La séance, suspendue à douze heures quinze, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Jean-Patrick Courtois.
La séance est reprise.
Monsieur le président, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, ce week-end, j’ai pris connaissance d’un sondage très proche de vos préoccupations : quelque 68 % des Français auraient une opinion négative de la société de consommation. Ce que nous indique une telle enquête d’opinion, à nous, représentants politiques, c’est que, face à une société de marché, les Français aspirent de plus en plus à une société de valeurs.
Les Français ne veulent pas seulement consommer, ils veulent consommer autrement. Ils veulent de plus en plus transformer l’acte de consommation en un geste citoyen, voire, pourquoi pas, en un geste politique.
À cet égard, le projet de loi que M. Hamon et moi-même présentons aujourd’hui au Sénat traduit une triple ambition.
Première ambition : engager une réforme structurelle des rapports économiques entre les agents, avec pour objectif de soutenir la consommation et le pouvoir d’achat des ménages. Pour les Français, l’économie, ce n’est pas le PIB, le taux de croissance ou les grands équilibres ; c’est le pouvoir d’achat de tous les jours, ce sont les petits chiffres de la vie quotidienne. C’est à ces chiffres-là que ce projet de loi répond.
Deuxième ambition : participer pleinement à la politique du Gouvernement pour le soutien aux petites et moyennes entreprises, en offrant aux fournisseurs et aux sous-traitants de nouveaux moyens de négocier à armes égales avec les grands donneurs d’ordre.
Troisième et dernière ambition : offrir au consommateur de nouveaux pouvoirs, et lui permettre ainsi d’exercer pleinement ce qui participe de la citoyenneté d’une société moderne, à savoir la citoyenneté économique. Le présent projet de loi ouvre aux Français de nouveaux droits, directement en lien avec leur vie quotidienne.
Mesdames, messieurs les sénateurs, avant de laisser mon collègue Benoît Hamon, qui a élaboré l’essentiel de ce texte – même s’il s’agit d’un travail interministériel –, présenter ses dispositions en détail, je reviendrai un bref instant sur ces trois ambitions.
Tout d’abord, il s’agit de soutenir la consommation et le pouvoir d’achat des ménages. §Vous le savez, la consommation est l’un des éléments fondamentaux de la reprise économique naissante dans notre pays. Si nous avons enregistré, au deuxième trimestre 2013, une reprise, un rebond de l’activité de l’ordre de 0, 5 %, c’est non seulement grâce à l’amélioration de la situation dans la zone euro, grâce à l’amélioration de la situation des entreprises, qui reconstituent leurs stocks, mais aussi et avant tout grâce à la solidité de la demande intérieure. À cet égard, le présent texte comporte plusieurs mesures directement favorables au pouvoir d’achat des ménages.
Ainsi, ce projet de loi contribue notamment à la lutte contre les rentes ou contre certains monopoles de situation. En termes simples, il existe dans notre économie des situations où le consommateur, ou bien la partie à un contrat, est en quelque sorte « captif » de cette relation : il est dans l’impossibilité de la faire évoluer ou tout simplement de la faire cesser, parce que les arrangements contractuels sont rigides ou non respectés. Notre objectif est donc bien de casser certaines rentes de situation pour les redistribuer aux ménages.
Je prendrai quelques exemples.
Grâce à ce projet de loi, les consommateurs pourront désormais résilier leurs contrats d’assurance en cours d’année. C’est une mesure qui est bonne pour la concurrence, bonne pour le pouvoir d’achat. Je précise d’emblée à ses détracteurs – je sais qu’ils existent – que nous n’allons pas ainsi encourager les Français à ne plus assurer leur véhicule ou leur habitation ! Toutes les dispositions sont prises pour éviter ces conséquences dommageables. Simplement, et on le comprendra aisément sur chacune de ces travées, un libre choix est offert par la loi.
La création de ce que l’on appelle le « fichier positif » constitue un autre exemple. Pour Benoît Hamon et moi-même, ainsi que pour le Gouvernement tout entier, il s’agit là d’un sujet majeur. En effet, ce fichier est l’un des piliers de la politique du Gouvernement contre le surendettement des ménages. Ce sera une conquête tout à fait majeure, une réalisation extrêmement importante. Mais ce sera également un instrument efficace pour stimuler la concurrence entre établissements financiers : ce fichier contribuera, j’en suis sûr, à ouvrir davantage à la concurrence le secteur du crédit à la consommation dans notre pays. Les consommateurs ne peuvent que bénéficier d’une telle mesure, et s’en féliciter.
Là aussi, je tiens à rassurer d’emblée certains ici : nous avons pris toutes les précautions nécessaires pour que ce fichier soit constitué dans le respect des libertés individuelles. Cela allait sans dire, mais cela va encore mieux en le disant, évidemment ! La création de ce fichier positif était un engagement fort du Gouvernement. Nous l’avons assumé lors des débats organisés, notamment, dans le cadre de la conférence nationale de lutte contre la pauvreté. Parole tenue !
Par ailleurs, j’ai pris connaissance des amendements déposés par les membres de la Haute Assemblée : je constate avec plaisir que certains d’entre eux participent de cette ambition de rendre du pouvoir d’achat aux ménages. Je songe notamment à un amendement qui tend à permettre la libre commercialisation de certains produits sous monopole. Voilà une piste intéressante pour rendre du pouvoir d’achat aux ménages, et dont vous aurez à débattre.
J’en suis convaincu, la lutte contre les rentes est un combat pour le pouvoir d’achat, donc un combat pour la majorité, mais ce doit être aussi un combat pour la Haute Assemblée tout entière !
Ensuite, le présent texte a pour ambition de soutenir les petites et moyennes entreprises françaises. À ce titre, il comporte plusieurs avancées importantes pour les PME. Il participera, à n’en pas douter, à un véritable rééquilibrage entre les grandes donneurs d’ordre et leurs fournisseurs.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les négociations commerciales entre la grande distribution et ses fournisseurs débutent en ce moment même. Chaque année, elles donnent lieu à des tensions, et parfois à des affrontements : vous le savez, pour l’éprouver au sein de vos territoires. Aussi souhaitons-nous, à travers ce texte, favoriser plus de solidarité économique au sein des filières et plus d’équilibre dans les relations commerciales.
Aujourd’hui – pourquoi ne pas le dire, puisque c’est la vérité ? – des pratiques abusives persistent. Par exemple, certains distributeurs refusent de répercuter les hausses de prix demandées par les industriels qui finissent étranglés par de fortes augmentations des prix des matières premières, dans les secteurs du lait, de la confiserie, ou de la charcuterie, notamment. Ce projet de loi impose donc à la grande distribution – entre autres ! – une clause de renégociation obligatoire des prix dans les contrats portant sur certains produits alimentaires, afin de faire face à la volatilité des prix des matières premières.
L’idée est la même : éviter que de petites structures, notamment des PME de taille modeste, dont le pouvoir de négociation est limité, ne se voient imposer des contrats léonins qui déséquilibrent profondément les relations économiques. Il s’agit là d’un combat à la fois économique et de justice !
Au demeurant, l’équilibre des relations commerciales entre distributeurs et fournisseurs est une préoccupation constante du Gouvernement, au-delà même du champ du projet de loi que vous examinez aujourd’hui.
Il y a quelques semaines, certaines fédérations professionnelles ont alerté le Gouvernement et le médiateur inter-entreprises quant à la captation abusive du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, par de gros acheteurs. Ces derniers exigeraient de leurs fournisseurs qu’ils en répercutent directement les bénéfices sur leur politique de prix. J’ai immédiatement réagi, de même qu’Arnaud Montebourg, et écrit à l’ensemble des fédérations professionnelles. Par ailleurs, mes services ont largement communiqué aux entreprises les voies de recours qui leur sont ouvertes.
Je le dis à cette tribune : en la matière, nous ne tolérerons aucun abus, aucun excès de position dominante, aucune forme de racket ! Ces difficultés constituent certes un phénomène marginal, mais nous n’en serons pas moins parfaitement intraitables sur le sujet !
Cela étant, l’examen par le Sénat sera sans doute l’occasion d’aller encore plus loin. À cet égard, je tiens à saluer, en toute objectivité, le rapport que l’un des rapporteurs, Martial Bourquin, a remis avant l’été au Premier ministre, consacré aux relations de sous-traitance.
Monsieur le sénateur du Doubs §les conclusions de votre rapport, qui seront transposées dans le cadre de l’examen par le Sénat du présent projet de loi, seront l’occasion d’avancées majeures, notamment pour une meilleure organisation des rapports entre filières.
En outre, je suis convaincu que nous pouvons réaliser, ensemble, des progrès essentiels dans la lutte contre les délais de paiement. Il s’agit là d’un combat microéconomique essentiel : dans notre pays, 10 milliards d’euros peuvent être rendus aux PME et aux entreprises de taille intermédiaire, les ETI. Toutefois, veillons à éviter de fragiliser des secteurs entiers par des évolutions trop massives de la réglementation. Sur ce sujet, je m’en remets sans la moindre crainte à la sagesse de la Haute Assemblée. J’en profite pour remercier également M. Fauconnier ainsi que l’ensemble des rapporteurs pour avis de leur travail constructif sur ce texte.
Enfin, troisième ambition, le présent projet de loi a pour but de donner de nouveaux droits aux consommateurs. En effet, il fait des consommateurs des acteurs de la relance, par la confiance, sans laquelle l’économie n’est rien. C’est une évidence, les ménages sont d’autant plus enclins à consommer que le cadre contractuel dans lequel ils s’engagent est transparent et leur assure des voies de recours efficaces. En clair, ce projet de loi garantit aux citoyens une information effective et engage l’État à leur côté pour restaurer leur confiance et leur permettre de consommer.
C’est cette volonté de conférer de nouveaux pouvoirs aux consommateurs et d’atteindre un juste équilibre dans les relations économiques qui sous-tend la mesure phare du texte : l’action de groupe. Il ne s’agit pas là, bien entendu, d’ouvrir la boîte de Pandore et de susciter des comportements de chasseurs de primes. Aussi le présent texte pose-t-il plusieurs garde-fous pour que les dérives constatées dans d’autres pays, que nous avons tous à l’esprit et qui feraient sourire si elles n’emportaient parfois de graves conséquences pour les entreprises, n’apparaissent pas en France.
Pour autant, ce n’est pas une action de groupe pâlichonne ou délavée que nous proposons ici : c’est une véritable conquête démocratique, une avancée essentielle qui fait de ce projet de loi un texte extrêmement important. D’autres, avant nous, avaient promis cette mesure, sans jamais la mettre en œuvre. C’était l’un des engagements de campagne de François Hollande lorsqu’il était candidat à l’élection présidentielle, et c’est sous sa présidence, sous ce gouvernement, que cette réforme voit le jour.
Je m’en tiendrai là. Je signale simplement que ce projet de loi a été élaboré dans un esprit de concertation, sous la houlette de Benoît Hamon, qui s’est énormément investi, et dans un souci constant de privilégier le consensus. Ce texte est le résultat, non d’une visée idéologique – cela ne l’empêche pas d’être étayé par des idées et par une volonté politique ! – mais bel et bien d’une construction pragmatique et ambitieuse.
Ce texte est le fruit de plusieurs mois de travaux avec les associations de consommateurs et les représentants des entreprises, permettant d’atteindre le juste équilibre indispensable pour chaque mesure.
Ce projet de loi est au surplus pleinement assumé au niveau politique : nous savons tous à quel point certains lobbies se sont déchaînés contre ce texte, mais Benoît Hamon et moi-même avons pris nos responsabilités. Je réfute en bloc l’accusation, fausse, selon laquelle ce projet de loi serait « anti entreprises » ou nuirait à l’activité. §On me reproche même parfois l’inverse, …
Dans cette perspective, le présent texte fixe des règles justes.
Je donne rendez-vous dans quelques années aux détracteurs de ce projet de loi : comme souvent, ils pourront constater, après coup, à quel point il s’agissait d’une réforme structurante et importante.
Mesdames, messieurs les sénateurs, au total, je suis persuadé que le projet de loi qui vous est aujourd’hui présenté est un texte marquant, un texte majeur du début de ce quinquennat.
Pour conclure en élargissant quelque peu la focale, je souligne qu’il ne s’agit pas seulement d’un projet de loi pour les consommateurs, d’un projet de loi destinée à lutter contre certaines rentes. Ce texte ne se résume pas à ses mesures phare – même si chacun songe évidemment à l’action de groupe ou au fichier positif. Non, ce projet de loi est bien au-delà un texte politique, un texte sur la liberté. Voilà pourquoi il mérite à la fois l’approbation de la majorité et l’attention de l’ensemble de la Haute Assemblée, qui, j’en suis sûr, contribuera, comme elle le fait toujours, à le perfectionner. §
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, dans le prolongement de l’intervention de Pierre Moscovici, je récapitulerai les grands axes du présent projet de loi.
M. le ministre de l’économie et moi-même avons eu l’honneur de présenter ce texte en conseil des ministres le 2 mai dernier, de le défendre ensemble devant l’Assemblée nationale en juillet, puis devant la commission des affaires économiques du Sénat, avant que nous ne prenions les uns et les autres quelques vacances.
À ce titre, le Gouvernement n’est pas parti de rien : il s’est fondé sur le travail considérable accompli par le mouvement consumériste lui-même, par bon nombre de fédérations professionnelles, qui se préoccupent aujourd’hui des conditions dans lesquelles il est possible de soutenir la demande et la consommation dans notre pays, mais aussi – et je commencerai par là – par la Haute Assemblée.
De fait, le Sénat nous avait laissé un texte, à savoir le projet de loi défendu par mon prédécesseur, Frédéric Lefebvre §qu’il avait considérablement amendé. C’est sur cette base que nous avons travaillé.
Je le répète, nous ne partons pas de rien. Sur un certain nombre de points, nous prolongeons un travail parlementaire antérieur dont nous n’avons pas l’ambition de faire table rase. Certains sujets avaient été amplement défrichés par le précédent gouvernement, puis par les assemblées, dont le Sénat. C’est pourquoi je tiens à saluer le travail important effectué par votre collègue Richard Yung et par votre ancien collègue M. Laurent Béteille, même si des divergences existent sur certains points de procédure, en particulier au sujet de l’action de groupe. Leur rapport nous a largement inspirés au moment de construire la charpente de ce texte sur la consommation.
En plusieurs points, ce projet de loi prend la suite de combats anciens menés par certains d’entre vous. Je pense en particulier à Mme Valérie Létard, à propos du registre national du crédit aux particuliers, et à M. Martial Bourquin, concernant les délais de paiement ou les évolutions à venir en matière de relations entre les entreprises, rendues possibles par l’aménagement de la loi de modernisation de l’économie, la LME. Ce texte, à bien des égards, s’inspirait beaucoup de vos réflexions, avant même de vous être soumis.
Je voudrais saluer tout particulièrement l’excellent travail mené avec la commission des affaires économiques sous l’égide de son président, M. Daniel Raoul, ainsi que la très fructueuse collaboration avec les deux rapporteurs au fond, MM. Martial Bourquin et Alain Fauconnier et, bien entendu, les rapporteurs pour avis, Mmes Nicole Bonnefoy, pour la commission des lois, et Michèle André, pour la commission des finances, ainsi que M. Jean-Luc Fichet, pour la commission du développement durable, à qui j’adresse mes amitiés tout particulièrement.
On distingue dans ce texte quelques grands blocs ; je vais les reprendre devant vous.
Le premier d’entre eux marque la volonté du Gouvernement de lutter contre les rentes économiques. À cette fin, nous avons décidé de créer une procédure d’action de groupe, procédure dont on dit qu’elle est « à la française », comme il est bien normal, puisqu’elle sera votée par le législateur français et qu’elle s’inscrit dans notre droit et dans notre tradition, avec pour objectif de réparer les préjudices économiques qui touchent des centaines, des milliers, voire des dizaines de milliers de consommateurs. Il s’agira d’un instrument précieux de lutte contre la rente économique.
La même ambition nous conduit à autoriser, demain, le consommateur français à résilier plus facilement son contrat d’assurance, dès le terme de la première année. Cette disposition a suscité beaucoup de débats, mais, aujourd’hui, le marché est lui-même en train de répondre à cette préoccupation et, sans doute, de valider notre intuition.
La lutte contre la rente économique se traduit également dans les acquis de la discussion parlementaire à l’Assemblée nationale. Un service d’aide à la mobilité bancaire a ainsi été créé, et la réflexion a été engagée sur la question de la portabilité du numéro de compte, prolongement des acquis du mouvement consumériste concernant la portabilité du numéro de téléphone. J’espère que nous l’enrichirons ensemble.
Le deuxième bloc touche à l’information du consommateur. Dans les relations économiques entre le professionnel et le consommateur apparaît en effet une asymétrie d’information qui rend difficile, pour ce dernier, l’exercice effectif de ses droits, quand ils existent.
L’amélioration de l’information du consommateur trouve plusieurs traductions ici : la garantie légale, les indications géographiques protégées, ou IGP, le « fait maison », ainsi que l’étiquetage de l’origine de la viande dans les plats préparés, qui sera probablement, grâce au rapporteur Alain Fauconnier, un des points forts de ce texte.
La volonté de renforcer le rôle de l’État comme garant de l’ordre public économique constitue le troisième bloc. Cela passe par une augmentation du quantum des peines, pour rendre les peines et les pénalités proportionnelles au montant des bénéfices indus réalisés par ceux qui, trichant délibérément, trompent le consommateur. Il s’agit également de travailler sur une distribution plus responsable du crédit, par la création du registre national du crédit, impliquant ainsi plus profondément la société de crédit et un peu moins le client, qui restera tout de même responsable.
Enfin, j’évoquerai rapidement, après Pierre Moscovici, les blocs consacrés au crédit et au rééquilibrage des relations économiques et commerciales entre les entreprises. Le passage d’un régime de sanctions pénales à un régime des sanctions administratives vise à améliorer l’effectivité de la loi, notamment en ce qui concerne les délais de paiement. Nous cherchons également à garantir les conditions, le cas échéant, d’une renégociation des prix lorsque le prix des matières premières a particulièrement augmenté.
Pour ce qui est du premier bloc, la lutte contre la rente économique, l’un des grands acquis de ce texte, si vous le votez, sera probablement la création d’une action de groupe en France.
Cette disposition est une Arlésienne du débat politique : on en discute depuis plus de vingt ans ! Nous devons incontestablement à l’activisme de quelques parlementaires que cette idée, qui figure dans tous les programmes présidentiels, celui de Jacques Chirac, celui de Nicolas Sarkozy, comme celui de François Hollande, voie enfin le jour et offre aux consommateurs français une voie de recours collectif pour les cas de préjudices économiques.
Nous avons souhaité une procédure simple, concentrée, à cette étape, sur les préjudices économiques. Dans ce projet de loi, elle ne sera pas ouverte aux champs de la santé et de l’environnement. Je rappelle toutefois que Mme la ministre de la santé et des affaires sociales a d’ores et déjà annoncé sa volonté de proposer, au début de l’année 2014, une procédure d’action de groupe dédiée aux questions de santé, à l’évidence différente de la procédure, plus simple, que nous allons créer ici. En effet, il s’agit d’obtenir réparation d’un préjudice économique dont on peut facilement déterminer le montant, ce qui, pour un préjudice corporel, suppose un travail plus lourd d’expertise individuelle des dommages corporels subis par telle ou telle personne ; on pense, par exemple, à la consommation de certains médicaments qui ont fait l’actualité récente.
Nous vous proposons aujourd’hui, en quelque sorte, le premier étage de la fusée, consacré aux préjudices économiques, c’est-à-dire aux conséquences de pratiques anticoncurrentielles. Je vous rappelle qu’en France, jusqu’à maintenant, ceux qui se rendaient coupables de pratiques anticoncurrentielles devaient payer une amende, à laquelle ils consentaient, mais n’indemnisaient jamais les victimes de leurs pratiques, quand bien même on estime à 20 %, pour les consommateurs, le surcoût engendré sur le marché par ces pratiques. Permettre, demain, que le consommateur soit indemnisé du préjudice économique qu’il a subi constitue ainsi une avancée considérable.
Il s’agit donc, selon nos vœux, d’une procédure simple. L’action sera introduite par l’une des seize associations de consommateurs, ce qui soulagera le consommateur, qui n’aura pas à engager les frais ni à dépenser l’énergie nécessaires pour obtenir réparation du préjudice qu’il aura subi. Il reviendra au juge de fixer le montant de la réparation, les modalités de la liquidation, donc de la réparation et, le cas échéant, les modalités de publicité de sa décision.
L’Assemblée nationale a souhaité améliorer encore ce texte, et a proposé d’accélérer cette procédure en permettant, notamment, l’exécution provisoire, dès la première instance, de l’action de groupe, dans le champ des pratiques anticoncurrentielles. Il s’agit d’une avancée importante, mais nous restons attachés à ce que l’action ne puisse être introduite qu’une fois la décision de l’Autorité de la concurrence devenue définitive. Nous entendons ainsi éviter le risque de créer une situation où, comme dans un cas sur dix quand une décision de l’Autorité de la concurrence est remise en cause, le consommateur ayant perçu une indemnisation devrait la rembourser, ce qui poserait d’importantes difficultés.
L’Assemblée nationale a également souhaité mettre en place une procédure de liquidation accélérée de l’action de groupe, notamment dans les nombreuses situations où l’on connaît à l’avance le fichier des clients concernés. Il est alors inutile de recourir à la publicité afin d’identifier ces derniers. Un simple courrier, ou un message électronique, leur permettra de se signaler et de s’agréger aux autres afin d’être indemnisés.
Je le répète, permettre à des consommateurs, qui ont parfois le sentiment d’être les dindons de la farce face à de grands groupes, d’obtenir réparation du préjudice économique qu’ils ont subi constitue un progrès démocratique extrêmement important. Ce préjudice peut ne représenter que quelques euros comme il peut se chiffrer en centaines, voire en milliers d’euros dans un certain nombre de contrats, qui seront détaillés durant le débat.
Cette mesure est capitale pour faire en sorte que, demain, le bouclier du droit français protège efficacement le consommateur français. J’espère que notre discussion sera riche et qu’elle trouvera son aboutissement, sur ce sujet, dans le soutien du Sénat.
Je voudrais revenir sur d’autres dispositions visant également à lutter contre la rente économique. La première concerne les assurances. Que n’ai-je entendu, quand nous avons voulu mettre en place le principe de la résiliation du contrat d’assurance au-delà d’un an, à la date souhaitée par le consommateur ! On nous a dit que cette procédure entraînerait des frais de gestion considérables, qui auraient comme conséquence de faire augmenter le prix des assurances.
Pourtant, dès maintenant, anticipant à bien des égards la mise en œuvre de cette loi, qui va introduire de la fluidité dans le marché, un certain nombre de grands assureurs mutualistes, que je salue, ont décidé de faire baisser le prix de l’assurance automobile et demain, j’espère, de l’assurance multirisque habitation.
Savez-vous que ces dépenses obligatoires atteignent 5 % des dépenses des ménages ? §
Voilà le coût de la multirisque habitation, auxquels s’ajoute le coût de l’assurance automobile. Or il existe aujourd’hui des clientèles captives. Nous nous proposons donc de favoriser davantage la fluidité sur ces marchés. (Exclamations amusées sur les mêmes travées.)
Oui, c’est moi qui vous le dis, mesdames, messieurs les sénateurs, et je suis heureux de confirmer devant vous ce principe de l’économie moderne !
Cela étant, les assureurs, soucieux de maintenir leurs revenus, n’ont pourtant pas souhaité nous soutenir dans cette voie. Ils se sont tous regroupés pour dire que les prix allaient augmenter, mais le fait que ceux-ci baissent en réalité indique d’ores et déjà que l’intuition du Gouvernement était sans doute juste.
Cette mesure, en tout cas, est soutenue par 90 % des Français interrogés à son sujet.
Je vous engage donc à vous mettre au diapason de l’opinion publique française sur ce point !
La troisième mesure sur laquelle le Gouvernement engage le débat, dans le sillage de l’Assemblée nationale, est l’aide à la mobilité bancaire. Il s’agit de permettre à un consommateur qui le souhaite de changer plus facilement de banque. Dans la réalité, quand vous souhaitez changer de banque, vous êtes confrontés à la difficulté de devoir modifier tous vos virements et tous vos prélèvements, et la tâche ne vous est pas rendue très aisée par la banque que vous quittez, même si celle que vous lui avez préférée vous assiste peut-être un peu plus.
L’Assemblée nationale a permis la création d’un service gratuit d’aide à la mobilité bancaire, afin de faciliter la circulation du client d’une banque à une autre, de mieux faire jouer la concurrence et, ainsi, dans la ligne des dispositions de la loi bancaire visant à la réduction des frais, de permettre une nouvelle diminution des frais dus aujourd’hui par les détenteurs de compte en banque dans notre pays.
Nous avons voulu que cette mobilité bancaire s’accompagne d’une réflexion sur la portabilité du numéro de compte. On peut imaginer qu’en France, sous réserve, évidemment, d’une investigation technique, un numéro de compte soit attaché à une personne, de sorte que l’on puisse passer d’une banque à une autre en le conservant. Cela permettrait de circuler plus facilement entre les établissements et ainsi, là encore, d’améliorer la fluidité du marché, à l’avantage du consommateur.
La réflexion est en cours et nous avons souhaité qu’elle se prolonge. Nous voulions nous garder de légiférer trop tôt, parce que nous ne disposons pas aujourd’hui de l’expertise technique suffisante pour confirmer cette intuition, ou l’infirmer si nous devions conclure que ce qui a donné des résultats dans la téléphonie ne serait pas applicable à la banque.
Il s’agit, là encore, de lutter contre la rente, qu’il s’agisse de banque, d’assurances ou de pratiques anticoncurrentielles, avec pour objectif de favoriser la fluidité du marché.
Le deuxième bloc de propositions du Gouvernement tend à une meilleure information du consommateur. Nous avons ainsi décidé d’augmenter ce que l’on appelle la durée de la présomption d’antériorité de défaut : elle était de six mois ; le Gouvernement l’avait, dans son projet de loi initial, portée à un an, l’Assemblée nationale l’a fixée à dix-huit mois et je sais que des amendements ont été déposés qui envisagent de la prolonger jusqu’à deux ans, c’est-à-dire de l’aligner sur la durée des garanties légales. Nous sommes ouverts à ce débat.
J’insiste également sur une mesure importante de ce texte, à laquelle je suis très attaché, qui entend favoriser la réparation des biens au moment où l’on fait jouer la garantie légale.
Quand un bien électroménager, par exemple, ne fonctionne plus, nous souhaitons encourager sa réparation plutôt que son échange et son remplacement. Cette pratique développera des emplois sur place, non délocalisables, et sera ainsi favorable à notre tissu d’entreprises, en même temps qu’elle sera beaucoup plus respectueuse de l’environnement et du développement durable. Cette orientation découle tout à la fois des engagements pris par le Gouvernement en matière de protection de l’environnement et du travail effectué par le groupe Europe écologie-Les Verts, dans le domaine de la lutte contre l’obsolescence programmée, que je salue.
Cette question a déjà été débattue en commission, ainsi qu’à l’Assemblée nationale ; elle fait actuellement l’objet de nombreuses réflexions. En ce qui nous concerne, nous avons voulu, non seulement ouvrir un débat, mais commencer à apporter des réponses.
Une autre mesure, qui sera portée par ma collègue Sylvia Pinel, consiste à créer des indications géographiques pour les produits manufacturés. À n’en pas douter, mesdames, messieurs les sénateurs, chacun d’entre vous peut avoir à l’esprit telle ou telle production qui, liée à son territoire, souffre de la concurrence, dans certains cas déloyale, d’acteurs parfois extérieurs à la France, voire à l’Union européenne : Quimper et ses faïences, Limoges et sa porcelaine, Laguiole et ses couteaux, et bien d’autres. §
Le Gouvernement propose d’étendre aux produits manufacturés un dispositif qui fonctionne dans l’alimentation et l’agriculture, avec les AOC et les IGP. En distinguant ainsi la qualité du made in France, liée à des territoires, nous donnerons à nos PME et à nos artisans les moyens de lutter à armes égales contre des acteurs qui leur font une concurrence déloyale, et qui parfois envahissent nos marchés au détriment des productions locales. L’indication géographique protégée sera, pour nos entreprises, l’instrument de la reconquête de l’emploi et des marchés !
