Intervention de Alain Bertrand

Réunion du 10 septembre 2013 à 14h30
Consommation — Discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Alain BertrandAlain Bertrand :

Nos concitoyens sont certes des consommateurs lucides et responsables, mais même les plus avertis d’entre eux sont souvent impuissants face aux manipulations de certaines entreprises, de certains « vendeurs » qui ne reculent devant rien pour accroître leur chiffre d’affaires ou leurs profits.

Il nous faut donc saluer l’ambition de ce projet de loi, qui vise à conférer un véritable pouvoir aux consommateurs, comme l’ont souligné les membres de la dream team des rapporteurs réunis autour de M. le président de la commission des affaires économiques ! La mesure phare du présent texte, à savoir l’introduction de l’action de groupe dans notre droit, va bien dans ce sens.

Pour que ce nouveau recours soit véritablement utile et efficient, nous défendrons plusieurs amendements directement inspirés d’une proposition de loi déposée au Sénat le 5 avril dernier par plusieurs membres du RDSE.

Protéger le consommateur, c’est aussi mieux l’informer. De nombreux articles du présent texte visent cet objectif. Ils concernent par exemple les informations devant être obligatoirement fournies lors de l’achat d’un bien ou lors de la souscription d’un crédit.

Je tiens à saluer l’insertion de l’article 3 ter dans le texte élaboré par notre commission. Il tend à introduire dans les programmes de l’éducation nationale des notions de droit des consommateurs, ainsi qu’une formation à la gestion du budget d’un ménage.

Une telle mesure peut paraître anodine, mais il n’en est rien. De fait, si l’école de la République doit former des citoyens, il lui incombe désormais également de former des consommateurs responsables. Cela correspond d’ailleurs à l’une des propositions du rapport sénatorial de juin 2012 sur le crédit à la consommation et le surendettement rédigé par Anne-Marie Escoffier et Muguette Dini.

Par ailleurs, il me paraît essentiel d’accorder une protection particulière aux plus vulnérables. Le texte s’y attache ; c’est une bonne chose.

Les membres de notre groupe défendront plusieurs amendements à ce sujet. L’un d’eux vise à protéger les personnes âgées qui ont recours à des services à domicile. En effet, contrairement aux employés des maisons de retraite, les professionnels intervenant au domicile des personnes âgées ne sont pas concernés par les dispositions relatives aux abus de faiblesse. Nous souhaitons remédier à une situation aussi dangereuse qu’inexplicable, bien connue des élus de terrain.

Toujours afin de mieux protéger les plus vulnérables de nos concitoyens – particulièrement les mineurs et les personnes en état de sujétion psychologique –, susceptibles d’être victimes de mouvements à caractère sectaire, nous proposerons de préciser l’article 8 du code de procédure pénale, lequel fait courir le délai de prescription, en cas d’abus de faiblesse à l’encontre d’une personne vulnérable, à compter du jour où l’infraction apparaît à la victime elle-même.

Pour leur part, nos collègues Jacques Mézard et Alain Milon ont présenté deux amendements inspirés des excellents travaux de la commission d’enquête, créée sur l’initiative du RDSE, sur l’influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé. Ces amendements visent notamment à mieux contrôler les appareils et les prestations de services à finalité thérapeutique, ainsi que l’importation de produits dangereux comme la niacine, notamment utilisée par les scientologues.

Le chapitre du projet de loi consacré au crédit et à l’assurance a été enrichi de plusieurs dispositions relatives au surendettement. Ainsi, la réduction de la durée des plans conventionnels de redressement est une mesure importante : elle permettra à des personnes bien souvent détruites de voir abrégé leur temps d’épreuves ; elles pourront ainsi mieux rebondir.

Quant à la création, par voie d’amendement à l’Assemblée nationale, d’un registre national du crédit aux particuliers, communément appelé « fichier positif », mon collègue Robert Tropeano l’a déjà indiqué : s’ils ne doutent pas de l’utilité d’un tel fichier, les membres du RDSE ne sont pas convaincus de l’opportunité de sa mise en place.

Nous ne sommes pas opposés au principe même de ce fichier : s’il peut aider à prévenir le surendettement en évitant le « crédit de trop », il sera évidemment un outil utile et bienvenu. Néanmoins, compte tenu de l’importance de ce sujet, qui touche à la liberté de chacun, il nous semble que l’introduction d’une mesure d’une telle ampleur mériterait de faire l’objet d’une réflexion plus approfondie, monsieur le ministre. À cet égard, nous n’ignorons pas l’excellent rapport sénatorial publié en janvier 2013 sur le sujet. Mais, je le répète, avant de créer un tel registre, une étude d’impact ou, du moins, une réflexion plus élaborée nous paraît nécessaire. C’est pourquoi nous présenterons des amendements tendant à prévenir toute atteinte aux libertés individuelles, même si nous savons que le Gouvernement n’a évidemment aucune intention de cet ordre. Cela étant, en la matière, la plus grande précision est requise !

Par ailleurs, le projet de loi comporte des avancées importantes pour les consommateurs dans le domaine des assurances, dont le coût pèse lourdement sur le budget des ménages. Si permettre la résiliation infra-annuelle est une bonne chose, il faut également songer aux assurances accessoires que l’on tente de « fourguer » à tous les consommateurs lors d’un achat. Ces assurances sont associées à des biens ou à des cartes de paiement. Elles sont très lucratives pour ceux qui les proposent – souvent en prétendant qu’elles sont obligatoires ! –, mais très peu avantageuses pour les consommateurs. Sur ce sujet, nous présenterons également des amendements.

Pour conclure, je souligne que ce projet de loi est un bon texte, qui va bien au-delà des seules mesures nécessaires au renforcement de la protection des consommateurs. Il augure également l’avènement d’une nouvelle consommation, plus responsable, plus équitable et davantage tournée vers la qualité.

En effet, il est temps de changer, de tourner la page de la consommation exclusivement low cost : consommer toujours moins cher, souvent pour pouvoir consommer plus, n’est pas une fin en soi. Les Français le savent : ils sont particulièrement sensibles, outre aux prix, à la sécurité et à la qualité des produits, qu’ils soient alimentaires ou industriels.

L’article 23 du présent texte, qui étend les indications géographiques aux produits manufacturés, constitue une avancée majeure, que nous soutiendrons. En 2011, la France comptait plus de 300 AOC viticoles et 107 IGP agroalimentaires. Ce système fonctionne bien. Pour ma part, mes chers collègues, je vous recommande vivement l’excellente IGP « agneau de Lozère », lequel n’est toutefois pas entièrement protégé des loups ! §

Au total, la France sera le premier pays à mettre en place une telle protection. Je ne doute pas que nos voisins européens nous emboîteront le pas. Grâce à ces mesures, qui répondent à un engagement du Président de la République et profiteront à tous les Français, nous serons à l’avant-garde de l’Europe !

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