Je souhaite naturellement défendre la motion tendant à opposer la question préalable, présentée avec talent par mon collègue Philippe Bas.
Selon moi, nos propos ne peuvent prêter à aucun malentendu. Philippe Bas a défendu le travail collectif et consensuel de notre Haute Assemblée, qui s’est traduit par le rapport d’information n° 518. Veut-il dire pour autant qu’il adopte et accepte, et que le groupe UMP adopte et accepte, toutes les dispositions de ce rapport ? La réponse est naturellement non. Ce qui différencie ce rapport, monsieur le ministre, de l’action gouvernementale, c’est qu’il s’agit d’un travail d’origine sénatoriale, réalisé par des parlementaires expérimentés, chevronnés, attachés à l’image de la Haute Assemblée, qui acceptent un sacrifice de leur confort quotidien, pour consolider l’image de cette institution.
Si vous aviez eu recours, pour ce projet de loi organique déposé trop rapidement et assez contradictoire, à la méthode qui a été celle de M. Jean-Jacques Hyest, à savoir plusieurs mois de travail, de réflexion et d’approfondissement, nous aurions sans doute pu marquer nos différences, constater nos désaccords – il y en a au sein de l’opposition comme de la majorité –, mais au moins aurions-nous eu le sentiment d’aller au fond de chacune des questions.
Les propos de M. Sueur sur ce qui est l’alinéa 32 de l’article 1er du projet de loi organique dans le texte de la commission, illustrent exactement ce que je visais quand je parlais de l’inconstitutionnalité de certaines dispositions. Je n’ai ni la compétence ni la qualité pour donner un cours de droit, mais nous y reviendrons au moment de rédiger le texte du dispositif que nous soumettrons au Conseil constitutionnel.
Vous avez eu l’intelligence, parce que vous n’en manquez pas, monsieur le président de la commission des lois, d’accepter, avec le soutien de Jean-Jacques Hyest, la suppression de cet alinéa relatif aux « autres liens susceptibles de faire naître un conflit d’intérêts », anticipant justement qu’il nous aurait été par trop facile autrement d’obtenir la censure de ce dispositif par le Conseil constitutionnel.
Mais je vous rassure : parce que vous avez bâclé ce travail majeur, en agissant avec précipitation pour des raisons d’opportunité politique, vous pourrez le constater, nos bases d’attaque demeurent inchangées. Je pense notamment aux articles II, IV, VI et XVI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ainsi qu’à certaines décisions du Conseil constitutionnel, notamment celle du 30 avril 2000, qui censure un texte interdisant l’accès aux fonctions parlementaires d’élus consulaires.
Si Philippe Bas a achevé son intervention sur une tonalité politique, c’est bien parce que le ressort de ce projet de loi organique, et du projet de loi, est uniquement politique, de circonstance, alors que le sujet méritait un travail de fond.
Je terminerai mon propos en évoquant une conviction personnelle que vous n’avez pas l’air de comprendre, monsieur le ministre. Je suis attaché à la vie parlementaire. On peut appartenir à l’UMP sans être, par exemple, un présidentialiste de stricte obédience. Je pense en particulier que l’élection du Président de la République au suffrage universel n’est certainement pas la meilleure solution et que le quinquennat est une tragédie par rapport au septennat. §J’appartiens à une formation qui me donne le droit de penser cela.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai soutenu Édouard Balladur, qui avait les mêmes convictions. Cela peut parfois me distancier de Charles Pasqua, qui avait présenté à la fois la loi organique du 11 mars 1988 et celle du 8 février 1995. Il était pourtant un parlementaire et un sénateur chevronné, mais il était moins attaché à l’autonomie du Sénat quand il était au Gouvernement que lorsqu’il siégeait à l’Assemblée nationale. Pour ma part, je suis attaché à l’autonomie du Sénat quand je siège au Sénat et lorsqu’il m’arrive, par hasard, d’appartenir au Gouvernement.
Je pense que, même si la Commission pour la transparence financière de la vie politique, qui était greffière dans la loi de 1988, a, en vingt-cinq ans, acquis une certaine expérience, elle n’a cependant pas vocation à être une Haute Autorité, sans que soit méconnu gravement le principe de la séparation des pouvoirs.