Par ailleurs, l’examen du projet de loi au Sénat marquera peut-être un progrès très important de la transparence en ce qui concerne la traçabilité des produits entrants dans la composition des plats préparés.
La semaine dernière, je me suis rendu à Bruxelles en compagnie des sénateurs Jean Bizet, Anne Emery-Dumas et Leila Aïchi, ainsi que de cinq députés. En effet, j’avais proposé au Sénat et à l’Assemblée nationale de constituer une délégation française composée de membres du Gouvernement, mais aussi du Parlement – chose assez rare, m’a-t-on dit à Bruxelles. Nous nous sommes entretenus avec M. Borg, commissaire chargé de la protection des consommateurs, des conséquences que, à nos yeux, l’Europe doit tirer de l’affaire dite « de la viande de cheval ».
L’objectif est, je crois, partagé sur la plupart des travées : que le consommateur dispose demain de la même information lorsqu’il achète un plat préparé contenant de la viande et lorsqu’il achète de la viande fraîche – en réalité, du bœuf, même si la législation européenne va étendre à la volaille, au porc et aux petits ruminants l’obligation d’indiquer, pour la viande fraîche, le lieu où l’animal est né, celui où il a été élevé et celui où il a été abattu.
Au cours de cet entretien, M. Borg nous a présenté l’état du droit européen ; incontestablement, il faut faire évoluer le règlement « INCO », en vertu duquel il n’est pas obligatoire que l’étiquetage des plats préparés comporte l’indication de l’origine de la viande. M. Borg nous a confirmé que le nombre des États et des parlements favorables à cette position augmentait et que la France, Parlement et exécutif réunis, avait joué un rôle important pour faire bouger les lignes.
Dans ces conditions, le Gouvernement se déclare prêt à examiner tout amendement tendant à inscrire d’ores et déjà dans la loi française, dans le respect des règles européennes à venir, le principe de l’étiquetage de l’origine de la viande dans les plats préparés – je sais que M. le rapporteur Alain Fauconnier a beaucoup travaillé sur ce sujet. La Françe serait ainsi le premier pays à inscrire dans sa loi ce progrès essentiel en matière d’information du consommateur.
Ce progrès fait suite à l’élévation par le Gouvernement du niveau des sanctions, afin de le proportionner à la tromperie commise. Je vous rappelle que nous avons également mis sous surveillance la filière « viande » et la filière « poisson », avec des tests particulièrement drastiques, pour éviter que ne se renouvellent les mauvaises surprises des mois passés.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les mesures du projet de loi qui touchent à l’information des consommateurs.
Le Gouvernement entend aussi renforcer le rôle de l’État comme garant de l’ordre public économique, notamment en ce qui concerne l’effectivité des règles.
Pour le dire rapidement, bon nombre de PME se plaignent du fait que, en raison du déséquilibre des forces dans la négociation avec la grande distribution, elles ne sont pas toujours en mesure de faire respecter leurs droits. Parce que nous voulons que ces droits soient parfaitement respectés, nous proposons de doter la DGCCRF, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, de pouvoirs accrus, notamment par la mise en place d’un régime de sanctions administratives qui lui permettra de poursuivre beaucoup plus facilement les contrevenants.
Nous proposons également de permettre aux agents de cette administration d’agir sous l’uniforme du « client mystère », c’est-à-dire d’aller au terme d’un acte d’achat, de manière à débusquer ceux qui cherchent à abuser des consommateurs vulnérables. Cette action est particulièrement nécessaire dans le domaine du commerce en ligne, car des pratiques tout à fait scandaleuses se développent sur l’Internet, contre lesquelles nous voulons lutter plus efficacement.
Je le répète : nous augmenterons le quantum des peines pour qu’elles soient mieux proportionnées au niveau des bénéfices indûment réalisés par les entreprises qui ne respectent pas le droit.
J’évoquerai, pour finir, les deux derniers blocs du projet de loi.
En premier lieu, nous souhaitons une distribution plus responsable du crédit pour lutter contre le surendettement. Mesdames, messieurs les sénateurs, songez que 200 000 dossiers de surendettement supplémentaires sont déposés chaque année ! Or nous avons constaté que, dans 87 % des cas, le crédit à la consommation est impliqué, tandis que seuls 4 % des dossiers sont liés uniquement au crédit immobilier.
C’est pourquoi nous voulons mettre en place un registre national des crédits aux particuliers, concentré sur la population qui recourt au crédit à la consommation et parfois bascule dans le surendettement après avoir acheté le crédit de trop, ce crédit qui sert non pas à acheter un bien, mais à payer un loyer, des factures, ou à préparer une rentrée scolaire. Or les crédits à la consommation ont été pensés pour soutenir la consommation des biens dans notre pays.
Le Gouvernement a travaillé avec le Conseil d’État, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, et la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNCDH, mais aussi avec le Sénat et l’Assemblée nationale, pour concevoir un registre national du crédit qui soit proportionné à l’objectif qui est le nôtre : il s’agit non pas d’éliminer le surendettement, mais d’en finir avec la solvabilité factice de centaines de milliers de familles françaises, sur laquelle prospèrent un certain nombre d’établissements de crédit.
Aujourd’hui, il est juste que ces établissements soient davantage responsabilisés. Sans doute, tous n’en sont pas contents ; ils ont participé au débat avec vigueur, et je les en remercie. Reste que l’engagement pris par le Premier ministre à la suite de la conférence nationale de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale est, à mes yeux, un engagement fort, puisqu’il permettra de vérifier la solvabilité d’un client désireux d’acheter un crédit à la consommation, évitant ainsi à la personne le crédit de trop dont je parlais.
Dans le domaine du surendettement, d’autres mesures ont été adoptées par l’Assemblée nationale, comme la réduction de huit à cinq ans de la durée des plans de désendettement des ménages. Je sais que Mme la rapporteur pour avis de la commission des finances, Mme André, souhaite que le projet de loi soit amendé sur ce point ; nous aurons l’occasion d’en débattre.
L’Assemblée nationale a aussi réduit à un an, au lieu de deux, la durée d’inactivité au terme de laquelle un crédit renouvelable est automatiquement clos. Cette mesure permettra de supprimer environ 8 millions de crédits renouvelables. Mises à la disposition d’un certain nombre de familles, souvent associées à une carte de fidélité, ces réserves d’argent, en période de crise, peuvent susciter des tentations. Quand elles servent d’appoint dans une situation difficile, ou pour un investissement, c’est bien ; mais, en cas de difficultés durables, elles peuvent aussi enclencher la spirale du surendettement.
En second lieu, nous voulons un rééquilibrage des relations économiques et commerciales entre les entreprises – Pierre Moscovici a insisté sur cet aspect du projet de loi et je n’y reviens pas longuement.
En particulier, une clause de renégociation est prévue lorsque le prix des intrants, lui-même lié au prix des matières premières, évolue brutalement. Nous rappelons aussi que les conditions générales de vente doivent être la base de la négociation entre la grande distribution et les fournisseurs. En clair, les commandes doivent être passées au prix convenu et la négociation doit être transparente. Nous avons beaucoup travaillé avec Martial Bourquin pour que ces dispositions correspondent aux besoins des PME.
En fin de compte, mesdames, messieurs les sénateurs, il est incontestable que ce projet de loi contient des avancées. En tout cas, il rompt avec la prétendue liberté de la fameuse poule dans un poulailler où vagabonderait un renard libre ; nous ne croyons pas à ce mythe-là !
C’est pourquoi nous essayons de fixer des règles lorsqu’une asymétrie est manifeste entre les pouvoirs des entreprises et ceux des consommateurs. Il ne s’agit pas d’opposer les premières aux seconds, mais il ne faut pas être dupe de la façon dont ces relations se nouent, parfois clairement au détriment des consommateurs.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi comporte des mesures fortes, des avancées démocratiques considérables. Dans le cours du débat, je serai ouvert, disponible et concret, comme Pierre Moscovici et moi-même essayons de l’être pour tous les textes économiques. Je souhaite que le Sénat apporte sa contribution à l’élaboration de ce projet de loi, pour que, demain, le consommateur français soit encore mieux protégé !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce projet de loi a le mérite d’échapper au travers qui caractérise souvent les textes sur la consommation : il n’est pas un simple catalogue de mesures sectorielles. Fondé sur une approche transversale du champ de la consommation, il est porteur d’une véritable ambition : devenir une loi de régulation économique, une loi qui renforce la confiance, aujourd’hui fragilisée, entre consommateurs, producteurs et distributeurs.
La confiance entre consommateurs et professionnels est l’huile qui fait tourner les rouages de l’économie de marché. Elle est aussi un bien collectif fragile, et doit reposer sur une information transparente et loyale, elle-même garantie par un système de contrôles et de sanctions crédibles.
Ce sont ces fondements institutionnels de la confiance que le projet de loi vise à consolider, pour rendre notre économie à la fois plus juste et plus efficace. Je regrouperai les dispositions proposées en trois ensembles.
Un premier ensemble de mesures concerne les moyens de faire respecter l’ordre public économique, c’est-à-dire les règles relatives à la protection et à la sécurité du consommateur ainsi qu’à la régulation concurrentielle des marchés.
La mesure phare en est évidemment l’action de groupe. Il s’agit d’une action collective conçue de manière non pas punitive, mais dissuasive. Elle vise à créer un droit à réparation pour le consommateur, tout en évitant les dérives d’une judiciarisation de la vie économique. Martial Bourquin, corapporteur, étant plus précisément chargé de cette question, je lui laisse le soin de l’aborder de manière plus approfondie.
Cette partie du projet de loi comprend également un renforcement des compétences de la DGCCRF, notamment de ses pouvoirs d’enquête ; elle prévoit aussi la création ou le durcissement des sanctions administratives. Il s’agit de mettre en place une police économique modernisée, plus diligente et plus efficace, dont les procédures et le rythme soient davantage adaptés à la dynamique du monde économique que ceux des institutions judiciaires.
Enfin, ce premier volet du projet de loi comprend une mesure innovante et forte : le renforcement des pouvoirs du juge en matière économique, avec l’extension à tous les contrats du pouvoir de supprimer les clauses abusives.
Le deuxième ensemble de mesures vise à mieux défendre les intérêts et les droits des consommateurs dans les domaines du crédit et de l’assurance, qui représentent des postes de dépense à la fois importants et contraints.
La principale disposition est la création d’un registre national des crédits aux particuliers. Le dispositif se concentre sur les cas de surendettement liés au crédit à la consommation, en suivant les recommandations du Conseil d’État, de la CNIL et de la Commission nationale consultative des droits de l’homme. Même s’il n’est pas parfait, j’approuve le dispositif proposé, car il constitue une réponse législative attendue depuis longtemps pour enrayer la spirale du surendettement.
Cette réforme est complétée par toute une série de mesures, certes moins médiatiques, mais susceptibles d’avoir des effets importants sur le pouvoir d’achat des ménages. Je pense en particulier à la possibilité de résilier à tout moment les contrats d’assurance au-delà de la première année suivant leur conclusion, ainsi qu’au renforcement des mesures de protection contre la multiassurance par l’ouverture d’un délai de rétractation de quatorze jours.
Enfin, le troisième ensemble de mesures est destiné à accroître la transparence de l’information et à renforcer les droits contractuels des consommateurs.
Mes chers collègues, je vous fais observer que ces mesures créeront les conditions d’une montée en gamme de nos productions nationales, car une meilleure identification de la qualité des produits par les consommateurs constitue, pour les producteurs et les distributeurs, une incitation forte à offrir des biens et des services de meilleure qualité.
À ce stade, je mentionnerai, sans entrer dans les détails, les principales mesures qui constituent ce volet du projet de loi : la réforme du régime des garanties légales, le renforcement de la qualité et de la transparence de l’information relative aux plats servis dans la restauration et l’extension du régime des appellations géographiques protégées aux biens non alimentaires.
Permettez-moi une dernière remarque pour conclure cette présentation générale : ce texte a été bâti sur la recherche d’un équilibre entre défense des consommateurs et compétitivité de notre économie. Cet équilibre, Martial Bouquin et moi-même avons veillé, en tant que rapporteurs au fond, à le préserver. Ce principe nous a guidés dans notre travail d’amendement et dans l’examen des amendements que vous avez présentés. Au demeurant, et je reviens ainsi à ma remarque initiale, l’ambition de ce texte étant de rétablir la confiance entre les acteurs du marché, il raterait son objectif s’il apparaissait comme une loi pour les consommateurs et contre les entreprises.
J’en viens maintenant rapidement au détail des mesures du texte dont j’avais la charge et à la présentation des principaux amendements adoptés par la commission des affaires économiques.
Le chapitre II du projet de loi concerne l’amélioration de l’information et le renforcement des droits contractuels du consommateur. Il vise notamment à transposer la directive 2011/83 relative aux droits des consommateurs, dont la plupart des dispositions sont soumises à une obligation de transposition maximale.
La commission des affaires économiques a adopté quelques amendements de fond importants sur cette partie du texte.
Ainsi, la durée de la présomption d’antériorité du défaut de conformité a été élevée à dix-huit mois, en assortissant cette mesure d’un délai d’entrée en vigueur, afin de laisser le temps aux entreprises d’adapter leur modèle économique.
Le dispositif de lutte conte le démarchage commercial téléphonique proposé par le Gouvernement a été renforcé par des mesures fortes et concrètes.
Concernant les foires et salons, la commission a renforcé l’information des consommateurs, sans aller jusqu’à instaurer un délai de rétractation.
Dans cette partie du texte, la principale question sur laquelle il me semble que nous devons encore avancer est le « fait maison » dans les restaurants. Les débats ont été animés en commission, et je ne doute pas qu’ils le seront aussi en séance…
Enfin, la commission a introduit des dispositions relatives à l’optique-lunetterie : il s’agit de reprendre l’esprit des dispositions adoptées par le Sénat en décembre 2011, à l’occasion de la discussion d’un projet de loi présenté par Frédéric Lefebvre ; nous y avions notamment travaillé avec Gérard Cornu.
Je dirai quelques mots sur le chapitre III, relatif au crédit et à l’assurance, notamment sur le registre positif des crédits introduit par l’Assemblée nationale. Avec la création de ce registre positif, qui permettra de responsabiliser les prêteurs, on dispose désormais de mesures solides renforçant la lutte contre le surendettement sans pour autant interdire le crédit et donc nuire à la consommation et à la croissance.
J’ai d’ailleurs relevé que le président du comité de configuration avait salué la pertinence du rapport réalisé début 2013 par notre groupe de travail sénatorial à propos de la probable émergence d’un « mal-endettement invisible », contre lequel les dispositifs existants ne sont pas suffisants.
La commission soutient donc pleinement la démarche du Gouvernement dans ce domaine, qui vise, résumée en deux mots, à calibrer le registre pour le ramener à l’essentiel et répondre ainsi aux exigences constitutionnelles de proportionnalité. Ce dispositif désamorce également tout risque d’utilisation mercantile ou d’interconnexion avec d’autres fichiers en évitant d’utiliser le numéro de sécurité sociale, le NIR.
Afin de dynamiser le processus et de veiller à son caractère évolutif, nous proposons que le comité de suivi du registre des crédits comprenne deux députés et deux sénateurs. Pour accélérer la mise en œuvre de la réforme, le texte adopté prévoit que les mesures d’application réglementaires seront regroupées dans deux décrets seulement. Il conviendra enfin de mesurer de façon claire l’efficacité du dispositif, ce qui justifie une définition plus précise du ciblage des rapports d’évaluation de la mise en place du registre.
Le volet « crédit » du projet de loi, initialement assez modeste, a été renforcé par les députés, avec des mesures comme la réduction de la durée des plans conventionnels de redressement, l’extinction au bout d’un an des lignes dormantes de crédit renouvelable ou la suppression, pour les particuliers comme pour les professionnels, de l’hypothèque rechargeable.
Afin de tenir compte des pans entiers de notre économie que la crise a fragilisés et qui auraient bien du mal à résister à un resserrement du crédit, la commission a estimé opportun de différer la réduction de huit à cinq ans de la durée des plans de surendettement en synchronisant l’entrée en vigueur de cette disposition avec la date de mise en place effective du registre des crédits.
S’agissant du volet « assurance », le projet de loi initial vise à favoriser la liberté de choix du consommateur « captif » ou de celui qui manque de temps pour mener à son terme le véritable parcours du combattant que peut représenter actuellement la résiliation. La seconde idée est de donner la possibilité aux consommateurs de regagner du pouvoir d’achat en réduisant les situations de multi-assurance. Les députés ont notamment décidé d’inclure les assurances « affinitaires », comme les assurances liées aux téléphones mobiles ou aux voyages, dans le champ d’application des modalités de résiliation de droit commun.
La commission des affaires économiques a adopté plusieurs mesures en privilégiant le principe de liberté de choix de l’assuré et la simplicité. Cette partie du texte contient de substantielles marges de réduction des dépenses contraintes des ménages, alors même que la question du pouvoir d’achat est au centre des préoccupations dans notre pays.
Le chapitre IV du projet de loi crée des indications géographiques protégées dans le secteur des biens manufacturés. C’était déjà une proposition du précédent projet de loi sur la consommation, mais le dispositif prévu par le présent texte est plus complet et plus abouti. Il précise notamment la procédure d’homologation des cahiers des charges des futures indications géographiques.
Il reprend les modifications que nous avions introduites il y a deux ans, en articulant mieux le droit des marques et le nouveau droit des indications géographiques. Je me félicite que l’apport du Sénat soit ainsi reconnu.
Concrètement, il s’agit de ne pas empêcher les entreprises bénéficiant d’une indication de la possibilité de l’exploiter, même lorsqu’il existe une marque voisine. Je pense en particulier aux couteaux de Laguiole, chers à certains d’entre nous. §
La commission a amélioré la rédaction du texte transmis par l’Assemblée nationale en adoptant quelques amendements rédactionnels et de précision, et a veillé à associer davantage l’Institut national de l’origine et de la qualité, l’INAO, qui s’occupe des appellations du domaine alimentaire, à l’Institut national de la propriété industrielle, l’INPI, qui sera chargé de gérer les nouvelles indications géographiques non alimentaires.
Je cède maintenant la parole à mon collègue rapporteur au fond, Martial Bourquin. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m’associe bien entendu aux propos tenus à l’instant par Alain Fauconnier s’agissant des grandes orientations et des principales dispositions du présent projet de loi.
Nous avons réalisé de nombreuses auditions, qui se sont déroulées de manière pluraliste, dans le cadre d’un groupe de travail. Nous avons conduit une véritable réflexion, souhaitant que l’examen de ce projet de loi soit préparé non seulement par des auditions, mais également par une concertation maximale.
Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui est salué par les associations de consommateurs. Il est bien compris et accepté par les représentants du monde économique, qui le jugent équilibré. C’est une réforme du droit de la consommation qu’il prévoit. Il changera donc la vie quotidienne de nos concitoyens.
Faute de temps, je ne reviendrai pas sur l’ensemble des dispositions dont j’ai la charge. Je me contenterai d’aborder trois sujets importants : l’action de groupe, les pouvoirs de la DGCCRF, les délais de paiement et les relations inter-entreprises.
S’agissant tout d’abord de l’action de groupe, je rappelle que l’introduction d’une telle procédure en droit français fait l’objet d’un débat récurrent depuis près de trente ans. Notre Haute Assemblée a pris part à ce débat : le rapport rédigé en 2010 par Richard Yung et Laurent Béteille, au nom de la commission des lois, fait référence sur la question, et a beaucoup contribué à faire avancer le débat. Le projet de loi s’inspire d’ailleurs largement du dispositif voté en décembre 2011 par le Sénat sur la base du rapport Yung-Béteille.
La commission des affaires économiques se félicite que le Gouvernement propose l’introduction d’une telle procédure dans le droit français. L’action de groupe est une avancée majeure que nos concitoyens attendent. Une procédure de ce type est indispensable, car les modes individuels de réparation des dommages ne sont pas suffisamment satisfaisants pour les consommateurs. En effet, si le consommateur dispose de la possibilité d’une action individuelle, il en est souvent dissuadé, parce que, pour résumer, le gain potentiel n’en vaut pas les inconvénients.
Vous connaissez tous les différents éléments de la procédure prévue par le projet de loi ; je n’y reviendrai donc pas. Je souhaite seulement formuler quelques observations.
Premièrement, la crainte de dérives à l’américaine a longtemps justifié le refus d’introduire une procédure d’action de groupe en France ; or elle n’est pas fondée. Le filtre des associations de consommateurs, la limitation de l’action de groupe à la réparation des préjudices matériels ou encore le choix du système de l’opt in constituent autant de garanties.
La procédure instituée par le projet de loi est limitée à la consommation et à la concurrence. La question de l’institution d’une action de groupe en matière de santé et d’environnement est tout à fait légitime. Pour autant, la commission des affaires économiques juge qu’il n’était pas souhaitable d’étendre à ces secteurs la procédure d’action de groupe prévue par le présent texte. La prise en compte des préjudices moraux ou corporels nécessite en effet une individualisation de l’évaluation de l’indemnisation, et donc un dispositif adapté.
À l’occasion de l’examen des amendements déposés sur le sujet, je pense que vous pourrez, monsieur le ministre, confirmer les engagements pris par le Gouvernement à l’Assemblée nationale, à savoir la présentation dans les prochains mois d’un dispositif d’action de groupe en matière de santé…
… et le lancement d’une réflexion quant à la mise en place d’une action de groupe en matière d’environnement.
Enfin, la procédure proposée par le Gouvernement est équilibrée. Elle reprend d’ailleurs les principales recommandations formulées en décembre 2012 par le Conseil national de la consommation, une instance respectée et entendue qui se compose de représentants des consommateurs et des professionnels.
Nos auditions nous ont permis de constater que les associations de consommateurs saluent le dispositif, tandis que les organisations professionnelles, dont certaines restent cependant opposées à l’institution d’une procédure d’action de groupe, en reconnaissent le caractère globalement équilibré.
Les députés ont profondément amendé le dispositif initial, en adoptant près d’une cinquantaine d’amendements. Le principal d’entre eux porte sur l’introduction d’une action de groupe simplifiée, afin d’accélérer la procédure dans le cas de préjudices sériels.
La commission des affaires économiques du Sénat a, à son tour, adopté plusieurs amendements en juillet dernier. Je pense, par exemple, aux amendements de notre collègue Nicole Bonnefoy, rapporteure pour avis au nom de la commission des lois, qui visaient à préciser la procédure de médiation. Par ailleurs, sur mon initiative, la commission a clarifié les conditions de déclenchement de l’action de groupe simplifiée.
Près de quatre-vingt-dix amendements ont été déposés sur les articles relatifs à l’action de groupe. La commission des affaires économiques a été défavorable à l’ensemble des amendements remettant en cause l’équilibre de la procédure proposée par le Gouvernement.
J’en viens au deuxième sujet important que je souhaitais aborder : les pouvoirs de la DGCCRF.
Le projet de loi repose sur une idée force : renforcer les pouvoirs de la DGCCRF au service du consommateur et faire respecter la loi de modernisation de l’économie, la LME.
Le chapitre V du projet de loi prévoit l’application d’amendes administratives en cas de non-respect des dispositions du code de la consommation imposant des obligations formelles dans les domaines des informations précontractuelles, des règles de publicité des prix et des publicités illicites pour des ventes réglementées comme les soldes. Une amende administrative pourrait également sanctionner la présence d’une clause abusive interdite – figurant sur la « liste noire » –, ce qui n’est pas prévu aujourd’hui.
Les amendements adoptés par la commission des affaires économiques tendent à répondre à deux objectifs : d’un point de vue rédactionnel, il s’agit d’améliorer la qualité et la fluidité de la loi ; par ailleurs, il convient de clarifier le texte en confortant le principe du respect du contradictoire et en perfectionnant l’arsenal de mesures permettant de lutter contre les ententes secrètes.
De façon sous-jacente aux dispositions parfois très techniques de ce texte, nous devons nous efforcer de trouver le bon équilibre entre deux exigences contradictoires : d’une part, il existe une demande sociale forte et croissante de contrôle de la sécurité et de la conformité des produits, demande à laquelle la représentation nationale ne peut être sourde ; d’autre part, il importe de garantir l’équité ainsi que la proportionnalité de la sanction.
À cela s’ajoute la difficulté pour la DGCCRF de faire face à des tâches croissantes avec des moyens dont la diminution a été opportunément interrompue par le nouveau gouvernement. Beaucoup de sénateurs de toutes tendances ont demandé que cette direction ait justement les moyens…
… de faire appliquer la loi, notamment la LME, ainsi que celle que nous nous apprêtons à voter.
Cela implique de rechercher des procédures juridiques et des sanctions à la fois efficaces et dissuasives pour les professionnels indélicats.
Le troisième sujet qui, vous le savez, me tient à cœur, concerne les délais de paiement et les relations inter-entreprises, sujet absolument fondamental.
Le projet de loi instaure des sanctions administratives comme alternatives aux sanctions pénales et civiles en cas de non-respect de ces délais et des règles de formalisme contractuel. Les propositions que j’ai formulées en commission convergent vers un seul objectif, simple et clair : faire en sorte que la LME soit appliquée et que les délais de paiement entre entreprises soient mieux respectés.
Le projet de loi tend également à améliorer les relations inter-entreprises, notamment entre la grande distribution, d’une part, les industries agroalimentaires et les agriculteurs, d’autre part, qui paraissent en effet très dégradées. C’est parce que ces relations sont difficiles et qu’elles peuvent avoir des conséquences sur le consommateur que le projet de loi comporte des dispositions nouvelles, en particulier une obligation de prévoir une renégociation en cas de variations importantes des prix des matières premières agricoles.
Nos agriculteurs sont souvent spoliés !
Nos PME, nos TPE sont parfois spoliées par des groupements d’achat qui leur imposent une loi d’airain !
Pour faire face à ce phénomène, ce projet de loi contient des propositions très importantes.
La commission des affaires économiques a apporté plusieurs améliorations au texte issu des travaux de l’Assemblée nationale.
Tout d’abord, elle a souhaité rendre plus effectives les dispositions sur les délais de paiement entre entreprises, tous secteurs confondus, avec la volonté, comme l’ont dit précédemment M. le ministre de l’économie et des finances et M. le ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation, à la fois de faire respecter ces délais et de tenir compte des situations de toutes les filières.
De la même façon, nous souhaitons faire en sorte que ces délais de paiement soient raccourcis, ce qui représente une somme d’environ 10 milliards à 11 milliards d’euros injectée au profit de nos PME.
Par ailleurs, si les amendements que nous présentons sur ce sujet sont votés, plus de pouvoirs seront donnés aux commissaires aux comptes pour informer sur ces délais de paiement et alerter en cas de non-respect de ceux-ci. Ces propositions s’inspirent du rapport que j’avais remis à M. le ministre de l’économie et des finances et à M. le ministre du redressement productif.
Dans le même esprit, je vous proposerai d’adopter un dispositif de contrat-type pour rééquilibrer les relations entre sous-traitants et grands donneurs d’ordre. Il y va de l’avenir de nos PME, lesquelles investissent peu, car elles n’en ont pas les moyens, cette façon de faire du cash à leurs dépens les empêchant d’innover, de grandir pour devenir des entreprises de taille intermédiaire, ou ETI. C’est pourquoi nous nous attaquons à ce fléau.
En conclusion, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au nom de la commission des affaires économiques, je forme le vœu que le Sénat adopte à une très large majorité le présent projet de loi, enrichi des amendements de la commission des affaires économiques et des amendements auxquels elle est favorable.
Comme l’indiquait Alain Fauconnier, ce texte important permet de mieux réguler l’économie en assurant un équilibre entre les intérêts des consommateurs et ceux des entreprises. La France doit rester un pays producteur et les consommateurs doivent y être respectés ! §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission du développement durable s’est saisie pour avis des articles relatifs à l’action de groupe, des articles relatifs à l’information du consommateur sur la réparabilité des produits et la durée des garanties légales, des articles concernant la protection des indications géographiques, ainsi que de deux mesures ponctuelles relatives aux transports.
Premier sujet : l’action de groupe. Les articles 1er et 2 du projet de loi introduisent dans notre législation une action de groupe en matière de droit de la consommation et de la concurrence. C’est l’aboutissement d’un débat de près de trente ans auquel le Sénat a largement contribué.
À l’heure de la crise économique, il est plus que jamais essentiel de rétablir la confiance des consommateurs dans les mécanismes, y compris contentieux, de régulation du marché. L’action de groupe est une procédure démocratique en ce qu’elle facilite l’accès de chacun à la justice. Le dispositif, considérablement amélioré par le travail en commission, encadre correctement les risques de dérives pour les entreprises.
