Aussi, je crois qu’il aurait été préférable d’attendre un retour d’expérience sur la procédure ordinaire d’action de groupe avant de permettre aux associations de contourner ce dispositif.
Votre action de groupe pose donc un problème de forme, par son timing, et de fond, eu égard à la procédure simplifiée.
Autre exemple de dispositions qui nous paraissent relever du bon sens mais que le Gouvernement vient parasiter : celles qui concernent les assurances. Là encore, vous faites croire que la régulation de ce secteur d’activité pourra libérer nos compatriotes de charges injustifiées. Mais c’est faux : en matière d’assurance, le risque a toujours un coût et c’est in fine à l’assuré qu’il reviendra d’assumer celui-ci.
Ainsi, la possibilité de résiliation infra-annuelle des contrats d’assurance n’est pas une mesure dépourvue de tout risque. Elle est certes inspirée par une préoccupation éthique recevable, mais la possibilité ouverte au consommateur de résilier son contrat en permanence va perturber le modèle économique de ce secteur d’activité, car elle a toutes chances d’engendrer des tensions sur les primes du fait des incertitudes sur les provisions que devront constituer les assureurs. En dernier ressort, cette incertitude pèsera financièrement sur les assurés, car elle ne manquera pas de se traduire par une augmentation des primes d’assurance : là, le risque est certain.
En ce qui concerne l’extension de cette possibilité aux contrats d’assurance affinitaires, introduite par voie d’amendement à l’Assemblée nationale, le risque est moins élevé puisque les sinistres sont moins graves, moins coûteux, et ne nécessitent donc pas de réserves importantes, contrairement aux contrats d’assurance habitation ou automobile.
Au-delà des conséquences incertaines de votre projet de loi, je suis au regret de vous dire que vous manquez votre cible. La demande des consommateurs ne portait pas sur la résiliation des contrats d’assurance, mais sur le renversement de la charge de la preuve au profit de l’assuré dans les cas de modification du risque.
J’en viens à ce qui est désormais l’un des principaux chantiers de votre réforme et aussi l’une de nos principales réserves à l’endroit de ce projet de loi : la création du « fichier positif ».
Notre premier grief tient à la méthode : ces dispositions ont été introduites par la voie d’un amendement gouvernemental, de sorte que les conditions d’un examen approfondi n’ont pas été respectées.
Ensuite, l’efficacité d’un tel fichier n’est pas établie. Comme cela a été souligné lors des débats à l’Assemblée nationale puis, ici, en commission, les exemples étrangers montrent qu’il n’y a pas de lien entre diminution du surendettement et existence d’un fichier positif. Ce lien de causalité incertain a été évoqué par notre collègue Nicole Bonnefoy, rapporteur pour avis de la commission des lois, qui a reconnu que « l’efficacité d’un tel instrument en matière de prévention du surendettement demeure controversée » et que « l’exemple belge, depuis dix ans, ne lève pas tous les doutes ».
En outre, ce type de fichier pose de véritables questions en matière d’atteinte au respect de la vie privée, impératif constitutionnel auquel il ne peut être dérogé qu’à la condition qu’un autre impératif constitutionnel soit en jeu, comme le précise la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Aussi, pour éviter la censure, les crédits immobiliers et les autorisations de crédit non utilisées ont été écartés du registre pour que le nombre de personnes enregistrées, qui serait de l’ordre de 24 millions à 25 millions, ne soit plus que de 10 millions à 12 millions. Cette décision illustre bien les incertitudes du Gouvernement, qui hésite toujours entre protection de la vie privée et prévention du surendettement, alors que ces deux objectifs ne sont pas intrinsèquement incompatibles : il suffisait que les dispositions du projet de loi identifient des critères d’enregistrement au fichier plus sélectifs.
Le fichier positif que vous proposez sera trop restrictif parce qu’il ne prendra pas en compte les crédits immobiliers, qui sont pourtant les plus importants en termes de nombre de clients et de volume. Mais il sera aussi beaucoup trop large, car il s’adressera potentiellement à 12 millions de Français alors que le surendettement ne concerne que 200 000 personnes dans notre pays.