Intervention de Richard Yung

Réunion du 10 septembre 2013 à 14h30
Consommation — Discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Richard YungRichard Yung :

Ce projet de loi répond à une demande sociale relayée depuis de nombreuses années par les grandes associations de consommateurs. La création d’une action de groupe permettra une mutualisation des coûts et des risques, et constituera une avancée en termes de démocratisation de l’exercice des recours dans le domaine de la consommation.

Le dispositif conçu par le Gouvernement est équilibré et compatible avec notre tradition juridique. Je note qu’il s’inspire largement des nombreux travaux que j’ai menés dans le passé avec nos anciens collègues Nicole Bricq et Laurent Béteille. Le fait que ce dernier appartenait au groupe UMP témoigne de notre ouverture en la matière.

Il faut souligner quelques avancées importantes : la désignation d’une association « chef de file » en cas de concurrence d’actions portant sur les mêmes faits, grâce à l’adoption en commission d’un amendement présenté par Mme Bonnefoy, la réparation en nature du préjudice et la consignation à la Caisse des dépôts et consignations d’une partie des sommes dues par le professionnel, mesures introduites par le biais de deux amendements défendus à l'Assemblée nationale par M. Hammadi, enfin l’instauration d’une clause de revoyure, disposition sage et intelligente instaurée par un amendement de Mme Pascale Got.

À l’issue de longues discussions, nous avons choisi la voie de l’opt-in, conformément à notre tradition juridique. Ce dispositif renforcera l’effectivité du droit à réparation pour les « petits » litiges.

Je comprends que la définition du champ d’application de la procédure fasse débat. Faut-il le restreindre à la seule consommation ou l’étendre à d’autres domaines ? Il me semble plus sage, plus conforme à notre tradition de le circonscrire à la consommation dans un premier temps, d’autant qu’est prévue une clause de revoyure.

Il a ainsi été envisagé d’étendre le champ de l’action de groupe au domaine de la santé, mais il existe déjà des dispositifs spécifiques d’indemnisation pour les préjudices de masse relevant de ce dernier, notamment le Fonds d’indemnisation des transfusés et hémophiles et l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, l’ONIAM. En outre, la santé intéressant le corps même de l’individu, chaque cas est éminemment particulier : l’action de groupe ne paraît pas constituer une voie très appropriée en la matière, même si les scandales récents du Mediator et des prothèses PIP incitent à l’ouverture. À cet égard, Mme la ministre des affaires sociales et de la santé s’est prononcée en faveur de la création d’une action de groupe dans le domaine de la santé, mais il devrait s’agir d’une procédure spécifique.

Je constate que le choix de réserver l’initiative de l’action de groupe aux seules associations de défense des consommateurs agréées ne fait pas l’unanimité. Je pense pour ma part que cela permettra d’éviter toute dérive procédurière. Nous savons que ces associations, grâce à leur expertise, jouent un rôle éminent dans la défense de l’intérêt collectif et des intérêts individuels des consommateurs.

Nous aurons à faire preuve de pédagogie, car il s’agit ici d’une approche nouvelle en droit français, mais je suis persuadé que ce dispositif connaîtra le succès. J’ajoute que, dans les pays où existe l’action de groupe, on constate que, dans la plupart des cas, les entreprises choisissent de recourir à la médiation : la procédure va très rarement jusqu’à son terme. D’une certaine façon, l’action de groupe a des incidences bénéfiques pour les entreprises, qui se trouvent incitées à améliorer la qualité de leurs produits ou services et à remédier à certains dysfonctionnements.

J’en viens maintenant à la création d’indications géographiques pour les produits non alimentaires.

Force est de constater que si la procédure nationale de protection des appellations d’origine est très efficace pour les produits alimentaires, elle n’est pas adaptée aux produits artisanaux ou industriels.

Cette situation contraint souvent les professionnels concernés à déposer des noms géographiques en tant que marques – je pense notamment à l’exemple de Laguiole –, ce qui n’est pas de bonne pratique, la marque étant un concept commercial. Que des entreprises puissent utiliser les marques pour protéger des appellations d’origine, quelles qu’elles soient, n’est donc pas une bonne chose. Il s’agit là d’une lacune de notre législation ; pour y remédier, le projet de loi prévoit des filtres, qui permettront à l’INPI de saisir l’exécutif de l’aire géographique concernée de toute demande de dépôt d’une marque reprenant la dénomination d’une commune, d’un pays ou d’une région avant de prendre une décision.

Rendre accessible le dispositif de protection des indications géographiques aux produits industriels ou artisanaux me semble une excellente initiative, qui contribuera à la valorisation de nos produits, ainsi qu’à la relocalisation en France de certaines productions. Cela permettra, d’une certaine façon, de promouvoir le made in France.

Je pense que ce dispositif remportera un grand succès. On estime qu’entre quatre-vingt et cent demandes d’indication géographique pour des produits industriels ou artisanaux pourraient être déposées. Cette démarche est conforme à notre culture, à notre tradition.

Cela nous placera en position forte à l’égard tant de la Commission européenne que des Américains, qui utilisent pour leur part un système tout à fait critiquable de marques dites « collectives ». Je pense que la protection que nous allons mettre en place sera très efficace.

Pour toutes ces raisons, je vous remercie, monsieur le ministre, de nous soumettre ce texte de progrès. §

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