Nous aurons l’occasion de débattre largement des améliorations restant à apporter au texte, mais une problématique me semble fondamentale, celle des délais dans le cadre de la procédure d’action de groupe.
Il est prévu, dans le dispositif, que le juge statue dans une seule et même décision sur la responsabilité du professionnel et sur les modalités de constitution du groupe et de réparation des consommateurs lésés. Cependant, les mesures de publicité du jugement ne peuvent être mises en œuvre aux frais du professionnel qu’une fois que cette décision n’est plus susceptible de recours ordinaires ou de pourvoi en cassation.
Faut-il nécessairement attendre l’extinction de toutes les voies de recours ? Nous savons tous que cela peut prendre de nombreuses années. Or, plus ce délai sera long, moins le consommateur aura conservé les éléments de preuve nécessaires, et moins il aura envie de s’engager dans une procédure judiciaire pour obtenir réparation.
J’ai conscience de l’équilibre délicat que le texte cherche à trouver entre sécurité juridique pour les entreprises, d’une part, et garantie des droits des justiciables, d’autre part. Je suis néanmoins convaincu que nous pouvons encore affiner le texte sur ce point.
En tout état de cause, cette réforme est l’occasion pour la commission du développement durable d’affirmer fortement la nécessité d’une extension, à moyen terme, de l’action de groupe à la santé et à l’environnement.
Certes, certaines problématiques environnementales pourront d’ores et déjà se trouver incluses dans le champ d’application du dispositif prévu. Ainsi, un contentieux se développe actuellement autour des démarches de responsabilité sociale et environnementale des entreprises, la fameuse RSE. Trois associations ont par exemple déposé plainte, en février dernier, contre l’entreprise coréenne Samsung. Elles estiment que les engagements éthiques de la marque induisent le consommateur en erreur, dans la mesure où des violations sévères du droit du travail ont été constatées dans les usines de ses fournisseurs en Chine. Or, à partir du moment où les démarches RSE deviennent un argument dans la vente de biens, une action de groupe pourra tout à fait être engagée par une association sur le fondement du non-respect de ces démarches éthiques, qui constitue une pratique commerciale trompeuse.
Cela reste toutefois insuffisant. Il faudrait que trois types de dommages au moins soient ouverts à l’action de groupe.
Tout d’abord, je citerai les dommages résultant des activités de santé : les exemples récents sont nombreux, du sang contaminé aux prothèses PIP en passant par le Mediator.
Ensuite, nous pensons aux dommages résultant des produits alimentaires : les victimes de scandales alimentaires de masse, comme l’affaire de la vache folle, ou, plus récemment, de la viande de cheval, pourraient demander réparation par ce biais.
Enfin, les dommages résultant des atteintes environnementales devraient être concernés : il s’agirait non seulement des atteintes à la santé des personnes du fait d’une catastrophe environnementale, mais aussi des dommages matériels éventuellement subis. Les exemples sont, là encore, nombreux, du scandale de l’amiante aux marées noires sur nos plages bretonnes.
Pour éviter une multiplication des recours abusifs et un risque de déstabilisation des entreprises, il faudrait bien entendu prévoir un filtre. On pourrait, sur le modèle de l’action de groupe proposée dans le texte, donner l’intérêt à agir aux associations environnementales. Dans ce cas, il importerait de régler la question de leur représentativité, qui fait aujourd’hui souvent débat.
L’intérêt à agir pourrait également être donné aux agences sanitaires et environnementales de l’État, voire, dans certains cas, aux collectivités territoriales. Cette question devra être tranchée.
Pour faire avancer la réflexion sur le sujet, nous avons donc tenu à faire adopter par la commission des affaires économiques un amendement à l’article 2 tendant à réduire le délai de remise du rapport sur le bilan de l’action de groupe de quatre ans à trente mois. Il est expressément précisé que, dans ce document, devra figurer l’étude des modalités de l’extension de l’action de groupe à la santé et à l’environnement.
Deuxième sujet : l’information du consommateur.
L’article 4 met à la charge du professionnel une obligation générale d’information du consommateur sur les lieux de vente. Un point important est à noter : le fabricant doit également informer le vendeur de la période pendant laquelle les pièces détachées indispensables à l’utilisation des biens seront disponibles sur le marché. Cette information est retransmise par le vendeur au consommateur.
Deux amendements à cet article, proposés par notre commission, ont été adoptés.
Le premier a pour objet de rendre obligatoire l’information du consommateur non plus sur la période pendant laquelle les pièces détachées sont disponibles, mais sur la date jusqu’à laquelle elles seront disponibles. La référence à une date offre une plus grande simplicité de gestion pour l’industriel et, surtout, une meilleure lisibilité pour le consommateur.
Le second vise à rétablir la confirmation par écrit, au moment de l’achat du bien, de cette date de disponibilité. L’information, certes, est déjà communiquée au consommateur avant l’achat, mais il est nécessaire de prévoir une confirmation par écrit, dans le contrat, notamment pour des motifs d’opposabilité.
L’article 6 impose de mentionner, dans les conditions générales de vente applicables aux contrats de consommation, la mise en œuvre et le contenu de la garantie légale de conformité et de la garantie relative aux défauts de la chose vendue. Il s’agit d’un apport important pour l’information du consommateur, lequel ne risquera plus d’acheter, dans le cadre d’une garantie commerciale, des prestations déjà couvertes par les obligations légales du vendeur.
L’article 7 a pour but de consolider les dispositions relatives aux garanties applicables aux contrats de consommation. La garantie légale de conformité, que le consommateur peut mettre en œuvre en cas de non-conformité du bien dans un délai de deux ans, est renforcée.
Nous avons porté, avec MM. les rapporteurs des affaires économiques, un amendement tendant à allonger la période de présomption d’antériorité du défaut de douze à dix-huit mois, et à la fixer à six mois pour les biens d’occasion.
Cette période de présomption de non-conformité permet au consommateur de ne pas avoir à faire la preuve de la défectuosité du bien pour obtenir son remplacement ou son remboursement. La durée totale de la garantie légale est actuellement de deux ans. En pratique, cependant, une fois la période de présomption achevée, il est presque impossible pour le consommateur de faire jouer la garantie légale. Au-delà, il lui faut des moyens d’expertise qu’il n’a généralement pas ou qui sont coûteux. L’allongement de la période de présomption est donc un apport important pour l’effectivité de la garantie légale.
Lors de la discussion des articles, je défendrai à titre personnel un amendement visant à étendre encore cette période de présomption pour l’aligner sur la durée totale de la garantie légale, à savoir deux ans, comme c’est d’ailleurs le cas dans d’autres pays européens – le Portugal, par exemple – sans que cela place les metteurs sur le marché de biens de consommation dans une situation problématique. L’alignement de la durée de présomption sur la durée de garantie légale paraît, de surcroît, plus lisible du point de vue du consommateur.
Je crois qu’il faut faire le lien entre, d’une part, ces réflexions sur la disponibilité des pièces détachées et l’information du consommateur quant à l’existence et au contenu des garanties légales et, d’autre part, le travail en cours concernant l’affichage environnemental.
La commission du développement durable a organisé, le 10 juin dernier, une table ronde afin de faire le point avec Jean-Paul Albertini, commissaire général au développement durable, sur l’expérimentation lancée à l’issue de la loi Grenelle 2 et à laquelle 168 entreprises ont participé. L’analyse des résultats indique le grand intérêt de la démarche, malgré des difficultés techniques indéniables, notamment dans certains secteurs comme l’agroalimentaire ou la filière « jouets ». Ce bilan plaide toutefois pour une extension assez prompte de l’affichage environnemental.
De son côté, la Commission européenne a annoncé le lancement d’une expérimentation de trois ans en vue de l’établissement d’un cadre réglementaire au niveau européen.
La France a donc un temps d’avance sur ces sujets. Il faut que nos acteurs économiques nationaux puissent en profiter, car nous sommes en position de faire de cet affichage environnemental un atout pour notre compétitivité.
Troisième sujet : les indications géographiques.
L’article 23 prévoit, d’une part, la mise en place d’indications géographiques pour les produits manufacturés, d’autre part, un mécanisme préventif de protection des noms des collectivités territoriales. Ces dispositions sont attendues de longue date.
Ce n’est pas la première fois que nous avons l’occasion d’évoquer ces questions. Un projet de loi examiné en 2011 par la commission des affaires économiques du Sénat et une proposition de loi déposée en 2012 à l’Assemblée nationale n’avaient pu aboutir, faute de dispositifs suffisamment précis. Sont proposés ici des mécanismes complets et cohérents, dont la mise en œuvre rapide permettra de répondre à des besoins de plus en plus pressants.
Les indications géographiques pour les produits industriels et artisanaux pourraient concerner plus d’une centaine de produits français, qu’il s’agisse des dentelles de Calais, de la tapisserie d’Aubusson ou encore du granit de Bretagne.
Nul n’ignore ici le succès des indications géographiques protégées, mises en place depuis vingt ans à l’échelle européenne pour les produits agroalimentaires. Elles représentent aujourd’hui près de 20 % du chiffre d’affaires des industries agroalimentaires françaises et 30 % de la valeur de leurs exportations.
L’extension de ce dispositif aux produits manufacturés répond à une demande forte des producteurs, dans un contexte où la pression concurrentielle liée à la mondialisation accroît l’importance de la différenciation des produits comme moyen d’attirer la clientèle, en mettant en avant les qualités des savoir-faire locaux et, donc, en soutenant le tissu économique rural.
Cette démarche est également dans l’intérêt des consommateurs, qui sont de plus en plus attachés à l’authenticité et à la qualité de ce qu’ils achètent.
Quant au dispositif préventif de protection des noms des collectivités territoriales que tend à instaurer le projet de loi, il repose sur deux éléments : un mécanisme d’alerte des collectivités, à l’occasion du dépôt d’une demande d’enregistrement d’une marque contenant leur dénomination, et un droit d’opposition auprès de l’INPI, l’Institut national de la propriété industrielle.
Ce dispositif viendra soutenir les collectivités territoriales qui, actuellement, ne peuvent jouer à armes égales avec certains acteurs économiques cherchant à usurper leur dénomination pour tirer profit de leur réputation. Aujourd’hui, elles peuvent seulement engager une procédure judiciaire, avec les coûts et les incertitudes que cela comporte. Nous avons tous en tête les difficultés du village de Laguiole qui, après maintes procédures devant le juge, n’a toujours pas obtenu gain de cause face à l’entrepreneur qui a fait enregistrer la marque Laguiole dans trente-huit des quarante-cinq catégories de produits répertoriées par l’INPI.
En ce qui concerne le mécanisme d’alerte, il est prévu que les collectivités qui souhaitent en bénéficier se signalent auprès de l’INPI. Sans doute aurait-il été préférable de mettre en place un système plus automatique, en particulier à destination des petites collectivités. Mais toutes les solutions envisageables se heurtent à la question des moyens de l’INPI et à un problème de droit international des marques. Nous nous en tenons donc à la solution proposée par le Gouvernement, qui paraît raisonnable.
L’article 24 garantit l’effectivité des dispositions que je viens d’évoquer par la mise en place de sanctions pénales renforcées en cas de fraude aux indications géographiques pour les produits manufacturés.
Quatrième sujet : la mise en place de sanctions administratives dans le secteur des transports. Notre commission s’est en effet saisie des articles 56 et 69, qui concernent ce secteur.
L’article 56 définit, de façon similaire pour chaque mode de transport – ferroviaire, routier, fluvial, maritime et aérien –, un régime de sanctions administratives en cas de manquement aux obligations communautaires relatives à la protection des droits des passagers. Il s’agit d’une disposition à caractère essentiellement technique, que nous approuvons.
L’article 69 définit également un régime de sanctions administratives, mais pour la profession récente de moto-taxi. Il permet notamment le retrait de la carte professionnelle en cas d’infraction à la réglementation.
Le régime de stationnement de l’ensemble des taxis est, par la même occasion, revu pour tirer les conséquences d’une récente décision du Conseil constitutionnel. Je ne m’y attarderai pas, soulignant simplement que le régime des taxis motos diverge encore fortement de celui des taxis voitures, pour un service presque identique rendu à l’usager. Sans doute faudra-t-il un jour envisager une certaine forme de convergence.
La commission du développement durable ne voit pas d’opposition à l’adoption de ces deux articles en l’état.
La philosophie de ce projet de loi est de rétablir la confiance entre les différents acteurs de l’économie, car cette confiance est au cœur de la reprise économique. Rétablir la confiance passe par l’amélioration de l’information des consommateurs sur leurs droits et sur la nature des biens et services achetés. Cela passe aussi par la garantie de l’existence d’une voie de recours efficace, peu coûteuse et collective lorsque les consommateurs sont victimes des manquements de certains professionnels. Cela passe enfin, de manière plus générale, par un rééquilibrage des relations entre consommateurs et entreprises.
Avec ce texte, le consommateur devient un acteur clé de la régulation et nous nous en félicitons.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi dont nous entamons aujourd’hui la discussion en séance publique est sans doute l’un des plus importants du début de ce quinquennat.
Alors que notre pays lutte depuis plusieurs années contre une stagnation de son économie, que la consommation des ménages ne parvient plus à porter vers l’avant, cette réforme a l’ambition de fournir à nos concitoyens les garanties et les outils qui peuvent seuls leur redonner confiance dans leur capacité à consommer pour investir, pour se restaurer et pour s’équiper.
Cette ambition, le projet de loi la porte dans chacun de ses grands volets : l’action de groupe, pour rééquilibrer le rapport de forces entre le consommateur individuel et les grandes entreprises ; les indications géographiques ou le renforcement des pouvoirs de la DGCCRF – Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes –, pour mieux assurer l’information du consommateur.
C’est également le cas pour les deux volets sur lesquels la commission des finances a souhaité se pencher : l’encadrement du crédit à la consommation et la prévention du surendettement, d’une part, la régulation des jeux en ligne, d’autre part.
S’agissant du crédit à la consommation, le projet de loi comble les lacunes laissées par la loi, incomplète, du 1er juillet 2010. Cette réforme était ambitieuse, mais elle s’était souvent cantonnée aux aspects techniques du crédit à la consommation, notamment du crédit renouvelable, sans créer les outils nécessaires pour s’attaquer au problème fondamental : la capacité des prêteurs à vérifier la solvabilité réelle des candidats à l’emprunt.
C’est pourquoi je me félicite que le Gouvernement ait proposé et que l’Assemblée nationale ait adopté le registre national des crédits aux particuliers.
Ce registre est attendu par les uns, redouté par les autres. Je crois, quant à moi, qu’il ne faut en attendre ni miracles ni calamités, mais qu’il faut l’analyser objectivement, dans le format raisonnable et proportionné proposé par le Gouvernement, comme le chaînon manquant de l’évaluation de la solvabilité des emprunteurs.
Je voudrais, à cet égard, rendre hommage aux travaux du Sénat, qui a été en pointe depuis 2010 en la matière : c’est la Haute Assemblée qui avait inscrit dans la loi Lagarde la demande de rapport qui a conduit au rapport du comité Constans ; c’est un groupe de travail commun à nos différentes commissions, dont j’ai fait partie même si ma participation n’a pas été aussi importante que je l’aurais souhaité, qui en a analysé les résultats pour mieux préparer les projets du Gouvernement.
Le registre rendra plus robuste et plus globale la protection des consommateurs en matière d’accès au crédit à la consommation. Pour ce faire, il n’était nul besoin de recenser les crédits immobiliers non plus que les découverts bancaires, qui répondent les uns et les autres à des logiques très différentes du crédit à la consommation. En ce sens, je me réjouis du choix fait par le Gouvernement de limiter le fichier aux seuls crédits à la consommation, en ciblant notamment les crédits renouvelables, qui sont présents dans plus de 80 % des dossiers de surendettement.
Par ailleurs, le registre ne reprend pas le stock de crédits existants, mais sera alimenté au fur et à mesure. Les crédits à la consommation ayant en moyenne une maturité de cinq ans au maximum, il reprendra rapidement l’ensemble du stock.
L’essentiel des propositions que j’ai faites au nom de la commission des finances ont été adoptées par la commission des affaires économiques. J’en remercie nos collègues. Il s’agissait, notamment, de limiter le champ du registre pour ce qui est des personnes se portant caution, ainsi que de préciser que le coût du registre est pris en charge par une tarification de la consultation par les établissements de crédit.
En revanche, la commission des affaires économiques a écarté un amendement portant sur l’identifiant qui sera utilisé pour le registre. Le texte du projet de loi indique qu’un identifiant spécifique sera créé sur la base, notamment, de l’état civil. Même si j’entends tous les arguments en matière de proportionnalité et que je suis moi-même très sensible au principe de la protection des données personnelles, je continue de m’interroger sur la possibilité de constituer un identifiant fiable sur une base encore incertaine. Comment éviter les erreurs liées aux homonymies ? À supposer qu’un tel identifiant soit constitué, comment faire en sorte que chacun le connaisse et soit en mesure de le communiquer au prêteur qui le lui demande ?
Monsieur le ministre, nul ne peut aujourd’hui répondre à ces questions. En revanche, il serait utile que vous nous précisiez les conditions dans lesquelles les travaux d’élaboration de l’identifiant seront menés et selon quel calendrier ; l’identifiant étant la clé de voûte du registre, il faut la préparer le plus en amont possible, en tenant compte des positions de l’ensemble des parties prenantes.
La création du registre des crédits modifiera en profondeur le secteur du crédit à la consommation. Certains encadrements instaurés ces dernières années, en particulier par la loi du 1er juillet 2010, perdront sans doute de leur pertinence lorsque cette protection supplémentaire contre le « mauvais » crédit ou le « crédit de trop », auquel vous avez fait allusion, monsieur le ministre, sera pleinement opérationnelle.
En conséquence, le projet de loi initial du Gouvernement se limitait, s’agissant du crédit à la consommation, à des ajustements de la réforme de 2010. En effet, les bilans de l’application de cette loi dressés par Muguette Dini et Anne-Marie Escoffier ainsi que par les parties prenantes dans le cadre du Comité consultatif du secteur financier ont montré des lacunes et des possibilités de contournement utilisées par les établissements.
L’Assemblée nationale a poursuivi dans cette voie, faisant passer la section concernée de deux à seize articles dans la version actuelle.
Je citerai notamment : un encadrement de la publicité des regroupements de crédits ; un élargissement de l’interdiction de mentionner des avantages promotionnels dans une publicité pour un crédit ; une pérennisation du comité de suivi de la réforme de l’usure ; une extension de l’encadrement des cartes dites « liées » aux cartes associant paiement et crédit – les cartes « double action ».
En revanche, deux amendements ont été adoptés qui, plus fondamentaux, touchent à l’équilibre du secteur, sans cohérence avec la création du registre des crédits.
Le premier, insérant un article 18 D, réduit de huit à cinq ans la durée maximale des mesures de redressement dans le cadre des procédures de surendettement. Cet article pourrait avoir des conséquences néfastes à la fois pour les personnes surendettées et pour la distribution du crédit. Je vous en proposerai donc un aménagement.
Le second amendement, à l’article 19, réduit de deux à un an le délai au terme duquel tout compte de crédit renouvelable est automatiquement résilié. Cette disposition réduirait drastiquement le nombre de comptes, sans véritablement atteindre son objectif de prévention du surendettement. Je vous proposerai donc une formule alternative.
Sur ces deux articles, je comprends l’intention de nos collègues députés, mais je crois que la création du registre des crédits rebat les cartes du crédit à la consommation : la protection supplémentaire qu’il offre, qui n’est pas idéale mais qui est bien réelle, ne doit pas être doublée de nouvelles contraintes qui pèseraient inutilement sur la consommation.
Le crédit à la consommation, lorsqu’il n’est pas adapté à la situation financière du ménage ou lorsqu’il lui permet non pas de s’équiper, mais d’échapper temporairement à l’insolvabilité, est, nous le savons tous, un piège qui conduit au surendettement. Mais le crédit à la consommation bien utilisé, ponctuellement, pour investir dans une voiture, du mobilier ou un appareil électroménager, dont les mensualités sont bien insérées dans le budget d’un ménage, est un atout à la fois pour les ménages concernés et pour la consommation en France.
Or, en 2012, la consommation des ménages français en biens durables a connu une baisse historique de 3, 4 %. Ce sont pourtant ces biens-là qui contribuent à l’amélioration de la vie quotidienne de nos concitoyens et dont le crédit à la consommation peut faciliter l’acquisition. Des réformes non coordonnées, ajoutant des contraintes à la frilosité des consommateurs et des prêteurs, pourraient freiner les achats de tels biens. Je crois donc que, dans le contexte économique actuel, il ne faut pas confondre les intentions et les effets d’une réforme ; mieux vaut avancer pas à pas que dans la précipitation.
Sous réserve de ces deux modifications, je suis pleinement favorable aux dispositions relatives au crédit à la consommation contenues dans ce projet de loi. Je crois non seulement qu’elles offrent des garanties supplémentaires aux emprunteurs, mais qu’elles apportent, avec le registre national des crédits aux particuliers, un outil nouveau qui saura faire ses preuves contre le phénomène du surendettement en France.
Enfin, l’Assemblée nationale a introduit au sein de ce projet de loi un volet complet relatif aux jeux d’argent et de hasard, composé de neuf articles additionnels. La plupart d’entre eux apportent des retouches à la loi du 12 mai 2010, chère à notre collègue François Trucy, relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne.
Sans revenir en détail sur l’ensemble de ces articles, comme j’ai pu le faire dans le rapport écrit, je dirai simplement qu’ils visent, pour l’essentiel, à harmoniser la définition des jeux d’argent et de hasard – c’est nécessaire, car plusieurs définitions coexistent actuellement, créant une insécurité juridique pour l’ensemble des parties prenantes –, à renforcer la protection des personnes interdites de jeu ou auto-exclues, à imposer à tous les opérateurs de justifier de l’existence d’un mécanisme garantissant, en toutes circonstances, le reversement de la totalité des avoirs exigibles des joueurs – l’affaire Full Tilt Poker a montré, en 2011, que cette protection n’était, pour l’heure, pas complètement assurée – et à renforcer les pouvoirs contentieux de l’Autorité de régulation des jeux en ligne, l’ARJEL.
Toutes ces dispositions sont bienvenues. C’est pourquoi la commission des finances a soutenu leur adoption, sous réserve de quelques améliorations qu’a intégrées le texte de la commission des affaires économiques : une précision à l’article 72 sexies, afin d’expliciter que les évolutions du montant de la garantie que pourra exiger l’ARJEL devront être en rapport avec l’évolution des avoirs exigibles des joueurs ; la soumission de la nomination du président de l’ARJEL à la procédure d’avis public des commissions des finances des deux assemblées, conformément aux dispositions du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution. Cette dernière mesure, qui figure à l’article 72 quinquies A de ce projet de loi, devra trouver un support de nature organique, raison pour laquelle le rapporteur général François Marc et moi-même avons déposé une proposition de loi organique en ce sens.
Monsieur le ministre, vous pouvez donc aussi compter sur le soutien de notre commission concernant le volet « jeux » de ce texte. Il conviendrait simplement d’apporter quelques éclaircissements afin de rassurer l’ensemble des acteurs sur la volonté du législateur.
D’une part, concernant l’objet de l’article 72 septies, qui supprime l’obligation de mise en demeure des opérateurs fautifs par l’ARJEL avant l’engagement de la procédure contentieuse, vous pourriez confirmer qu’il ne s’agit évidemment pas de multiplier les contentieux sur tous les sujets, mais uniquement de permettre de sanctionner les infractions les plus graves dès la première fois, ce que ne permet pas la procédure actuelle.
D’autre part, le nouveau dispositif concernant les obligations d’archivage des données relatives aux comptes joueurs sera-t-il totalement fiable quant à la protection des données personnelles des joueurs ?
La commission des finances a voulu, sur un texte aussi vaste, se limiter à ses domaines de compétence historiques, le crédit à la consommation et la régulation des jeux en ligne. Je suis heureuse de pouvoir faire part en son nom d’un avis favorable, car ce projet de loi comporte des avancées importantes pour le consommateur, qu’il soit joueur en ligne ou emprunteur au titre d’un crédit à la consommation.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le ministre, avant de présenter la position que la commission des lois m’a chargée de défendre devant le Sénat, je souhaite vous féliciter, et à travers vous, le Gouvernement tout entier, d’avoir eu le courage d’intégrer dans ce projet de loi relatif à la consommation cet instrument juridique indispensable, tant attendu par les associations de consommateurs, qu’est l’action de groupe : il s’agit bien là d’une innovation majeure.
Sur proposition de la commission des lois, le Sénat avait adopté, en décembre 2011, un dispositif analogue d’action de groupe dans le domaine de la consommation. Celui que le Gouvernement propose de mettre en place aujourd’hui s’apparente au schéma sur lequel nous avions travaillé. Je veux ici rappeler les travaux de nos collègues Richard Yung et Laurent Béteille, à l’origine de l’amendement que j’avais présenté en 2011 pour introduire dans notre droit une action de groupe dite « à la française », respectueuse des principes de notre droit civil, assortie de garanties procédurales empêchant l’apparition de dérives à l’américaine, attentive aux droits légitimes des entreprises comme des consommateurs et limitée, dans un premier temps, aux litiges de consommation.
Complémentaire de la médiation, qui doit être développée, l’action de groupe permettra de proposer aux consommateurs lésés, par le biais de leurs associations représentatives, une solution pour tous les petits préjudices en série dont ils peuvent être victimes, qui pèsent sur le pouvoir d’achat, mais pour lesquels le montant des frais de procédure est dissuasif.
Le moment venu, au regard de l’expérience acquise dans le domaine de la consommation, l’action de groupe pourra être étendue aux champs de la santé ou de l’environnement, dans lesquels les questions sont plus complexes : je sais que les attentes sont fortes – mon collègue Jean-Luc Fichet l’a lui-même rappelé – et que le Gouvernement a pris des engagements, ce dont je vous remercie, monsieur le ministre.
Après cette mention particulière de l’action de groupe, disposition phare de ce texte du point de vue de la commission des lois, et que celle-ci approuve pleinement, je veux présenter un peu plus en détail l’état d’esprit dans lequel notre commission a abordé ce projet de loi et a adopté un certain nombre d’amendements, pour une large partie d’ores et déjà intégrés au texte de la commission des affaires économiques.
Notre commission intervient de manière traditionnelle dans le domaine du droit de la consommation, au titre de sa compétence en matière de droit civil et de justice civile, avec, bien entendu, un souci d’efficacité et de rigueur juridique, ainsi qu’une attention naturelle aux interrogations constitutionnelles, mais aussi une exigence de cohérence avec ses positions antérieures. À ce titre, nous nous étions saisis, à la fin de 2011, du projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs ; je me félicite, monsieur le ministre, que le Gouvernement, attentif au travail du Sénat, ait repris des dispositions du texte de 2011 telles qu’elles avaient été introduites ou modifiées sur notre initiative, et dont mon rapport écrit fait état de manière plus précise.
Ainsi, sans dénaturer ni, bien sûr, remettre en cause les dispositions du projet de loi que nous avons examinées dans le cadre de notre avis, nous avons eu le souci d’améliorer le texte et de lui apporter toutes les garanties juridiques et de cohérence qui nous paraissaient utiles pour lui permettre d’atteindre ses objectifs dans l’intérêt du consommateur. Tel est le sens des amendements que je présenterai lors de la discussion des articles.
Concernant l’action de groupe, au regard de ses travaux antérieurs de 2006, 2010 et 2011, en particulier, la commission des lois a évidemment été attentive aux modalités de cette nouvelle forme d’action civile introduite dans notre droit. Je dois reconnaître que la procédure simplifiée, telle qu’elle résulte de l’adoption d’un amendement à l’Assemblée nationale, a suscité de notre part, pour des motifs d’ordre constitutionnel, de réelles interrogations. Néanmoins, je prends acte des améliorations apportées par la commission des affaires économiques et je veux bien, aujourd’hui, faire confiance au Gouvernement, qui nous dit avoir procédé à toutes les vérifications juridiques nécessaires. Il faudra toutefois mettre à profit la navette pour poursuivre la réflexion. À cet égard, il est heureux que le Gouvernement ait décidé de ne pas engager la procédure accélérée sur ce texte.
Concernant les dispositions relatives au droit des assurances, nous avons veillé à la clarté de leur périmètre d’application et à la sécurité juridique, tout en saluant la liberté nouvelle de résiliation du contrat que le texte offre aux assurés.
