Intervention de Michel Boutant

Réunion du 13 juillet 2011 à 9h30
Réserves militaires et civiles — Discussion en deuxième lecture et adoption définitive d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Michel BoutantMichel Boutant :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous discutons ce matin est le fruit d’une mission qui a commencé en février 2010.

Partant des travaux du Livre blanc, nous avons mené un travail de réflexion méthodique depuis plus d’un an, travail qui va déboucher aujourd’hui sur l’adoption de ce texte.

On a parfois douté de la capacité d’initiative du Parlement. Certains pensent que la qualité des propositions de loi ne peut pas rivaliser avec celle des projets de loi, qui font l’objet d’une longue préparation, fruit d’un diagnostic approfondi que seules les administrations prennent le temps de mener. J’espère que nous pourrons ainsi contribuer à apporter un démenti à cette idée.

Ce texte est le fruit d’un travail collectif avec ma collègue Joëlle Garriaud-Maylam, avec le président Josselin de Rohan, qui nous avait confié cette mission et qui a été le rapporteur de cette proposition de loi, ce dont je le remercie ici chaleureusement. Au-delà de nos appartenances politiques différentes, monsieur le président de la commission, je voudrais saluer la rigueur et le sens de l’État avec lesquels vous avez dirigé pendant toutes ces années – en tout cas depuis que je siège au Sénat – les travaux de notre commission.

Ce texte a également fait l’objet d’un dialogue fourni avec le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale. Celui-ci a bien voulu assurer avec les services du Sénat une coordination interministérielle afin que ce texte puisse être analysé et enrichi par l’ensemble des administrations concernées. Qu’il en soit remercié !

La proposition de loi est donc le fruit d’un dialogue construit entre le législatif et l’exécutif, selon une démarche qui nous semble être de bonne méthode. C’est donc avec satisfaction que j’ai vu ce texte adopté par l’Assemblée nationale en des termes presque identiques à ceux du Sénat, en tout cas qui ne remettent pas en cause le fond même du dispositif.

Je souhaite que la proposition de loi apporte sa modeste contribution à l’ensemble des mesures prises à la suite du Livre blanc pour améliorer la capacité de la France à répondre à des crises tant sur la scène internationale que sur le territoire national.

Au-delà de ce texte, nous sommes ici tous d’accord pour dire qu’il faut entreprendre une nouvelle étape dans la définition et la gestion d’une réserve militaire plus compacte, plus réactive et mieux formée.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez évoqué la gouvernance des réserves, la concertation avec les employeurs, la réserve citoyenne, mais il faut, me semble-t-il, aller plus loin. Vos prédécesseurs avaient lancé des chantiers sur la définition des besoins, sur le format, sur l’organisation territoriale des réserves, sur la gestion des ressources humaines. Il y a eu le moment de la réflexion, celui de la décision nous semble être venu.

Les réserves et les réservistes ont besoin, me semble-t-il, de savoir où ils vont, comment ils s’intègrent dans la transformation des armées en cours. Je rejoins là les questions posées par M. le président de la commission, mais je voudrais en ajouter d’autres.

Les réservistes ont aussi besoin que les pouvoirs publics améliorent leur vie quotidienne. Il y a encore dans la gestion quotidienne des réserves une multitude de lourdeurs administratives qui sont autant de facteurs de découragement. Il est regrettable, par exemple – cela vient d’être rappelé par Jean-Marie Bockel –, que les délais de paiement des soldes des réservistes ou la lourdeur des procédures dont on parlait déjà il y a dix ans soient toujours d’actualité.

On cherche souvent ce que l’on pourrait faire pour valoriser l’engagement des réservistes. Il ne faut pas chercher loin : il faut bien les gérer, c’est-à-dire les payer en temps utile et avoir une gestion du personnel adaptée à leur condition ; il faut bien les employer, c’est-à-dire dans des emplois utiles et si possible en rapport avec leur qualification. La meilleure valorisation du réserviste, c’est sa satisfaction !

Par ailleurs, nous n’avancerons pas sur ce dossier sans impliquer davantage les employeurs des réservistes.

Nous avons la conviction que la qualité et les performances de nos réserves dépendront de la qualité des relations que les différentes réserves sauront nouer avec les employeurs. On ne peut que constater le caractère ambigu du contrat passé entre le réserviste et les armées : ambiguïté quant aux obligations réciproques des deux parties, ambiguïté quant au statut de l’employeur, qui, sans être partie au contrat, s’y trouve de fait engagé.

On ne peut que s’inquiéter de voir tant de volontaires taire leur appartenance à la réserve. Ils devraient pouvoir en être ouvertement fiers. Il est pour le moins anormal qu’il faille se cacher pour servir son pays. Cette situation de quasi-clandestinité jette un doute sur l’efficacité du dispositif en cas de crise. Peut-on vraiment compter sur un dispositif composé en majorité de quasi-clandestins ?

C’est pourquoi nous nous demandons s’il ne faut pas aller vers un contrat tripartite de temps partiel adapté à la situation des réservistes.

Cette réflexion vaut pour l’ensemble des réserves. Car, à n’en pas douter, il faudra, à terme, harmoniser les caractéristiques des contrats des réserves militaires et civiles. Il n’est pas compréhensible pour un employeur d’avoir des règles différentes selon que son salarié est réserviste dans la police ou dans la gendarmerie. Tout n’a pas à être identique, mais il faut au minimum harmoniser les règles de préavis et de durée opposables.

Avec un contrat tripartite de temps partiel adapté à la situation des réservistes, il y aura peut-être de la perte en ligne. Mais ce que vous perdriez en effectifs, vous le gagneriez sans doute en fiabilité.

C’est pourquoi nous vous demandons, monsieur le secrétaire d’État, de bien vouloir engager la réflexion, dans un cadre interministériel, sur l’opportunité d’un contrat tripartite de temps partiel fondé sur la polyactivité, équilibré au regard des responsabilités des deux employeurs, civil et militaire, en cohérence avec les dispositifs de cotisations sociales et de fiscalité.

Le deuxième axe de réflexion pour aller au-delà de ce texte concerne la nécessité de renforcer les réserves civiles : la réserve sanitaire, qui peine à atteindre ses objectifs, comme des réserves communales de sécurité qu’il convient de relancer.

Les retours d’expérience montrent que l’on ne dispose pas en France d’une réserve suffisante pour accompagner la montée en puissance d’un plan de lutte contre une pandémie, que ce soit sur le plan médical ou sur le plan administratif. Notre pays ne dispose pas non plus, comme l’Allemagne, d’une réserve de protection civile susceptible de venir au secours des populations pour ce que l’on pourrait appeler « l’après après-crise ». Mais ce sujet ne relève pas de votre compétence, aussi je ne m’y étendrai pas.

Je voterai ce texte, le groupe socialiste également, mais, au-delà, nous souhaiterions une politique des réserves plus ambitieuse.

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