Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec l’examen par le Sénat des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires, nous touchons au but d’un processus législatif qui a débuté le 19 décembre 2012 ; la gestation de l’enfant aura donc duré sept mois.
Je tiens à remercier le Gouvernement de n’avoir pas engagé la procédure accélérée. Nous avons ainsi pu, comme nos collègues députés, travailler de façon ouverte et interactive avec le cabinet ministériel.
Après deux lectures dans chaque assemblée, le projet de loi comprenait quatre-vingt-douze articles, contre vingt-six dans le texte initial ; je ne sais pas si nous avons fait un travail de simplification, mais nous avons fortement enrichi le texte. Certains articles ayant finalement été supprimés, il ne devrait en rester que quatre-vingt-cinq.
La commission mixte paritaire devait trouver un accord sur treize articles. Nous nous sommes donc réunis jeudi dernier et nous avons effectivement pu établir un texte commun à nos deux chambres. Ce texte a été approuvé hier après-midi par l’Assemblée nationale.
Je dois dire, avec satisfaction mais aussi avec la modestie nécessaire, que la commission mixte paritaire a largement entériné les modifications adoptées par le Sénat. Sur les treize articles, huit ont été adoptés dans la rédaction du Sénat, un a été adopté dans la rédaction de l’Assemblée nationale, un a été supprimé et trois ont fait l’objet d’une nouvelle rédaction.
Permettez-moi de détailler cette réalité statistique. L’article 4 bis A, introduit par l’Assemblée nationale, prévoit un débat parlementaire annuel sur la liste des paradis fiscaux. Nous avions considéré – plusieurs députés partageaient notre avis – que cette précision était inutile dans la mesure où nos commissions sont toujours libres d’organiser des débats à leur convenance. Cependant, nous nous sommes finalement rangés à l’opinion de nos collègues députés, parce que nous avons l’esprit de conciliation.
La lutte contre les paradis fiscaux est devenue une priorité de l’action publique. Parmi les instruments de cette lutte, la liste française des paradis fiscaux est un outil efficace, même s’il s’est quelque peu vidé de sa substance au cours des dernières années. La tenue d’un débat annuel permettra au Parlement de rester vigilant et de maintenir une pression amicale mais ferme sur le pouvoir exécutif.
À l’article 4 bis, le Sénat a précisé l’obligation de transparence pays par pays pour les banques ainsi que pour les entreprises non financières, auxquelles l’obligation a été élargie. Cette obligation s’applique aux implantations comprises dans ce qu’on appelle « le périmètre de consolidation ». De notre point de vue, cette disposition présente l’avantage de sécuriser juridiquement l’obligation de transparence et de nous aligner strictement sur le paquet européen CRD IV.
Nous avons eu un long débat en commission mixte paritaire sur cette question. En effet, certains députés craignaient que l’obligation proposée par le Sénat ne soit moins contraignante que celle qui était initialement prévue. Je veux rassurer à nouveau les députés : ce que nous avons proposé, et qui a été adopté, c’est la référence au périmètre de consolidation comptable. Toutes les entreprises françaises connaissent bien ce périmètre, qui est contrôlé par les commissaires aux comptes et offre donc toutes les garanties de sérieux. Je pense que nous aurons à faire preuve de pédagogie pour expliquer ce que nous entendons par « consolidation ».
En deuxième lecture, la commission avait modifié l’article 11, relatif au Haut Conseil de stabilité financière, afin de préciser le régime des conflits d’intérêts de ses membres.
En CMP, sur l’initiative conjointe des deux rapporteurs, nous avons encore clarifié cette disposition pour que les personnes prestataires, c’est-à-dire en pratique les avocats, les conseils d’une banque ou d’une institution financière, ne puissent être nommées membres du Haut Conseil.
L’article 14, relatif au contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de régulation, l’ACPR, sur les organes dirigeants des banques, était un peu plus substantiel. En deuxième lecture, le Sénat avait adopté, contre l’avis de la commission et du Gouvernement, et à l’issue de débats assez fournis, un amendement tendant à exclure les administrateurs des banques régionales mutualistes du contrôle de l’ACPR.
Cette disposition – et j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur ce point à plusieurs reprises – ne me paraissait pas raisonnable même si je comprends l’argument de spécificité mis en avant par les mutualistes. Ceux-ci nous expliquent que les dirigeants régionaux de leurs institutions étant élus par leur base, ils offrent par conséquent toutes garanties. C’est sans doute vrai du point de vue du fonctionnement de la mutualité, mais cela ne fait pas nécessairement de ces administrateurs de bons banquiers. Or, les banques régionales sont avant tout des banques dont le métier est, bien sûr, de prendre des risques. Et, en ce sens, elles ne sont pas différentes de leurs concurrentes. Elles doivent par conséquent être soumises à la même régulation. La CMP a donc supprimé cette disposition.
En revanche, nous avons adopté l’amendement important du Gouvernement tendant à l’extension du champ de contrôle de l’ACPR aux organes dirigeants du secteur de l’assurance. L’ACPR élargit ainsi son périmètre du secteur bancaire financier au secteur de l’assurance, qui est un secteur de poids en France.
L’article 17 est bien évidemment celui qui a donné lieu aux discussions les plus animées. Il traite – vous vous en souvenez – du plafonnement des commissions d’intervention. Nos collègues députés souhaitaient introduire un plafond unique pour l’ensemble de la clientèle là où, sur l’initiative de Jean-Pierre Caffet, nous avions préféré un double plafond : un plafond général et un plafond particulier destiné à protéger plus spécifiquement la clientèle la plus fragile. Ce dernier plafond nous paraissait répondre à une plus grande exigence sociale, qui consiste à protéger ceux qui sont dans la difficulté, ceux qui vivent avec le SMIC et parfois même avec moins et qui ont des enfants à élever. Cette cause, le Sénat l’a faite sienne !
Le plafond unique aurait pour vocation de protéger tout le monde, et plus particulièrement les classes moyennes, c’est-à-dire ceux qui sont tentés par la consommation. Nous ne serions plus exactement dans la problématique de l’exigence sociale que je viens d’évoquer. C’était, du reste, une position soutenue par le Gouvernement.
La proposition du Sénat a été votée non seulement par tous les groupes de la majorité, mais plus largement encore. Insinuer, comme je l’ai entendu, qu’il y aurait une collusion éventuelle au Sénat entre la majorité et l’opposition ne me paraît pas de mise !