S’agissant du registre national des crédits aux particuliers, autre innovation majeure du projet de loi soumis à notre examen, nous savons bien que son efficacité fait débat au regard de l’objectif de lutte contre le surendettement, car nous n’arrivons pas à la mesurer. Je n’entre pas dans la discussion sur les causes du surendettement et sur le rôle qui est prêté de manière sans doute un peu simpliste à ce qu’on appelle les « accidents de la vie » : sur cette question, nous manquons d’une analyse statistique et sociologique réellement fouillée.
Dans le cadre du groupe de travail inter-commissions mis en place au Sénat en 2012 sur la question du « fichier positif », dont Alain Fauconnier faisait notamment partie, nous avons vu qu’il n’était pas facile de forger une réponse définitive ni de dégager un consensus. Je pense en particulier à notre déplacement en Belgique, pour mieux connaître le fonctionnement de la centrale belge des crédits aux particuliers : nous n’avons pas pu revenir avec des certitudes suffisantes, permettant de dépasser nos seules convictions.
Pour autant, le Gouvernement a fait le choix de trancher ce débat, lui aussi très ancien, comme celui sur l’action de groupe, tout en veillant à la préoccupation juridique principale, à savoir la proportionnalité de ce dispositif, le juste équilibre à respecter entre les questions qu’il faut poser en termes de libertés publiques et les objectifs qui lui sont assignés : cette attitude courageuse doit être saluée.
Aujourd’hui, il est certain que le registre des crédits, tel qu’il figure dans le texte, sera un outil précieux pour mieux apprécier la solvabilité des emprunteurs – obligation incombant aux prêteurs –, pour éviter le « crédit de trop » que l’on accorde trop facilement et pour responsabiliser davantage les établissements prêteurs. Je me souviens, en particulier, des déclarations de magistrats qui nous expliquaient qu’ils n’arrivaient pas, en l’état du droit, à mettre en jeu la responsabilité de certains prêteurs, pourtant de mauvaise foi, dans l’octroi excessif de crédit à des personnes en situation de fragilité financière. Le registre des crédits devrait changer les choses devant les tribunaux.
Concernant le renforcement des pouvoirs d’enquête de la DGCCRF, comme les modifications apportées aux sanctions pénales dans le domaine de la consommation, nous avons proposé un meilleur encadrement de ce qui figure dans le texte, au regard de ce qui est prévu, notamment, pour d’autres agents publics dotés de pouvoirs coercitifs, sans nuire évidemment à l’efficacité de l’action publique.
Nous n’avons pas repris, en séance publique, certains des amendements que nous avions présentés en juillet, afin de nous limiter aujourd’hui aux seuls amendements visant à garantir la cohérence juridique globale des dispositifs que nous avons examinés : je cite, pour mémoire, le dispositif Pacitel, bien connu, la définition du consommateur, à l’article 3, ou encore certains aspects de la transposition de la directive du 25 octobre 2011 concernant la vente à distance.
Avant de conclure, tout en me félicitant à nouveau de l’avancée tant attendue que constitue l’introduction de l’action de groupe, mais aussi de la reprise de certains acquis du vote émis par Sénat en décembre 2011, j’insiste sur le fait que la protection des consommateurs relève au premier chef de la responsabilité des pouvoirs publics. Le dévouement des agents de la DGCCRF doit être salué alors que, ces dernières années, leurs conditions de travail ont eu tendance à se dégrader, en raison des importantes réductions d’effectifs et des restructurations administratives qu’ils ont eu à subir en raison de la révision générale des politiques publiques et de la réforme des services déconcentrés. Aujourd’hui, nous devons redonner confiance aux agents de la DGCCRF et leur redonner les moyens d’accomplir leur mission au service des consommateurs. Mais je sais, monsieur le ministre, que vous y œuvrez avec détermination, et ce projet de loi y contribue indéniablement. C’est la raison pour laquelle il faut le voter.
Monsieur le président, monsieur le ministre, la commission des lois s’est déclarée favorable à l’adoption des articles dont elle s’est saisie pour avis, tout en proposant au Sénat un certain nombre d’amendements, lesquels ont fait l’objet de discussions approfondies avec mes collègues rapporteurs de la commission des affaires économiques, ce dont je les remercie tout particulièrement.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, ce projet de loi relatif à la consommation est examiné dans un contexte de crise, une crise qui dure et dont on peine encore à entrevoir l’issue.
« La crise, c’est quand le vieux se meurt et que le jeune hésite à naître. » Cette pensée d’Antonio Gramsci, qui date des années 1930, garde toute sa force et toute son actualité : notre modèle de société, en bout de course, tente de sortir de son interminable crise, mais il a du mal à s’affranchir des schémas du passé.
Crise grave et profonde, mais crise attendue et nécessaire, crise d’un vieux monde qui se meurt et qui s’accroche à son passé alors que le nouveau monde hésite encore à naître. Comment réussir son avènement avec suffisamment de lucidité, de courage, de responsabilité ? Notre rôle, à nous les politiques, est précisément d’assurer la transition sans rupture, de prendre en compte les attentes immédiates en gardant toujours à l’esprit, en toile de fond, le global, le long terme, l’intérêt des générations à venir, bref, l’intérêt général.
S’il faut évidemment assurer l’équilibre économique, il faut aussi s’intéresser à l’intérêt direct des consommateurs. Ces derniers, qui se trouvent au cœur du présent projet de loi, sont avant tout des citoyens et doivent être considérés comme tels. Le consommateur subit, le citoyen choisit ! Toutes les avancées vers la transparence, par l’étiquetage et l’affichage, donneront aux citoyens des outils pour forcer à une amélioration de la qualité.
Ce projet de loi, monsieur le ministre, doit être un des textes permettant l’avènement de la nécessaire transition que, nous, écologistes, appelons de nos vœux depuis longtemps. Il doit prendre en compte et favoriser le développement de solutions alternatives.
Parmi les nombreux chantiers qui s’ouvrent pour la transformation de notre économie, il y a le développement d’une économie locale et collaborative permettant une consommation également collaborative, éthique et, de ce fait, responsable. À cet égard, des mesures essentielles du projet de loi nous paraissent aller dans le bon sens, et nous les approuvons.
Je pense à la création d’un dispositif similaire à celui de l’action de groupe pour les produits de consommation – nous aimerions aller plus loin dans ce domaine, mais, si j’en crois ce qui nous a été annoncé, ce sera fait à travers d’autres textes. Je pense également au premier encadrement du crédit à la consommation et du crédit renouvelable, à la création du registre national du crédit, au renforcement des indications géographiques, étendues aux produits manufacturés, au renforcement des pouvoirs de la DGCCRF et, enfin, à la révision de la loi de modernisation de l’économie s’agissant de la transparence dans la négociation entre producteurs, acheteurs, fournisseurs et distributeurs, l’intérêt des producteurs devant être remis au cœur de ces discussions.
Mais nous pouvons et nous devons être collectivement plus ambitieux encore.
À l’Assemblée nationale, les interventions des écologistes ont permis des avancées notables quant à l’encadrement plus strict des crédits renouvelables, au dispositif d’homologation des nouvelles indications géographiques, à la reconnaissance des potentialités des circuits courts et de l’économie circulaire, dont l’économie de la fonctionnalité fait partie, mais aussi à la prise en compte de la nécessité de soutenir la durabilité et la réparabilité des produits. Sur ces sujets, nous avons été écoutés et suivis ; nous en remercions le Gouvernement et la majorité, une majorité à laquelle, au demeurant, nous appartenons…
Sourires et marques de satisfaction sur les travées du groupe socialiste.
Durant ce débat au Sénat, les écologistes entendent poursuivre leurs efforts pour convaincre, afin que soient adoptées des dispositions qui leur apparaissent nécessaires, qu’il s’agisse de l’étiquetage des produits, notamment alimentaires, de la lutte contre l’obsolescence programmée ou encore de l’émergence d’une action de groupe plus ambitieuse. J’ai bien noté, monsieur le ministre, ce que vous avez déclaré tout à l'heure sur ces sujets.
Je ne procéderai pas à un inventaire exhaustif des amendements que nous avons déposés, mais je tiens à m’exprimer sur deux points essentiels : la nécessité de défendre la transparence par un étiquetage exigeant des produits, en particulier dans le domaine de l’alimentation, et la lutte contre l’obsolescence programmée.
S’agissant du premier point, nous sommes nombreux à dresser un constat alarmant. Dans notre économie mondialisée, les pratiques des entreprises de nombreux secteurs constituent les possibles scandales de demain : non-respect des exigences sanitaires, sociales et environnementales ; présence, dans de nombreux produits, de substances dangereuses et interdites selon le classement retenu dans la directive REACH ; organismes génétiquement modifiés ; « effet cocktail » des pesticides, perturbateurs endocriniens et antibiotiques administrés aux animaux d’élevages. La liste est encore bien longue !
Sur les produits tant alimentaires que non alimentaires, il devient nécessaire d’encadrer strictement ces pratiques en exigeant au minimum une traçabilité et une information claire du consommateur sur l’origine et les modes de production des biens.
Vous l’avez signalé, monsieur le ministre, la France est étroitement liée aux décisions européennes et n’a pas une pleine marge de manœuvre pour légiférer. Néanmoins, nous sommes nombreux à défendre, dans le cadre de ce projet de loi, un étiquetage transparent et exigeant. Si, comme vous l’avez donné à penser, la France peut devenir, en Europe, un leader dans ce domaine, nous en serons très fiers.
À titre d’exemple, et pour aller au-delà de notre amendement tendant à défendre un étiquetage exigeant des produits carnés, je voudrais évoquer la question de l’étiquetage des huîtres.
Exclamations sur les travées de l'UMP.
Comme tous les êtres vivants naturels, l’huître creuse est diploïde. Son matériel génétique est constitué de dix paires de chromosomes. L’huître triploïde, issue d’une manipulation chromosomique en écloserie, par le croisement entre une huître tétraploïde et une huître diploïde, est une huître stérile qui, ne fabriquant pas de laitance, est donc commercialisable tout au long de l’année. De plus, sa stérilité lui permet de se développer beaucoup plus rapidement – en dix-huit à vingt-quatre mois – alors qu’il faut attendre au moins trois ans pour pouvoir commercialiser l’huître diploïde, c'est-à-dire l’huître traditionnelle.
La production d’huîtres triploïdes ne cesse de croître. Ces dernières représentent désormais 30 % à 40 %, au moins, de la production française, même si le marché est un peu à la baisse depuis les séries de mortalité estivale.
Il ne s’agit surtout pas pour nous de pointer du doigt la profession d’ostréiculteur, ni de dresser les uns contre les autres. Mais la généralisation de cette méthode d’élevage pose un certain nombre de questions, soulevées à la fois par les professionnels ayant choisi de poursuivre la culture de l’huître traditionnelle et par des scientifiques qui estiment que l’on manque de recul sur l’impact de cette culture sur le milieu naturel dès lors qu’elle est entreprise de manière importante.
Nos interrogations sont nombreuses. Qui peut affirmer aujourd’hui qu’il n’y a aucun risque pour l’environnement et la santé ? Les ostréiculteurs ne risquent-ils pas de devenirs trop dépendants des écloseries, à l’image des agriculteurs face aux semenciers ?
Nous pensons donc que la poursuite de la production d’huîtres triploïdes doit faire l’objet d’un débat aussi large que possible, associant la profession ostréicole, la communauté scientifique, les consommateurs, les protecteurs de l’environnement et les pouvoirs publics.
Dans le cadre du présent texte de loi, nous souhaitons simplement demander qu’un étiquetage soit prévu pour différencier l’huître traditionnelle de l’huître triploïde.
Toujours dans le domaine alimentaire, je voudrais aussi évoquer la restauration. Après les débats à l’Assemblée nationale, l’importance du « fait maison » semblant admise, je n’ai pas déposé d’amendement sur le sujet. Mais il semble que la discussion va être relancée dans cette enceinte. Je tiens donc à dire, au nom de mes collègues écologistes, que je défendrai avec force le « fait maison ».
Je conclurai mon propos en évoquant cet enjeu essentiel que constitue la lutte contre l’obsolescence programmée.
L’ADEME, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, définit celle-ci comme « un stratagème par lequel un bien verrait sa durée normative sciemment réduite dès sa conception, limitant ainsi sa durée d’usage pour des raisons de modèle économique ».
De fait, l’obsolescence programmée est une réalité portant préjudice à la fois à l’environnement et aux consommateurs, et souffrant d’un vide juridique en droit français. Afin de lutter contre cette pratique scandaleuse, nous défendrons un ensemble d’amendements déposés par notre collègue Jean-Vincent Placé.
Monsieur le ministre, nous mesurons toute l’importance de ce projet de loi, qui contient de réelles avancées. Aussi nous comptons bien, au fil des débats, être entendus et suivis sur les enjeux essentiels que je viens d’évoquer. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, que ce projet de loi soit bon ou mauvais, qu’il soit efficace ou qu’il ne le soit pas, il doit être considéré pour ce qu’il est, c’est-à-dire un outil au service de la justice commerciale, et non la promesse d’un pouvoir d’achat retrouvé.
J’ai souhaité commencer mon intervention par cette précision, car il m’a semblé, en entendant différents échos médiatiques suscités par ce projet de loi, que le Gouvernement et la majorité faisaient de ce texte la tête de proue de la relance de la consommation en France. Ce projet de loi vient donc répondre à un défi très ambitieux…
Mais ce n’est pas la hausse de 0, 5 % de la consommation au second trimestre qui peut permettre au Gouvernement de crier victoire : ce chiffre n’est que le pendant du chiffre du premier trimestre, au cours duquel la consommation reculé de 0, 4 %. Quel record !
Ainsi, pour répondre au défi affiché, le texte s’attache à promouvoir les droits des consommateurs face à de nouvelles pratiques commerciales qui détruisent la confiance. Il tend également à rationaliser des secteurs d’activité dans leur ensemble, allant de ce fait bien au-delà du simple respect de ces droits.
Tout cela est fort louable…
Malheureusement, pour répondre à l’appétit médiatique de certains, le Gouvernement et la majorité versent dans l’exagération et parlent d’un projet destiné à relancer la consommation ! Si ce texte doit permettre de créer les conditions d’un retour à une hausse de la consommation, il n’est qu’un outil parmi d’autres et ne peut en aucun cas avoir l’influence directe que pourraient avoir les dispositions fiscales attendues par les ménages et les entreprises françaises.
Toutefois, les membres du groupe UMP et moi-même ne souhaitons pas être injustes. Votre projet de loi, monsieur le ministre, doit également se voir comme la conclusion de travaux entamés par le Sénat lors de la précédente législature, travaux qui ont mobilisé tous les groupes politiques de notre assemblée. Ainsi a-t-on pu s’inspirer, au cours de l’élaboration et de l’examen de ce texte, que vous nous promettez si structurant pour notre économie, de travaux antérieurs tels que la réflexion entreprise, en 2009 et 2010, par Richard Yung et Laurent Béteille sur l’action de groupe ou le projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, présenté par Frédéric Lefebvre en 2011 et abandonné avant la fin de la législature précédente.
Pour ces raisons, le groupe UMP accueille le présent projet de loi sans suspicion mal placée. Pour autant, cet accueil ne saurait nous exonérer d’une analyse plus critique.
À cet égard, la nôtre ne pourra que connaîtra des limites puisque le Gouvernement a déposé trente-cinq amendements le samedi 7 septembre, soit trois jours avant le début de la discussion générale et trois jours après la date butoir de dépôt des amendements. Cela montre la faible considération qu’il a pour le travail parlementaire !
Je pense tout d’abord, et je ne suis sans doute pas la seule, que la relance de la consommation en France ainsi que la prévention et la répression de pratiques frauduleuses ne sont pas liées à l’adoption d’une action collective telle que celle qui est proposée dans le projet de loi ni même au recours aux dispositifs existant dans d’autres ordres juridiques.
Les actions collectives sont un outil au service de la justice et, plus particulièrement, du droit des consommateurs, non un levier macroéconomique au service de la relance de la consommation. Ne faisons pas de l’action de groupe ce qu’elle n’est pas !
En fait, si ce n’est pas sans quelque justesse qu’il est assené que la demande en matière de droits est importante et insatisfaite, il convient de préciser que cette demande est notamment due à une certaine ignorance de notre ordre juridique. Il existe en effet la procédure d’action en représentation conjointe, prévue aux articles L 422-1 et suivants du code de la consommation, ainsi que l’action en réparation d’un préjudice collectif, prévue aux articles L 421-1 et suivants du même code.
L’introduction d’une action de groupe dans notre droit doit donc constituer un véritable saut qualitatif par rapport au dispositif d’action en représentation conjointe, qui permet d’ores et déjà à une association de consommateurs d’agir en justice pour assurer la défense des intérêts des consommateurs. Si cette introduction a lieu, elle doit permettre de combler les lacunes de ce dispositif, en particulier remédier au fait que les associations de consommateurs ne peuvent pas utiliser ce type d’action du fait des risques juridiques et financiers qu’il fait peser sur elles. Or ces dernières ont déjà prévenu qu’elles ne seront probablement pas capables de recourir à l’action de groupe que vous proposez, monsieur le ministre, et ce pour les mêmes raisons juridiques et financières.
Une solution pouvait être envisagée pour pallier les limites auxquelles les associations de consommateurs sont confrontées : permettre aux avocats de déclencher ces actions de groupe et de les accompagner jusqu’à la liquidation. Mais, par souci des dérives dites « à l’américaine », vous avez écarté les avocats de ces actions. D’ailleurs, seuls quelques cabinets auraient sans doute eu les moyens financiers et humains d’en assumer le coût.
L’action collective qui est aujourd’hui soumise à notre examen est donc largement insuffisante en ce sens qu’il est difficile de la distinguer de l’action en représentation conjointe.
Plus inquiétante encore est l’introduction d’une procédure d’action de groupe simplifiée. Cette création nous apparaît comme un aveu. Ainsi, l’action de groupe de droit commun sera un long chemin de croix pour les associations, les consommateurs et les entreprises…
Évidemment, il n’est pas question de remettre en cause les deux phases de l’action de groupe : le jugement et la liquidation. Toutefois, vous avez fait le choix que la phase de jugement soit d’abord l’occasion de statuer sur la responsabilité du professionnel, avant que les consommateurs soient identifiés et le préjudice évalué. Or d’autres formules étaient envisageables et avaient été élaborées. Il aurait été possible de concevoir une première phase à l’issue de laquelle l’action aurait été déclarée recevable, avant de procéder à l’identification du groupe de consommateurs et, enfin, au jugement sur le fond.
Cette chronologie était d’ailleurs celle de la proposition de loi visant à instaurer les recours collectifs de consommateurs, déposée par notre collègue député Luc Châtel en avril 2006. Elle rejoint également l’amendement déposé par notre collègue Philippe Marini.
Cette formule, outre le gain de temps qu’elle apporte à toutes les parties, ne nécessite pas, de surcroît, l’introduction d’une procédure d’action de groupe simplifiée puisque l’identification du groupe de consommateurs est réalisée antérieurement au jugement porté sur le fond.
Mais votre choix fut donc tout autre, et c’est pour cette raison que le rapporteur du projet de loi à l’Assemblée Nationale fut contraint de déposer un amendement en commission afin de contourner la lourdeur du mécanisme de droit commun.
Cependant, l’impréparation qui a présidé à l’élaboration de ce texte ne s’arrête pas là puisque le rapporteur a dû réécrire cette procédure d’action de groupe simplifiée via le dépôt d’un amendement lors de la séance publique.
De plus, la rédaction en l’état de la section 2 bis relative à la procédure d’action de groupe simplifiée n’est pas acceptable. En effet, vous renvoyez les conditions d’application de cette section à un décret en Conseil d’État, alors même que votre texte reste silencieux sur le sujet des droits de la défense. Il s’agit donc d’un cas manifeste d’incompétence négative.
Outre notre refus de voir adopter cette action de groupe simplifiée dans la précipitation, nous regrettons que le Gouvernement n’ait pas attendu la directive européenne relative à l’introduction d’actions en dommages et intérêts par les victimes de pratiques anticoncurrentielles.
Ainsi, si notre groupe politique demeure bienveillant quant à l’introduction de l’action de groupe dans notre droit, nous sommes plus que jamais préoccupés par la forme que cette action de groupe est en train de prendre, car la formule simplifiée que vous proposez risque d’être détournée pour devenir subrepticement la procédure de droit commun.
Aussi, je crois qu’il aurait été préférable d’attendre un retour d’expérience sur la procédure ordinaire d’action de groupe avant de permettre aux associations de contourner ce dispositif.
Votre action de groupe pose donc un problème de forme, par son timing, et de fond, eu égard à la procédure simplifiée.
Autre exemple de dispositions qui nous paraissent relever du bon sens mais que le Gouvernement vient parasiter : celles qui concernent les assurances. Là encore, vous faites croire que la régulation de ce secteur d’activité pourra libérer nos compatriotes de charges injustifiées. Mais c’est faux : en matière d’assurance, le risque a toujours un coût et c’est in fine à l’assuré qu’il reviendra d’assumer celui-ci.
Ainsi, la possibilité de résiliation infra-annuelle des contrats d’assurance n’est pas une mesure dépourvue de tout risque. Elle est certes inspirée par une préoccupation éthique recevable, mais la possibilité ouverte au consommateur de résilier son contrat en permanence va perturber le modèle économique de ce secteur d’activité, car elle a toutes chances d’engendrer des tensions sur les primes du fait des incertitudes sur les provisions que devront constituer les assureurs. En dernier ressort, cette incertitude pèsera financièrement sur les assurés, car elle ne manquera pas de se traduire par une augmentation des primes d’assurance : là, le risque est certain.
En ce qui concerne l’extension de cette possibilité aux contrats d’assurance affinitaires, introduite par voie d’amendement à l’Assemblée nationale, le risque est moins élevé puisque les sinistres sont moins graves, moins coûteux, et ne nécessitent donc pas de réserves importantes, contrairement aux contrats d’assurance habitation ou automobile.
Au-delà des conséquences incertaines de votre projet de loi, je suis au regret de vous dire que vous manquez votre cible. La demande des consommateurs ne portait pas sur la résiliation des contrats d’assurance, mais sur le renversement de la charge de la preuve au profit de l’assuré dans les cas de modification du risque.
J’en viens à ce qui est désormais l’un des principaux chantiers de votre réforme et aussi l’une de nos principales réserves à l’endroit de ce projet de loi : la création du « fichier positif ».
Notre premier grief tient à la méthode : ces dispositions ont été introduites par la voie d’un amendement gouvernemental, de sorte que les conditions d’un examen approfondi n’ont pas été respectées.
Ensuite, l’efficacité d’un tel fichier n’est pas établie. Comme cela a été souligné lors des débats à l’Assemblée nationale puis, ici, en commission, les exemples étrangers montrent qu’il n’y a pas de lien entre diminution du surendettement et existence d’un fichier positif. Ce lien de causalité incertain a été évoqué par notre collègue Nicole Bonnefoy, rapporteur pour avis de la commission des lois, qui a reconnu que « l’efficacité d’un tel instrument en matière de prévention du surendettement demeure controversée » et que « l’exemple belge, depuis dix ans, ne lève pas tous les doutes ».
En outre, ce type de fichier pose de véritables questions en matière d’atteinte au respect de la vie privée, impératif constitutionnel auquel il ne peut être dérogé qu’à la condition qu’un autre impératif constitutionnel soit en jeu, comme le précise la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Aussi, pour éviter la censure, les crédits immobiliers et les autorisations de crédit non utilisées ont été écartés du registre pour que le nombre de personnes enregistrées, qui serait de l’ordre de 24 millions à 25 millions, ne soit plus que de 10 millions à 12 millions. Cette décision illustre bien les incertitudes du Gouvernement, qui hésite toujours entre protection de la vie privée et prévention du surendettement, alors que ces deux objectifs ne sont pas intrinsèquement incompatibles : il suffisait que les dispositions du projet de loi identifient des critères d’enregistrement au fichier plus sélectifs.
Le fichier positif que vous proposez sera trop restrictif parce qu’il ne prendra pas en compte les crédits immobiliers, qui sont pourtant les plus importants en termes de nombre de clients et de volume. Mais il sera aussi beaucoup trop large, car il s’adressera potentiellement à 12 millions de Français alors que le surendettement ne concerne que 200 000 personnes dans notre pays.
M. Alain Néri le conteste.
Autre problème que pose le fichier positif : l’identification. En effet, les dossiers personnels ne seront pas accompagnés de numéros uniques.
Enfin, le fichier positif risque d’être détourné de sa finalité par certains professionnels qui y verront un moyen de prospection supplémentaire.
En résumé, le fichier positif tel qu’il a été élaboré par le Gouvernement reste à la merci de l’appréciation du juge constitutionnel, sans fournir de véritables garanties de réussite en matière de lutte contre le surendettement. Nous sommes donc bien loin de l’époque où François Hollande fustigeait la stigmatisation que suscite ce type de fichier et où il affirmait que « cela ne peut se faire que dans des conditions très particulières, protectrices de l’individu », conditions qui ne semblent pas réunies aujourd’hui...
M. Alain Néri s’exclame.
Malgré ces différents griefs, il nous apparaît que le présent projet de loi comporte un certain nombre de dispositions susceptibles de garantir une protection accrue du consommateur, grâce, notamment, au renforcement des pouvoirs de la DGCCRF. J’ajoute que le resserrement de la coopération entre celle-ci et la Commission nationale de l’informatique et des libertés, dans le but de garantir la protection des données personnelles des consommateurs, est une mesure qui relevait de l’urgence.
Il en va de même du renforcement des pouvoirs de la DGCCRF dans le domaine du commerce électronique : lui est reconnu le droit de saisir le juge, aux fins de le voir ordonner toute mesure propre à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage. Cette mesure nous semble également de nature à sortir l’administration de l’impasse dans laquelle elle se trouve parfois.
En revanche, notre groupe politique reste très circonspect quant à la possibilité donnée à l’autorité administrative chargée de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de prononcer des sanctions administratives en cas de non-respect des injonctions qu’elle formule. En l’espèce, les droits de la défense ne nous semblent pas complètement assurés. Il convient d’évoquer sur ce point l’article 25 du projet de loi, qui permet aux agents de la DGCCRF de demander à une juridiction de déclarer une clause « réputée non écrite ». Cette possibilité induit une rétroactivité potentielle.
Pour les mêmes raisons, nous serons vigilants lors de l’examen de l’article 28, qui permet aux associations de consommateurs de demander à une juridiction de déclarer une clause « réputée non écrite ».
Quant à l’habilitation donnée aux agents de la DGCCRF de rechercher et constater les infractions et manquements aux dispositions du code des assurances, du code de la mutualité et du code de la sécurité sociale encadrant la commercialisation à distance de services financiers, elle relève de l’évidence. Il en va de même de la possibilité qui est donnée à ces agents d’enjoindre à un vendeur à distance dans l’incapacité manifeste de faire face à ses obligations de livraison de ne plus prendre de paiement à la commande pendant une période déterminée.
Dans un esprit identique, nous sommes favorables à la possibilité donnée aux agents de la DGCCRF d’utiliser un nom d’emprunt pour le contrôle de la vente de biens ou de la fourniture de services sur internet : il s’agit en effet de répondre à l’explosion de ces nouveaux modèles économiques.
Nous souscrivons en outre à la possibilité nouvelle offerte à ces agents de ne pas décliner immédiatement leur identité lors des contrôles qu’ils effectuent, afin d’en augmenter l’efficacité, ce que chacun comprendra aisément. Cependant, cette possibilité doit être davantage encadrée.
Enfin, nous accueillons favorablement l’augmentation des contrôles exercés par ces agents à l’importation de certaines denrées alimentaires et matériaux présentant des risques particuliers pour la santé du consommateur. Notre groupe est également favorable aux dispositions simplifiant la procédure de prélèvement d’échantillons.
Par souci de transparence, je tiens à rappeler que bon nombre de ces dispositions s’inspirent du projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, présenté par Frédéric Lefebvre en 2011.
Ces différentes mesures relatives au renforcement des pouvoirs de la DGCCRF, je crois essentiel de le souligner, n’ont pas pour unique vocation de défendre le droit des consommateurs : elles ont aussi pour finalité de réguler des activités économiques, souvent en pleine mutation, dont l’absence de contrôle pénalise aussi bien le consommateur que le producteur français.
