Je souhaite insister sur les responsabilités très particulières de la Haute Autorité. J’évoquais tout à l’heure sa composition. Il y a peut-être erreur sur le nombre, mais il y a une certitude : cette formation fait appel exclusivement à des personnes certes honorables, mais qui ont pour seule référence d’appartenir à l’autorité judiciaire.
Il n’y aura aucun représentant du secteur privé, aucun représentant de professions à ordre ou de métiers réglementés. Pourtant, les membres de l’autorité n’ont pas vocation à évaluer simplement le droit, ce qui rendrait la nomination de magistrats parfaitement légitime, qu’ils appartiennent à la magistrature administrative ou financière – Conseil d'État, Cour des comptes – ou à l’ordre judiciaire – Cour de cassation. Ils sont chargés d’estimer les situations patrimoniales et d’apprécier leurs variations.
Or, qu’il s’agisse des parlementaires, ou des élus en général, il est difficile d’évaluer un patrimoine et d’estimer ses variations au fil du temps, car tout cela obéit à des réalités économiques complexes, parfois difficiles à pénétrer.
Que vaut une entreprise avant qu’elle ne soit cotée ? Nul ne le sait. Il y a d’ailleurs un métier qui consiste à évaluer les entreprises afin de gagner, si possible, de l’argent à la revente s’il y a une différence par rapport au cours d’introduction. Que vaut une entreprise dans le temps, même lorsqu’elle est cotée ? La réponse est parfaitement variable et incertaine. Que vaut un manuscrit acheté par une maison d’édition ? Vaut-il par les avances sur recettes versées par l’éditeur ou par la réalité du tirage constaté ?
En fait, pour apprécier correctement les variations d’un patrimoine, il faut une bonne connaissance du monde et des réalités économiques. Il est également nécessaire de bien connaître tout ce qui concerne la vie des entreprises et le patrimoine des particuliers. Je ne suis pas certain que la composition de la Haute Autorité permette de rassembler toutes ces compétences.
Or, aux termes de l’alinéa 82 de l’article adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, il est précisé que « la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique apprécie la variation des situations patrimoniales des députés telle qu’elle résulte de leurs déclarations, des observations qu’ils ont pu lui adresser ou des autres éléments dont elle dispose ». Cette appréciation sera connue de tous ceux qui consulteront en préfecture ces publications. Quelle est sa légitimité et quel est son caractère contradictoire ?
Par ailleurs, il est prévu à l’alinéa 83 de la même disposition que la Haute Autorité transmette le dossier au parquet si – j’y insiste – elle estime ne pas disposer d’explications suffisantes, c'est-à-dire dans le cas où elle a reçu des réponses, mais qui ne lui ont pas paru satisfaisantes.
Les variations de patrimoine sont parfois à la hausse et parfois à la baisse. Il suffit de lire la presse économique pour s’en convaincre, même des valeurs établies comme les valeurs immobilières peuvent être soumises à des variations fortes. Quant aux valeurs mobilières, elles sont soumises à des variations extrêmement fortes, sans parler, naturellement, des objets mobiliers de nature artistique, qui ne sont pas déclarés au titre de l’ISF, sans doute en raison de la difficulté qu’il y a à les évaluer. Tout cela donnera lieu à des contestations sur les variations.
Or, proprio motu, la Haute Autorité transmettra au parquet les dossiers qu’elle estimera insuffisamment justifiés. C’est donc bien une commission administrative, dont le président est désigné par le Président de la République, certes après approbation du Parlement, qui décidera de l’exposition quotidienne des parlementaires et des élus.
En ce qui concerne les parlementaires, c’est une négation absolue de la séparation des pouvoirs. C’est la raison pour laquelle je ne voterai pas cet article en l’état.