Quand un bien électroménager, par exemple, ne fonctionne plus, nous souhaitons encourager sa réparation plutôt que son échange et son remplacement. Cette pratique développera des emplois sur place, non délocalisables, et sera ainsi favorable à notre tissu d’entreprises, en même temps qu’elle sera beaucoup plus respectueuse de l’environnement et du développement durable. Cette orientation découle tout à la fois des engagements pris par le Gouvernement en matière de protection de l’environnement et du travail effectué par le groupe Europe écologie-Les Verts, dans le domaine de la lutte contre l’obsolescence programmée, que je salue.
Cette question a déjà été débattue en commission, ainsi qu’à l’Assemblée nationale ; elle fait actuellement l’objet de nombreuses réflexions. En ce qui nous concerne, nous avons voulu, non seulement ouvrir un débat, mais commencer à apporter des réponses.
Une autre mesure, qui sera portée par ma collègue Sylvia Pinel, consiste à créer des indications géographiques pour les produits manufacturés. À n’en pas douter, mesdames, messieurs les sénateurs, chacun d’entre vous peut avoir à l’esprit telle ou telle production qui, liée à son territoire, souffre de la concurrence, dans certains cas déloyale, d’acteurs parfois extérieurs à la France, voire à l’Union européenne : Quimper et ses faïences, Limoges et sa porcelaine, Laguiole et ses couteaux, et bien d’autres. §
Le Gouvernement propose d’étendre aux produits manufacturés un dispositif qui fonctionne dans l’alimentation et l’agriculture, avec les AOC et les IGP. En distinguant ainsi la qualité du made in France, liée à des territoires, nous donnerons à nos PME et à nos artisans les moyens de lutter à armes égales contre des acteurs qui leur font une concurrence déloyale, et qui parfois envahissent nos marchés au détriment des productions locales. L’indication géographique protégée sera, pour nos entreprises, l’instrument de la reconquête de l’emploi et des marchés !
Par ailleurs, l’examen du projet de loi au Sénat marquera peut-être un progrès très important de la transparence en ce qui concerne la traçabilité des produits entrants dans la composition des plats préparés.
La semaine dernière, je me suis rendu à Bruxelles en compagnie des sénateurs Jean Bizet, Anne Emery-Dumas et Leila Aïchi, ainsi que de cinq députés. En effet, j’avais proposé au Sénat et à l’Assemblée nationale de constituer une délégation française composée de membres du Gouvernement, mais aussi du Parlement – chose assez rare, m’a-t-on dit à Bruxelles. Nous nous sommes entretenus avec M. Borg, commissaire chargé de la protection des consommateurs, des conséquences que, à nos yeux, l’Europe doit tirer de l’affaire dite « de la viande de cheval ».
L’objectif est, je crois, partagé sur la plupart des travées : que le consommateur dispose demain de la même information lorsqu’il achète un plat préparé contenant de la viande et lorsqu’il achète de la viande fraîche – en réalité, du bœuf, même si la législation européenne va étendre à la volaille, au porc et aux petits ruminants l’obligation d’indiquer, pour la viande fraîche, le lieu où l’animal est né, celui où il a été élevé et celui où il a été abattu.
Au cours de cet entretien, M. Borg nous a présenté l’état du droit européen ; incontestablement, il faut faire évoluer le règlement « INCO », en vertu duquel il n’est pas obligatoire que l’étiquetage des plats préparés comporte l’indication de l’origine de la viande. M. Borg nous a confirmé que le nombre des États et des parlements favorables à cette position augmentait et que la France, Parlement et exécutif réunis, avait joué un rôle important pour faire bouger les lignes.
Dans ces conditions, le Gouvernement se déclare prêt à examiner tout amendement tendant à inscrire d’ores et déjà dans la loi française, dans le respect des règles européennes à venir, le principe de l’étiquetage de l’origine de la viande dans les plats préparés – je sais que M. le rapporteur Alain Fauconnier a beaucoup travaillé sur ce sujet. La Françe serait ainsi le premier pays à inscrire dans sa loi ce progrès essentiel en matière d’information du consommateur.
Ce progrès fait suite à l’élévation par le Gouvernement du niveau des sanctions, afin de le proportionner à la tromperie commise. Je vous rappelle que nous avons également mis sous surveillance la filière « viande » et la filière « poisson », avec des tests particulièrement drastiques, pour éviter que ne se renouvellent les mauvaises surprises des mois passés.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les mesures du projet de loi qui touchent à l’information des consommateurs.
Le Gouvernement entend aussi renforcer le rôle de l’État comme garant de l’ordre public économique, notamment en ce qui concerne l’effectivité des règles.
Pour le dire rapidement, bon nombre de PME se plaignent du fait que, en raison du déséquilibre des forces dans la négociation avec la grande distribution, elles ne sont pas toujours en mesure de faire respecter leurs droits. Parce que nous voulons que ces droits soient parfaitement respectés, nous proposons de doter la DGCCRF, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, de pouvoirs accrus, notamment par la mise en place d’un régime de sanctions administratives qui lui permettra de poursuivre beaucoup plus facilement les contrevenants.