Alors, même si ces mesures ne suffiront pas à enrayer la chute de la consommation, elles constituent sans nul doute une première pierre indispensable.
Enfin, on peut regretter que ce texte ait été utilisé par le Gouvernement comme voiture balai ou comme véhicule législatif de substitution : bon nombre de dispositions auraient pu faire l’objet d’un projet de loi à elles seules ou être rattachées à d’autres projets de loi. Je pense ici à la cigarette électronique que vous souhaitez interdire à la vente pour les moins de dix-huit ans, à la restauration et à l’appellation « fait maison », qui doit permettre de distinguer la cuisine industrielle de la cuisine authentique – à cet égard, la rédaction de l’article 4 bis A ne me semble pas encore achevée –, au commerce de l’or, et notamment aux contrats de rachat d’or – à la suite, là encore, d’un amendement adopté à l’Assemblée nationale sur l’initiative du rapporteur –, ainsi qu’à l’extension des indications géographiques protégées aux produits manufacturés.
Toutes ces mesures, sur lesquelles je n’émets que quelques réserves d’ordre rédactionnel, me semblent justifiées. Cependant, il est dommage que certaines d’entre elles n’aient pas été intégrées dans de plus vastes débats : c’est notamment le cas des indications géographiques protégées, qui posent la question de la multiplication des labels, pourtant nécessaires afin de garantir la valeur ajoutée de nos produits, ou encore à la cigarette électronique, sujet qui devra être pleinement pris en compte lors de nos discussions à venir concernant la santé publique.
Pour résumer la position de notre formation politique vis-à-vis de ce texte relatif à la consommation, et sans faire de mauvais jeu de mots, je dirai qu’on y trouve, selon nous, « à boire et à manger » ! §
En effet, je l’ai indiqué, nombre de ces dispositions s’inscrivent dans la continuité des travaux déjà réalisés par le Sénat alors que d’autres dispositions, que nous approuvons dans le principe, ont été altérées au cours de leur élaboration, le Gouvernement ayant accepté des amendements qui défigurent complètement le projet de loi initial ; je songe, bien sûr, à l’action de groupe et à sa version simplifiée.
Cependant, nombre des réserves que j’expose aujourd’hui pourront être levées si les amendements que mon groupe défendra sont adoptés.
En revanche – et c’est là un regret qu’aucun amendement ne viendra corriger –, ce projet de loi témoigne d’un profond manque de confiance, de la part du Gouvernement, à l’endroit du monde de l’entreprise.
Qu’on soit attentif à la consommation relève du bon sens. Cependant, il faut garder en tête l’idée que la bonne santé de la consommation, dans un monde où la division internationale du travail est poussée à son maximum, n’est pas une condition suffisante du retour à la croissance. Vous n’ignorez pas, en effet, que bon nombre des produits et services dont il est question dans le présent texte sont fabriqués à l’étranger. Par conséquent, il n’est pas compréhensible que vous soyez si insensibles à la question de la relance de l’investissement, qui semble pourtant au moins aussi importante que celle de la relance de la consommation. Or la création des conditions du redressement de l’investissement ne peut être entreprise si vous restez éternellement tributaires d’une méfiance à l’égard du monde de l’entreprise.
Malheureusement, comme souvent, la peur vient de l’ignorance !
Dès lors qu’on passe plus de temps à parler du monde de l’entreprise de manière abstraite, comme s’il s’agissait d’un corps étranger à notre société, qu’à essayer de le connaître, il n’est pas étonnant que la complexité de celui-ci apparaisse insurmontable et que l’ignorance devienne ainsi suspicion.
Pour conclure, je dirai que notre groupe politique reste très réservé sur ce projet de loi et notre position finale sera grandement déterminée par le sort que le Gouvernement et la majorité réserveront à nos amendements. Ces amendements, je le crois, peuvent lever bon nombre de nos griefs légitimes, qu’il s’agisse de l’action de groupe ou des nouvelles mesures coercitives à l’encontre des entreprises que vous n’avez pas pu vous empêcher d’insérer dans le présent texte. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, consommer, c’est pouvoir consommer et savoir consommer.
Le projet de loi que nous examinons, en ce jour de mobilisation contre la réforme des retraites, ne prend pas la mesure de ces deux composantes essentielles de la politique de consommation.
Or le pouvoir d’achat ne cesse de reculer, obligeant les titulaires des revenus les plus modestes à renoncer à des droits essentiels tels que le droit à l’énergie, le droit à la santé, le droit à la culture. L’augmentation de la précarité, de la pauvreté, dans lesquelles on abandonne les individus au nom de l’austérité, ébranle les fondements de notre pacte social.
Limiter la consommation à la mise en œuvre d’une réglementation en éludant la question du « pouvoir consommer », c’est oublier une grande part des problèmes que rencontrent nos concitoyens dans leur vie courante.
Consommer, c’est aussi savoir. Affronter la vie quotidienne n’est pas au programme de nos écoles. Introduite en commission des affaires économiques, la séance annuelle d’information sur les droits des consommateurs dans les collèges et lycées est utile, mais insuffisante. Il serait nécessaire de mettre en place une véritable formation transdisciplinaire, dès le plus jeune âge, pour apprendre aux futurs adultes à consommer mieux et différemment, à acheter sans tomber dans les pièges de la consommation de masse.
Il convient de leur montrer comment ils sont conditionnés à travers la publicité, de leur indiquer quel produit acheter en fonction de la place dans les rayonnages.
Enfin, il faudrait leur expliquer tout simplement comment gérer un budget. À ce sujet, le rapport du Sénat du 22 janvier 2013 relatif au répertoire national des crédits faisait le constat récurrent de « la méconnaissance des plus simples règles de tenue et de gestion du budget familial, en particulier chez les personnes connaissant de grandes difficultés financières ». Il préconisait, à juste titre, l’introduction d’un module d’éducation budgétaire. Sans cette éducation, un consommateur sera-t-il en mesure de se prévaloir de ses nouveaux droits face aux professionnels ?
Je rappelle que nous avions voté à l’unanimité dans cette assemblée, lors de l’examen de la loi de modernisation de l’agriculture, un titre Ier définissant et mettant en œuvre une politique publique de l’alimentation. Il était prévu, par exemple, que le programme national pour l’alimentation définirait les actions à mettre en œuvre pour «l’éducation et l’information notamment en matière d’équilibre et de diversité alimentaires, de règles d’hygiène, de connaissance des produits, de leur saisonnalité et de l’origine des matières premières agricoles, ainsi que des modes de production, de l’impact des activités agricoles sur l’environnement ».
Il devient urgent de concrétiser ces propositions qui sont présentées depuis longtemps. Il est tout aussi urgent que le ministre de l’éducation fasse, lui aussi, des propositions.
Dans ce projet de loi relatif à la consommation, le choix a été fait de limiter la politique de consommation à sa dimension technique et réglementaire par la transposition ou la recodification de mesures protectrices pour un consommateur que l’on présume formé et aisé.
Nous approuvons et saluons ces dispositions protectrices renforçant l’information précontractuelle, encadrant le démarchage et la vente à distance, le paiement, la livraison, ou portant sur la durée de la garantie commerciale, de même que les articles transposant les dispositions communautaires sur les pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs.
Nous vous présenterons néanmoins des amendements afin de renforcer ces nouveaux droits accordés aux masses consuméristes.
L’action de groupe constitue également une mesure positive du texte. Nous regrettons toutefois que cette procédure soit limitée aux préjudices subis à l’occasion de la vente de biens ou de la fourniture de services ou lorsque ces préjudices résultent de pratiques anticoncurrentielles. Elle devrait, selon nous, être étendue au-delà de la réparation des préjudices matériels résultant d’une atteinte au patrimoine des consommateurs.
Le texte du projet est même en retrait par rapport à la recommandation de la Commission européenne de juin dernier, qui préconise l’instauration de telles procédures dans les domaines « tels que la protection des consommateurs, la concurrence, la protection de l’environnement et les services financiers ».
Nous présenterons des amendements pour élargir l’action de groupe, comme nous le faisons depuis plusieurs années sous forme de proposition de loi.
Il est important de ne pas faire jouer à l’action de groupe le rôle de police économique. Elle ne saurait pallier le retrait des contrôles étatiques. C’est pourquoi nous militons pour un renforcement parallèle des moyens de police économique, celle-ci étant seule capable d’éviter, en amont, que le consommateur ne soit lésé.
En effet, au-delà du défaut majeur de ce projet de loi, qui laisse de côté la question des revenus et celle de la régulation des prix, il pose des règles, certes positives, mais dont on sait qu’elles seront difficilement appliquées et contrôlées.
Ma collègue Evelyne Didier avait dénoncé, dans un avis sur la mission budgétaire « Économie », le manque flagrant de moyens humains et financiers qui entrave gravement les missions de la DGCCRF. La même observation vaut pour les moyens alloués aux contrôles sanitaires ou à la justice.
Toutes ces réserves hypothèquent largement la traduction de ces nouveaux droits dans la vie des gens.
Ensuite, se pose le problème redoutable de la consommation absurde et de la dette à vie, devenue un véritable boulet pour les travailleurs. Le philosophe André Tosel le dit fort bien : « Aujourd’hui la véritable carte d’identité est la carte de crédit. Tu n’existes que parce que tu t’endettes et pour autant que l’on te permet de t’endetter ! ».
La consommation de masse détruit le bien commun, dégrade la vie quotidienne de chacun et produit des sentiments d’exclusion.
Si nous approuvons les mesures proposées pour encadrer le crédit à la consommation et la plupart de celles visant à lutter contre le surendettement, nous pensons qu’il faut aller beaucoup plus loin.
Dans le cadre du rapport de 2013 sur le « fichier positif », notre collègue Nicole Bonnefoy avait relayé les arguments des associations de consommateurs, soulignant que « le problème de fond du surendettement réside dans le développement de la société d’hyperconsommation, qui incite à consommer toujours plus et qui, pour cela, a besoin de développer et de faciliter le crédit ».
Faciliter le crédit, c’est d’ailleurs la voie que vous défendez, monsieur le ministre !
M. le ministre fait un signe de dénégation.
« C’est d’une augmentation des salaires plutôt que d’un développement du crédit que notre société a besoin » : telle était la conclusion à laquelle vous arriviez, madame la rapporteur pour avis, et nous y souscrivons entièrement.
Nous reviendrons sur le fichier positif, l’une des mesures phares du texte, mais une mesure que nous désapprouvons totalement. En une semaine, vous allez à la fois supprimer le fichier de 144 000 créateurs d’entreprises ayant fait faillite et créer un nouveau fichier pour 25 millions de consommateurs ! C’est aussi choquant qu’incohérent !
Nous pensons que ce fichage, au-delà des atteintes aux libertés publiques, ne sera pas de nature à prévenir les situations de surendettement. Pour cela, il faut être au plus près des gens. C’est ce que nous faisons, avec des moyens en diminution, dans nos départements, dans nos communes, par le biais des centres communaux d’action sociale.
Si vous voulez lutter contre le surendettement, mettez un terme à la fermeture des bureaux d’accueil et d’information du service surendettement de la Banque de France ! Renforcez l’accès aux services publics sur l’ensemble du territoire ! On doit soustraire l’énergie, l’eau et la santé des logiques marchandes ! Cela implique de conduire d’autres politiques que celles qui sont menées depuis des années, des politiques dirigées non pas seulement vers le consommateur, mais avant tout vers le citoyen usager.
Enfin, depuis le début de l’examen du projet de loi, on ne cesse de nous rappeler qu’il doit se limiter aux relations entre consommateurs et professionnels. Pourtant, certaines dispositions introduisent des mesures interprofessionnelles, dans la continuité de la loi de modernisation de l’économie. Vous semblez ignorer le bilan plus que mitigé de cette loi quant à ses effets prétendus, sauf en matière de délais de paiement – mais, là encore, on peut aller plus loin pour les produits agricoles frais. D’autres mesures s’inscrivent dans le cadre de la loi de modernisation agricole. Toutefois, sur fond de crise récurrente des revenus agricoles, elles se situent à la marge.
Nous devons nous donner les moyens d’une réindustrialisation et d’une relocalisation de l’agroalimentaire afin d’agir en faveur d’une alimentation de qualité, saine et accessible à tous, assise sur des filières de production relocalisées, de construire des coopérations agricoles refondées sur l’intérêt des consommateurs.
La situation des abattoirs montre à quel point nous prenons le chemin inverse. Avec la disparition de nombreux abattoirs, ce sont désormais plusieurs centaines de camions qui quittent chaque jour notre pays pour emmener les porcs bretons se faire découper outre-Rhin. La grande distribution développe la compétitivité de ses propres abattoirs et met la pression sur les prix des produits qu’elle achète.
Le 22 août dernier, une vente solidaire de fruits et légumes a été organisée par le Mouvement de défense des exploitants familiaux, le MODEF, et le parti communiste. Des milliers de Franciliens étaient présents : une cinquantaine de tonnes de fruits et légumes ont été écoulées en quelques heures. Les producteurs nous alertaient, une fois encore, sur leur situation, qui devient intenable. N’est-il pas de notre responsabilité de maintenir un secteur agricole français et d’offrir aux consommateurs des produits de qualité à travers une agriculture de proximité ?
Cette année, les prix moyens des fruits et légumes ont flambé. La grande distribution gonfle ses marges malgré les importations massives. Les producteurs peinent à rémunérer leur travail. La recommandation de consommer cinq fruits et légumes par jour reste vaine pour près d’un Français sur deux.
Si les réformes successives n’arrivent pas à équilibrer les rapports de force dans les relations commerciales, alors, il faut en tenir compte et prendre des mesures plus ambitieuses ! Nous vous proposerons des amendements et nous espérons une présentation rapide du projet de loi d’avenir agricole.
Mes chers collègues, je n’ai pas pu aborder l’ensemble des articles du projet de loi, mais vous aurez compris que les sénateurs du groupe CRC restent très réservés sur certains articles que nous considérons comme essentiels, qu’il s’agisse du fichier positif ou de la suppression des tarifs réglementés du gaz pour certains clients non résidentiels. Cette concession faite à la Commission européenne ne met pas, contrairement à ce qui nous est dit, les consommateurs domestiques à l’abri. Au contraire, elle poursuit la destruction des tarifs réglementés, déjà bien altérés par les modalités de leur fixation.
Nous comptons sur les débats pour améliorer ce texte, notamment en ce qui concerne les mesures financières et nous espérons que l’argument tiré de la « transposition maximale ou de la contrariété au droit européen » n’entravera pas trop souvent les propositions légitimes d’un Parlement souverain. Un texte qui reste donc, pour l’instant, « à consommer avec modération » ! §
Sourires sur les travées de l’UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici aujourd’hui au terme d’un processus législatif qui s’est inscrit dans une durée longue, en raison notamment de l’alternance de mai 2012. Le contexte qui a environné nos travaux a malheureusement peu évolué puisque notre pays n’a cessé de s’enfoncer dans une crise économique et sociale majeure.
Or la consommation constitue, avec l’investissement, un moteur puissant de notre économie. Ce projet de loi arrive donc à point nommé devant notre assemblée.
Afin de contribuer au retour de la confiance, gage d’une consommation plus dynamique, il doit améliorer la protection des consommateurs, mieux encadrer les nouveaux modes de consommation et se préoccuper des plus fragiles, pour qui l’accès à certains biens et services de première nécessité est de plus en plus difficile.
Dans le même temps, nous savons bien qu’une reprise durable de la croissance repose aussi sur la compétitivité de nos entreprises et leur capacité à investir et à innover. Nous devons donc trouver le point d’équilibre entre davantage de protection pour les consommateurs et un environnement de contraintes réglementaires raisonnables pour les entreprises.
Le groupe UDI-UC a été largement sollicité par l’ensemble des acteurs de terrain. Nous avons beaucoup reçu et écouté. En règle générale, notre regard sur le projet de loi a été bienveillant et constructif, à la recherche de ce point d’équilibre.
C’est ainsi que nous avons été, par exemple, sensibles aux arguments des fédérations du commerce. Nous vous proposerons donc de réajuster le dispositif qui oblige à rembourser une marchandise avant même que le vendeur ne soit parfaitement assuré qu’elle lui a bien été renvoyée, et en bon état.
Nous avons aussi jugé que certaines amendes prévues par le texte présentaient parfois un caractère excessif. Nous vous proposerons notamment de revoir celles qui sont prévues à l’article 10 dans le cas d’une annulation de livraison d’un bien ou de fourniture d’un service. En effet, vouloir punir certains comportements délictueux ne doit pas aboutir à mettre en péril la survie économique d’une entreprise.
De même, concernant le « délai Châtel », il nous a semblé qu’une durée de deux ans était un compromis raisonnable, qu’il fallait maintenir. Le secteur de la vente à distance, très présent dans mon département, m’a alerté sur la manière dont certaines familles au budget serré étalent leurs achats de rentrée ou d’équipement en utilisant ponctuellement une carte d’enseigne et sur la difficulté qu’elles pourraient rencontrer pour la souscrire à nouveau périodiquement. Au départ, j’étais plutôt favorable à un délai d’un an. Cependant, après avoir entendu les arguments exposés et les exemples donnés, nous estimons qu’un laps de temps de deux ans constitue un bon compromis.
Dans le même temps, nous sommes restés très attentifs au consommateur. En effet, notre groupe soutient résolument une autre mesure, qui est un peu le pendant de la précédente : je veux parler du raccourcissement à cinq ans de la durée des plans de redressement personnel pour les personnes surendettées. Pendant la durée du plan, elles n’ont plus que quelques centaines d’euros de reste-à-vivre par mois ; dès lors, cinq ans, c’est déjà bien long pour des familles qui doivent, après avoir fait cet effort, reconstruire un projet de vie pour l’ensemble de leurs enfants, et ce avec des moyens extrêmement réduits. Cinq ans me paraissent suffisants pour leur permettre d’évacuer leurs difficultés financières, de régler bon nombre de problèmes et d’éteindre leurs dettes de consommation.
Bien évidemment, dans cette lutte contre les abus en matière d’octrois de crédits excessifs, la création, à l’article 22 bis, du registre national des crédits est un outil précieux. Il y a plus de dix ans que notre famille politique porte cette demande au Parlement ! Le 26 avril 2012, je déposais encore une proposition de loi à ce sujet, tandis qu’en novembre de la même année une proposition de loi du groupe UDI était rejetée à l’Assemblée nationale.
Toutefois, nous avions alors avancé puisque vous reconnaissiez, monsieur le ministre, que ce fichier positif serait « un moyen concret de lutter contre le surendettement et que le Gouvernement y était désormais favorable » ; vous en apportez d’ailleurs la preuve aujourd’hui.
Je le dirai très simplement : indépendamment des tribulations législatives et politiques de nos demandes, nous nous félicitons que ce dispositif figure dans ce projet de loi. Il s’agit d’une avancée majeure, car les travaux de notre groupe de travail sur le surendettement ont mis en lumière que, au-delà des personnes qui entrent dans une procédure de surendettement, il y a désormais un phénomène plus général de « malendettement », qui traduit la fragilisation financière des classes moyennes. La fuite en avant par le crédit renouvelable n’en est que l’un des révélateurs.
La Banque postale le constate aussi à travers son taux élevé de refus de rachats de crédits. Elle ne donne pas suite à 60 % des dossiers qu’elle reçoit, les emprunteurs qui les déposent étant déjà trop endettés pour qu’un rachat de crédits puisse les aider.
Savoir stopper la spirale du crédit de trop, avant l’incident de paiement, est donc bien devenu une véritable nécessité.
C’est pourquoi notre souci, dans ce débat, est de construire un dispositif simple et efficace. Or il faut bien avouer que, malgré le travail tout à fait pertinent de la commission des affaires économiques et de ses rapporteurs, le texte actuel conduit à s’interroger sur la faisabilité de sa mise en œuvre. Bien sûr, il est incomplet puisqu’il ne recensera pas les crédits immobiliers. Mais c’est un bon début, et rien n’empêche de penser que nous pourrons combler cette lacune ultérieurement.
Ce qui nous inquiète davantage, c’est l’économie même du dispositif de l’article 22 bis, qui nous apparaît encore bien trop complexe pour être rapidement opérationnel. Voilà pourquoi nous avons cherché à l’améliorer.
En introduisant l’article 22 septies, notre commission a justement souhaité apporter une simplification en réduisant à deux le nombre de décrets d’application. Nous nous proposerons de compléter son travail en toilettant l’article 22 bis de tous les autres décrets qui restent apparents dans le texte.
Nous avions prévu de ramener à deux ans, plutôt que trois, le délai de publication des décrets d’application, sachant qu’il faudra ensuite aux établissements de crédit environ deux ans et demi, en moyenne, pour procéder aux ajustements techniques nécessaires et sachant aussi que, bien sûr, tous ces délais s’additionnent. Curieusement, cet amendement est tombé sous le coup de l’article 40. C’est bien dommage, car cette addition de délais, qu’il convient de réduire, ne correspond ni au temps du consommateur ni à celui de la crise. Il nous faut faire en sorte que chaque mois gagné permette un meilleur accompagnement des milliers de ménages qui ont besoin d’être mieux protégés.
Pour accélérer encore l’efficacité immédiate du fichier, nous vous proposerons de reprendre le stock de crédits existants, afin que le registre national dispose d’emblée de l’historique des crédits souscrits. Comment pourrions-nous justifier devant l’opinion et les ménages les plus fragiles qu’il faille attendre encore vingt-quatre ou trente-six mois, le temps de la montée en puissance du fichier ? Aider les personnes en difficulté financière, c’est agir en urgence dans la crise, et non se fixer un objectif à l’horizon de six, huit ou dix ans !
Désormais, monsieur le ministre, nous portons collectivement cette responsabilité. Une fois le « fichier positif » voté, il doit être utile très vite.
Voilà pourquoi nous souhaitons que ce fichier recense aussi tous les rachats de crédits et prenne en compte le montant de tous les crédits renouvelables, y compris les réserves non utilisées : cela permettra d’aider les personnes au bon moment, et non lorsqu’il est déjà trop tard, et de responsabiliser définitivement les établissements de crédit.
Certes, le fichier positif ne sera pas un remède miracle contre toutes les fragilités financières de nos concitoyens. D’autres mesures seront également utiles dans ce combat contre le malendettement et le surendettement. Nous vous en proposerons.
Cependant, l’exemple de la Belgique, l’expérience de la fondation CRESUS et nos auditions au sein du groupe de travail me conduisent à penser que ce répertoire est réalisable techniquement, viable financièrement, respectueux de nos libertés et surtout, ainsi amendé, utile socialement, ce qui est l’essentiel.
Je souhaite que le Sénat soit sensible à nos arguments et que nos amendements puissent être adoptés.
C’est d’ailleurs en fonction du sort réservé aux amendements que l’UDI-UC aura présentés, en particulier sur l’action de groupe, le registre national et le crédit à la consommation, que nous déterminerons notre position sur l’ensemble de ce texte. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis 2008, nos concitoyens subissent les effets dévastateurs d’une succession de crises qui ont toutes pour conséquence directe ou indirecte la hausse du chômage et de la précarité, la baisse du pouvoir d’achat et du niveau de vie.
Cette spirale récessive a fortement et durablement affecté notre économie, mais la majorité plurielle et le Gouvernement conjuguent leurs efforts pour restaurer le plus rapidement possible une croissance durable et génératrice d’emplois.
Le projet de loi relatif à la consommation est une pierre supplémentaire de cet édifice. Il ne vise pas seulement à redonner du pouvoir d’achat à nos concitoyens ; il rééquilibrera aussi les relations entre les consommateurs et les professionnels, ainsi que les relations interentreprises.
L’introduction de l’action de groupe dans le droit français, qui figure à l’article 1er, a fait et fera encore couler beaucoup d’encre. Il y a ceux qui y sont opposés, le plus souvent par scepticisme, et ceux qui trouvent que le dispositif ne va pas assez loin.
Les membres du groupe RDSE cosignataires d’une proposition de loi de notre collègue Jean-Pierre Plancade déposée le 5 avril dernier souhaiteraient, pour leur part, un dispositif qui soit dès à présent plus large et plus ambitieux. D’où nos amendements.
De notre point de vue, l’action de groupe est nécessaire pour permettre la réparation de dommages de masse et pour favoriser une meilleure régulation économique. Il nous semble urgent de l’introduire non seulement dans le domaine de la consommation et de la concurrence, mais aussi dans celui de la santé. N’en déplaise à nos partenaires écologistes, nous sommes encore réservés pour ce qui concerne l’environnement.
Le Gouvernement a annoncé une action de groupe en matière de santé mais, pour l’instant, aucun texte n’a été présenté. Pourquoi attendre ? Le scandale du Mediator et bien d’autres justifient l’application rapide de l’action de groupe aux produits de santé.
Ces grands scandales sont incompréhensibles pour nos concitoyens, qui ont confiance, à juste titre, dans les mécanismes mis en place aux niveaux national et européen pour les protéger. Pourtant, malgré des règles et des contrôles stricts, de telles affaires sont fréquentes, notamment dans le domaine alimentaire... Celle de la viande de cheval a récemment marqué les esprits.
Elle m’avait conduit à vous interroger, monsieur le ministre, le 11 avril dernier, à l’occasion d’une séance de questions d’actualité, sur les moyens de la DGCCRF.
Les agents de la DGCCRF font un travail aussi essentiel que remarquable. Sans eux, la sécurité des produits, qu’elle soit générale, alimentaire ou sanitaire, ne serait pas garantie. Or cette direction souffre depuis plusieurs années, vous le savez, d’une réduction drastique et inacceptable de ses moyens, alors que les besoins sont de plus en plus importants. Je rappelle les chiffres, qui sont accablants : 560 postes ont été supprimés depuis 2007, ce qui a conduit à une baisse de 13 % du nombre de contrôles effectués sur le terrain. On ne peut pas continuer ainsi !
Ce projet de loi renforce les pouvoirs et élargit encore les missions des agents de la DGCCRF. Ainsi, ceux-ci pourront désormais effectuer des contrôles « mystères ». Les matériaux et objets importés destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires seront davantage contrôlés.
Toutes ces mesures vont dans le bon sens, mais elles seront dénuées d’efficacité si les moyens de cette administration ne sont pas significativement renforcés. Vous avez annoncé, monsieur le ministre, que le projet de loi de finances pour 2014 tiendrait compte de cette nécessité. J’espère que ce sera le cas, et nous vous y aiderons.
Il est parfois délicat d’arbitrer entre l’intérêt du consommateur et celui des entreprises. Où est l’intérêt de notre économie ?
De nombreux lobbys s’adressent à nous pour nous avertir du risque que fait peser telle ou telle disposition sur le maintien de l’emploi dans un secteur particulier. Pour autant, il nous semble qu’il faut parfois faire des choix clairement favorables aux consommateurs. C’est aussi faire le pari d’une nouvelle économie, plus juste et plus responsable, mais également créatrice d’emplois.
Notre devoir est également de protéger nos concitoyens, notamment les plus vulnérables d’entre eux. C’est l’objectif poursuivi au travers de plusieurs amendements du groupe RDSE.
Nous souhaitons, par exemple, un dispositif véritablement efficace pour lutter contre le démarchage téléphonique, une pratique par laquelle de nombreuses entreprises s’immiscent de manière répétée dans la sphère privée des consommateurs, sans leur accord.
L’article 5 du projet de loi prévoit la création d’une liste d’opposition au démarchage téléphonique. Le dispositif proposé a certes été amélioré par nos deux rapporteurs en commission des affaires économiques. Ils ont notamment renforcé l’information des consommateurs quant à l’existence d’une telle liste et précisé que l’interdiction de contacter les personnes figurant sur celle-ci s’applique également si le démarchage est réalisé depuis l’étranger.
Pour autant, ce dispositif reste insuffisant, car il suppose une démarche volontaire du consommateur, que chacun n’est pas nécessairement en mesure d’effectuer.
En outre, même avec une information renforcée, certains consommateurs continueront d’ignorer l’existence de cette liste. C’est pourquoi nous proposons de reprendre les dispositions de la proposition de loi de plusieurs membres du groupe RDSE qui, déposée sur l’initiative de son président, Jacques Mézard, a été adoptée à l’unanimité par le Sénat, le 28 avril 2011.
Faut-il rappeler que notre collègue Nicole Bonnefoy, déjà rapporteur pour avis du projet de loi Lefebvre, avait repris et fait adopter une seconde fois par la majorité sénatoriale cette disposition en décembre 2011 ?
