. Cet amendement a également pour objet d’introduire dans l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires une reconnaissance légale des organes chargés de la déontologie parlementaire.

Deux autres amendements portent sur l’article 1er du projet de loi organique. Le premier tend à ce que les bureaux des assemblées parlementaires et les organes chargés de la déontologie puissent être informés des observations adressées par les électeurs à la Haute Autorité concernant les déclarations d’intérêts et d’activités des parlementaires. Le second a pour objet d’imposer à la Haute autorité, lorsqu’elle constate des manquements aux obligations relatives aux déclarations d’intérêts et d’activités l’amenant à transmettre le dossier au parquet et à en informer le bureau, d’en informer également l’organe chargé de la déontologie parlementaire.

S’ils sont adoptés en l’état, les projets de loi qui nous sont soumis permettront de renforcer les obligations de transparence et d’exemplarité qui incombent à chaque élu de la République tout en préservant le principe de séparation des pouvoirs.

Ces textes de progrès font écho aux évolutions de notre société, ce dont nous ne pouvons nous dispenser, et sont susceptibles de donner un nouvel élan aux institutions de notre démocratie. Je voterai donc avec conviction en leur faveur, afin que soit garantie, aux yeux de nos concitoyens, l’exemplarité de notre République. §

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