Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, dans le prolongement de l’intervention de Pierre Moscovici, je récapitulerai les grands axes du présent projet de loi.
M. le ministre de l’économie et moi-même avons eu l’honneur de présenter ce texte en conseil des ministres le 2 mai dernier, de le défendre ensemble devant l’Assemblée nationale en juillet, puis devant la commission des affaires économiques du Sénat, avant que nous ne prenions les uns et les autres quelques vacances.
À ce titre, le Gouvernement n’est pas parti de rien : il s’est fondé sur le travail considérable accompli par le mouvement consumériste lui-même, par bon nombre de fédérations professionnelles, qui se préoccupent aujourd’hui des conditions dans lesquelles il est possible de soutenir la demande et la consommation dans notre pays, mais aussi – et je commencerai par là – par la Haute Assemblée.
De fait, le Sénat nous avait laissé un texte, à savoir le projet de loi défendu par mon prédécesseur, Frédéric Lefebvre §qu’il avait considérablement amendé. C’est sur cette base que nous avons travaillé.
Je le répète, nous ne partons pas de rien. Sur un certain nombre de points, nous prolongeons un travail parlementaire antérieur dont nous n’avons pas l’ambition de faire table rase. Certains sujets avaient été amplement défrichés par le précédent gouvernement, puis par les assemblées, dont le Sénat. C’est pourquoi je tiens à saluer le travail important effectué par votre collègue Richard Yung et par votre ancien collègue M. Laurent Béteille, même si des divergences existent sur certains points de procédure, en particulier au sujet de l’action de groupe. Leur rapport nous a largement inspirés au moment de construire la charpente de ce texte sur la consommation.
En plusieurs points, ce projet de loi prend la suite de combats anciens menés par certains d’entre vous. Je pense en particulier à Mme Valérie Létard, à propos du registre national du crédit aux particuliers, et à M. Martial Bourquin, concernant les délais de paiement ou les évolutions à venir en matière de relations entre les entreprises, rendues possibles par l’aménagement de la loi de modernisation de l’économie, la LME. Ce texte, à bien des égards, s’inspirait beaucoup de vos réflexions, avant même de vous être soumis.
Je voudrais saluer tout particulièrement l’excellent travail mené avec la commission des affaires économiques sous l’égide de son président, M. Daniel Raoul, ainsi que la très fructueuse collaboration avec les deux rapporteurs au fond, MM. Martial Bourquin et Alain Fauconnier et, bien entendu, les rapporteurs pour avis, Mmes Nicole Bonnefoy, pour la commission des lois, et Michèle André, pour la commission des finances, ainsi que M. Jean-Luc Fichet, pour la commission du développement durable, à qui j’adresse mes amitiés tout particulièrement.
On distingue dans ce texte quelques grands blocs ; je vais les reprendre devant vous.
Le premier d’entre eux marque la volonté du Gouvernement de lutter contre les rentes économiques. À cette fin, nous avons décidé de créer une procédure d’action de groupe, procédure dont on dit qu’elle est « à la française », comme il est bien normal, puisqu’elle sera votée par le législateur français et qu’elle s’inscrit dans notre droit et dans notre tradition, avec pour objectif de réparer les préjudices économiques qui touchent des centaines, des milliers, voire des dizaines de milliers de consommateurs. Il s’agira d’un instrument précieux de lutte contre la rente économique.
La même ambition nous conduit à autoriser, demain, le consommateur français à résilier plus facilement son contrat d’assurance, dès le terme de la première année. Cette disposition a suscité beaucoup de débats, mais, aujourd’hui, le marché est lui-même en train de répondre à cette préoccupation et, sans doute, de valider notre intuition.
La lutte contre la rente économique se traduit également dans les acquis de la discussion parlementaire à l’Assemblée nationale. Un service d’aide à la mobilité bancaire a ainsi été créé, et la réflexion a été engagée sur la question de la portabilité du numéro de compte, prolongement des acquis du mouvement consumériste concernant la portabilité du numéro de téléphone. J’espère que nous l’enrichirons ensemble.
Le deuxième bloc touche à l’information du consommateur. Dans les relations économiques entre le professionnel et le consommateur apparaît en effet une asymétrie d’information qui rend difficile, pour ce dernier, l’exercice effectif de ses droits, quand ils existent.
L’amélioration de l’information du consommateur trouve plusieurs traductions ici : la garantie légale, les indications géographiques protégées, ou IGP, le « fait maison », ainsi que l’étiquetage de l’origine de la viande dans les plats préparés, qui sera probablement, grâce au rapporteur Alain Fauconnier, un des points forts de ce texte.
La volonté de renforcer le rôle de l’État comme garant de l’ordre public économique constitue le troisième bloc. Cela passe par une augmentation du quantum des peines, pour rendre les peines et les pénalités proportionnelles au montant des bénéfices indus réalisés par ceux qui, trichant délibérément, trompent le consommateur. Il s’agit également de travailler sur une distribution plus responsable du crédit, par la création du registre national du crédit, impliquant ainsi plus profondément la société de crédit et un peu moins le client, qui restera tout de même responsable.
Enfin, j’évoquerai rapidement, après Pierre Moscovici, les blocs consacrés au crédit et au rééquilibrage des relations économiques et commerciales entre les entreprises. Le passage d’un régime de sanctions pénales à un régime des sanctions administratives vise à améliorer l’effectivité de la loi, notamment en ce qui concerne les délais de paiement. Nous cherchons également à garantir les conditions, le cas échéant, d’une renégociation des prix lorsque le prix des matières premières a particulièrement augmenté.
