Dans notre pays, les comportements des agents économiques ont également évolué face à la crise que nous connaissons depuis plusieurs années. Avec des salaires en baisse ou stagnants et une augmentation des dépenses contraintes, les consommateurs ont tendance à privilégier les prix bas et à rechercher les offres les moins chères. Cependant, ce choix du discount a des conséquences néfastes, en matière tant économique et sociale que de qualité de l’environnement. En effet, la plupart de nos entreprises se sont adaptées en conservant leurs rentes et leurs monopoles, au détriment, le plus souvent, des producteurs, des salariés et de la qualité des produits.
Les coûts de fabrication ont été tirés vers le bas, et la qualité des produits s’en ressent, de même que leur sécurité. Pour les produits bas de gamme, il n’est pas possible de rivaliser avec les pays à bas coût salarial, tant et si bien que l’on fabrique de moins en moins en France. Le phénomène se développe dans de nombreux secteurs de l’économie nationale, tels le transport aérien, l’automobile, l’alimentaire, l’habillement, l’ameublement, la téléphonie et bien d’autres encore. Force est de constater que la France perd de plus en plus en compétitivité et se positionne mal, en termes de ratio qualité-prix, face à ses voisins européens, même si certains secteurs restent performants à l’international, grâce à une vraie démarche qualité.
D’autres phénomènes viennent ajouter à ces difficultés : nos entreprises, sur le marché intérieur, ne sont guère performantes en termes de délais de livraison, de service après-vente ou, plus globalement, de réactivité. Il devenait donc urgent de les remobiliser autour de la qualité des produits et des services, gage de réussite en matière de compétitivité, sur le marché intérieur comme à l’international. Elles doivent se tourner vers la satisfaction du client et miser sur la qualité, dans un rapport gagnant-gagnant.
Une consommation responsable qui tire la qualité des produits vers le haut sera génératrice à la fois d’emplois et de meilleures performances commerciales et financières pour nos entreprises.
Ce projet de loi répond à ces enjeux en renforçant les moyens de lutte contre les mauvaises pratiques, en instituant plus de transparence et d’information entre les opérateurs et en rééquilibrant les relations interentreprises ou entre professionnels et consommateurs. Il vise à apporter des droits nouveaux aux citoyens et à influer de manière positive sur les dépenses contraintes des ménages.
Parmi les propositions contenues dans ce texte très complet, qui compte 130 articles, la création de l’action de groupe est, avec celle du registre national des crédits aux particuliers, l’une des mesures phares. Cela a déjà été dit, mais je veux le souligner de nouveau : si beaucoup l’avaient promis auparavant, c’est ce gouvernement, c’est vous, monsieur le ministre, qui, après trois décennies de débats, plusieurs textes et rapports, concrétisez l’engagement pris ! Les consommateurs apprécieront qu’il soit tenu, car, selon le Conseil d’analyse économique, plus de 80 % des Français se disent favorables à l’introduction de ce dispositif. Ils ont conscience que cet instrument permettra de mieux équilibrer les rapports de force entre professionnels et particuliers. Ils savent bien qu’il s’agit là d’une avancée considérable, contribuant à assainir notre économie.
Les consommateurs ayant subi le même type de préjudice pourront désormais se défendre collectivement en justice. Qu’il s’agisse de pratiques abusives ou frauduleuses, d’allégations mensongères ou de pratiques anticoncurrentielles, c’est un mode de recours efficace, qui permettra aussi de regrouper en une seule procédure les demandes de réparation, même pour de petits montants, d’un grand nombre d’individus qui ne pouvaient jusqu’alors qu’agir de manière isolée.
Les experts le reconnaissent, l’expérience de nombreux autres pays européens dans lesquels ce recours collectif est opérationnel depuis de nombreuses années, comme le Portugal, le Royaume-Uni, la Suède, l’Allemagne, les Pays-Bas ou encore l’Italie, témoigne d’un impact socioéconomique positif du dispositif.
De surcroît, ce mode de recours va probablement se généraliser dans toute l’Europe. En effet, le 11 juin dernier, la Commission européenne a émis une recommandation encourageant les États membres à se doter de mécanismes de recours collectif pour garantir à leurs justiciables un accès effectif à la justice. Ils sont invités à adopter les mesures appropriées dans un délai de deux ans. On peut, sur cet aspect, partager les propos de la vice-présidente de la Commission, Mme Viviane Reding, laquelle a déclaré que cette recommandation procède d’une démarche équilibrée, évitant la mise en place d’un système d’action de groupe inspiré du modèle américain, ainsi que le risque de demandes fantaisistes et de procédures judiciaires abusives.
La Commission européenne a aussi établi un certain nombre de principes à respecter. Ainsi, les États devront veiller à ce que les procédures soient objectives, équitables et rapides, sans que leur coût soit pour autant prohibitif. Les procédures devront également reposer sur le principe du consentement exprès. Enfin, la Commission recommande que les demandeurs potentiels soient informés et que le rôle pivot revienne au juge.
