Je soutiens avec force l’amendement de M. Pozzo di Borgo.
Notre autorité ne dépend pas d’un concours administratif : cela, c’est la situation d’un fonctionnaire. Notre autorité dépend de la confiance des électeurs. Cette confiance se construit lentement, difficilement, à travers des liens qui se tissent dans des relations fondées sur la conviction et la proximité.
Le fait de saisir le parquet est un devoir relevant de l’article 40 du code de procédure pénale : tout fonctionnaire - la Haute Autorité étant une commission administrative, ses membres peuvent être considérés, de ce point de vue, comme des fonctionnaires - qui estime être informé d’un fait justifiant la saisine du parquet a l’obligation d’entreprendre cette démarche.
Toutefois, le jeu du suffrage universel fait que la notoriété de l’élu, le crédit, la confiance qu’il suscite dépendent de l’image d’ensemble qu’il renvoie. Malgré tout le respect que j’ai à l’égard des magistrats, de l’ordre judiciaire comme de l’ordre administratif, je ne peux souscrire à la liberté qu’ils auraient de transmettre proprio motu, sans contrôle, le dossier d’un élu et de mettre en jeu sa notoriété pour la raison qu’ils ne sont pas en accord avec lui sur l’évaluation des variations de son patrimoine ou sur la nature et l’importance des intérêts qui pourraient être les siens. Car il faut en être conscient : quand bien même ces variations de patrimoine et cette conjonction d’intérêts ne constituent pas des délits, l’opinion aura tôt fait de les transformer en délits potentiels, voire en délits certains.
Vous privez ainsi l’électeur d’un choix loyal puisque vous affaiblissez le parlementaire ou l’élu sortant, soumis à la Haute Autorité de la transparence de la vie publique, par rapport aux autres candidats, qui, eux, n’y sont pas soumis. Vous l’affaiblissez en général parce que vous l’obligez à se défendre contre cette épouvantable suspicion née de la saisine du parquet, laquelle, dans l’immense majorité des cas, aboutit à un non-lieu. Mais le mal est fait !
Et ce mal, nous sommes assez nombreux, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, à pouvoir en mesurer l’importance, à savoir qu’il se propage par une communication toujours violente et intense au moment de la saisine du parquet, mais toujours discrète et feutrée au moment de la notification d’une relaxe.
En période électorale, c’est encore plus grave. L’élu sortant, soumis à la Haute Autorité, candidat à une élection législative, sénatoriale ou locale, pourra à tout moment être confronté à la publicité nécessairement donnée à la saisine du parquet. Certes, vous l’avez dit dans les débats précédents, monsieur le rapporteur, l’examen aboutira le plus souvent, et même dans l’immense majorité des cas, à une décision de non-lieu, mais dans des délais qui sont parfaitement incompatibles avec l’exercice d’un mandat ou la loyauté d’une élection.
C’est la raison pour laquelle l’amendement de M. Pozzo di Borgo est d’une pertinence absolue. §