Ce débat est intéressant parce qu’il montre que l’architecture du projet gouvernemental n’est pas pertinente. En plaçant sur un même pied les élus locaux et les agents chargés d’une mission de service public, le législateur se retrouve face à un paradoxe à peu près insurmontable. Heureusement, le texte de la commission permet de le surmonter partiellement.
Un élu local est nécessairement appelé à connaître des conflits d’intérêts publics : par exemple, entre un intérêt public général intercommunal et un intérêt public communal. Mais l’élu local a précisément vocation à assumer ce choc entre deux intérêts publics !
Par ailleurs, la grande différence entre un élu local et un agent chargé d’une mission de service public réside dans le fait que ce dernier est placé sous une autorité, qu’il s’agisse d’un ministre ou d’un directeur général, régional ou départemental. Si cette autorité, éventuellement alertée par l’agent, considère que celui-ci se trouve dans une situation de conflit d’intérêts, elle peut décider que la mesure concernée sera prise par un autre fonctionnaire, non susceptible d’être perçu comme opposant un intérêt personnel à un intérêt collectif.
L’élu, quant à lui, n’est pas dans la même situation : il représente sa collectivité. Du reste, s’il s’efface au profit d’un de ses adjoints, on pourra, avec raison, soupçonner celui-ci de soutenir exactement le même projet.
Nous avons tous présidé des commissions permanentes au cours desquelles on demandait à un élu de quitter la salle, car il fallait examiner la situation du territoire qu’il représentait. On notait alors religieusement au procès-verbal : « M. Untel quitte la salle ». En général, il restait à sa place, mais les apparences étaient sauves ! Quand bien même serait-il sorti que cela n’aurait rien changé puisqu’une action politique est une action collective : ce qu’il n’aurait pas défendu personnellement, je suis persuadé qu’un autre élu de son département l’aurait fait avec la même conviction.
Je le répète, ce dispositif, en incluant dans le même ensemble les élus locaux et les agents chargés d’une mission de service public, crée un déséquilibre juridique dont nous aurons inévitablement à connaître lors de l’application de cette loi.