Il est à noter que le dispositif proposé par le Gouvernement correspond aux préconisations européennes. Encadré, équilibré, il évite les écueils des class actions à l’américaine. Seules les seize associations de défense des consommateurs agréées et représentatives au niveau national auront qualité pour agir devant un tribunal compétent.
Par ailleurs, le champ d’action de ce recours sera circonscrit à la réparation de préjudices individuels et matériels. Toutefois, comme vous avez eu l’occasion de le souligner à plusieurs reprises, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, la procédure pourra être adaptée et étendue aux domaines de la santé et de l’environnement, sur la base du rapport prévu à l’article 2 du texte, qui permettra d’évaluer sa mise en œuvre.
Un autre volet de portée considérable de ce projet de loi est consacré à l’amélioration de l’information, au renforcement des droits contractuels du consommateur et à la promotion de la durabilité et de la réparabilité des produits. Moins médiatisées que la création de l’action de groupe et du registre national des crédits aux particuliers, les mesures contenues dans ce chapitre important, qui comporte 25 articles, devront également être relayées efficacement auprès de nos concitoyens. Outre la définition proposée de la notion de consommateur, qui vient combler une lacune de notre droit, ce chapitre contient de notables améliorations quant aux obligations générales d’information par les professionnels et renforce les garanties données aux consommateurs.
Ainsi, pour faire son choix, le client aura désormais une connaissance précise de la date jusqu’à laquelle il pourra disposer des pièces détachées nécessaires à l’utilisation de son bien et le fabricant sera dans l’obligation de fournir celles-ci jusqu’à la date annoncée. Cette mesure permettra de lutter contre l’obsolescence des biens de consommation courante et d’augmenter la durée de vie des produits. Toutefois, il vous sera proposé, mes chers collègues, de préciser la notion d’obsolescence programmée dans notre code de la consommation, afin de permettre des actions judiciaires contre cette pratique frauduleuse.
Dans ce même chapitre, l’article relatif à la restauration paraît également essentiel. Il s’agit de la création de la mention « fait maison », votée à l’Assemblée nationale. Ce nouveau label, prévu pour les plats proposés dans les restaurants, ne peut qu’améliorer la transparence, de plus en plus recherchée par les consommateurs, sur la qualité des produits qu’ils consomment. Il va dans le sens de ce que l’on peut qualifier de véritable prise de conscience de nos concitoyens, qui cherchent à mieux s’alimenter et veulent connaître le contenu de leurs assiettes.
Cependant, il existe, au sein de la profession de restaurateur, de grandes disparités. Peu d’établissements pratiquent encore une cuisine traditionnelle et proposent une carte de plats préparés entièrement sur place avec des produits frais. En dehors des restaurants étoilés ou recommandés, il leur est difficile de se faire connaître et de rentabiliser leur activité, qui demande de surcroît beaucoup de main-d’œuvre.
Cette restauration artisanale est aujourd’hui difficilement identifiable et ne peut valoriser son savoir-faire. C’est pourquoi nous vous proposerons, monsieur le ministre, la création du titre d’artisan-restaurateur, qui, à l’instar de celui de boulanger, conférera un statut permettant d’identifier et d’honorer ce métier. La cuisine traditionnelle française mérite cette promotion, qui permettra une mise en valeur des produits de nos terroirs.
Dans la même perspective, le dispositif prévu aux articles 23 et 24, tendant à étendre les indications géographiques protégées aux produits manufacturés, permettra de valoriser nos terroirs et nos savoir-faire locaux. Ces marques de reconnaissance permettront à nos producteurs de mieux se défendre contre la concurrence. Ce sont aussi des outils destinés à soutenir le développement économique et l’emploi dans nos territoires.
Le texte dont nous débattons contient encore de nombreuses autres avancées en termes de droit de la consommation et de rééquilibrage des relations commerciales. Je crois que nous pouvons tous nous féliciter de l’institution, dans les contrats entre fournisseurs et distributeurs, d’une clause de renégociation obligatoire en cas de variation des prix des matières premières agricoles et alimentaires.
On peut également se réjouir de la teneur du chapitre V du projet de loi, qui vise à moderniser les moyens de contrôle et les pouvoirs dévolus à l’État par le biais de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, de la disposition visant à rendre possible la résiliation infra-annuelle des contrats d’assurance et des nombreuses mesures dont l’objet est de renforcer les moyens de contrôle et de lutte contre les abus en matière de crédit, dans le domaine du e-commerce et dans celui de la vente à distance.
Le projet de loi que vous nous présentez, monsieur le ministre, est particulièrement dense et représente une avancée considérable en matière de consommation. Il sera proposé, au cours de la discussion, de compléter ou de renforcer encore certaines mesures.
Ce texte politique, qui parle aux Français et concerne leur quotidien, est donc sous-tendu par une vision juste et ambitieuse pour notre société. Il prévoit de réelles avancées pour relancer notre économie dans un cadre plus équilibré. §