Intervention de Yvon Collin

Réunion du 18 juillet 2013 à 9h45
Séparation et régulation des activités bancaires — Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Photo de Yvon CollinYvon Collin :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme d’un processus législatif qui nous a conduits à débattre, depuis plusieurs semaines, d’un projet de loi visant à réguler le secteur bancaire pour prémunir notre pays et, in fine, nos concitoyens de l’éventuelle faillite d’une banque dite systémique.

À cet égard, je rappellerai que, dans la liste des vingt-neuf banques mondiales systémiques établie par le Conseil de stabilité financière, cinq sont des banques françaises. Ce texte est donc manifestement une nécessité.

Nous avons bien mesuré, hélas ! les dégâts occasionnés par le dépôt de bilan de Lehman Brothers, le 15 septembre 2008, avec son « effet domino », de la crise des emprunts toxiques jusqu’à celle des dettes souveraines.

Le commun des mortels a découvert, depuis, un monde opaque et complexe, celui des salles des marchés, où seuls les initiés savent vraiment ce qu’ils vendent et ce qu’ils achètent.

Pour autant, cette complexité n’a pas masqué l’interdépendance qui, elle, a été bien comprise par tout le monde, en raison des conséquences bien ressenties dans l’économie dite réelle. Les banques entretiennent des relations financières si étroites entre elles que la chute de l’une peut entraîner la chute de l’autre avec un impact dévastateur sur l’activité économique.

Les contribuables s’en souviennent ! Près de 400 milliards d’euros ont été versés par recapitalisation ou sauvetage d’actifs au sein de la zone euro.

Dans cet hémicycle, nous avons connu, dès l’automne 2008, un marathon budgétaire, de loi de finances en loi de finances rectificative, pour garantir le crédit interbancaire et injecter du capital au travers de programmes en fonds propres.

Aujourd’hui, monsieur le ministre, nous en sommes au stade non plus du sauvetage, mais de la prévention. Le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires vise à conjurer le possible engrenage d’une faillite bancaire en proposant la séparation des activités utiles à l’économie et des activités spéculatives menées pour compte propre, ces dernières étant cantonnées dans une filiale.

Mon groupe a exprimé sa position sur ce texte à l’occasion des deux lectures. J’en rappellerai quelques éléments.

Tout d’abord, il nous est apparu naturel d’approuver le principe fondamental de filialisation des activités spéculatives posé à l’article 1er, car il a pour but de protéger les contribuables. Nous avions toutefois souligné, comme plusieurs de nos collègues, qu’il fallait aller plus loin, car le dispositif initial, de l’aveu même des banques, ne devrait concerner qu’une infime partie de leurs activités. Autant le dire avec franchise, leur satisfaction à l’égard du texte, en tout cas sur ce point, nous était apparue quelque peu suspecte.

Nous avons eu de longs débats sur la nature des activités à cantonner dans une filiale séparée, notamment s’agissant de l’activité de tenue de marché. Le groupe du RDSE, comme vous le savez, avait proposé d’interdire toute activité de tenue de marché par les banques commerciales, même pour le compte de tiers, conformément d’ailleurs aux recommandations de la commission Liikanen, du FMI et de l’OCDE.

Finalement, la CMP a retenu la disposition votée par l’Assemblée nationale prévoyant qu’un arrêté ministériel fixe un seuil au-delà duquel les activités de tenue de marché doivent être filialisées. L’efficacité de ce dispositif ne pourra être mesurée qu’à l’aune de son application. Nous verrons bien, chemin faisant, mais croisons les doigts !

En outre, le contrôle du recours au « trading à haute fréquence », par le biais de l’Autorité des marchés financiers, l’AMF, nous a bien sûr satisfaits. Ayant moi-même souvent évoqué ce sujet lors des débats budgétaires, je me réjouis de cette avancée.

Surtout, je suis particulièrement heureux des progrès obtenus au fil des différentes lectures sur la question de la spéculation sur les matières premières. Tout le monde s’accorde à reconnaître la nécessité de réguler le marché des matières premières, car sa globalisation a entraîné des dérives dues non seulement à l’équilibre de l’offre et de la demande, mais aussi à des comportements spéculatifs, voire frauduleux. Il est important de protéger, dans la mesure du possible, ce marché, et ce dans l’intérêt des producteurs et des consommateurs.

L’article 4 quater, adopté sur l’initiative du Gouvernement, vise à sanctionner les pratiques consistant à utiliser un instrument financier pour manipuler le cours d’une matière première. Ce dispositif a été enrichi au cours de la navette. Pour ma part, j’avais déposé un amendement, auquel je tenais particulièrement et qui a été adopté. Il vise à obliger toute personne dépassant un seuil de détention d’instruments financiers, dont le sous-jacent comprend des matières premières agricoles, à déclarer ses positions à l’AMF.

Comme je l’ai dit, cet article, et plus globalement le chapitre II sur la régulation des marchés des matières premières, n’a pas subi d’érosion, au contraire ! C’est donc un motif de satisfaction supplémentaire que l’on peut retirer de ce projet de loi.

Par ailleurs, s’agissant du régime de résolution bancaire, qui constitue l’autre volet phare du projet de loi, je crois que, là aussi, le travail d’amendement a permis de préciser utilement le dispositif pour en assurer l’efficience. Je pense notamment aux améliorations touchant l’instrument de supervision du secteur financier, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, l’ACPR, qui aura des missions de prévention, mais aussi de gestion des crises.

Enfin, je terminerai sur deux points, les deux principaux qui ne faisaient pas l’objet d’un consensus avant la réunion de la commission mixte paritaire.

Le plafonnement des commissions d’intervention nous a beaucoup occupés, à juste titre. Comme vous le savez, mes chers collègues, le Sénat avait opté, avec le soutien du Gouvernement, pour deux plafonds distincts, tandis que l’Assemblée nationale préférait un plafond universel. Je me réjouis, monsieur le ministre, de voir retenue dans le texte de la CMP la rédaction adoptée par le Sénat en seconde lecture. C’est l’institution du double plafonnement qui donne sens à la mesure, laquelle vise à protéger les plus modestes.

L’article 14 sur le contrôle de l’ACPR a été également fortement discuté, et il est revenu à la CMP de trouver un terrain d’entente en proposant une nouvelle rédaction prenant en compte l’idiosyncrasie mutualiste et la nécessité de soumettre ces banques, dont le bilan est significatif, à un contrôle.

Mes chers collègues, après examen des treize articles restant en discussion, la CMP a finalement joué son rôle d’équilibriste pour concilier les points de vue exprimés dans chacune des deux assemblées. Par conséquent, la grande majorité du groupe du RDSE apportera son soutien sans réserve au projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires. Ce texte est un signal fort qui devrait conduire à un système financier plus stable, plus transparent et plus juste.

Au-delà, il s’agit de réduire le risque systémique. Même si l’on peut regretter la timidité de certaines mesures, ce projet de loi a le mérite d’encourager la responsabilisation des acteurs financiers.

Pour autant, permettez-moi de m’interroger sur l’articulation du texte avec les discussions en cours au niveau européen, que ce soit au sujet de la directive CRD IV ou de l’union bancaire. L’article 4 bis sur la transparence des activités bancaires pays par pays a posé ce débat. À cet égard, nous avons donc anticipé les travaux menés à l’échelon européen. Je souhaite en tout cas, à ce stade, monsieur le ministre, que nos positions soient en cohérence avec celles de nos partenaires européens. Je suis persuadé que vous partagez ce point de vue. §

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