Monsieur Pozzo di Borgo, j’en suis désolé, mais le groupe UMP ne votera pas vos deux amendements, pour la raison exposée par M. le rapporteur : il s'agit en quelque sorte de cavaliers législatifs.
Nous en avons pourtant eu la tentation. En effet, ces deux amendements reflètent bien la confusion qui préside à nos débats. Après tout, si nous avons, toute la journée, envisagé de confier à des magistrats le contrôle des parlementaires, pourquoi diable ne pas confier à des parlementaires le contrôle des magistrats ? En matière de déontologie, la règle semble désormais être de demander aux professeurs de gymnastique de s’occuper des professeurs de médecine, et aux architectes de s’occuper des éleveurs de porcs… À partir du moment où la confusion règne, pourquoi ne pas confier à une commission parlementaire le soin de contrôler les magistrats ?
Ce constat est au cœur de notre opposition au texte, et non pas, monsieur Anziani, aux principes de transparence, de responsabilité et de sanction. Permettez-moi de vous rappeler que lorsque, en 1989, un gouvernement courageux, celui de Michel Rocard, a présenté un texte pertinent portant à la fois sur le financement de la vie politique et le pardon des offenses – vertu chrétienne qui peut être source du salut pour la République –, j’ai pris mes responsabilités, avec Raymond Barre et un autre député. Cela ne m’a pas valu beaucoup de sympathies dans mon camp, ni même dans le vôtre, mais j’ai alors eu le sentiment de faire œuvre utile et courageuse.
Aujourd'hui, vous ne faites pas œuvre utile et courageuse. Après le drame qu’a constitué l’affaire Cahuzac pour notre pays et notre vie publique, nous attendions que le Premier ministre et le ministre chargé des relations avec le Parlement défendent ce dernier : dans un pays où existe depuis vingt-cinq ans un contrôle systématique de la situation patrimoniale des parlementaires, où le Sénat a institué, par la libre volonté de ses membres, une obligation de déclaration d’intérêts qui n’avait pas de fondement légal, seuls six parlementaires se sont placés dans une situation justifiant la transmission de leur dossier au parquet, sans que ces saisines débouchent sur rien. C’est là un motif de légitime satisfaction.
Il est évidemment beaucoup plus facile et beaucoup moins courageux de voler au secours des professionnels du dénigrement en disant que les parlementaires sont nécessairement soupçonnables et doivent être surveillés ; tel est l’objet de votre texte. Je le répète, nous attendions du Premier ministre, qui a la responsabilité des relations de l’exécutif avec le Parlement, qu’il défende au contraire celui-ci. Si le Gouvernement rencontre aujourd'hui des difficultés avec sa majorité, c’est précisément parce qu’elle ne se sent pas défendue et soutenue comme elle devrait l’être par l’autorité politique responsable devant le Parlement.
Madame Bertinotti, vous avez souligné que les ministres avaient déclaré leur patrimoine à la demande du Président de la République. Après tout, c’est par lui qu’ils sont nommés, sur proposition du Premier ministre, et ils dépendent donc de lui. Mais, pour notre part, nous ne dépendons pas du Président de la République ni du Premier ministre : nous dépendons de nos électeurs, et c’est à eux que nous devons rendre des comptes. Ai-je été élu ou battu sur le thème de la transparence ? La réponse est non. La transparence n’est pas un élément de mon programme : j’ai été élu sur l’idée que les parlementaires, qui votent les lois, sont capables de les respecter et de mettre en place eux-mêmes une déontologie et un contrôle, en tenant compte de l’évolution constante des situations.
Je crois profondément à la déontologie, je crois profondément que ce concept nouveau de conflit d’intérêts doit relever de la déontologie des assemblées, je crois profondément que tout écart délictueux peut être constaté par l’instance de l’assemblée chargée du contrôle des situations patrimoniales, qui peut alors saisir le parquet. L’étalage public n’aura qu’un seul effet : réduire l’assise sociologique du Parlement et donc restreindre le choix des électeurs. §