Monsieur Sueur, l’amendement n° 2 rectifié traduit votre conviction. Vous proposez de limiter les sanctions à 7 500 euros d’amende pour « le fait de publier ou de diffuser des informations mensongères ou délibérément inexactes relatives au contenu des déclarations de situation patrimoniale ».
Avec cet amendement, en plus de l’obligation d’établir une déclaration de sa situation patrimoniale, qui existait déjà, sa publication en préfecture et la possibilité de la consulter, un élément nouveau est introduit. En effet, des personnes mal intentionnées disposeront désormais d’une base juridique, non pas nécessairement – car les gens sont malicieux, et parfois pervers – pour délivrer de fausses informations, mais pour, à partir de renseignements exacts, en trahir et en travestir la signification, ouvrir une polémique publique et condamner ainsi dans l’opinion un homme, ce qui le freinera dans sa carrière, dans ses ambitions, dans son élan. La seule menace qui pèsera sur l’auteur d’une telle manœuvre sera une sanction de 7 500 euros !
En 1974, il n’était pas prévu que le président Pompidou meure le 2 avril, mais on savait que Jacques Chaban-Delmas pouvait être candidat à la présidence de la République pour la famille gaulliste. Souvenons-nous de l’émotion suscitée par la diffusion de sa feuille d’impôt, qui était par ailleurs consultable. Elle laissait apparaître que Jacques Chaban-Delmas, qui avait à la fois un portefeuille d’actions relativement important et des revenus de parlementaire honorables, mais somme toute modestes, certes payait des impôts, mais le faisait par le précompte au moment du versement des dividendes par l’entreprise. Comme, à l’époque, on ne payait pas deux fois les revenus du capital et comme l’entreprise l’avait fait par ce canal, Jacques Chaban-Delmas disposait d’un avoir fiscal supérieur à ce qu’il aurait dû acquitter au titre de l’impôt sur le revenu.
Pourquoi exhumer ce souvenir ? Parce qu’assurément, ce jour-là, en laissant échapper cette information, qui était exacte, mais qui méritait une interprétation, le ministère de l’économie et des finances a vraisemblablement fortement affaibli la candidature de Jacques Chaban-Delmas.
Nous aurons exactement les mêmes manœuvres, avec cette sanction « impitoyable », monsieur Sueur : 7 500 euros d’amende au maximum…
Tel est donc le prix de l’honneur et de la dignité d’un élu, lorsque quelqu’un de pervers voudra se mettre en travers de sa route et briser son effort, en utilisant et en détournant des informations qui seront désormais accessibles...