Malgré ces différents griefs, il nous apparaît que le présent projet de loi comporte un certain nombre de dispositions susceptibles de garantir une protection accrue du consommateur, grâce, notamment, au renforcement des pouvoirs de la DGCCRF. J’ajoute que le resserrement de la coopération entre celle-ci et la Commission nationale de l’informatique et des libertés, dans le but de garantir la protection des données personnelles des consommateurs, est une mesure qui relevait de l’urgence.
Il en va de même du renforcement des pouvoirs de la DGCCRF dans le domaine du commerce électronique : lui est reconnu le droit de saisir le juge, aux fins de le voir ordonner toute mesure propre à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage. Cette mesure nous semble également de nature à sortir l’administration de l’impasse dans laquelle elle se trouve parfois.
En revanche, notre groupe politique reste très circonspect quant à la possibilité donnée à l’autorité administrative chargée de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de prononcer des sanctions administratives en cas de non-respect des injonctions qu’elle formule. En l’espèce, les droits de la défense ne nous semblent pas complètement assurés. Il convient d’évoquer sur ce point l’article 25 du projet de loi, qui permet aux agents de la DGCCRF de demander à une juridiction de déclarer une clause « réputée non écrite ». Cette possibilité induit une rétroactivité potentielle.
Pour les mêmes raisons, nous serons vigilants lors de l’examen de l’article 28, qui permet aux associations de consommateurs de demander à une juridiction de déclarer une clause « réputée non écrite ».
Quant à l’habilitation donnée aux agents de la DGCCRF de rechercher et constater les infractions et manquements aux dispositions du code des assurances, du code de la mutualité et du code de la sécurité sociale encadrant la commercialisation à distance de services financiers, elle relève de l’évidence. Il en va de même de la possibilité qui est donnée à ces agents d’enjoindre à un vendeur à distance dans l’incapacité manifeste de faire face à ses obligations de livraison de ne plus prendre de paiement à la commande pendant une période déterminée.
Dans un esprit identique, nous sommes favorables à la possibilité donnée aux agents de la DGCCRF d’utiliser un nom d’emprunt pour le contrôle de la vente de biens ou de la fourniture de services sur internet : il s’agit en effet de répondre à l’explosion de ces nouveaux modèles économiques.
Nous souscrivons en outre à la possibilité nouvelle offerte à ces agents de ne pas décliner immédiatement leur identité lors des contrôles qu’ils effectuent, afin d’en augmenter l’efficacité, ce que chacun comprendra aisément. Cependant, cette possibilité doit être davantage encadrée.
Enfin, nous accueillons favorablement l’augmentation des contrôles exercés par ces agents à l’importation de certaines denrées alimentaires et matériaux présentant des risques particuliers pour la santé du consommateur. Notre groupe est également favorable aux dispositions simplifiant la procédure de prélèvement d’échantillons.
Par souci de transparence, je tiens à rappeler que bon nombre de ces dispositions s’inspirent du projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, présenté par Frédéric Lefebvre en 2011.
Ces différentes mesures relatives au renforcement des pouvoirs de la DGCCRF, je crois essentiel de le souligner, n’ont pas pour unique vocation de défendre le droit des consommateurs : elles ont aussi pour finalité de réguler des activités économiques, souvent en pleine mutation, dont l’absence de contrôle pénalise aussi bien le consommateur que le producteur français.
Alors, même si ces mesures ne suffiront pas à enrayer la chute de la consommation, elles constituent sans nul doute une première pierre indispensable.
Enfin, on peut regretter que ce texte ait été utilisé par le Gouvernement comme voiture balai ou comme véhicule législatif de substitution : bon nombre de dispositions auraient pu faire l’objet d’un projet de loi à elles seules ou être rattachées à d’autres projets de loi. Je pense ici à la cigarette électronique que vous souhaitez interdire à la vente pour les moins de dix-huit ans, à la restauration et à l’appellation « fait maison », qui doit permettre de distinguer la cuisine industrielle de la cuisine authentique – à cet égard, la rédaction de l’article 4 bis A ne me semble pas encore achevée –, au commerce de l’or, et notamment aux contrats de rachat d’or – à la suite, là encore, d’un amendement adopté à l’Assemblée nationale sur l’initiative du rapporteur –, ainsi qu’à l’extension des indications géographiques protégées aux produits manufacturés.
Toutes ces mesures, sur lesquelles je n’émets que quelques réserves d’ordre rédactionnel, me semblent justifiées. Cependant, il est dommage que certaines d’entre elles n’aient pas été intégrées dans de plus vastes débats : c’est notamment le cas des indications géographiques protégées, qui posent la question de la multiplication des labels, pourtant nécessaires afin de garantir la valeur ajoutée de nos produits, ou encore à la cigarette électronique, sujet qui devra être pleinement pris en compte lors de nos discussions à venir concernant la santé publique.
Pour résumer la position de notre formation politique vis-à-vis de ce texte relatif à la consommation, et sans faire de mauvais jeu de mots, je dirai qu’on y trouve, selon nous, « à boire et à manger » ! §
En effet, je l’ai indiqué, nombre de ces dispositions s’inscrivent dans la continuité des travaux déjà réalisés par le Sénat alors que d’autres dispositions, que nous approuvons dans le principe, ont été altérées au cours de leur élaboration, le Gouvernement ayant accepté des amendements qui défigurent complètement le projet de loi initial ; je songe, bien sûr, à l’action de groupe et à sa version simplifiée.
Cependant, nombre des réserves que j’expose aujourd’hui pourront être levées si les amendements que mon groupe défendra sont adoptés.
En revanche – et c’est là un regret qu’aucun amendement ne viendra corriger –, ce projet de loi témoigne d’un profond manque de confiance, de la part du Gouvernement, à l’endroit du monde de l’entreprise.
Qu’on soit attentif à la consommation relève du bon sens. Cependant, il faut garder en tête l’idée que la bonne santé de la consommation, dans un monde où la division internationale du travail est poussée à son maximum, n’est pas une condition suffisante du retour à la croissance. Vous n’ignorez pas, en effet, que bon nombre des produits et services dont il est question dans le présent texte sont fabriqués à l’étranger. Par conséquent, il n’est pas compréhensible que vous soyez si insensibles à la question de la relance de l’investissement, qui semble pourtant au moins aussi importante que celle de la relance de la consommation. Or la création des conditions du redressement de l’investissement ne peut être entreprise si vous restez éternellement tributaires d’une méfiance à l’égard du monde de l’entreprise.
Malheureusement, comme souvent, la peur vient de l’ignorance !
Dès lors qu’on passe plus de temps à parler du monde de l’entreprise de manière abstraite, comme s’il s’agissait d’un corps étranger à notre société, qu’à essayer de le connaître, il n’est pas étonnant que la complexité de celui-ci apparaisse insurmontable et que l’ignorance devienne ainsi suspicion.
Pour conclure, je dirai que notre groupe politique reste très réservé sur ce projet de loi et notre position finale sera grandement déterminée par le sort que le Gouvernement et la majorité réserveront à nos amendements. Ces amendements, je le crois, peuvent lever bon nombre de nos griefs légitimes, qu’il s’agisse de l’action de groupe ou des nouvelles mesures coercitives à l’encontre des entreprises que vous n’avez pas pu vous empêcher d’insérer dans le présent texte. §