Intervention de Delphine Hedary

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 17 juillet 2013 : 1ère réunion
Audition de Mme Delphine Hedary présidente du comité de pilotage des états généraux de la modernisation du droit de l'environnement et de Mme Claude Chardonnet consultante

Delphine Hedary, présidente du comité de pilotage des États généraux de la modernisation du droit de l'environnement :

Vos témoignages concordent largement avec ce que nous avons déjà entendu au cours de nos auditions. Je pense aux différents cas de projets arrêtés en raison de la présence d'une petite bestiole, mais aussi à la complexité des procédures et à leur caractère absurde, pour reprendre l'expression qu'a employée l'un d'entre vous. Lors du séminaire du 25 juin, Laurence Rossignol a employé, la première, l'expression d' « injonctions contradictoires », qui a été beaucoup reprise par la suite. Nous devons en effet protéger telle ou telle espèce, mais en même temps développer des transports non polluants. Il y a en matière d'environnement plusieurs objectifs qui peuvent apparaître comme « prioritaires ». Comme je l'évoque dans la synthèse de la deuxième table-ronde, j'ai eu parfois l'impression d'être confrontée à un conflit entre le droit et l'environnement. Cette difficulté est donc identifiée.

Que pouvons-nous faire pour y remédier ? Vous avez évoqué l'intérêt général. En me bornant à reprendre le compte-rendu du séminaire du 25 juin, j'évoquerais la lassitude des interlocuteurs à l'égard d'une certaine manière de faire le droit, consistant à apporter un nouvel outil à chaque problème rencontré, dans la précipitation, ainsi qu'une certaine façon de faire de la politique, en privilégiant l'affichage médiatique au service du bien commun, alors que la poursuite d'objectifs d'intérêt général requiert de la constance et de la persévérance.

Qui a la légitimité d'arbitrer ce qui relève de l'intérêt général ? Le préfet ? Une commission ? Après le Grenelle de l'environnement, Thierry Tuot avait évoqué l'idée d'un travail exercé collégialement, à cinq. Cette instance rendrait alors plutôt un avis qu'une décision ; il semble en effet préférable que ce soit une entité unique qui prenne cette décision et en assume la responsabilité.

Ce qui ressort du séminaire du 25 juin, c'est qu'un débat est nécessaire au plan local. C'est à cette échelle que peuvent se faire les arbitrages, par exemple entre les associations environnementales et les agriculteurs, et non au niveau national. Il y a cependant un risque de contradiction avec un autre souhait largement exprimé, qui est celui d'un droit applicable à tous de la même manière.

La loi et le règlement fixent les règles minimales à appliquer quand il existe un risque pour l'environnement, par exemple en matière de sanctions pénales. Le fait que le plafond des sanctions applicables aux personnes morales soit cinq fois supérieur au plafond des sanctions individuelles n'est pas suffisamment dissuasif. Il convient par ailleurs de maintenir des sanctions pénales pour les infractions les plus graves, mais peut-être de les réserver à ces dernières. Enfin, il faudrait pouvoir rendre publiques les sanctions, comme l'a suggéré France nature environnement : la publicité de la sanction peut s'avérer bien plus pénalisante que la sanction financière. Il faudrait trouver une façon de rendre notoires les manquements sérieux à l'environnement.

En ce qui concerne les comparaisons internationales, nous avons eu des éléments sur ce qui est pratiqué au Luxembourg, lors de notre déplacement en Meurthe-et-Moselle. En Allemagne, une seule autorisation vaut pour l'urbanisme et le respect des exigences environnementales qui relèvent des installations classées au titre de la protection de l'environnement. Mais dans ce type d'exercice, il faut faire attention à prendre en compte l'ensemble des paramètres. L'organisation institutionnelle de l'Allemagne est différente de la nôtre : il y a des règles édictées au niveau national, mais aussi celles des Länder. Ainsi, pour les infrastructures en réseau par exemple, les démarches peuvent être beaucoup plus compliquées en Allemagne qu'en France. Nous avons suggéré que de telles comparaisons soient réalisées de façon thématique au sein de groupes de travail.

Le thème de la surtransposition du droit européen est beaucoup évoqué. Les personnes qui emploient cette expression renvoient souvent au fait que, lorsque les textes européens laissent une marge de manoeuvre, dans le choix des seuils par exemple, la France choisit le seuil le plus élevé en termes d'exigence environnementale alors que d'autres pays ne le font pas. Mais il faut vérifier la pertinence des comparaisons. Pour la qualité de l'eau par exemple, le pourcentage d'amélioration doit être mis en perspective avec la qualité initiale de l'eau. Si l'on part avec une qualité initiale beaucoup plus médiocre que les autres pays, ce qui est le cas dans certaines de nos régions, il est logique de demander un effort plus important.

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