Je me contenterai pour cela de faire référence aux articles sur lesquels mon groupe s’appuie pour faire valoir ses arguments.
Premièrement, l’article II de la Déclaration des droits de l’homme garantit à chacun le droit à la vie privée. Or la publication du patrimoine des élus méconnaît ce droit, qui est aussi un devoir. Je rappelle que le fait pour les électeurs, avant un vote, de prendre la totalité des bulletins et de passer par l’isoloir est non pas un droit, mais un devoir qui garantit en quelque sorte la liberté du vote.
En méconnaissant le droit à la vie privée, on prive le citoyen d’un débat politique en déplaçant ce dernier sur le terrain de la vie privée. Je suis convaincu que tel n’est pas votre souhait.
Deuxièmement, l'article IV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 reconnaît la liberté d’entreprise. Or ce droit est nié pour une catégorie de Français, puisque le projet de loi organique interdit à un parlementaire de débuter une activité nouvelle en cours de mandat. Cette mesure, au regard de son caractère général comme de son absence de motivation, apparaît donc comme une sorte de procès d’intention à l’égard des parlementaires, sans aucune légitimité, et porte atteinte à cet article IV.
Troisièmement, l'article VI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 est également gravement battu en brèche par le projet de loi organique. Je rappelle qu’il garantit l’égal accès de nos compatriotes à des fonctions publiques et qu’il a été consolidé par une décision du Conseil constitutionnel du 30 mars 2000, aux termes de laquelle les règles d’inéligibilité et d’incompatibilité des parlementaires que fixe l'article 25 de la Constitution doivent être restrictives et ne peuvent fonder des oppositions générales. Or le projet de loi organique prévoit que les Français dont le métier est le conseil ne peuvent accéder aux fonctions parlementaires qu’en renonçant à leur activité professionnelle. Je signale que l’activité de conseil représente en France, comme dans la plupart des pays développés, une importante activité : notre pays compte actuellement plus de 170 000 salariés, répartis dans des entreprises de tailles diverses. Aux membres de la Haute Assemblée qui semblent mal connaître cette activité, je précise que près de la moitié des jeunes diplômés des grandes écoles de commerce commencent leur vie professionnelle dans des activités de conseil. Par le dispositif que vous souhaitez mettre en place, ils seront écartés du libre accès à un mandat.
Quatrièmement, l'article XVI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 précise : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution. » Cet article est gravement méconnu par ce projet de loi organique.
En effet, comme toutes les juridictions, la Haute Autorité de la transparence de la vie publique doit permettre l’exercice des droits de la défense. Or, en ignorant ces droits de la défense, le projet de loi organique est inconstitutionnel.
Cette exigence relative aux droits de la défense s’applique si l’on admet le postulat que la Haute Autorité est une juridiction. Si tel n’est pas le cas, le principe de double degré de juridiction doit être assuré ; or il n’en est rien.
En conclusion, comme l’a rappelé l’ancien président de la commission des lois, Jacques Larché, lors du débat de 1988, dès lors qu’une telle instance cesse d’être une simple structure administrative destinée à enregistrer de façon quasi notariale les déclarations patrimoniales des parlementaires et des élus et peut apporter des appréciations qui sont rendues publiques sur ces déclarations comme sur les déclarations d’intérêt, elle s’implique en quelque sorte dans la vie parlementaire.
De ce fait, l’indépendance fondamentale du législatif par rapport à l’exécutif est méconnue. En effet, la Haute Autorité sera composée de personnalités issues de l’exécutif, et son président est proposé par l’exécutif même si sa candidature est soumise à une forme de ratification par le Parlement.
Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe UMP considère le projet de loi organique comme irrecevable au titre de l’article 44, alinéa 2, du règlement, pour inconstitutionnalité. §