Dans son Traité des épidémies, Hippocrate affirmait qu'en ce qui concerne la santé il y a trois choses à considérer : le médecin, le malade et la maladie. De l'antiquité à nos jours, ces trois « m » donnent la règle de toute rencontre thérapeutique : qu'est-ce qui anime non seulement les soignants, mais aussi les malades, leurs proches et, par extension, les citoyens, qui sont des malades potentiels ? Quelles relations établir entre les uns et les autres afin de respecter les valeurs de chacun ?
En un temps très court, la médecine a accompli des progrès considérables, prolongeant la vie de nos concitoyens d'une dizaine d'années en moins d'un demi-siècle. Ces progrès sont d'ailleurs tellement considérables que nous sommes aujourd'hui confrontés à des problèmes éthiques. Ces progrès peuvent faire du médecin une figure toute puissante et du malade un patient, un être passif, selon le dictionnaire.
Aujourd'hui, l'enjeu est d'établir un équilibre entre le médecin et le patient ; c'était l'objet de la loi de juin 1999 visant à garantir le droit à l'accès aux soins palliatifs, comme de la loi de mars 2002 relative au droit des malades et à la qualité du système de santé.
A cet égard, la présente proposition de loi est plus ambiguë. Je ne nie pas qu'elle prenne en considération le droit des malades : elle consacre le principe de l'obstination déraisonnable et le droit de refus d'un traitement ; elle reconnaît également l'existence possible de directives anticipées et le rôle de la personne de confiance.
Mais ce texte est avant tout fait pour les médecins ; tout le monde s'accorde à le reconnaître. Et c'est à la médecine que ce texte continue de donner le dernier mot.
Pendant longtemps, en France, comme dans d'autres pays essentiellement latins, on a constaté un très grand déficit de la réflexion et de l'action sur la façon de développer la qualité de vie des malades et de répondre à la multiplicité des besoins des patients, souvent dépossédés d'eux-mêmes.
Les soins palliatifs sont un modèle qui a permis de reprendre conscience du sens humaniste du soin. Historiquement, le développement des soins palliatifs concerne l'accompagnement des malades en fin de vie, la reconnaissance de la place de la mort, des mourants et des personnes en deuil dans la société. Mais, aujourd'hui, lorsqu'on parle de soins palliatifs, cela ne signifie pas obligatoirement que l'on s'adresse à des mourants ou que l'on ferme la porte à l'espoir : les soins palliatifs s'étendent aussi à des malades en phase curative.
Le droit à l'euthanasie n'exclut pas les soins palliatifs. Le droit à l'euthanasie n'est pas un choix entre la vie et la mort : c'est un choix entre deux façons de mourir.
Je ne partage pas tout l'optimisme du rapporteur, qui considère que ce texte permet à notre pays de se doter d'une législation novatrice, une sorte de « troisième voie » entre le statu quo actuel, auquel plus personne n'adhère, et la reconnaissance de l'euthanasie, qui ne refléterait pas nos valeurs sociales fondamentales.
Monsieur le rapporteur, vous n'ignorez pas que le conseil d'éthique a lui-même reconnu le principe d'une exception d'euthanasie. Vous n'ignorez pas non plus les sondages indiquant que 86 % des Français sont favorables à une loi autorisant à mettre fin à la vie de personnes atteintes de maladies douloureuses ou irréversibles qui en ont fait la demande. En outre, 78 % des médecins généralistes sont favorables à une légalisation de l'euthanasie.