Nous proposons également de permettre aux agents de cette administration d’agir sous l’uniforme du « client mystère », c’est-à-dire d’aller au terme d’un acte d’achat, de manière à débusquer ceux qui cherchent à abuser des consommateurs vulnérables. Cette action est particulièrement nécessaire dans le domaine du commerce en ligne, car des pratiques tout à fait scandaleuses se développent sur l’Internet, contre lesquelles nous voulons lutter plus efficacement.
Je le répète : nous augmenterons le quantum des peines pour qu’elles soient mieux proportionnées au niveau des bénéfices indûment réalisés par les entreprises qui ne respectent pas le droit.
J’évoquerai, pour finir, les deux derniers blocs du projet de loi.
En premier lieu, nous souhaitons une distribution plus responsable du crédit pour lutter contre le surendettement. Mesdames, messieurs les sénateurs, songez que 200 000 dossiers de surendettement supplémentaires sont déposés chaque année ! Or nous avons constaté que, dans 87 % des cas, le crédit à la consommation est impliqué, tandis que seuls 4 % des dossiers sont liés uniquement au crédit immobilier.
C’est pourquoi nous voulons mettre en place un registre national des crédits aux particuliers, concentré sur la population qui recourt au crédit à la consommation et parfois bascule dans le surendettement après avoir acheté le crédit de trop, ce crédit qui sert non pas à acheter un bien, mais à payer un loyer, des factures, ou à préparer une rentrée scolaire. Or les crédits à la consommation ont été pensés pour soutenir la consommation des biens dans notre pays.
Le Gouvernement a travaillé avec le Conseil d’État, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, et la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNCDH, mais aussi avec le Sénat et l’Assemblée nationale, pour concevoir un registre national du crédit qui soit proportionné à l’objectif qui est le nôtre : il s’agit non pas d’éliminer le surendettement, mais d’en finir avec la solvabilité factice de centaines de milliers de familles françaises, sur laquelle prospèrent un certain nombre d’établissements de crédit.
Aujourd’hui, il est juste que ces établissements soient davantage responsabilisés. Sans doute, tous n’en sont pas contents ; ils ont participé au débat avec vigueur, et je les en remercie. Reste que l’engagement pris par le Premier ministre à la suite de la conférence nationale de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale est, à mes yeux, un engagement fort, puisqu’il permettra de vérifier la solvabilité d’un client désireux d’acheter un crédit à la consommation, évitant ainsi à la personne le crédit de trop dont je parlais.
Dans le domaine du surendettement, d’autres mesures ont été adoptées par l’Assemblée nationale, comme la réduction de huit à cinq ans de la durée des plans de désendettement des ménages. Je sais que Mme la rapporteur pour avis de la commission des finances, Mme André, souhaite que le projet de loi soit amendé sur ce point ; nous aurons l’occasion d’en débattre.
L’Assemblée nationale a aussi réduit à un an, au lieu de deux, la durée d’inactivité au terme de laquelle un crédit renouvelable est automatiquement clos. Cette mesure permettra de supprimer environ 8 millions de crédits renouvelables. Mises à la disposition d’un certain nombre de familles, souvent associées à une carte de fidélité, ces réserves d’argent, en période de crise, peuvent susciter des tentations. Quand elles servent d’appoint dans une situation difficile, ou pour un investissement, c’est bien ; mais, en cas de difficultés durables, elles peuvent aussi enclencher la spirale du surendettement.
En second lieu, nous voulons un rééquilibrage des relations économiques et commerciales entre les entreprises – Pierre Moscovici a insisté sur cet aspect du projet de loi et je n’y reviens pas longuement.
En particulier, une clause de renégociation est prévue lorsque le prix des intrants, lui-même lié au prix des matières premières, évolue brutalement. Nous rappelons aussi que les conditions générales de vente doivent être la base de la négociation entre la grande distribution et les fournisseurs. En clair, les commandes doivent être passées au prix convenu et la négociation doit être transparente. Nous avons beaucoup travaillé avec Martial Bourquin pour que ces dispositions correspondent aux besoins des PME.
En fin de compte, mesdames, messieurs les sénateurs, il est incontestable que ce projet de loi contient des avancées. En tout cas, il rompt avec la prétendue liberté de la fameuse poule dans un poulailler où vagabonderait un renard libre ; nous ne croyons pas à ce mythe-là !
C’est pourquoi nous essayons de fixer des règles lorsqu’une asymétrie est manifeste entre les pouvoirs des entreprises et ceux des consommateurs. Il ne s’agit pas d’opposer les premières aux seconds, mais il ne faut pas être dupe de la façon dont ces relations se nouent, parfois clairement au détriment des consommateurs.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi comporte des mesures fortes, des avancées démocratiques considérables. Dans le cours du débat, je serai ouvert, disponible et concret, comme Pierre Moscovici et moi-même essayons de l’être pour tous les textes économiques. Je souhaite que le Sénat apporte sa contribution à l’élaboration de ce projet de loi, pour que, demain, le consommateur français soit encore mieux protégé !