La liste d’opposition au démarchage existe déjà : il s’agit de Pacitel. Mais, nous le voyons bien, cela ne fonctionne pas. Ce n’est pas en créant une sorte de Pacitel amélioré que nous protégerons mieux les consommateurs. Nous vous invitons donc, mes chers collègues, à confirmer votre vote de 2011 et à adopter l’amendement n° 118 du RDSE.
Ce projet de loi prône également de nouveaux moyens de consommation et met en œuvre une valorisation accrue des produits de qualité, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir.
La mention « fait maison » dans la restauration, défendue par la ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme, permettra aux consommateurs de choisir en toute connaissance de cause le repas pris en dehors de leur domicile.
De la même façon, l’extension des indications géographiques aux produits non alimentaires est une mesure très attendue pour valoriser les produits de qualité de nos territoires et permettre d’y maintenir des activités de tradition.
Enfin, je tiens à apporter mon soutien aux amendements à l’article 62 qui ont été adoptés en commission et qui sont favorables aux viticulteurs.
Cet article est désormais conforme à l’esprit du projet de loi qui vise, rappelons-le, à rééquilibrer les relations commerciales, trop souvent défavorables aux producteurs, et à lutter contre les pratiques abusives ou déloyales. Or c’est bien de cela qu’il s’agit puisque, comme l’a précisé mon collègue et ami Roland Courteau devant notre commission, certains négociants laissent le vin en cuve pendant des mois en attendant une baisse des prix afin de renégocier les contrats. Pourtant, le droit prévoit que l’acheteur doit verser un acompte de 15 % dans les dix jours suivant la vente. Il est actuellement permis de déroger à cette règle, qui figure dans le code rural et de la pêche maritime, par un accord interprofessionnel. Mais de tels accords sont très défavorables aux viticulteurs, qui doivent supporter l’ensemble des coûts de stockage de leur marchandise alors que celle-ci est déjà vendue. C’est pourquoi il est tout à fait justifié de supprimer cette possibilité de dérogation.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi a le mérite de constituer un ensemble plutôt cohérent de mesures renforçant les pouvoirs des consommateurs et favorisant le bon fonctionnement de notre économie.
Bien sûr, il reste perfectible sur de nombreux points, et c’est pourquoi nous vous proposerons des amendements qui, je l’espère, emporteront le plus souvent possible l’adhésion de notre Haute Assemblée. Dans ces conditions, le groupe du RDSE apportera alors son entier soutien au texte coproduit par le Gouvernement et le Sénat. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je constate avec plaisir que le débat est ouvert. La majorité soutient ce texte, ce qui est la moindre des choses, tandis que la plupart des autres groupes ont déclaré qu’ils se détermineraient à l’issue de la discussion. Telle est bien la finalité du travail parlementaire !
C’est un dialogue, mon cher collègue !
J’insisterai sur deux points : la mise en place d’une action de groupe, qui est la mesure phare de ce projet de loi, et la création des indications géographiques à vocation industrielle, dont on parle moins mais qui mérite d’être évoquée.
En ce qui concerne l’instauration de l’action de groupe, je tiens à souligner l’importance et la rapidité de l’action du Gouvernement, la discussion du présent texte intervenant un peu plus d’un an après votre prise de fonctions, monsieur le ministre. Sans vouloir polémiquer, je relèverai que les gouvernements précédents ont mis plus de dix ans pour ne pas aboutir sur cette question !
Je me rappelle ce tango argentin permanent, mené tour à tour par MM. Chirac, Chatel et Lefebvre. Quel était le fond du problème ? Le MEDEF était –et il est toujours – contre l’action de groupe.
La discussion montrera peut-être qu’il a tort ; à mon avis, c’est bien le cas !
J’ai eu plusieurs fois l’occasion de m’en expliquer avec des responsables du MEDEF : les garanties figurant dans le texte présenté par le Gouvernement font que l’action de groupe, telle qu’elle est conçue ici, ne constituera en aucun cas un danger pour les entreprises.
Une action de groupe existe dans la plupart des grandes économies européennes.
Que je sache, l’économie néerlandaise ne s’est pas effondrée à la suite de la création de l’action de groupe !
Le MEDEF a une position doctrinaire en la matière.
Voilà le fond du problème ! Vous nous reprochez souvent d’avoir une attitude doctrinaire, mais je vous retourne cette critique, chers collègues de l’opposition !
Ces atermoiements nous ont fait perdre beaucoup de temps. Nous sommes le dernier grand pays européen à ne pas avoir mis en place une action de groupe.
Mme Lamure nous a offert un florilège des arguments invoqués pour justifier cet attentisme. Ainsi, il faudrait attendre les propositions de la Commission européenne : voilà déjà cinq ans que nous patientons, et il y en a encore pour trois ans ! À trop attendre, nous arriverons après la revue, tandis que tous les autres pays se seront dotés, pendant ce temps, d’une législation en la matière.
Vous avez également affirmé, madame Lamure, que tous les moyens nécessaires existent déjà en droit français, notamment la représentation conjointe. Or, depuis dix ans que ce dispositif est en vigueur, il n’a été utilisé que dans un seul cas… Quel formidable outil ! Cette démarche est beaucoup trop coûteuse et compliquée : personne ne s’y retrouve, personne ne l’utilise.
Vous avez par ailleurs parlé d’investissement, mais il s’agit ici d’un projet de loi de structure, et non de relance de la consommation ou de politique économique ! Il ne faut pas déplacer le débat sur des terrains qui ne relèvent pas du champ du texte.
Enfin, je ne relèverai pas vos propos désobligeants sur notre prétendue ignorance de la vie des entreprises. Sur quoi vous fondez-vous pour affirmer une telle chose ? Auriez-vous le monopole de la représentation des entreprises ?
Ce n’est pas le ministre Hamon qui nous répond, c’est le ministre Yung !
M. Richard Yung. En quelque sorte, le MEDEF, c’est vous ! Nous ne polémiquerons pas
Rires.
Ce projet de loi répond à une demande sociale relayée depuis de nombreuses années par les grandes associations de consommateurs. La création d’une action de groupe permettra une mutualisation des coûts et des risques, et constituera une avancée en termes de démocratisation de l’exercice des recours dans le domaine de la consommation.
Le dispositif conçu par le Gouvernement est équilibré et compatible avec notre tradition juridique. Je note qu’il s’inspire largement des nombreux travaux que j’ai menés dans le passé avec nos anciens collègues Nicole Bricq et Laurent Béteille. Le fait que ce dernier appartenait au groupe UMP témoigne de notre ouverture en la matière.
Il faut souligner quelques avancées importantes : la désignation d’une association « chef de file » en cas de concurrence d’actions portant sur les mêmes faits, grâce à l’adoption en commission d’un amendement présenté par Mme Bonnefoy, la réparation en nature du préjudice et la consignation à la Caisse des dépôts et consignations d’une partie des sommes dues par le professionnel, mesures introduites par le biais de deux amendements défendus à l'Assemblée nationale par M. Hammadi, enfin l’instauration d’une clause de revoyure, disposition sage et intelligente instaurée par un amendement de Mme Pascale Got.
À l’issue de longues discussions, nous avons choisi la voie de l’opt-in, conformément à notre tradition juridique. Ce dispositif renforcera l’effectivité du droit à réparation pour les « petits » litiges.
Je comprends que la définition du champ d’application de la procédure fasse débat. Faut-il le restreindre à la seule consommation ou l’étendre à d’autres domaines ? Il me semble plus sage, plus conforme à notre tradition de le circonscrire à la consommation dans un premier temps, d’autant qu’est prévue une clause de revoyure.
Il a ainsi été envisagé d’étendre le champ de l’action de groupe au domaine de la santé, mais il existe déjà des dispositifs spécifiques d’indemnisation pour les préjudices de masse relevant de ce dernier, notamment le Fonds d’indemnisation des transfusés et hémophiles et l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, l’ONIAM. En outre, la santé intéressant le corps même de l’individu, chaque cas est éminemment particulier : l’action de groupe ne paraît pas constituer une voie très appropriée en la matière, même si les scandales récents du Mediator et des prothèses PIP incitent à l’ouverture. À cet égard, Mme la ministre des affaires sociales et de la santé s’est prononcée en faveur de la création d’une action de groupe dans le domaine de la santé, mais il devrait s’agir d’une procédure spécifique.
Je constate que le choix de réserver l’initiative de l’action de groupe aux seules associations de défense des consommateurs agréées ne fait pas l’unanimité. Je pense pour ma part que cela permettra d’éviter toute dérive procédurière. Nous savons que ces associations, grâce à leur expertise, jouent un rôle éminent dans la défense de l’intérêt collectif et des intérêts individuels des consommateurs.
Nous aurons à faire preuve de pédagogie, car il s’agit ici d’une approche nouvelle en droit français, mais je suis persuadé que ce dispositif connaîtra le succès. J’ajoute que, dans les pays où existe l’action de groupe, on constate que, dans la plupart des cas, les entreprises choisissent de recourir à la médiation : la procédure va très rarement jusqu’à son terme. D’une certaine façon, l’action de groupe a des incidences bénéfiques pour les entreprises, qui se trouvent incitées à améliorer la qualité de leurs produits ou services et à remédier à certains dysfonctionnements.
J’en viens maintenant à la création d’indications géographiques pour les produits non alimentaires.
Force est de constater que si la procédure nationale de protection des appellations d’origine est très efficace pour les produits alimentaires, elle n’est pas adaptée aux produits artisanaux ou industriels.
Cette situation contraint souvent les professionnels concernés à déposer des noms géographiques en tant que marques – je pense notamment à l’exemple de Laguiole –, ce qui n’est pas de bonne pratique, la marque étant un concept commercial. Que des entreprises puissent utiliser les marques pour protéger des appellations d’origine, quelles qu’elles soient, n’est donc pas une bonne chose. Il s’agit là d’une lacune de notre législation ; pour y remédier, le projet de loi prévoit des filtres, qui permettront à l’INPI de saisir l’exécutif de l’aire géographique concernée de toute demande de dépôt d’une marque reprenant la dénomination d’une commune, d’un pays ou d’une région avant de prendre une décision.
Rendre accessible le dispositif de protection des indications géographiques aux produits industriels ou artisanaux me semble une excellente initiative, qui contribuera à la valorisation de nos produits, ainsi qu’à la relocalisation en France de certaines productions. Cela permettra, d’une certaine façon, de promouvoir le made in France.
Je pense que ce dispositif remportera un grand succès. On estime qu’entre quatre-vingt et cent demandes d’indication géographique pour des produits industriels ou artisanaux pourraient être déposées. Cette démarche est conforme à notre culture, à notre tradition.
Cela nous placera en position forte à l’égard tant de la Commission européenne que des Américains, qui utilisent pour leur part un système tout à fait critiquable de marques dites « collectives ». Je pense que la protection que nous allons mettre en place sera très efficace.
Pour toutes ces raisons, je vous remercie, monsieur le ministre, de nous soumettre ce texte de progrès. §
En préambule, je tiens à saluer la démarche de M. le ministre, qui a souhaité associer à son déplacement à Bruxelles, le 6 septembre dernier, pour défendre devant la Commission européenne la position de la France en matière d’étiquetage de produits alimentaires, une délégation de parlementaires issus de l’ensemble des formations politiques.
J’ai toujours milité pour doter notre système judiciaire d’un mécanisme permettant aux citoyens lésés individuellement d’agir collectivement en justice, afin de rééquilibrer un rapport de force inégal.
Monsieur le ministre, votre projet de loi a le mérite d’introduire, par le biais de son chapitre Ier, ce formidable outil dans notre système juridique, comme le souhaitaient depuis longtemps les écologistes. C’était l’un des soixante engagements de la campagne présidentielle du candidat François Hollande.
Toutefois, le modèle d’action de groupe que vous proposez est bien en deçà des enjeux et de l’immense potentiel que son mécanisme devrait recéler.
Tout d’abord, il est regrettable que le champ d’application de ce projet de loi soit limité au droit de la consommation et exclue le droit des sociétés, le droit boursier et, surtout, les préjudices en matière de santé et d’environnement.
Qui plus est, ce texte ne prévoit qu’une indemnisation des préjudices matériels, à l’exclusion des dommages corporels, du préjudice écologique et du préjudice moral. L’action de groupe se trouve ainsi vidée d’une grande partie de sa substance.
Monsieur le ministre, est-il utile de rappeler que bien des affaires, comme celles du Mediator, des prothèses PIP ou de l’amiante, révèlent précisément des préjudices physiques et moraux ?
Mes chers collègues, prenons un exemple concret : si les victimes du Mediator formaient une action de groupe comme celle-ci semble se dessiner au travers du texte, elles seraient dédommagées du prix du médicament, alors que les multiples conséquences avérées sur leur santé, telles que les problèmes cardiovasculaires, voire les décès, seraient exclues en droit.
Une seconde critique tient au monopole accordé à quelques associations de protection des consommateurs, qui seraient seules habilitées à saisir la justice. Cette restriction du droit d’agir semble s’opposer au principe de libre et égal accès à la justice reconnu par la Convention européenne des droits de l’homme. Officiellement, il s’agit d’éviter les dérives des actions de groupe « à l’américaine ».
Mais j’attire votre attention, monsieur le ministre, sur les mécanismes suivants et sur certaines lacunes du texte qui nous est soumis.
Ainsi, aucun dispositif n’est prévu pour financer ces actions très lourdes.
Selon le texte du projet de loi, les consommateurs ne sont pas tenus d’adhérer à l’association qui engage l’action de groupe. Si l’association les représente, ils ne sont pas éligibles à l’aide juridictionnelle, et l’association non plus. Or, si une association agit au nom de tous, elle devra faire payer ceux qui lui donnent pouvoir, ou se faire financer par d’autres sources. Le risque est que des fonds de pension ou autres organismes « investissent » dans un procès ! En clair, un fonds de pension américain pourra gagner de l’argent grâce aux dommages-intérêts issus d’une action de groupe visant une entreprise française ! Et s’il est possible que les consommateurs bénéficient de l’aide juridictionnelle, en cas de sollicitation, un fonds de pension, par exemple, avancera l’argent et se paiera sur l’aide juridictionnelle, ce qui favorisera une forme de spéculation financière.
Ainsi conçue, on le comprend, l’action de groupe perd une large partie de sa raison d’être.
Certes, monsieur le ministre, nous avons bien pris acte de l’engagement du Gouvernement de créer ultérieurement deux actions de groupe spécifiques au domaine de la santé et à celui de l’environnement. Toutefois, cette perspective ne nous satisfait pas, car cela affaiblit l’efficacité de l’action de groupe que vous entendez mettre en place.
L’exécutif fait le choix de segmenter l’action de groupe et veut imposer le filtre des associations. Ne cède-t-il pas un peu vite aux industriels et au MEDEF, qui disent craindre les effets d’une action de groupe « à l’américaine », avec ses dérives ?
Il est facile d’objecter que les class actions les plus spectaculaires outre-Atlantique – je pense notamment à celles qui ont visé les industries du tabac ou des cas de pollution de l’eau – n’ont en rien affaibli les entreprises ; elles les auront rendues plus responsables !
J’attire votre attention, monsieur le ministre, sur le fait que les abus constatés outre-Atlantique sont induits par le système judiciaire américain, dont le mécanisme des « dommages-intérêts punitifs » expose les entreprises et fait de l’action de groupe un marché très lucratif, en particulier pour les cabinets d’avocats.
En France, il n’en va nullement de même. L’action de groupe en matière de santé ou d’environnement serait un processus gagnant-gagnant de co-construction, puisqu’il permettrait aux citoyens d’aider les acteurs économiques à améliorer la qualité de leur offre, et finalement à gagner en compétitivité.
Monsieur le ministre, pourquoi ne pas oser présenter un projet de loi ambitieux, au champ d’application étendu à tout type de préjudice, à tout type de juridiction, qui permettrait aux citoyens de se regrouper sans passer par l’intermédiaire d’une association agréée et serait profitable à l’ensemble des personnes lésées ?
Je terminerai en disant qu’il est essentiel que l’action de groupe soit un véritable outil juridique. Nous devons pouvoir soutenir un projet de loi solide, pérenne et universel, et travailler à élaborer des solutions pour le financement des procédures. Alors, et seulement alors, l’engagement pris par le Président de la République sera respecté.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà cinquante ans s’ouvrait le premier hypermarché de France, à Sainte-Geneviève-des-Bois, selon le concept novateur d’un centre commercial situé à la périphérie de la ville et accessible uniquement en voiture.
Il y a vingt et un mois, Frédéric Lefebvre essayait de faire voter au Sénat son projet de loi relatif à la consommation, succédant à la loi Chatel, qui a permis de réelles avancées en matière de téléphonie mobile. Aujourd’hui, monsieur le ministre, si vous nous présentez le troisième texte sur ce thème en cinq ans, c’est parce que nous demeurons toujours autant impliqués dans la défense des Français, de leur pouvoir d’achat, ainsi que dans le soutien aux entreprises, moteurs de l’économie et de l’emploi.
En moins de deux ans, les modes d’achat ont évolué presque autant que depuis l’apparition des premiers hypermarchés. Au cours du premier trimestre de cette année, plus de 5 millions de Français ont utilisé un smartphone pour réaliser des achats : ce « m-commerce » a progressé de plus de 10 % au deuxième trimestre. Choisir, commander et se faire livrer un bien, un service, souscrire un abonnement se fait de plus en plus sur internet, par un simple « clic ». Sur la Toile se réalisent les comparaisons et se développent des sites et applications qui ne sont malheureusement ni aussi informatifs ni aussi transparents qu’il serait souhaitable.
Avec l’explosion du e-commerce, en se plaignant, le consommateur peut devenir contributeur et, en quelques phrases assassines, ébranler l’e-réputation d’un produit. Le consommateur devient un « consom’acteur ».
Mais il n’en va pas toujours ainsi ! Les spams et les SMS, ces véhicules du porte-à-porte virtuel, poussent à des achats irréfléchis. Heureusement, il existe des délais de rétractation, mais il s’avère souvent plus difficile de se désister ou de résilier un contrat que d’acheter.
Force est de constater que les services clients ne sont pas exempts de critiques. Bientôt, c’est sur leur qualité que les marques seront jugées.
Nous avons tous, ministres, parlementaires, rapporteurs, associations, le même objectif : rendre plus harmonieux les rapports entre les consommateurs et les entreprises, protéger les premiers, mais en les rendant plus responsables. C’est dans cet esprit, en tout cas, que je me suis penchée sur certaines dispositions de ce texte.
Je ne conteste pas que certains professionnels recourent à des pratiques abusives, notamment en faisant appel presque systématiquement et immédiatement à des sociétés de recouvrement. Mais ne soyons pas manichéens : la malhonnêteté n’est pas dans un seul camp.
Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.
En matière d’assurances, les fausses déclarations et les fraudes font partie du quotidien ; leur coût a été chiffré à 2, 5 milliards d’euros en 2011, ce qui équivaut à 5 % du montant des primes d’assurance. C’est la raison pour laquelle je trouve dangereuse l’une de vos propositions phares : permettre la résiliation infra-annuelle des polices d’assurance dès après la première année.
D’abord, vous partez du postulat que la concurrence va entraîner une baisse des prix de l’assurance ; non : la concurrence va alourdir les coûts d’acquisition des nouveaux clients, les frais de gestion et de publicité.
Vous affirmez ensuite que l’assuré va y gagner en pouvoir d’achat. Mais les assurances habitation, responsabilité civile ou automobile ne pèsent que 2, 1 % dans le budget d’un ménage – et non pas 5 %, monsieur le ministre. Sincèrement, combien allons-nous gagner au petit jeu des résiliations permanentes ?
Vous allez surtout permettre une amélioration du chiffre d’affaires des comparateurs d’assurances, qui se rémunèrent au nombre de « clics » et aux affaires, et qui cherchent à se faire une place. Mais vous avez ouvert la porte de la bergerie au « grand méchant loup américain »
Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.
J’aurai l’occasion de présenter divers amendements sur ce thème. Je veux ici insister sur ce qui me paraît être préjudiciable au consommateur : la signification de la résiliation de son contrat par lettre simple. Comment pourra-t-il justifier de la réalité de l’envoi de celle-ci ? Un courrier peut être perdu par la poste, égaré dans les services, resté en poche ou dans le sac à main… Je rappelle que, dorénavant, les lettres recommandées peuvent aussi être envoyées par internet. Soyons sages plutôt qu’idéalistes : évitons de futures contestations et organisons mieux la sécurisation de l’assuré.
Cela étant, monsieur le ministre, pourquoi restreindre la résiliation annuelle des contrats à tacite reconduction aux seules assurances, si vous croyez tant en sa vertu ? Passons à la « maxi dose », et rendons applicable ce principe à tous les contrats de même type qui pèsent aussi lourd sur le budget des ménages.
Il y a deux ans, je citai le cas de Canal Plus : le coût de l’abonnement est de 400 euros par an au minimum… Mais que dire des contrats de fourniture de gaz en citerne ou des abonnements de dix-huit mois aux salles de sport, sans oublier les cartes d’abonnement au cinéma pour une durée de douze mois, qui coûtent entre 240 et 400 euros, soit davantage que les assurances obligatoires ?
Je suis confiante. Si votre intime conviction est que la modification des règles de résiliation sera un bienfait pour les Français, à défaut de l’être pour l’humanité, vous ne pourrez que donner un avis favorable à mon amendement visant à étendre le champ d’application de votre dispositif à tous les contrats à tacite reconduction. À défaut, cette focalisation sur les seules assurances pourrait paraître suspecte…
Sans me livrer à un inventaire à la Prévert des amendements que je défendrai, je citerai celui concernant les comparateurs d’assurances en ligne, qui ne peuvent naturellement pas tout comparer. En la matière, je proposerai de suivre l’avis du Comité consultatif du secteur financier du 10 mai 2012 les définissant comme des intermédiaires d’assurance et améliorant leur transparence et leur efficacité. Certains comparateurs français m’ont écrit qu’ils y étaient favorables, mais, naturellement, je n’ai reçu aucun courrier de la part de Google !
Concernant les achats immobiliers, je suggère que la célèbre loi de mon ami député Gilles Carrez ne soit plus bafouée sur les sites en ligne d’annonces immobilières, mais aussi, et surtout, que le libre choix de l’assurance emprunteur voulu par Christine Lagarde puisse enfin devenir effectif, au moyen de quelques précisions.
J’évoquerai aussi les modes d’emploi, car, dans ce domaine, la politique de préservation de l’environnement permet surtout aux fabricants de réduire leurs coûts d’impression. S’ils restent dans la légalité, ils laissent bon nombre de consommateurs sans accès à l’information indispensable à l’usage du bien.
Enfin, je souhaiterais que nous avancions sur l’encadrement du motif légitime de résiliation, qui, dans les faits, est la légitimation du refus du professionnel d’accepter la résiliation. Il s’agit en la matière d’un véritable « parcours du combattant », dont sont encore venus attester des courriers que j’ai reçus ce matin.
Chacun des précédents textes relatifs à la consommation a apporté – ou aurait pu apporter, si l’opposition de l’époque n’y avait pas fait obstruction –, son lot d’améliorations. C’est dans cet esprit d’ouverture que, pour ma part, j’ai travaillé sur ce projet de loi, et j’ose espérer que le Gouvernement acceptera les amendements de l’opposition, qui ont pour objet de rendre le texte plus utile et complet.
(M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.) L’information préalable sur la possibilité de résilier, qui devrait devenir effective concernant le groupe Canal Plus, pourra s’appliquer aux autres professionnels. Cela montre que l’acharnement, avec le soutien des réseaux sociaux et des journalistes, peut déboucher sur des progrès, dans l’intérêt de tous.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UDI -UC.
Je conclurai sur ce qui a constitué une avancée depuis l’adoption du dernier projet de loi sur la consommation : l’information des abonnés à Canal Plus en matière de résiliation. Partie seule, j’ai rallié soixante-dix cosignataires à ma proposition de loi, et le groupe Canal Plus a fini par mettre en place des pratiques conformes à l’article 136-1 du code de la consommation, et ce sans intervention d’une loi. Un député socialiste que je ne connais pas, M. Barbier, a même présenté les dispositions de ma proposition de loi sous forme d’amendements à l’Assemblée nationale… §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons, fidèle à l’engagement du Président de la République, est particulièrement attendu par nos concitoyens.
Ce projet de loi prévoit la mise en place ou l’amélioration de règles générales régissant le droit des consommateurs, sans toutefois négliger les intérêts de nos entreprises. Il concerne donc tous nos concitoyens et reflète une vision ambitieuse de nos relations économiques.
Dans le contexte actuel de stagnation de la croissance et de baisse de la consommation des ménages, les mesures proposées doivent justement permettre de relancer la consommation, et donc de stimuler notre économie nationale, la consommation demeurant l’une des composantes majeures de la croissance, puisqu’elle représente les deux tiers du PIB.
Toutefois, la défiance à l’égard des produits de consommation, qu’il s’agisse des biens ou des services, est générale et continue à s’amplifier. Ce regain de défiance des consommateurs va même croissant dans toute l’Europe et porte autant sur la protection de leurs droits que sur leur sécurité.
Le mécanisme de défiance se répercute sur les entreprises et les marques, qui ne sont plus des repères en matière de qualité. Les différents scandales alimentaires ou sanitaires qui ont suscité la polémique ces dernières années ont nourri les peurs, les angoisses, les égoïsmes et même le repli sur soi. Il y a quelques jours encore, l’association 60 millions de consommateurs a épinglé, dans son numéro de septembre, les cent produits les plus risqués pour notre santé, qui sont aussi les plus courants et en vente dans les grandes surfaces. Les révélations sur les ententes et le manque de transparence dans des secteurs tels que celui de la téléphonie alimentent également les inquiétudes.
Dans le même temps, il est demandé aux consommateurs d’être responsables. Pourtant, quel est le pouvoir de négociation d’un consommateur isolé ? Que peut-il faire, seul, face à un manquement du fabricant ou à un service après-vente insatisfaisant ? Lui fournir des informations pour lui permettre d’acheter en meilleure connaissance de cause, lui offrir un nouveau dispositif d’action collective en vue d’assurer sa protection et augmenter l’efficacité des contrôles, c’est assurément permettre de restaurer sa confiance. Tel est l’objectif du présent texte.
Dans notre pays, les comportements des agents économiques ont également évolué face à la crise que nous connaissons depuis plusieurs années. Avec des salaires en baisse ou stagnants et une augmentation des dépenses contraintes, les consommateurs ont tendance à privilégier les prix bas et à rechercher les offres les moins chères. Cependant, ce choix du discount a des conséquences néfastes, en matière tant économique et sociale que de qualité de l’environnement. En effet, la plupart de nos entreprises se sont adaptées en conservant leurs rentes et leurs monopoles, au détriment, le plus souvent, des producteurs, des salariés et de la qualité des produits.
Les coûts de fabrication ont été tirés vers le bas, et la qualité des produits s’en ressent, de même que leur sécurité. Pour les produits bas de gamme, il n’est pas possible de rivaliser avec les pays à bas coût salarial, tant et si bien que l’on fabrique de moins en moins en France. Le phénomène se développe dans de nombreux secteurs de l’économie nationale, tels le transport aérien, l’automobile, l’alimentaire, l’habillement, l’ameublement, la téléphonie et bien d’autres encore. Force est de constater que la France perd de plus en plus en compétitivité et se positionne mal, en termes de ratio qualité-prix, face à ses voisins européens, même si certains secteurs restent performants à l’international, grâce à une vraie démarche qualité.
D’autres phénomènes viennent ajouter à ces difficultés : nos entreprises, sur le marché intérieur, ne sont guère performantes en termes de délais de livraison, de service après-vente ou, plus globalement, de réactivité. Il devenait donc urgent de les remobiliser autour de la qualité des produits et des services, gage de réussite en matière de compétitivité, sur le marché intérieur comme à l’international. Elles doivent se tourner vers la satisfaction du client et miser sur la qualité, dans un rapport gagnant-gagnant.
Une consommation responsable qui tire la qualité des produits vers le haut sera génératrice à la fois d’emplois et de meilleures performances commerciales et financières pour nos entreprises.
Ce projet de loi répond à ces enjeux en renforçant les moyens de lutte contre les mauvaises pratiques, en instituant plus de transparence et d’information entre les opérateurs et en rééquilibrant les relations interentreprises ou entre professionnels et consommateurs. Il vise à apporter des droits nouveaux aux citoyens et à influer de manière positive sur les dépenses contraintes des ménages.
