Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme je le rappelais lors de la seconde lecture de ce texte, cette réforme attendue et nécessaire arrive dans un contexte favorable.
La règle Volcker interdisant la spéculation pour compte propre, la règle Vickers instaurant une filialisation des activités de dépôt et le rapport Liikanen proposant le cantonnement des activités spéculatives sont autant d’étapes importantes qui nous confortent dans notre objectif de réformer le secteur bancaire.
Les citoyens attendent de nous des mesures fortes ; ils ne supportent plus les scandales financiers à répétition et ne veulent plus être mis à contribution par les banquiers, qui n’assument pas les conséquences de leurs choix financiers désastreux.
Une banque a aujourd’hui deux fonctions : d’une part, réaliser des prêts et collecter des dépôts en créant de la monnaie ; d’autre part, investir sur les marchés financiers pour son propre compte ou celui de sa clientèle.
Or il existe actuellement un mélange douteux entre ces deux activités.
Cette collusion est justifiée par les banques en utilisant l’argument suivant : le développement des activités de marché permet de répondre aux besoins de l’économie. Ce que les banquiers oublient de dire, c’est que les bilans bancaires ont augmenté 2, 5 fois plus vite que le PIB mondial au cours des dix dernières années.
En fait, les spéculateurs se sont vite rendu compte que les produits dérivés sont extrêmement rentables et qu’il est beaucoup plus intéressant de les utiliser plutôt que de financer l’économie.
Cet état de fait est inacceptable lorsque l’on connaît les difficultés de financement des entreprises. Une enquête menée par le Labo de l’économie sociale et solidaire de Franche-Comté a montré que 60 % des demandes spontanées des auto-entrepreneurs et des TPE ne sont pas traitées par les banques du territoire.
Il n’est pas normal que les banques préfèrent prêter aux hedge funds plutôt qu’aux entreprises. Il n’est pas admissible que les TPE et les auto-entrepreneurs doivent recourir à des crédits normalement destinés aux particuliers.
Depuis la faillite de Lehman Brothers en septembre 2008, nous constatons les dégâts causés par une finance de marché dérégulée qui a de plus en plus d’incidences sur notre économie.
Aujourd’hui, les banques françaises disposent de 8 000 milliards d’euros d’actifs de bilans cumulés, dont plus de 70 % sont des opérations de marché sans lien avec l’économie réelle. Or ces banques ont également, je le rappelle, la responsabilité de l’épargne de citoyens.
À la fin de 2012, la dette privée du secteur financier français atteignait 120 % du PIB, avec tous les dangers que cela comporte en termes de stabilité et de sécurité.
Si nous regardons la manière dont notre économie se finance, nous en arrivons à la conclusion suivante : nous ne pouvons continuer à courir ce risque. En effet, aujourd’hui, plus de 90 % du financement des PME françaises provient des banques, ce qui signifie que les entreprises, en particulier les plus modestes, sont extrêmement vulnérables aux menaces qui pèsent sur le secteur bancaire.
Cette situation n’est pas uniquement française ; nous nous penchons ici sur une problématique mondiale.
En 2007, le montant quotidien des exportations mondiales atteignait 64 milliards de dollars. À la même date, les transactions de change quotidiennes s’élevaient à plus de 3 210 milliards de dollars, soit un rapport de 1 à 50 !
Selon le FMI, en 2007 toujours, l’économie réelle mondiale, c’est-à-dire la somme des biens et services produits et échangés à travers le monde, représentait 44 800 milliards de dollars. À la même date, l’économie financière, c’est-à-dire l’ensemble des produits financiers de marché, s’élevait à plus de 2 millions de milliards de dollars. Le gigantisme de cette somme, qui dépasse l’entendement, ne signifie plus rien de concret, et sa seule évocation doit nous faire réfléchir sur la virtualité, la dangerosité, la fragilité de notre système financier.
L’enjeu n’est pas seulement économique, il est également démocratique et touche à l’éthique financière.
Regardons comment fonctionne une opération de private equity. Un fonds de placement souscrit un prêt auprès d’un établissement bancaire, d’un montant plusieurs fois supérieur à ses fonds propres. Avec cet argent, il rachète une entreprise, la restructure vigoureusement et la revend ensuite avec une forte plus-value, qui couvre largement les frais bancaires liés à son emprunt. Les bénéfices sont substantiels, mais, vous l’aurez compris, ce système fait peu de cas des employés de l’entreprise ainsi rachetée et redressée au pas de charge sans valeur ajoutée, sinon pour le spéculateur.
Nous devons donner aux citoyens les moyens de s’assurer que leur argent ne sert pas à de telles pratiques. C’est aujourd’hui notre rôle, en tant que politiques, de réguler ces excès et de garantir la sécurité des placements de nos concitoyens.
Sur ces travées, nous sommes tous conscients que la réponse à apporter aux abus de la finance doit se situer au niveau européen. Nous appelons ainsi de nos vœux une réforme européenne ambitieuse remettant le citoyen au cœur du système financier.
Ce projet de loi, que nous examinons pour la troisième fois dans cet hémicycle, est une étape sur le chemin de la régulation par les instances politiques.
La France se doit d’être dans le mouvement et ne pas se limiter à le suivre ; elle doit impulser une dynamique ambitieuse à l’échelle européenne.
Nous arrivons aujourd’hui à la fin de la navette parlementaire. Même s’il n’y a pas de séparation des banques, la séparation des activités bancaires en filiales distinctes est de nature à limiter le risque qui pèse sur l’épargne des Français.
Plusieurs amendements votés au cours du débat parlementaire ont permis des avancées majeures.
Ainsi, l’obligation pour les banques de déclarer leurs activités au sein des paradis fiscaux est un pas en avant vers la transparence du milieu bancaire. Cette mesure donnera aux pouvoirs publics des moyens de contrôle renforcés.
De même, le volet consacré à la limitation de la spéculation sur les matières premières agricoles est un progrès important. Le renforcement du contrôle de l’AMF et l’obligation de rendre une étude d’impact sur le cours des matières premières permettront de limiter sérieusement les abus et de contribuer à la stabilité du prix des matières premières agricoles pour tous.
L’alimentation constitue un droit fondamental qui ne doit pas faire l’objet d’une spéculation à outrance, et ce projet de loi rétablit cet impératif moral.
Désormais, ce texte contient aussi un important volet relatif à la protection du consommateur, avec le plafonnement des commissions bancaires pour les plus fragiles, la précision des missions de l’Observatoire de l’inclusion bancaire et l’exercice renforcé du droit au compte : autant d’avancées importantes qui renforcent les droits du consommateur et empêchent certains abus exercés par les établissements bancaires.
Mes chers collègues, à la lumière de tous ces éléments, les écologistes voteront ce projet de loi.