… ou aux escroqueries dans le domaine de la vente en ligne de voyages. Or, sans une confiance renouvelée du public envers les produits qui lui sont destinés et les acteurs qui les commercialisent, la reprise de la consommation sera incontestablement plus difficile. Il était donc temps de remédier à cette situation de défiance. Votre projet de loi, dont je salue, monsieur le ministre, le caractère à la fois équilibré et complet, tend à mettre en place des dispositifs qui y contribueront.
Parce que ce texte est important et que nous devons nous assurer de son applicabilité, je me félicite par ailleurs que les actions de groupe dans les secteurs de la santé et de l’environnement soient appelées à faire l’objet de projets gouvernementaux ultérieurs. L’engagement en est pris, comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre. J’y tiens tout particulièrement, dans la mesure où, dans mon département, la Loire-Atlantique, de nombreux salariés sont notamment confrontés à de gros problèmes liés à l’amiante. Il est vrai cependant que, dans un tel contexte, nous avons affaire bien plus à des patients, à des usagers ou à des salariés qu’à des clients.
Une action de groupe menée à la suite de la vente d’un médicament aux effets délétères sur la santé de patients abusés ne peut reposer sur les mêmes ressorts qu’une autre action concernant la pollution massive d’une nappe phréatique par un site industriel ou encore qu’une démarche liée à une pratique abusive concernant la facturation de forfaits de téléphones portables. La distinction entre les différents types d’action de groupe en fonction de la nature des préjudices subis était donc nécessaire, voire indispensable. Nous ne devions pas brouiller notre démarche législative en abordant conjointement des problématiques appelant à l’évidence des réponses spécifiques et adaptées.
Ce texte s’adresse par ailleurs à un consommateur qui ne doit pas être seulement perçu comme un agent économique, mais aussi, et surtout, comme un citoyen. En tant que tel, il doit être non seulement mieux informé, mais aussi mieux formé ! Je me félicite donc que le projet de loi examiné et modifié par la commission des affaires économiques dispose qu’une information des jeunes consommateurs sera intégrée dans les programmes de l’éducation nationale. C’est un outil indispensable pour les sensibiliser à leurs nouveaux droits. À quoi servirait-il en effet de disposer de nouveaux droits sans en avoir connaissance ? Rappelons du reste que, dans un avis rendu le 21 décembre 2000, le Conseil national de la consommation donne pour objet à l’éducation à la consommation de « former l’esprit, développer les aptitudes intellectuelles, faire acquérir des principes aux jeunes, afin de leur permettre de satisfaire leurs besoins au mieux et à bon escient, en utilisant les biens et les services mis à leur disposition ».
Or la France présente aujourd’hui une carence en la matière. Le seul texte qui aborde le sujet est une circulaire du ministère de l’éducation nationale datée du 17 décembre 1990. Très peu la connaissent, et il en est peu fait état dans les circulaires de rentrée. Il s’agit pourtant également d’un important sujet de préoccupation européen. La Commission européenne a ainsi lancé au printemps 2013 le réseau Consumer Classroom, dont les acteurs principaux sont les professeurs des écoles, des collèges et des lycées. II fournit des ressources afin d’aider les enseignants à concevoir les cours portant sur l’éducation à la consommation. Dans le cadre d’une compétition organisée pour déterminer les meilleurs projets, ce site internet a d’ailleurs vu concourir plus de cinquante écoles issues de douze pays européens. Ils sont en effet nombreux à promouvoir des formations à cette problématique. Au Royaume-Uni, par exemple, les écoles auront ainsi l’obligation, dès la rentrée de septembre 2014, de proposer aux élèves une formation sur les questions financières et sur la gestion du budget d’un ménage. II serait donc positif que la France avance également dans la direction d’une telle formation, offrant un éclairage indispensable pour soutenir une démarche de consommateur citoyen responsable et pas seulement de simple agent économique.
