Le monopole de l’administration sur l’engagement des poursuites permet d’aller au bout de la procédure administrative avant d’ouvrir une autre procédure, judiciaire celle-là, c’est-à-dire soumise à d’autres règles et à un autre rythme. Il est parfois perçu comme une mesure de défiance à l’égard des magistrats ou comme un instrument de secret. Point du tout ! C’est au contraire un gage d’efficacité au regard des spécificités de la matière fiscale : la complexité des infractions, la nécessité de maintenir des possibilités de régularisation, et les effets différents des poursuites pénales et administratives légitiment, je le crois, ce filtre préalable.
En premier lieu, l’examen préalable des dossiers de fraude par l’administration fiscale se justifie souvent par la complexité des mécanismes mis en œuvre pour échapper à l’impôt. Or les services fiscaux sont actuellement en mesure d’expertiser des fraudes complexes, leurs ressorts financiers et les dispositions applicables.
Donner au parquet la possibilité d’instruire directement impliquerait quasiment de dupliquer les services compétents, entraînant assurément un risque d’aléa juridique entre les dossiers selon le service saisi. Cela ne me paraît donc nécessaire.
En second lieu, le traitement préalable par l’administration fiscale avant l’ouverture de poursuites permet, le cas échéant, d’accélérer la procédure en permettant au contribuable de régulariser sa situation. La circulaire récemment publiée apporte d’ailleurs des garanties de transparence – nous en sommes tous très heureux – dans la procédure de régularisation des contribuables détenant des avoirs antérieurement non déclarés à l’étranger.
Enfin – faut-il le rappeler ? –, pour près de 1 000 plaintes déposées annuellement par l’administration, près des deux tiers des condamnations prononcées ne comprennent aucune peine d’amende ou d’emprisonnement ; il semble que, à ce jour, seule une personne soit incarcérée pour fraude fiscale. Il ne s’agit nullement de considérer que la justice ne ferait pas son travail ou que l’administration fiscale y parviendrait mieux ; il faut conserver les deux temps, les deux rythmes, et avoir le souci de l’efficacité.
Il paraît essentiel de maintenir la phase préalable de sanction administrative, au dénouement plus rapide et aux conséquences financières plus tangibles. Face à la seule menace pénale, essayez de négocier le paiement d’une amende !
Je comprends bien sûr dans quel esprit la commission des lois et son rapporteur, Alain Anziani, ont cherché à introduire une dérogation au monopole de l’administration fiscale. Je constate l’opposition entre la commission des lois, même si j’ai cru comprendre que celle-ci était très partagée, …