Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est mentionné, dans l’étude d’impact du projet de loi, que l’arsenal de sanctions à disposition des pouvoirs publics sera renforcé.
L’autorégulation des entreprises ne suffisant pas, vous souhaitez, monsieur le ministre, doter les services de l’État de compétences accrues pour sanctionner plus rapidement, plus efficacement et plus durement les infractions au code de la consommation.
C’est un objectif que, bien évidemment, nous partageons. Toutefois, augmenter sur le papier les pouvoirs de la DGCCRF ne restera qu’une mesure d’affichage si, dans le même temps, ce service jadis redouté ne dispose pas des moyens humains et matériels nécessaires à son action. Comment les objectifs de rapidité et d’efficacité pourront-ils être atteints si rien ne bouge ?
Les effectifs de la DGCCRF ont été réduits à hauteur de 15 % en six ans, soit une perte de 561 emplois. La DGCCRF ne regroupe plus aujourd’hui que 3 000 agents, dont à peine 2 000 enquêteurs ! Quarante-huit départements comptent moins de douze agents, vingt-huit moins de huit agents. Les baisses d’effectifs ont isolé les enquêteurs, forcés à la polyvalence, au détriment d’une réelle protection du consommateur.
Or rien n’indique que la tendance sera inversée. En effet, il ne suffit pas de « sanctuariser les effectifs existants », comme vous l’avez indiqué, monsieur le ministre ; il s’agit de défaire ce qui a été fait, de remettre en cause une architecture qui ne fonctionne pas et de donner des moyens humains et financiers, mais aussi organisationnels, à la DGCCRF.
À cet égard, le rapport de la Cour des comptes de juillet dernier est sans appel : « Il doit être mis fin à des dysfonctionnements nés de l’inadaptation de certaines structures nouvelles. » S’agissant de la dispersion des agents de la DGCCRF entre 120 unités, la Cour des comptes observe que « le maillage territorial de certaines administrations n’a pas été adapté à la mobilité internationale accrue des flux de produits ».
Enfin, en matière de marchés publics, nous ne comprenons pas le rejet de notre amendement prévoyant la présence automatique au sein des commissions d’appel d’offres d’agents de la DGCCRF, sur leur demande. Cela aurait pourtant été un signal fort en termes de renforcement des pouvoirs de ces agents et de reconnaissance de leur expertise.
Par ailleurs, ce projet de loi prévoit d’alourdir les sanctions pour fraude économique, de créer des sanctions dans les domaines où elles n’existaient pas et de renforcer certaines sanctions pénales existantes. Nous partageons cette orientation.
Toutefois, ce texte s’inscrit dans l’objectif de dépénalisation du droit économique. Il substitue une procédure de sanctions administratives à certaines sanctions pénales. Sont notamment concernés des manquements à l’obligation d’information des consommateurs sur les prix ou certaines clauses abusives figurant dans les contrats de consommation.
Or la dépénalisation du droit de la consommation nous inquiète. En effet, les amendes administratives sont très souvent anticipées par les entreprises, qui provisionnent le montant de l’amende probablement encourue. Cela rend la sanction quasiment indolore, alors que la sanction pénale permet la mise en cause personnelle des dirigeants et se révèle de ce fait plus efficace. Nous considérons que le droit pénal possède un caractère dissuasif dont l’amende administrative est dépourvue.
De même, nous ne comprenons pas la remise en cause de l’unité contentieuse en la matière. C’est pourquoi nous soutiendrons les amendements de la rapporteur de la commission des lois tendant à unifier le contentieux de la consommation devant l’ordre judiciaire.
Enfin, nous nous interrogeons sur la frilosité du Gouvernement quant à la question de l’indication d’origine de certains produits alimentaires. Alors que plus de 70 % de nos concitoyens jugent important de connaître l’origine précise des produits qu’ils consomment, que les syndicats paysans et organisations de producteurs des différentes filières se sont exprimés sur cette exigence d’indication du pays d’origine, le projet de loi ne contient aucune mesure forte à cet égard.
Pourtant, il ne fait plus de doute aujourd’hui qu’il est indispensable de rendre obligatoire l’indication du pays d’origine pour les produits agricoles et alimentaires et les produits de la mer, à l’état brut ou transformés. L’article 3 de la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche avait introduit la possibilité de faire figurer l’indication du pays d’origine pour ces produits, mais cette disposition facultative n’a jamais trouvé de traduction réglementaire. En outre, vous avez refusé, monsieur le ministre, l’inscription de ce principe dans le projet de loi lors des débats à l’Assemblée nationale. Nous devons, sans attendre une action européenne en la matière, envoyer un signal à nos partenaires européens sur la position française en matière d’étiquetage et de traçabilité. Continuons d’être, dans ce domaine, précurseurs et exigeants.
À cet égard, la réorganisation de l’INAO inquiète les viticulteurs du saint-pourcinois, qui m’ont alertée sur ce point. En effet, ils observent un éloignement et un affaiblissement du service public rendu, qui entraîne des difficultés en matière de procédure et une hausse de leurs coûts de production. Cet exemple local illustre la nécessité de préserver tous les acteurs et un maillage territorial à même de renforcer une véritable politique en faveur des consommateurs.
Monsieur le ministre, les consommateurs sont en droit d’attendre de l’État, garant de l’intérêt général, la conduite d’une politique de protection des consommateurs qui soit à la hauteur des enjeux nouveaux issus de la mondialisation des échanges. Nous présenterons, au cours de ce débat, des amendements visant à renforcer l’administration en réseau chargée de la protection économique des consommateurs, à garantir l’équilibre des échanges commerciaux entre les consommateurs et les professionnels, ainsi que l’accès à des produits de qualité, contrôlés par les pouvoirs publics. Enfin, nous veillerons à la préservation de l’équité des contrats commerciaux, y compris dans le domaine du e-commerce. Monsieur le ministre, nous écouterons bien évidemment vos réponses avec attention.