Je soutiens l’amendement n° 27 rectifié pour une raison simple. Sera introduite dans notre droit une notion qui en cet instant n’existe pas, celle du conflit d’intérêts.
Le présent texte n’a pas de valeur constitutionnelle ; il est simplement fait référence à l’article 25 de la Constitution, aux termes duquel une loi organique fixe, pour les membres des assemblées, le régime des inéligibilités et des incompatibilités.
Dans notre pays, les incompatibilités ont des racines profondes. Elles ont pour finalité de mettre le parlementaire à l’abri de la pression de l’État. De ce fait, certains métiers sont incompatibles avec le mandat parlementaire.
L’expérience de la République a conduit le législateur à élargir les incompatibilités à certaines professions au motif que la notoriété que confère un mandat parlementaire pouvait fausser l’opinion par exemple de souscripteurs, comme dans l’affaire de la Garantie foncière, dont nous avons parlé cet après-midi.
La notion de conflit d’intérêts est de nature tout à fait différente. Dans un tel cas de figure, la décision prise peut donner le sentiment de l’avoir été pour des considérations autres que d’intérêt général. Cette notion, d’origine anglo-saxonne, est parfaitement floue, permettez-moi de le dire, car il est dans la nature d’un parlementaire d’avoir des convictions et de défendre des intérêts locaux, régionaux, catégoriels.
C’est la raison pour laquelle nous souhaitons revenir à la définition du conflit d’intérêts telle qu’elle ressort du rapport d’information n° 518 du Sénat. La deuxième partie du présent amendement montre très clairement que le conflit d’intérêts n’a d’importance que s’il vise des décisions spécifiques et si le jugement du parlementaire est remis en cause non pas à l’occasion d’un vote ponctuel sur une affaire identifiée, ce qui est rarement le cas, mais de façon générale. Par exemple, on ne reprochera pas à un parlementaire par ailleurs dirigeant d’une société de voter en faveur de la forme d’amortissement fiscal la plus favorable aux entreprises. Cette mesure générale profitera à toutes les entreprises, comme telle autre à tous les proviseurs de collège ou tous les présidents d’université.
Il est donc proposé d’introduire dans notre droit une notion qui est issue du puritanisme anglo-saxon et dont, il faut bien l’avouer, personne ne discerne exactement la portée. Cette transposition va-t-elle dans le sens de l’article 25 de la Constitution et de l’incompatibilité prévue par la loi ? Selon nous, la réponse est définitivement non !
L’incompatibilité prend la forme d’une interdiction absolue. Par conséquent, elle est de caractère restrictif. En effet, en interprétant de façon large les incompatibilités, on priverait l’électeur du libre choix de son candidat.
En introduisant le conflit d’intérêts, on introduit le concept du cas par cas. C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité que les bureaux des assemblées soient compétents : non pas pour se substituer au législateur organique visé par l’article 25 de la Constitution, car il ne peut prononcer que des interdictions absolues, mais pour tirer les conséquences de votre volonté d’introduire la notion de conflit d’intérêts. Ainsi serait en quelque sorte instauré un juge du confit d’intérêts, qui se prononcerait non pas sur l’incompatibilité, laquelle relève de la loi, mais sur la déontologie. C’est pourquoi il appartient au bureau qui gouverne chaque assemblée d’assumer cette mission.