Pour ce qui est du premier bloc, la lutte contre la rente économique, l’un des grands acquis de ce texte, si vous le votez, sera probablement la création d’une action de groupe en France.
Cette disposition est une Arlésienne du débat politique : on en discute depuis plus de vingt ans ! Nous devons incontestablement à l’activisme de quelques parlementaires que cette idée, qui figure dans tous les programmes présidentiels, celui de Jacques Chirac, celui de Nicolas Sarkozy, comme celui de François Hollande, voie enfin le jour et offre aux consommateurs français une voie de recours collectif pour les cas de préjudices économiques.
Nous avons souhaité une procédure simple, concentrée, à cette étape, sur les préjudices économiques. Dans ce projet de loi, elle ne sera pas ouverte aux champs de la santé et de l’environnement. Je rappelle toutefois que Mme la ministre de la santé et des affaires sociales a d’ores et déjà annoncé sa volonté de proposer, au début de l’année 2014, une procédure d’action de groupe dédiée aux questions de santé, à l’évidence différente de la procédure, plus simple, que nous allons créer ici. En effet, il s’agit d’obtenir réparation d’un préjudice économique dont on peut facilement déterminer le montant, ce qui, pour un préjudice corporel, suppose un travail plus lourd d’expertise individuelle des dommages corporels subis par telle ou telle personne ; on pense, par exemple, à la consommation de certains médicaments qui ont fait l’actualité récente.
Nous vous proposons aujourd’hui, en quelque sorte, le premier étage de la fusée, consacré aux préjudices économiques, c’est-à-dire aux conséquences de pratiques anticoncurrentielles. Je vous rappelle qu’en France, jusqu’à maintenant, ceux qui se rendaient coupables de pratiques anticoncurrentielles devaient payer une amende, à laquelle ils consentaient, mais n’indemnisaient jamais les victimes de leurs pratiques, quand bien même on estime à 20 %, pour les consommateurs, le surcoût engendré sur le marché par ces pratiques. Permettre, demain, que le consommateur soit indemnisé du préjudice économique qu’il a subi constitue ainsi une avancée considérable.
Il s’agit donc, selon nos vœux, d’une procédure simple. L’action sera introduite par l’une des seize associations de consommateurs, ce qui soulagera le consommateur, qui n’aura pas à engager les frais ni à dépenser l’énergie nécessaires pour obtenir réparation du préjudice qu’il aura subi. Il reviendra au juge de fixer le montant de la réparation, les modalités de la liquidation, donc de la réparation et, le cas échéant, les modalités de publicité de sa décision.
L’Assemblée nationale a souhaité améliorer encore ce texte, et a proposé d’accélérer cette procédure en permettant, notamment, l’exécution provisoire, dès la première instance, de l’action de groupe, dans le champ des pratiques anticoncurrentielles. Il s’agit d’une avancée importante, mais nous restons attachés à ce que l’action ne puisse être introduite qu’une fois la décision de l’Autorité de la concurrence devenue définitive. Nous entendons ainsi éviter le risque de créer une situation où, comme dans un cas sur dix quand une décision de l’Autorité de la concurrence est remise en cause, le consommateur ayant perçu une indemnisation devrait la rembourser, ce qui poserait d’importantes difficultés.
L’Assemblée nationale a également souhaité mettre en place une procédure de liquidation accélérée de l’action de groupe, notamment dans les nombreuses situations où l’on connaît à l’avance le fichier des clients concernés. Il est alors inutile de recourir à la publicité afin d’identifier ces derniers. Un simple courrier, ou un message électronique, leur permettra de se signaler et de s’agréger aux autres afin d’être indemnisés.
Je le répète, permettre à des consommateurs, qui ont parfois le sentiment d’être les dindons de la farce face à de grands groupes, d’obtenir réparation du préjudice économique qu’ils ont subi constitue un progrès démocratique extrêmement important. Ce préjudice peut ne représenter que quelques euros comme il peut se chiffrer en centaines, voire en milliers d’euros dans un certain nombre de contrats, qui seront détaillés durant le débat.
Cette mesure est capitale pour faire en sorte que, demain, le bouclier du droit français protège efficacement le consommateur français. J’espère que notre discussion sera riche et qu’elle trouvera son aboutissement, sur ce sujet, dans le soutien du Sénat.
Je voudrais revenir sur d’autres dispositions visant également à lutter contre la rente économique. La première concerne les assurances. Que n’ai-je entendu, quand nous avons voulu mettre en place le principe de la résiliation du contrat d’assurance au-delà d’un an, à la date souhaitée par le consommateur ! On nous a dit que cette procédure entraînerait des frais de gestion considérables, qui auraient comme conséquence de faire augmenter le prix des assurances.
Pourtant, dès maintenant, anticipant à bien des égards la mise en œuvre de cette loi, qui va introduire de la fluidité dans le marché, un certain nombre de grands assureurs mutualistes, que je salue, ont décidé de faire baisser le prix de l’assurance automobile et demain, j’espère, de l’assurance multirisque habitation.
Savez-vous que ces dépenses obligatoires atteignent 5 % des dépenses des ménages ? §