Parmi les propositions contenues dans ce texte très complet, qui compte 130 articles, la création de l’action de groupe est, avec celle du registre national des crédits aux particuliers, l’une des mesures phares. Cela a déjà été dit, mais je veux le souligner de nouveau : si beaucoup l’avaient promis auparavant, c’est ce gouvernement, c’est vous, monsieur le ministre, qui, après trois décennies de débats, plusieurs textes et rapports, concrétisez l’engagement pris ! Les consommateurs apprécieront qu’il soit tenu, car, selon le Conseil d’analyse économique, plus de 80 % des Français se disent favorables à l’introduction de ce dispositif. Ils ont conscience que cet instrument permettra de mieux équilibrer les rapports de force entre professionnels et particuliers. Ils savent bien qu’il s’agit là d’une avancée considérable, contribuant à assainir notre économie.
Les consommateurs ayant subi le même type de préjudice pourront désormais se défendre collectivement en justice. Qu’il s’agisse de pratiques abusives ou frauduleuses, d’allégations mensongères ou de pratiques anticoncurrentielles, c’est un mode de recours efficace, qui permettra aussi de regrouper en une seule procédure les demandes de réparation, même pour de petits montants, d’un grand nombre d’individus qui ne pouvaient jusqu’alors qu’agir de manière isolée.
Les experts le reconnaissent, l’expérience de nombreux autres pays européens dans lesquels ce recours collectif est opérationnel depuis de nombreuses années, comme le Portugal, le Royaume-Uni, la Suède, l’Allemagne, les Pays-Bas ou encore l’Italie, témoigne d’un impact socioéconomique positif du dispositif.
De surcroît, ce mode de recours va probablement se généraliser dans toute l’Europe. En effet, le 11 juin dernier, la Commission européenne a émis une recommandation encourageant les États membres à se doter de mécanismes de recours collectif pour garantir à leurs justiciables un accès effectif à la justice. Ils sont invités à adopter les mesures appropriées dans un délai de deux ans. On peut, sur cet aspect, partager les propos de la vice-présidente de la Commission, Mme Viviane Reding, laquelle a déclaré que cette recommandation procède d’une démarche équilibrée, évitant la mise en place d’un système d’action de groupe inspiré du modèle américain, ainsi que le risque de demandes fantaisistes et de procédures judiciaires abusives.
La Commission européenne a aussi établi un certain nombre de principes à respecter. Ainsi, les États devront veiller à ce que les procédures soient objectives, équitables et rapides, sans que leur coût soit pour autant prohibitif. Les procédures devront également reposer sur le principe du consentement exprès. Enfin, la Commission recommande que les demandeurs potentiels soient informés et que le rôle pivot revienne au juge.
Il est à noter que le dispositif proposé par le Gouvernement correspond aux préconisations européennes. Encadré, équilibré, il évite les écueils des class actions à l’américaine. Seules les seize associations de défense des consommateurs agréées et représentatives au niveau national auront qualité pour agir devant un tribunal compétent.
Par ailleurs, le champ d’action de ce recours sera circonscrit à la réparation de préjudices individuels et matériels. Toutefois, comme vous avez eu l’occasion de le souligner à plusieurs reprises, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, la procédure pourra être adaptée et étendue aux domaines de la santé et de l’environnement, sur la base du rapport prévu à l’article 2 du texte, qui permettra d’évaluer sa mise en œuvre.
Un autre volet de portée considérable de ce projet de loi est consacré à l’amélioration de l’information, au renforcement des droits contractuels du consommateur et à la promotion de la durabilité et de la réparabilité des produits. Moins médiatisées que la création de l’action de groupe et du registre national des crédits aux particuliers, les mesures contenues dans ce chapitre important, qui comporte 25 articles, devront également être relayées efficacement auprès de nos concitoyens. Outre la définition proposée de la notion de consommateur, qui vient combler une lacune de notre droit, ce chapitre contient de notables améliorations quant aux obligations générales d’information par les professionnels et renforce les garanties données aux consommateurs.
Ainsi, pour faire son choix, le client aura désormais une connaissance précise de la date jusqu’à laquelle il pourra disposer des pièces détachées nécessaires à l’utilisation de son bien et le fabricant sera dans l’obligation de fournir celles-ci jusqu’à la date annoncée. Cette mesure permettra de lutter contre l’obsolescence des biens de consommation courante et d’augmenter la durée de vie des produits. Toutefois, il vous sera proposé, mes chers collègues, de préciser la notion d’obsolescence programmée dans notre code de la consommation, afin de permettre des actions judiciaires contre cette pratique frauduleuse.
Dans ce même chapitre, l’article relatif à la restauration paraît également essentiel. Il s’agit de la création de la mention « fait maison », votée à l’Assemblée nationale. Ce nouveau label, prévu pour les plats proposés dans les restaurants, ne peut qu’améliorer la transparence, de plus en plus recherchée par les consommateurs, sur la qualité des produits qu’ils consomment. Il va dans le sens de ce que l’on peut qualifier de véritable prise de conscience de nos concitoyens, qui cherchent à mieux s’alimenter et veulent connaître le contenu de leurs assiettes.
Cependant, il existe, au sein de la profession de restaurateur, de grandes disparités. Peu d’établissements pratiquent encore une cuisine traditionnelle et proposent une carte de plats préparés entièrement sur place avec des produits frais. En dehors des restaurants étoilés ou recommandés, il leur est difficile de se faire connaître et de rentabiliser leur activité, qui demande de surcroît beaucoup de main-d’œuvre.
Cette restauration artisanale est aujourd’hui difficilement identifiable et ne peut valoriser son savoir-faire. C’est pourquoi nous vous proposerons, monsieur le ministre, la création du titre d’artisan-restaurateur, qui, à l’instar de celui de boulanger, conférera un statut permettant d’identifier et d’honorer ce métier. La cuisine traditionnelle française mérite cette promotion, qui permettra une mise en valeur des produits de nos terroirs.
Dans la même perspective, le dispositif prévu aux articles 23 et 24, tendant à étendre les indications géographiques protégées aux produits manufacturés, permettra de valoriser nos terroirs et nos savoir-faire locaux. Ces marques de reconnaissance permettront à nos producteurs de mieux se défendre contre la concurrence. Ce sont aussi des outils destinés à soutenir le développement économique et l’emploi dans nos territoires.
Le texte dont nous débattons contient encore de nombreuses autres avancées en termes de droit de la consommation et de rééquilibrage des relations commerciales. Je crois que nous pouvons tous nous féliciter de l’institution, dans les contrats entre fournisseurs et distributeurs, d’une clause de renégociation obligatoire en cas de variation des prix des matières premières agricoles et alimentaires.
On peut également se réjouir de la teneur du chapitre V du projet de loi, qui vise à moderniser les moyens de contrôle et les pouvoirs dévolus à l’État par le biais de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, de la disposition visant à rendre possible la résiliation infra-annuelle des contrats d’assurance et des nombreuses mesures dont l’objet est de renforcer les moyens de contrôle et de lutte contre les abus en matière de crédit, dans le domaine du e-commerce et dans celui de la vente à distance.
Le projet de loi que vous nous présentez, monsieur le ministre, est particulièrement dense et représente une avancée considérable en matière de consommation. Il sera proposé, au cours de la discussion, de compléter ou de renforcer encore certaines mesures.
Ce texte politique, qui parle aux Français et concerne leur quotidien, est donc sous-tendu par une vision juste et ambitieuse pour notre société. Il prévoit de réelles avancées pour relancer notre économie dans un cadre plus équilibré. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est mentionné, dans l’étude d’impact du projet de loi, que l’arsenal de sanctions à disposition des pouvoirs publics sera renforcé.
L’autorégulation des entreprises ne suffisant pas, vous souhaitez, monsieur le ministre, doter les services de l’État de compétences accrues pour sanctionner plus rapidement, plus efficacement et plus durement les infractions au code de la consommation.
C’est un objectif que, bien évidemment, nous partageons. Toutefois, augmenter sur le papier les pouvoirs de la DGCCRF ne restera qu’une mesure d’affichage si, dans le même temps, ce service jadis redouté ne dispose pas des moyens humains et matériels nécessaires à son action. Comment les objectifs de rapidité et d’efficacité pourront-ils être atteints si rien ne bouge ?
Les effectifs de la DGCCRF ont été réduits à hauteur de 15 % en six ans, soit une perte de 561 emplois. La DGCCRF ne regroupe plus aujourd’hui que 3 000 agents, dont à peine 2 000 enquêteurs ! Quarante-huit départements comptent moins de douze agents, vingt-huit moins de huit agents. Les baisses d’effectifs ont isolé les enquêteurs, forcés à la polyvalence, au détriment d’une réelle protection du consommateur.
Or rien n’indique que la tendance sera inversée. En effet, il ne suffit pas de « sanctuariser les effectifs existants », comme vous l’avez indiqué, monsieur le ministre ; il s’agit de défaire ce qui a été fait, de remettre en cause une architecture qui ne fonctionne pas et de donner des moyens humains et financiers, mais aussi organisationnels, à la DGCCRF.
À cet égard, le rapport de la Cour des comptes de juillet dernier est sans appel : « Il doit être mis fin à des dysfonctionnements nés de l’inadaptation de certaines structures nouvelles. » S’agissant de la dispersion des agents de la DGCCRF entre 120 unités, la Cour des comptes observe que « le maillage territorial de certaines administrations n’a pas été adapté à la mobilité internationale accrue des flux de produits ».
Enfin, en matière de marchés publics, nous ne comprenons pas le rejet de notre amendement prévoyant la présence automatique au sein des commissions d’appel d’offres d’agents de la DGCCRF, sur leur demande. Cela aurait pourtant été un signal fort en termes de renforcement des pouvoirs de ces agents et de reconnaissance de leur expertise.
Par ailleurs, ce projet de loi prévoit d’alourdir les sanctions pour fraude économique, de créer des sanctions dans les domaines où elles n’existaient pas et de renforcer certaines sanctions pénales existantes. Nous partageons cette orientation.
Toutefois, ce texte s’inscrit dans l’objectif de dépénalisation du droit économique. Il substitue une procédure de sanctions administratives à certaines sanctions pénales. Sont notamment concernés des manquements à l’obligation d’information des consommateurs sur les prix ou certaines clauses abusives figurant dans les contrats de consommation.
Or la dépénalisation du droit de la consommation nous inquiète. En effet, les amendes administratives sont très souvent anticipées par les entreprises, qui provisionnent le montant de l’amende probablement encourue. Cela rend la sanction quasiment indolore, alors que la sanction pénale permet la mise en cause personnelle des dirigeants et se révèle de ce fait plus efficace. Nous considérons que le droit pénal possède un caractère dissuasif dont l’amende administrative est dépourvue.
De même, nous ne comprenons pas la remise en cause de l’unité contentieuse en la matière. C’est pourquoi nous soutiendrons les amendements de la rapporteur de la commission des lois tendant à unifier le contentieux de la consommation devant l’ordre judiciaire.
Enfin, nous nous interrogeons sur la frilosité du Gouvernement quant à la question de l’indication d’origine de certains produits alimentaires. Alors que plus de 70 % de nos concitoyens jugent important de connaître l’origine précise des produits qu’ils consomment, que les syndicats paysans et organisations de producteurs des différentes filières se sont exprimés sur cette exigence d’indication du pays d’origine, le projet de loi ne contient aucune mesure forte à cet égard.
Pourtant, il ne fait plus de doute aujourd’hui qu’il est indispensable de rendre obligatoire l’indication du pays d’origine pour les produits agricoles et alimentaires et les produits de la mer, à l’état brut ou transformés. L’article 3 de la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche avait introduit la possibilité de faire figurer l’indication du pays d’origine pour ces produits, mais cette disposition facultative n’a jamais trouvé de traduction réglementaire. En outre, vous avez refusé, monsieur le ministre, l’inscription de ce principe dans le projet de loi lors des débats à l’Assemblée nationale. Nous devons, sans attendre une action européenne en la matière, envoyer un signal à nos partenaires européens sur la position française en matière d’étiquetage et de traçabilité. Continuons d’être, dans ce domaine, précurseurs et exigeants.
À cet égard, la réorganisation de l’INAO inquiète les viticulteurs du saint-pourcinois, qui m’ont alertée sur ce point. En effet, ils observent un éloignement et un affaiblissement du service public rendu, qui entraîne des difficultés en matière de procédure et une hausse de leurs coûts de production. Cet exemple local illustre la nécessité de préserver tous les acteurs et un maillage territorial à même de renforcer une véritable politique en faveur des consommateurs.
Monsieur le ministre, les consommateurs sont en droit d’attendre de l’État, garant de l’intérêt général, la conduite d’une politique de protection des consommateurs qui soit à la hauteur des enjeux nouveaux issus de la mondialisation des échanges. Nous présenterons, au cours de ce débat, des amendements visant à renforcer l’administration en réseau chargée de la protection économique des consommateurs, à garantir l’équilibre des échanges commerciaux entre les consommateurs et les professionnels, ainsi que l’accès à des produits de qualité, contrôlés par les pouvoirs publics. Enfin, nous veillerons à la préservation de l’équité des contrats commerciaux, y compris dans le domaine du e-commerce. Monsieur le ministre, nous écouterons bien évidemment vos réponses avec attention.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Mme Létard a présenté la position de notre groupe sur ce texte. Quant à moi, je souhaite centrer mon propos sur le crédit à la consommation et le surendettement.
Nouvellement élue sénatrice, ce sont deux des premiers sujets sur lesquels je suis intervenue en séance publique, en septembre 2004. J’ai aussi interpellé le ministre de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale, dès décembre de cette même année, sur la prévention du surendettement. Il aura fallu presque dix ans pour que ces questions trouvent enfin une réponse.
Les deux grandes lois Scrivener, adoptées à la fin des années soixante-dix, la loi Neiertz du 31 décembre 1989, la loi Borloo du 1er août 2003 et la loi du 28 janvier 2005 ont, successivement ou conjointement, abordé les questions de l’information du consommateur, de sa protection, de son surendettement, de la publicité sur les crédits, en particulier sur les crédits renouvelables.
Mais c’est la loi du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation, dite « loi Lagarde », qui, sans nul doute, est la plus structurante en matière de crédit à la consommation.
C’est la première conclusion générale du rapport d’information que j’ai produit, en juin 2012, avec Anne-Marie Escoffier, sur l’évaluation de cette loi Lagarde, rapport élaboré au nom de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois.
En effet, la loi Lagarde s’est intéressée à toutes les étapes de la distribution du crédit : publicité, conditions de la souscription sur le lieu de vente, conclusion du contrat, durée et évolution du crédit souscrit.
Votre projet de loi, monsieur le ministre, vient compléter cette dernière, en instituant notamment le registre national des crédits aux particuliers. Mais, sur certains points, votre texte reste timide ; je le regrette.
Les amendements que j’ai déposés prévoient donc d’aller plus loin, en reprenant les recommandations de notre rapport d’information.
Permettez-moi de présenter mes principaux amendements, en insistant sur quatre points.
Premièrement, l’encadrement de l’entrée dans le crédit reste inachevé.
Les publicités sont encadrées, mais des sollicitations commerciales sont toujours présentes. La publicité passive que constitue le démarchage commercial n’est pas suffisamment mise en cause. Les établissements de crédit ou leurs intermédiaires peuvent relancer leurs clients, en particulier lorsque ceux-ci n’ont pas atteint le plafond d’utilisation de leur ligne de crédit.
Ces sollicitations commerciales constituent une méthode récurrente, voire agressive, qui laisse croire au consommateur qu’une certaine quantité d’argent est à sa disposition auprès de tel ou tel établissement.
Cette démarche prend souvent pour cible les clients financièrement fragilisés.
Dans cette perspective, je défendrai deux amendements, visant l’un à mettre fin au démarchage commercial pour un crédit renouvelable, l’autre à interdire, dans toute publicité, de proposer, sous quelque forme que ce soit, des lots promotionnels et/ou des remises de prix liés à l’acceptation d’une offre de crédit.
Deuxièmement, la principale porte d’entrée dans le crédit demeure les cartes dites « confuses », qui sont à la fois des cartes de crédit et des cartes de fidélité.
Ces cartes concernent le crédit sur le lieu de vente, mais aussi le crédit dans la vente par correspondance, particulièrement active en matière de crédit renouvelable.
Du fait de l’adossement à une carte de fidélité, les souscriptions de crédit renouvelable sont parfois liées à la simple volonté de disposer d’une carte de fidélité du magasin ou à celle d’obtenir un avantage promotionnel. Il convient de recentrer la carte de fidélité sur ce qu’elle doit récompenser : la fidélité d’un client.
Pourquoi tergiverser sur ce sujet ? Il convient d’interdire les cartes « confuses » en découplant cartes de paiement, avec crédit renouvelable ou non, et cartes de fidélité.
Troisièmement, pour éviter que les vendeurs n’orientent le client vers le crédit renouvelable plutôt que vers une offre amortissable, la loi interdit que le vendeur soit rémunéré en fonction du type de crédit souscrit.
En effet, la commission doit être la même pour la vente d’un crédit renouvelable ou pour celle d’un crédit amortissable. Mais ce garde-fou porte uniquement sur les crédits souscrits pour l’achat d’un bien immobilier ou mobilier, à l’exclusion des crédits contractés pour le financement de prestations de services.
Le projet de loi prévoit d’étendre à l’ensemble des crédits les règles applicables en matière de rémunération des vendeurs. Néanmoins, ces dispositions ne règlent que partiellement le problème. La souscription d’un crédit, amortissable ou renouvelable, ne devrait pas être le résultat d’une pratique commerciale ; elle doit être la solution proposée, par défaut, par le vendeur lorsque le consommateur ne peut ou ne veut pas acheter au comptant. Mon amendement prévoit d’interdire toute rémunération du vendeur en fonction des modalités de paiement choisies par l’acheteur.
J’en viens maintenant à mon quatrième point : le renforcement de la vérification de la solvabilité de l’emprunteur.
La loi actuelle ne prévoit que l’évaluation des ressources de l’emprunteur, sans prise en compte de ses charges, grâce à une fiche de dialogue et, dans le cas d’un crédit supérieur à 1 000 euros, à des pièces justificatives corroborant cette fiche.
Ce projet de loi suit la même logique au travers de l’instauration du registre national des crédits aux particuliers.
Ma position sur ce point a évolué grâce à mon travail de contrôle. J’étais à l’origine très favorable à la création de ce répertoire, car j’y voyais la solution pour assurer une vérification de la solvabilité de l’emprunteur, jusque-là très lacunaire. Mais la prise en compte progressive de l’ensemble des éléments qui déterminent la conclusion d’un contrat de crédit, dont la vérification de la solvabilité n’est qu’une étape, m’a conduite à penser que ce fichier n’était pas suffisant.
Le registre national des crédits aux particuliers sera sans nul doute un outil fondamental pour l’appréciation du niveau d’endettement de l’emprunteur. En revanche, il ne donnera d’informations ni sur ses revenus, ni sur ses charges, ni sur ses habitudes de consommation. C’est pourquoi je propose de rendre obligatoire la présentation des trois derniers relevés de compte bancaire. Même si une personne a plusieurs comptes bancaires, elle n’a généralement qu’une seule source principale de revenus. Les transferts d’argent entre les différents comptes sont visibles et permettent de poser les bonnes questions.
Je sais, monsieur le ministre, que vous avez été attentif au rapport d’information qu’Anne-Marie Escoffier et moi-même avons produit. Quelques-unes de nos recommandations ont été reprises dans la loi bancaire. Je souhaite que celles qui trouvent une traduction dans mes amendements connaissent le même succès. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la consommation dont nous débutons l’examen aujourd’hui correspond à un engagement du Président de la République.
Il s’agit d’un texte important, qui doit permettre d’améliorer profondément et durablement le quotidien de nombreux consommateurs, mais pas seulement. En effet, il ne vise pas uniquement à mieux protéger les consommateurs ; il est aussi porteur de régulation économique, de dispositions favorables à nos producteurs, et donc à la croissance. L’objectif est, à juste titre, de rééquilibrer les relations commerciales, aujourd’hui encore très – ou trop – à l’avantage de la grande distribution.
Notre arsenal législatif et réglementaire en matière de protection des consommateurs est d’ores et déjà très développé ; il est également très complexe. Pourtant, il est nécessaire de le compléter et de le parfaire, pour tenir compte des évolutions du droit européen, mais aussi, parfois, pour aller de l’avant à notre échelon national, sans attendre nos voisins européens.
Monsieur le ministre, je ne crois pas plus que vous à ce que vous avez appelé, avec un humour bienvenu en cette période, la « liberté de la poule au milieu d’un poulailler libre où vagabonde un renard libre ».
Sourires.
Nos concitoyens sont certes des consommateurs lucides et responsables, mais même les plus avertis d’entre eux sont souvent impuissants face aux manipulations de certaines entreprises, de certains « vendeurs » qui ne reculent devant rien pour accroître leur chiffre d’affaires ou leurs profits.
Il nous faut donc saluer l’ambition de ce projet de loi, qui vise à conférer un véritable pouvoir aux consommateurs, comme l’ont souligné les membres de la dream team des rapporteurs réunis autour de M. le président de la commission des affaires économiques ! La mesure phare du présent texte, à savoir l’introduction de l’action de groupe dans notre droit, va bien dans ce sens.
Pour que ce nouveau recours soit véritablement utile et efficient, nous défendrons plusieurs amendements directement inspirés d’une proposition de loi déposée au Sénat le 5 avril dernier par plusieurs membres du RDSE.
Protéger le consommateur, c’est aussi mieux l’informer. De nombreux articles du présent texte visent cet objectif. Ils concernent par exemple les informations devant être obligatoirement fournies lors de l’achat d’un bien ou lors de la souscription d’un crédit.
Je tiens à saluer l’insertion de l’article 3 ter dans le texte élaboré par notre commission. Il tend à introduire dans les programmes de l’éducation nationale des notions de droit des consommateurs, ainsi qu’une formation à la gestion du budget d’un ménage.
Une telle mesure peut paraître anodine, mais il n’en est rien. De fait, si l’école de la République doit former des citoyens, il lui incombe désormais également de former des consommateurs responsables. Cela correspond d’ailleurs à l’une des propositions du rapport sénatorial de juin 2012 sur le crédit à la consommation et le surendettement rédigé par Anne-Marie Escoffier et Muguette Dini.
Par ailleurs, il me paraît essentiel d’accorder une protection particulière aux plus vulnérables. Le texte s’y attache ; c’est une bonne chose.
Les membres de notre groupe défendront plusieurs amendements à ce sujet. L’un d’eux vise à protéger les personnes âgées qui ont recours à des services à domicile. En effet, contrairement aux employés des maisons de retraite, les professionnels intervenant au domicile des personnes âgées ne sont pas concernés par les dispositions relatives aux abus de faiblesse. Nous souhaitons remédier à une situation aussi dangereuse qu’inexplicable, bien connue des élus de terrain.
Toujours afin de mieux protéger les plus vulnérables de nos concitoyens – particulièrement les mineurs et les personnes en état de sujétion psychologique –, susceptibles d’être victimes de mouvements à caractère sectaire, nous proposerons de préciser l’article 8 du code de procédure pénale, lequel fait courir le délai de prescription, en cas d’abus de faiblesse à l’encontre d’une personne vulnérable, à compter du jour où l’infraction apparaît à la victime elle-même.
Pour leur part, nos collègues Jacques Mézard et Alain Milon ont présenté deux amendements inspirés des excellents travaux de la commission d’enquête, créée sur l’initiative du RDSE, sur l’influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé. Ces amendements visent notamment à mieux contrôler les appareils et les prestations de services à finalité thérapeutique, ainsi que l’importation de produits dangereux comme la niacine, notamment utilisée par les scientologues.
Le chapitre du projet de loi consacré au crédit et à l’assurance a été enrichi de plusieurs dispositions relatives au surendettement. Ainsi, la réduction de la durée des plans conventionnels de redressement est une mesure importante : elle permettra à des personnes bien souvent détruites de voir abrégé leur temps d’épreuves ; elles pourront ainsi mieux rebondir.
Quant à la création, par voie d’amendement à l’Assemblée nationale, d’un registre national du crédit aux particuliers, communément appelé « fichier positif », mon collègue Robert Tropeano l’a déjà indiqué : s’ils ne doutent pas de l’utilité d’un tel fichier, les membres du RDSE ne sont pas convaincus de l’opportunité de sa mise en place.
Nous ne sommes pas opposés au principe même de ce fichier : s’il peut aider à prévenir le surendettement en évitant le « crédit de trop », il sera évidemment un outil utile et bienvenu. Néanmoins, compte tenu de l’importance de ce sujet, qui touche à la liberté de chacun, il nous semble que l’introduction d’une mesure d’une telle ampleur mériterait de faire l’objet d’une réflexion plus approfondie, monsieur le ministre. À cet égard, nous n’ignorons pas l’excellent rapport sénatorial publié en janvier 2013 sur le sujet. Mais, je le répète, avant de créer un tel registre, une étude d’impact ou, du moins, une réflexion plus élaborée nous paraît nécessaire. C’est pourquoi nous présenterons des amendements tendant à prévenir toute atteinte aux libertés individuelles, même si nous savons que le Gouvernement n’a évidemment aucune intention de cet ordre. Cela étant, en la matière, la plus grande précision est requise !
Par ailleurs, le projet de loi comporte des avancées importantes pour les consommateurs dans le domaine des assurances, dont le coût pèse lourdement sur le budget des ménages. Si permettre la résiliation infra-annuelle est une bonne chose, il faut également songer aux assurances accessoires que l’on tente de « fourguer » à tous les consommateurs lors d’un achat. Ces assurances sont associées à des biens ou à des cartes de paiement. Elles sont très lucratives pour ceux qui les proposent – souvent en prétendant qu’elles sont obligatoires ! –, mais très peu avantageuses pour les consommateurs. Sur ce sujet, nous présenterons également des amendements.
Pour conclure, je souligne que ce projet de loi est un bon texte, qui va bien au-delà des seules mesures nécessaires au renforcement de la protection des consommateurs. Il augure également l’avènement d’une nouvelle consommation, plus responsable, plus équitable et davantage tournée vers la qualité.
En effet, il est temps de changer, de tourner la page de la consommation exclusivement low cost : consommer toujours moins cher, souvent pour pouvoir consommer plus, n’est pas une fin en soi. Les Français le savent : ils sont particulièrement sensibles, outre aux prix, à la sécurité et à la qualité des produits, qu’ils soient alimentaires ou industriels.
L’article 23 du présent texte, qui étend les indications géographiques aux produits manufacturés, constitue une avancée majeure, que nous soutiendrons. En 2011, la France comptait plus de 300 AOC viticoles et 107 IGP agroalimentaires. Ce système fonctionne bien. Pour ma part, mes chers collègues, je vous recommande vivement l’excellente IGP « agneau de Lozère », lequel n’est toutefois pas entièrement protégé des loups ! §
Au total, la France sera le premier pays à mettre en place une telle protection. Je ne doute pas que nos voisins européens nous emboîteront le pas. Grâce à ces mesures, qui répondent à un engagement du Président de la République et profiteront à tous les Français, nous serons à l’avant-garde de l’Europe !
Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Élisabeth Lamure a déjà exposé la position du groupe UMP sur l’ensemble du projet de loi aujourd’hui soumis à notre examen.
Ce texte est supposé participer à l’organisation efficace de la consommation et au développement de l’innovation, comme il est indiqué dans son exposé des motifs. Hélas, il semble malheureusement faire totalement l’impasse sur un sujet à mon avis pourtant essentiel, et qui me tient particulièrement à cœur en tant que co-président du groupe sénatorial d’études sur l’énergie : celui de la facture énergétique, laquelle représente près de 10 % de la consommation des Français, soit, en moyenne, une dépense annuelle de 2 300 euros par ménage.
Plus grave encore, en matière de consommation énergétique, les inégalités se sont accrues depuis plus de vingt ans entre ménages modestes et ménages riches, entre villes et campagnes, entre types d’habitat et entre ménages âgés et ménages jeunes.
Or, monsieur le ministre, votre projet de loi ne fait que survoler cette question. Vous me répondrez que le sujet a déjà été traité via la proposition de loi relative à la tarification progressive de l’énergie de notre collègue député François Brottes, mais nous savons tous ce qu’il est advenu de ce texte et du bonus-malus qu’il instituait : son caractère inégalitaire n’a pas échappé au Conseil constitutionnel. Il s’agissait, par cette loi, de cacher derrière de nobles considérations environnementales la hausse des tarifs de l’énergie. Heureusement pour nos compatriotes, sa disposition centrale a été censurée, ce qui a obligé le Gouvernement à dévoiler son jeu !
