Intervention de Jean Arthuis

Réunion du 17 juillet 2013 à 14h30
Lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière – procureur de la république financier — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi et d'un projet de loi organique dans les textes de la commission

Photo de Jean ArthuisJean Arthuis :

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’impôt est au cœur du pacte républicain et du contrat social. La fraude fiscale et sociale, c’est-à-dire l’ensemble des manœuvres permettant d’échapper totalement ou partiellement aux prélèvements obligatoires, viole le principe d’égalité des citoyens devant la charge publique et porte atteinte à l’équilibre des finances publiques.

Selon certaines sources, la perte estimée varierait entre 40 milliards et 80 milliards d’euros par an. Dans le contexte actuel de déficit chronique, on pourrait être tenté de considérer qu’il suffirait de mettre un terme à ces fraudes pour rétablir l’équilibre de nos finances publiques. Méfions-nous toutefois de telles hypothèses. Si elles se vérifiaient, cela signifierait alors que la France aurait, avec un taux de prélèvements obligatoires de 50 % du produit intérieur brut, le taux le plus élevé qui soit.

Puisqu’il est question de fraude et d’optimisation, l’on me permettra de rappeler que, dans un passé qui n’est pas si lointain, à la fin de l’année 1992 – nous étions alors à l’époque du « ni-ni » – dans le cadre d’une loi de finances rectificative, le Sénat eut à délibérer sur la légalisation de pratiques douteuses initiées par l’État. Il s’agissait des repackaging de titres subordonnés à durée indéterminée, les TSDI, dans des territoires qualifiés de paradis fiscaux.

S’il est vrai que les pouvoirs publics ont besoin d’instruments juridiques efficaces, ils doivent également être dotés de moyens humains et matériels appropriés. Mais, avant tout, prenons le temps d’identifier les facteurs de développement de la fraude et d’encouragement à l’optimisation.

Ne perdons pas non plus de vue que les États se livrent à des assauts de concurrence et de dumping pour attirer la matière imposable sur leur territoire.

La globalisation et les moyens modernes de communication ont changé la donne. À l’intérieur même de l’Union européenne, la convergence tarde à prendre corps. La tolérance à l’égard des « paradis fiscaux » ruine, à tout le moins gêne grandement nos efforts. L’absence de coordination et d’engagement collectif autorise toutes les audaces.

Voilà peu de temps, nous avons vu les États européens se diviser. Un accord – l’accord Rubik – avait été signé entre la Suisse et l’Union européenne, qui autorisait les banques suisses à opérer sur les revenus des déposants une retenue à la source que les autorités helvétiques auraient livrée aux trésors publics des États concernés. Eh bien les Européens n’ont pas été capables d’adopter une position commune ! L’Allemagne a fait une tentative, mais le Bundesrat s’y est opposé. À ce jour, seuls l’Autriche et le Royaume-Uni ont signé de tels accords.

C’est dire à quel point les Européens se concurrencent mutuellement et ne parviennent pas à faire bloc. J’attends que l’Union européenne, s’inspirant du modèle FATCA – le Foreign Account Tax Compliance Act –, adopte un dispositif imposant aux institutions financières étrangères de déclarer à l’administration fiscale de chacun de ses membres les comptes des ressortissants européens qu’elles accueillent.

Mais, plus près de nous, observons que notre édifice législatif et réglementaire est devenu un accélérateur de fraude, et ce pour au moins deux raisons : d’une part, le niveau trop élevé des prélèvements obligatoires et, d’autre part, la complexité et l’instabilité de nos textes.

Soyons bien conscients que les excès d’impôt et l’hypercomplexité déchaînent les fraudes, les évasions fiscales, les optimisations sophistiquées et les schémas subtils.

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