Intervention de Nicole Bonnefoy

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 23 juillet 2013 : 1ère réunion
Consommation — Examen du rapport pour avis

Photo de Nicole BonnefoyNicole Bonnefoy, rapporteur :

Déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 2 mai et transmis au Sénat le 4 juillet 2013, le volumineux projet sur la consommation aurait pu nourrir plusieurs textes. Nous devons l'examiner dans des délais contraints, car il devrait être inscrit à l'ordre du jour début septembre. Notre commission travaille dans des conditions sportives. Je souhaite que vous en fassiez état de nouveau auprès du Gouvernement.

Notre commission s'intéresse au droit de la consommation, puisqu'elle est compétente en matière de droit civil, de droit des contrats et de justice civile. Nous nous étions saisis pour avis en 2011 du texte de M. Lefebvre, dont la navette parlementaire n'a pu être conduite à son terme avant l'achèvement de la législature précédente à l'Assemblée nationale.

De nombreuses dispositions du présent texte y figuraient déjà, comme le renforcement des moyens d'action de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), comme la mise en place de sanctions administratives, le renforcement de la lutte contre les clauses abusives, avec la possibilité pour le juge d'écarter une clause dans tous les contrats identiques d'un même professionnel au-delà du seul litige dont il est saisi, ou encore la refonte des règles encadrant les ventes à distance et par démarchage. Je vous proposerai de confirmer plusieurs de nos positions d'alors.

Je me réjouis de ce que le Gouvernement ait repris, sur un certain nombre de dispositions importantes, la rédaction adoptée par le Sénat à l'initiative de notre commission, dans le précédent projet de loi. Ainsi, le mécanisme de l'action de groupe s'inspire largement des travaux conduits en 2009 et 2010 par Richard Yung et Laurent Béteille, tout comme la mise en conformité des sanctions administratives avec les principes applicables en matière pénale ou le devoir d'information des consommateurs sur l'absence de droit de rétractation pour les contrats conclus dans les foires et salons, dans le respect du cadre fixé par le droit communautaire.

Longtemps attendue par les associations de consommateurs, l'action de groupe vise à réparer les litiges de consommation d'un faible montant causés par un même professionnel. Mutualiser les frais de procédure qui, en l'état, sont dissuasifs pour une action individuelle, devrait inciter les professionnels à respecter les droits des consommateurs. La procédure proposée s'inspire de celle, en deux phases, conçue par le Sénat : une décision statuant sur la responsabilité du professionnel, et une seconde phase de liquidation des préjudices. Elle s'en distingue toutefois de deux manières : elle confie à l'association ou au professionnel la charge de constituer le groupe des consommateurs lésés, de recueillir leurs demandes d'indemnisation et d'organiser les versements correspondants, sous-traitant de la sorte un soin que notre assemblée avait confié au juge ; la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale a ajouté une procédure complémentaire dite simplifiée qui pose un certain nombre de questions en termes de respect des droits de la défense.

Le système retenu évite les dérives à l'américaine : monopole des associations de consommateurs pour introduire l'action, respect des principes procéduraux français, mécanisme d'opt in avec adhésion volontaire des consommateurs, procès en deux phases et publicité uniquement après la reconnaissance de la responsabilité du professionnel. Pour la première fois, l'action de groupe figure dans le texte initial d'un projet de loi. Notre commission doit être attentive à cette innovation procédurale ouverte devant le juge civil. Mes amendements apportent des garanties supplémentaires, afin de lever les doutes constitutionnels.

Ce texte soumet les nouvelles sanctions administratives qu'il institue au juge administratif et non, comme le prévoyait celui de 2011, au juge judiciaire. Le juge naturel des relations contractuelles entre un professionnel et un consommateur est pourtant clairement le juge civil. L'un de mes amendements rétablit donc sa compétence.

Ce texte marque l'aboutissement d'un débat controversé sur la création d'un registre national des crédits aux particuliers, sur le modèle de la centrale belge des crédits aux particuliers que j'ai eu l'occasion d'étudier au sein du groupe de travail inter-commissions sur le répertoire des crédits aux particuliers. Il s'agit d'un fichier positif, recensant les données positives sur les crédits en cours des particuliers, et non seulement les données négatives comme les incidents de remboursement ou les procédures de surendettement. L'efficacité d'un tel instrument en matière de prévention du surendettement demeure controversée et l'exemple belge, depuis dix ans, ne lève pas tous les doutes. Du fait des réticences constitutionnelles exprimées par le Conseil d'État, ce dispositif a été disjoint de l'avant-projet, ajusté puis introduit à l'Assemblée nationale par amendement du Gouvernement.

Afin de parvenir à une proportionnalité d'un tel fichier au regard de l'objectif recherché, les crédits immobiliers et les autorisations de crédit non utilisées ont été écartées du registre, ce qui fera passer le nombre de personnes enregistrées de 24 à 25 millions à 10 à 12 millions. En outre, le stock des crédits à la consommation en cours ne serait pas repris par le registre, qui devrait être opérationnel au plus tard trois ans après la promulgation de la loi.

Le projet transpose la directive du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, qui a procédé à la refonte du droit des contrats de consommation conclus hors établissement ou à distance. Il renforce considérablement les pouvoirs d'enquête de la DGCCRF, ce qui justifie un examen attentif du point de vue des libertés publiques. Une série d'amendements rapproche les garanties qu'il instaure, par exemple en matière de relevés d'identité ou de perquisitions, de celles que prévoit déjà la procédure pénale ordinaire. Il augmente significativement les amendes encourues en cas d'infraction au code de la consommation, notamment en matière de tromperie ou de falsification de denrées. Cela apparaît nécessaire pour rétablir une juste proportion entre les bénéfices issus des infractions et la répression judiciaire - il suffit de penser à l'affaire de la viande de cheval ou à celle des prothèses PIP. Il convient toutefois de préciser le mode de calcul des amendes proportionnelles au chiffre d'affaires.

L'efficacité de bon nombre des dispositions dépendra de la capacité de la DGCCRF à les mettre en oeuvre. Or, depuis 2007, ses effectifs ont connu une réduction drastique, source de dysfonctionnements et de baisse d'activité, dans un contexte de restructuration des services déconcentrés de l'État du fait de la réforme de l'administration territoriale de l'État, comme l'a souligné Antoine Lefèvre dans son avis budgétaire sur les crédits de la DGCCRF au nom de notre commission. Sans une administration dotée de moyens suffisants pour accomplir sa mission de contrôle économique, les meilleures lois en la matière demeureront sans effet réel. La mise en place tant attendue de l'action de groupe, qui pourra s'engager à l'initiative des associations, ne doit pas masquer le rôle primordial des pouvoirs publics en matière de protection des consommateurs.

Sous réserve des amendements que je vais vous soumettre, je propose à la commission de donner un avis favorable à l'adoption de ce projet de loi. Je sollicite en outre de la commission un mandat pour redéposer, avec les adaptations et coordinations nécessaires, les amendements qui n'auraient pas été retenus par la commission des affaires économiques, ainsi que des amendements de cohérence avec la position de notre commission.

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