Les tarifs de l’électricité connaissent des augmentations successives : 5 % le 15 août dernier, encore 5 % à venir le 15 août 2014, sans oublier une hausse, au 1er janvier, de 1, 2 % à 1, 5 % de la contribution au service public de l’électricité, la CSPE ; je tiens à rappeler ce dernier point au passage, car on n’en a pas beaucoup parlé !
Aussi, permettez-moi de m’interroger : que prévoit votre projet de loi en ce qui concerne l’énergie ? Que proposez-vous aux Français pour limiter leur facture énergétique ? Quelles mesures permettront de réguler ce secteur stratégique de notre économie ? Je ne peux que constater, à regret, que votre œuvre législative est désespérément pauvre en la matière…
Je ne ferai pas d’ironie mal placée en constatant que seules deux questions afférentes à l’énergie ont retenu votre attention, avec la mise en place de deux dispositifs qui, par ailleurs, ne concerneront que les professionnels, et non les consommateurs.
Le premier porte sur les tarifs réglementés du gaz naturel. L’article 11 bis du texte prévoit en effet la suppression progressive de l’accès aux tarifs réglementés de vente de gaz naturel pour les consommateurs non domestiques dont le niveau de consommation est supérieur à 30 000 kilowattheures par an. Fort heureusement, les consommateurs finals consommant moins de 30 000 kilowattheures, c’est-à-dire les consommateurs résidentiels et les petits professionnels, ne seront pas concernés par cette mesure.
Étant donné que cette disposition est inspirée par les négociations menées entre le Gouvernement et la Commission européenne, nous n’avons pas jugé nécessaire de proposer de mesures alternatives, même si certains regretteront, avec raison, que les critères d’accès aux tarifs réglementés soient fixés en fonction de volumes de consommation arbitraires et non de la fragilité des secteurs qui consomment ces volumes. Nous en sommes conscients, introduire des dispositions d’une telle nature ouvrirait la voie à de lourds contentieux.
Le second dispositif relatif au secteur de l’énergie concerne les petits distributeurs de liquides inflammables.
L’article 5 bis vise en effet à repousser le délai pour enterrer les réservoirs pour les stations-service distribuant moins de 500 mètres cubes de ces produits par an.
Cet article tend donc à donner un peu de temps aux petits professionnels de la distribution d’essence et d’autres liquides inflammables, qui, depuis l’arrêté du 16 décembre 2010, étaient dans l’obligation d’enterrer leurs réservoirs, pourvu que le volume distribué par leurs soins soit inférieur à 3 500 mètres cubes par an.
Monsieur le ministre, sur ce point, le Gouvernement me semble bien timoré. En effet, les stations-service concernées par cet arrêté – y compris celles distribuant plus de 500 mètres cubes par an – sont presque toutes situées en zone rurale, c’est-à-dire dans une partie du territoire que vous connaissez mal… Il s’agit souvent d’entreprises familiales. Elles concourent au développement de territoires difficilement accessibles et sont souvent indispensables au maintien d’une activité économique dans les zones rurales.
Pour ces raisons, la Haute Assemblée doit aller plus loin que les propositions du Gouvernement. Tel sera l’objet d’un amendement que l’ensemble de mes collègues du groupe UMP ont signé avec moi. Il tend à repousser de 2016 à 2020 l’échéance pour la mise aux normes. Ce report rendra d’ailleurs service au Gouvernement, car cette mise aux normes exige une aide financière de l’État !
Or, monsieur le ministre, vous n’auriez pas les moyens de couvrir la totalité des demandes si toutes les stations-service devaient se mettre aux normes d’ici à 2016 !
Cet allongement du délai ne doit pas concerner les seules stations-service distribuant moins de 500 mètres cubes par an : le seuil doit être porté à 3 500 mètres cubes, comme c’était initialement prévu.
Enfin, j’évoquerai l’article 5, qui vise le régime juridique applicable au démarchage et à la vente à distance. En réécrivant l’article L. 121-19-4 du code de la consommation, cet article prévoit que « le professionnel est responsable de plein droit à l’égard du consommateur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat conclu à distance, que ces obligations soient exécutées par le professionnel qui a conclu ce contrat ou par d’autres prestataires de services ». Son dispositif concerne donc les contrats de fourniture d’énergie. Malheureusement, il est en contradiction avec le code de la consommation, qui dispose que le gestionnaire de réseau reste directement responsable à l’égard du client des prestations techniques qu’il réalise. C’est pourquoi nous avons déposé un amendement à cet article.
En résumé, eu égard à l’absence de dispositions afférentes à la facture énergétique des Français, je blâmerai le Gouvernement non pas pour ce qu’il y a dans son texte, mais plutôt pour ce qui n’y figure pas.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens avant toute chose à saluer l’excellent travail de nos rapporteurs, Martial Bourquin et Alain Fauconnier, qui se sont fortement investis dans l’examen de ce texte à un moment difficile de l’année et dans des conditions particulièrement délicates, compte tenu des délais imposés. Il aura fallu à l’un et à l’autre ainsi qu’aux rapporteurs pour avis, Michèle André, Nicole Bonnefoy et Jean-Luc Fichet, beaucoup de patience, d’abnégation et de travail. Qu’ils en soient remerciés !
Beaucoup ont rêvé de la mise en place de l’action de groupe en France ainsi que de la création d’un registre national des crédits aux particuliers. Eh bien, nous allons le faire !
C’est à nous qu’il est donné aujourd’hui de réaliser cette belle ambition. Voilà un premier motif de satisfaction. Nous nous apprêtons ainsi à rejoindre les nombreux pays de l’Union européenne – près de la moitié d’entre eux aujourd’hui – qui ont déjà adopté l’action de groupe. Rappelons en outre qu’un registre du crédit a été créé en Allemagne dès 1928.
Le projet de loi relatif à la consommation a pour objet de favoriser le respect de l’ordre public économique par ses différentes parties prenantes, au profit du consommateur, auquel seront accordés de nouveaux droits. Toutefois, selon une approche gagnant-gagnant, ce texte prend également en compte l’intérêt des entreprises. Ces dernières ont non seulement besoin d’une progression de la consommation pour garantir leur croissance, mais elles doivent aussi proposer des produits de meilleure qualité afin de gagner en compétitivité.
Cependant, de nombreux scandales ont fragilisé ce pilier de notre système économique qu’est la confiance du consommateur à l’égard des produits qu’il achète comme de ceux qui les produisent et les lui fournissent. Je pense ici, entre autres exemples, à l’affaire Spanghero…
… ou aux escroqueries dans le domaine de la vente en ligne de voyages. Or, sans une confiance renouvelée du public envers les produits qui lui sont destinés et les acteurs qui les commercialisent, la reprise de la consommation sera incontestablement plus difficile. Il était donc temps de remédier à cette situation de défiance. Votre projet de loi, dont je salue, monsieur le ministre, le caractère à la fois équilibré et complet, tend à mettre en place des dispositifs qui y contribueront.
Parce que ce texte est important et que nous devons nous assurer de son applicabilité, je me félicite par ailleurs que les actions de groupe dans les secteurs de la santé et de l’environnement soient appelées à faire l’objet de projets gouvernementaux ultérieurs. L’engagement en est pris, comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre. J’y tiens tout particulièrement, dans la mesure où, dans mon département, la Loire-Atlantique, de nombreux salariés sont notamment confrontés à de gros problèmes liés à l’amiante. Il est vrai cependant que, dans un tel contexte, nous avons affaire bien plus à des patients, à des usagers ou à des salariés qu’à des clients.
Une action de groupe menée à la suite de la vente d’un médicament aux effets délétères sur la santé de patients abusés ne peut reposer sur les mêmes ressorts qu’une autre action concernant la pollution massive d’une nappe phréatique par un site industriel ou encore qu’une démarche liée à une pratique abusive concernant la facturation de forfaits de téléphones portables. La distinction entre les différents types d’action de groupe en fonction de la nature des préjudices subis était donc nécessaire, voire indispensable. Nous ne devions pas brouiller notre démarche législative en abordant conjointement des problématiques appelant à l’évidence des réponses spécifiques et adaptées.
Ce texte s’adresse par ailleurs à un consommateur qui ne doit pas être seulement perçu comme un agent économique, mais aussi, et surtout, comme un citoyen. En tant que tel, il doit être non seulement mieux informé, mais aussi mieux formé ! Je me félicite donc que le projet de loi examiné et modifié par la commission des affaires économiques dispose qu’une information des jeunes consommateurs sera intégrée dans les programmes de l’éducation nationale. C’est un outil indispensable pour les sensibiliser à leurs nouveaux droits. À quoi servirait-il en effet de disposer de nouveaux droits sans en avoir connaissance ? Rappelons du reste que, dans un avis rendu le 21 décembre 2000, le Conseil national de la consommation donne pour objet à l’éducation à la consommation de « former l’esprit, développer les aptitudes intellectuelles, faire acquérir des principes aux jeunes, afin de leur permettre de satisfaire leurs besoins au mieux et à bon escient, en utilisant les biens et les services mis à leur disposition ».
Or la France présente aujourd’hui une carence en la matière. Le seul texte qui aborde le sujet est une circulaire du ministère de l’éducation nationale datée du 17 décembre 1990. Très peu la connaissent, et il en est peu fait état dans les circulaires de rentrée. Il s’agit pourtant également d’un important sujet de préoccupation européen. La Commission européenne a ainsi lancé au printemps 2013 le réseau Consumer Classroom, dont les acteurs principaux sont les professeurs des écoles, des collèges et des lycées. II fournit des ressources afin d’aider les enseignants à concevoir les cours portant sur l’éducation à la consommation. Dans le cadre d’une compétition organisée pour déterminer les meilleurs projets, ce site internet a d’ailleurs vu concourir plus de cinquante écoles issues de douze pays européens. Ils sont en effet nombreux à promouvoir des formations à cette problématique. Au Royaume-Uni, par exemple, les écoles auront ainsi l’obligation, dès la rentrée de septembre 2014, de proposer aux élèves une formation sur les questions financières et sur la gestion du budget d’un ménage. II serait donc positif que la France avance également dans la direction d’une telle formation, offrant un éclairage indispensable pour soutenir une démarche de consommateur citoyen responsable et pas seulement de simple agent économique.
Je l’évoquais au début de mon intervention, la mise en place du registre national des crédits aux particuliers est une avancée précieuse pour la protection du consommateur. Introduit dans le texte lors de son examen à l’Assemblée nationale par un amendement du Gouvernement, il s’agit d’un instrument de lutte contre le surendettement, dont l’utilité a été démontrée dans les pays qui l’ont déjà adopté. Sachez qu’un certain nombre de garde-fous ont été mis en place afin de lutter contre les éventuelles dérives que pourrait entraîner cette création. Ainsi, la consultation de ce fichier à des fins commerciales sera durement sanctionnée.
Reste qu’une autre dérive doit faire l’objet d’une vigilance particulière : la mise en place de ce registre ne saurait être utilisée par les établissements prêteurs comme prétexte afin de se soustraire à leurs responsabilités. En effet, la consultation de ce fichier ne doit pas les dispenser du travail de recherche et de conseil auprès des consommateurs qui s’adressent à eux. Cela constitue en théorie, faut-il le rappeler, leur cœur de métier. Il est anormal que les démarches nécessaires à la fourniture des services proposés par les établissements de crédit soient si notoirement, et si fréquemment, insuffisantes.
Concernant la question des services financiers, la mobilité bancaire est un enjeu crucial pour mettre fin au fort déséquilibre existant entre les établissements bancaires, d’une part, et les consommateurs – réellement démunis –, d’autre part. La portabilité du numéro de compte bancaire serait un excellent outil en vue de rééquilibrer la situation. L’amendement adopté par l’Assemblée nationale, qui vise à mandater le Parlement afin d’explorer les modalités opérationnelles de la mise en œuvre d’une telle mesure, ouvre d’intéressantes perspectives. Je pense que la contribution du Sénat sur cette question pourra également être précieuse. Notre commission des affaires économiques propose notamment que les services d’aide à la mobilité avancés par la banque d’arrivée soient gratuits et sans conditions. Par ailleurs, nous avons bien noté que la portabilité bancaire fera l’objet d’un rapport du Gouvernement au Parlement avant le 31 décembre 2014, ce qui est une bonne chose.
Dans un registre voisin, je salue la possibilité offerte aux consommateurs de résilier leur assurance sans frais, au bout d’un an au lieu de deux.
J’observe enfin que ce texte de loi témoigne d’un arbitrage en faveur d’une stratégie dissuasive plutôt que punitive. Cette démarche, gage d’une plus grande efficacité, me semble être la meilleure manière de procéder. Nous travaillons en effet dans le sens d’une meilleure régulation de notre modèle économique, afin d’en accroître les performances.
De manière complémentaire, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes va pouvoir recourir, dans le cadre de certaines infractions au code de la consommation, à des sanctions administratives plutôt qu’à des sanctions pénales. Ces dernières étaient en effet jusqu’à présent insuffisamment appliquées et intervenaient généralement dans des délais beaucoup trop importants. Cette disposition renforcera la dissuasion et donc le bon fonctionnement de notre système. Mais pour être efficace, il faut des moyens ! Or la désorganisation de la DGCCRF, issue, faut-il le rappeler, de la mise en œuvre de la révision générale des politiques publiques en 2010, a été justement relevée par la Cour des comptes dans son rapport du 4 juillet dernier concernant l’administration territoriale de l’État.
Les contrôles, notamment sur le plan alimentaire, sont essentiels, et la dissuasion repose aussi sur la force de ceux qui sont susceptibles d’être réalisés. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous rassurer sur l’évolution des effectifs et sur l’efficacité de l’organisation de la DGCCRF après le vote de ce projet de loi ?
Les qualités du présent texte sont incontestables, mais il ne faudrait pas que des délais trop importants de mise en application viennent en relativiser la portée. Je note donc avec intérêt que le nombre de décrets d’application prévus pour sa mise en œuvre a été réduit. C’est un gage d’efficacité renforcée, comme pourrait l’être la fixation de leur parution à des dates butoirs. Indépendamment de la circulaire du 29 février 2008, selon laquelle les ministères sont tenus de publier les décrets de toute nouvelle loi dans un délai maximum de six mois, le présent projet de loi pourrait en effet inclure un délai maximum de publication différent pour chacun de ces décrets. Je crois ainsi rejoindre des préoccupations déjà évoquées.
En complément, je pense qu’un suivi et une évaluation de l’application du texte sont absolument indispensables. La commission des affaires économiques pourrait s’en charger, en partenariat avec la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, dont c’est le rôle.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en conclusion, je voudrais rappeler ici que nous avons une responsabilité importante avec l’examen de ce texte. Par ses nombreux et riches apports, il peut contribuer – je dis bien « contribuer », soyons modestes – à relancer la consommation, qui reste la clef de voûte de notre croissance économique, ainsi qu’à rétablir la confiance, dans une société circonspecte et souvent en proie au doute.
Gardons à l’esprit ces objectifs de redressement du pays et de protection du consommateur, ainsi que le rôle positif que le projet de loi pourra jouer lorsque les nouvelles exigences qu’il contient rencontreront la volonté de réaliser des produits de meilleure qualité, et donc plus compétitifs. Il s’agit donc bien d’un rapport gagnant-gagnant, comme je l’évoquais au début de mon propos, qui, j’en suis convaincu, pourra découler de la mise en œuvre de cette loi tant attendue.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dès que l’on évoque le sujet de la consommation, un défi s’impose : protéger le consommateur, tout en ne nuisant pas au développement de l’activité économique des entreprises. La mesure phare du projet de loi, l’action de groupe, illustre parfaitement cette difficulté de trouver un équilibre juste et satisfaisant pour l’ensemble des acteurs. Mes deux collègues, Valérie Létard et Muguette Dini, s’étant déjà exprimées sur les autres points du projet de loi, je concentrerai mon propos sur ce sujet.
L’action de groupe est une procédure civile permettant à plusieurs victimes ayant subi un même préjudice de se regrouper pour confier une action en réparation à un tiers, en l’occurrence une association de consommateurs agréée. L’originalité de cette action est qu’elle déroge au principe de droit français selon lequel nul ne plaide par procureur. Cette action offre une nouvelle façon d’obtenir réparation en matière de droit de la consommation et de la concurrence. Cependant, elle doit faire l’objet d’un encadrement très rigoureux, afin de ne pas devenir un facteur de déstabilisation permanent de la compétitivité des entreprises.
II est important de corriger certains raccourcis que nous avons pu lire ou entendre. L’action de groupe ne crée pas de nouveaux droits ; elle constitue seulement une nouvelle manière d’agir, par procureur. Elle ne modifie pas le droit de la réparation, mais permet le regroupement des mêmes victimes d’une violation de la loi ou d’une obligation contractuelle ayant subi un même préjudice dont l’origine est identique. L’action de groupe doit donc être conçue comme s’inscrivant autant que possible dans le droit commun, que ce soit en matière de procédure ou dans le domaine du droit de la réparation. C’est dans cet esprit de simplification que je proposerai des amendements.
Sur le terrain de la procédure, d’abord, pourquoi créer des tribunaux d’exception ? La spécialisation de quelques tribunaux de grande instance est inutile, puisque tous sont capables de connaître des affaires de la consommation – c’est même aujourd’hui leur quotidien. Je suis d’autant plus opposé à cette spécialisation qu’elle aurait plusieurs conséquences négatives. Elle entraînerait un éloignement de la justice, alors que la consommation est une matière qui touche tous les Français. En outre, elle créerait une nouvelle source de contentieux, que les juristes spécialisés ne manqueraient pas d’exploiter : ceux-ci s’opposeraient aux actions de groupe, souvent au détriment des consommateurs, en soulevant des exceptions de procédure sur la compétence. Enfin, elle obligerait à délocaliser des contentieux locaux vers des métropoles régionales.
Avec le même objectif de rapprocher l’action de groupe du droit commun, nous avons déposé un amendement visant à anticiper la constitution du groupe avant l’expiration du recours en cassation : il s’agit de permettre au juge de mettre en œuvre une exécution provisoire des mesures de publicité. Le projet de loi prévoit en effet que le pourvoi en cassation est suspensif, ce qui est contraire au droit commun de la réparation. C’est dire qu’une action de groupe ne pourra pas voir se concrétiser la moindre condamnation avant l’épuisement de toutes les voies de recours, c’est-à-dire avant environ cinq ans lorsque l’affaire est portée jusqu’en cassation. Un tel système rend attractifs les recours dilatoires. Notre proposition vise donc à réduire ce handicap en favorisant la constitution du groupe le plus tôt possible, afin d’éviter aux consommateurs une information tardive et de prévenir la perte des preuves ou des biens.
Au fond, j’approuve l’action de groupe. Alors que la lourdeur et le coût d’une action individuelle devant la justice étaient jusqu’à présent un obstacle totalement décourageant, ce dispositif permettra la réparation de préjudices de faibles montants à travers une mutualisation des coûts. Les victimes pourront ainsi recourir à des expertises onéreuses et à des tests aux coûts souvent très élevés, qui viendront nourrir les débats judiciaires. Cette procédure constitue donc une réelle avancée.
Pourtant, je rappelle que le but poursuivi n’est pas d’ouvrir la voie à de multiples procédures. C’est pourquoi il me semble important de prévoir dans la loi un processus facultatif de médiation, autorisant le recours à un accord amiable tout au long de la procédure.
Au-delà de l’objectif final de réparation du préjudice, la mise en place de l’action de groupe aura, à mon avis, un effet préventif assez fort ; en conséquence, elle sera un moyen d’assainissement des activités commerciales. En effet, si les entreprises veulent échapper au risque d’une action de groupe, elles n’auront pas d’autre choix que de garantir la qualité des produits fabriqués en grande quantité et des services proposés.
Par ailleurs, il me paraît essentiel que la nouvelle action de groupe ne prenne en aucune manière l’apparence d’une procédure d’exception, qui pourrait être source de certaines dérives. À cet égard, la création d’une action de groupe dite simplifiée ne se justifie pas ; j’ai déposé un amendement visant à supprimer cette procédure, que je considère comme inadaptée. Monsieur le ministre, pourquoi encourager la mise en place d’une action de groupe simplifiée et mal encadrée, qui dénaturerait totalement la procédure normale ?
Pour ma part, je pense que le juge saura s’adapter à chaque circonstance et décider de mesures de réparation appropriées à chaque situation. Il faut laisser le juge décider de la manière dont il conduira l’action de groupe. La procédure classique lui laisse suffisamment de latitude, par exemple pour simplifier, s’il le faut, la constitution du groupe de consommateurs lésés. Le code de procédure civile et toutes ses dispositions relatives à la mise en état de la procédure devant le TGI offrent au juge un arsenal de moyens d’instruction qui lui permettra de s’adapter aux circonstances de chaque litige, petit ou grand, simple ou complexe.
Le fond du droit est celui du droit contractuel et du droit de la réparation ; il n’y a aucune nécessité d’innover ou de créer un particularisme. Je le répète, n’ouvrons pas des voies de contentieux en créant de nouvelles juridictions ou de nouvelles procédures, sinon, au lieu de simplifier, ce dispositif aura l’effet inverse !
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur quelques travées de l’UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je concentrerai mon propos sur l’action de groupe, présentée par le Gouvernement, à juste titre, comme une avancée majeure pour les consommateurs et pour les associations qui les défendent, lesquelles suivent avec gourmandise les avancées du projet de loi.
Je tiens à souligner que, aujourd’hui pas plus qu’hier, je ne suis favorable à la poursuite d’une politique européenne et française purement consumériste. À l’exception de l’Allemagne, qui a su conserver une politique industrielle de l’offre grâce à laquelle elle exporte aujourd’hui ses produits dans le monde entier, l’Europe – la France en tête, toujours désireuse de montrer l’exemple – a multiplié les textes consuméristes.
Cette politique, européenne et française, beaucoup plus consumériste qu’industrielle, notre économie la paie aujourd’hui, car elle a surtout favorisé les importations, en particulier de produits asiatiques.
Pour illustrer mon propos, je rappellerai les nouvelles propositions de Bruxelles, plus précisément de la commissaire à l’économie numérique. Mme Kroes nous explique que, en imposant des baisses de prix chez les opérateurs européens et en permettant aux fonctionnaires de Bruxelles de voyager sans payer de surcoût pour leurs communications et pour leurs données, elle va réaliser le grand marché unique des télécoms et réindustrialiser l’Europe des télécoms. Personne ne comprend le pourquoi du comment, mais la presse et les associations de consommateurs relaient ce message qui flatte les oreilles du plus grand nombre. Pourtant, cette politique du tout-consumérisme dans le domaine numérique témoigne d’un grand échec européen. De fait, en vingt ans, l’Europe a tout perdu : tous les grands équipementiers sont désormais asiatiques, malgré les tentatives de maintien sous perfusion de ce qui fut un grand équipementier français, et toutes les plateformes de services ainsi que toutes les grandes réussites numériques sont aux États-Unis.
Malgré cette situation désastreuse, personne ne remet en cause ni les instances de Bruxelles ni les gouvernements européens qui sont responsables.
Il en va exactement de même avec l’action de groupe. On nous explique que cette grande innovation juridique, débattue depuis trente ans, va relancer la consommation en redonnant aux consommateurs de la confiance et du pouvoir d’achat. En réalité, elle va surtout affecter les quelques secteurs et les quelques grandes entreprises qui gagnent encore de l’argent. En effet, nous savons très bien que les associations agréées s’intéresseront d’abord aux secteurs capables de leur assurer de nouvelles sources de financement et d’améliorer leur notoriété médiatique. En fin de compte, la seule retombée positive du projet de loi sera médiatique, car les actions de groupe vont relancer notre sport national, qui consiste à jeter en pâture aux médias nos trop rares entreprises qui arrivent à dépasser le stade de la TPE !
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le ministre, permettez-nous, d’une part, de douter de l’efficacité de votre recette phare pour relancer la consommation. Permettez-nous, d’autre part, de vous rappeler que la seule préoccupation des Français aujourd’hui n’est pas de savoir s’ils pourront récupérer quelques euros dans le cadre d’une procédure judiciaire, mais s’ils pourront encore trouver demain une entreprise en mesure de les embaucher.
Il existe suffisamment de moyens dans notre droit pour réprimer les entreprises fautives et pour indemniser les victimes. De même que je doute de l’efficacité de la baisse de prix à marche forcée proposée par Bruxelles pour relancer une économie européenne du numérique en panne, ainsi je doute des résultats de cette recette franco-française.
Si l’action de groupe est un peu l’arlésienne du droit de la consommation depuis vingt ans, ce n’est pas sans raison. Sur le plan du signal économique, nous pensons que le moment est mal choisi : dans la compétition des lois et des normes à laquelle se livrent les États, à commencer par ceux de l’Union européenne, il est peu probable qu’une loi sur les recours collectifs améliore l’attractivité de la maison France pour les entreprises.
Certes, on me répondra que quelques pays européens ont déjà adopté une législation sur l’action de groupe ; mais, curieusement, ce n’est pas le cas de l’Allemagne, qui reste notre principal partenaire et concurrent. Cessons de croire que l’Union européenne est une union des Bisounours, alors que le Gouvernement observe, impuissant, la lutte fratricide des États membres sur le terrain de l’attractivité fiscale et sociale.
Une fois de plus, le Gouvernement a un sens du timing décalé.
La Commission européenne propose une nouvelle directive régissant les actions en dommages et intérêts en droit interne pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l’Union européenne. Cette proposition de directive va être adoptée d’ici à la fin du mandat de la Commission européenne, et la France aura deux ans pour la transposer. Dès lors, nous aurions pu attendre l’adoption de ce texte européen pour ne légiférer qu’une fois et éviter d’exposer nos entreprises à une innovation juridique bien plus sévère que celles auxquelles nos principaux concurrents européens seront soumis. De fait, légiférer aujourd’hui n’a pas grand sens, puisqu’il faudra bientôt recommencer. Par votre méthode, monsieur le ministre, vous laissez prospérer le sentiment d’insécurité juridique, qui est la première cause de rejet de la France par les investisseurs industriels.
Vous allez certainement expliquer, comme le font toujours les gouvernements français, que la France donne l’exemple. Cet argument avait déjà été avancé à propos d’autres mesures emblématiques, comme l’instauration du principe de précaution – vous voyez que je ne suis pas sectaire.
Seulement, le reste de l’Europe et du monde ne s’intéresse pas aux leçons économiques que la France estime encore pouvoir donner, surtout lorsqu’elles pourraient nuire à la compétitivité.
Monsieur le ministre, votre majorité aime tellement la complexité qu’elle a introduit une action de groupe simplifiée, qui témoigne de la grande confiance qu’elle accorde au dispositif initial proposé par le Gouvernement, dont on nous assure pourtant qu’il résulterait d’un consensus…
Cette procédure simplifiée, qui s’ajoute à la procédure normale, ne manque pas de saveur : on se demande où donc est le choc de simplification annoncé par le Président de la République !
Au total, monsieur le ministre, nous regrettons la logorrhée législative que vous avez présentée et l’orientation purement consumériste de la politique économique qui en découle. Surtout, l’action de groupe, présentée comme la mesure phare du projet de loi, si elle peut être acceptable en période de prospérité, se transforme en mauvais signal pour des investisseurs déjà frileux. En outre, son instauration devance de manière maladroite la future directive européenne visant à faciliter l’introduction d’actions en dommages et intérêts.
J’ajoute que, comme beaucoup d’autres textes, celui-ci entraînera des coûts supplémentaires difficiles à supporter pour ma région et mon département des Pyrénées-Orientales, confrontés à la concurrence de la Catalogne espagnole et de son économie dynamique.
Pour toutes ces raisons, je voterai contre le projet de loi.
Applaudissements sur quelques travées de l'UMP.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
Monsieur le président, en application de l’article 49, alinéa 2, du règlement, la commission des affaires économiques souhaiterait que l’amendement n° 156 rectifié bis à l’article 1er soit disjoint des amendements en discussion commune.
Mes chers collègues, il s’agit tout simplement de clarifier l’examen de l’article 1er et d’éviter une discussion commune de plus de 80 amendements.
Je consulte le Sénat sur cette demande.
Il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
Je rappelle à nos collègues que la commission des affaires économiques va se réunir dès la suspension de séance.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.