Je l’évoquais au début de mon intervention, la mise en place du registre national des crédits aux particuliers est une avancée précieuse pour la protection du consommateur. Introduit dans le texte lors de son examen à l’Assemblée nationale par un amendement du Gouvernement, il s’agit d’un instrument de lutte contre le surendettement, dont l’utilité a été démontrée dans les pays qui l’ont déjà adopté. Sachez qu’un certain nombre de garde-fous ont été mis en place afin de lutter contre les éventuelles dérives que pourrait entraîner cette création. Ainsi, la consultation de ce fichier à des fins commerciales sera durement sanctionnée.
Reste qu’une autre dérive doit faire l’objet d’une vigilance particulière : la mise en place de ce registre ne saurait être utilisée par les établissements prêteurs comme prétexte afin de se soustraire à leurs responsabilités. En effet, la consultation de ce fichier ne doit pas les dispenser du travail de recherche et de conseil auprès des consommateurs qui s’adressent à eux. Cela constitue en théorie, faut-il le rappeler, leur cœur de métier. Il est anormal que les démarches nécessaires à la fourniture des services proposés par les établissements de crédit soient si notoirement, et si fréquemment, insuffisantes.
Concernant la question des services financiers, la mobilité bancaire est un enjeu crucial pour mettre fin au fort déséquilibre existant entre les établissements bancaires, d’une part, et les consommateurs – réellement démunis –, d’autre part. La portabilité du numéro de compte bancaire serait un excellent outil en vue de rééquilibrer la situation. L’amendement adopté par l’Assemblée nationale, qui vise à mandater le Parlement afin d’explorer les modalités opérationnelles de la mise en œuvre d’une telle mesure, ouvre d’intéressantes perspectives. Je pense que la contribution du Sénat sur cette question pourra également être précieuse. Notre commission des affaires économiques propose notamment que les services d’aide à la mobilité avancés par la banque d’arrivée soient gratuits et sans conditions. Par ailleurs, nous avons bien noté que la portabilité bancaire fera l’objet d’un rapport du Gouvernement au Parlement avant le 31 décembre 2014, ce qui est une bonne chose.
Dans un registre voisin, je salue la possibilité offerte aux consommateurs de résilier leur assurance sans frais, au bout d’un an au lieu de deux.
J’observe enfin que ce texte de loi témoigne d’un arbitrage en faveur d’une stratégie dissuasive plutôt que punitive. Cette démarche, gage d’une plus grande efficacité, me semble être la meilleure manière de procéder. Nous travaillons en effet dans le sens d’une meilleure régulation de notre modèle économique, afin d’en accroître les performances.
De manière complémentaire, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes va pouvoir recourir, dans le cadre de certaines infractions au code de la consommation, à des sanctions administratives plutôt qu’à des sanctions pénales. Ces dernières étaient en effet jusqu’à présent insuffisamment appliquées et intervenaient généralement dans des délais beaucoup trop importants. Cette disposition renforcera la dissuasion et donc le bon fonctionnement de notre système. Mais pour être efficace, il faut des moyens ! Or la désorganisation de la DGCCRF, issue, faut-il le rappeler, de la mise en œuvre de la révision générale des politiques publiques en 2010, a été justement relevée par la Cour des comptes dans son rapport du 4 juillet dernier concernant l’administration territoriale de l’État.
Les contrôles, notamment sur le plan alimentaire, sont essentiels, et la dissuasion repose aussi sur la force de ceux qui sont susceptibles d’être réalisés. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous rassurer sur l’évolution des effectifs et sur l’efficacité de l’organisation de la DGCCRF après le vote de ce projet de loi ?
Les qualités du présent texte sont incontestables, mais il ne faudrait pas que des délais trop importants de mise en application viennent en relativiser la portée. Je note donc avec intérêt que le nombre de décrets d’application prévus pour sa mise en œuvre a été réduit. C’est un gage d’efficacité renforcée, comme pourrait l’être la fixation de leur parution à des dates butoirs. Indépendamment de la circulaire du 29 février 2008, selon laquelle les ministères sont tenus de publier les décrets de toute nouvelle loi dans un délai maximum de six mois, le présent projet de loi pourrait en effet inclure un délai maximum de publication différent pour chacun de ces décrets. Je crois ainsi rejoindre des préoccupations déjà évoquées.
En complément, je pense qu’un suivi et une évaluation de l’application du texte sont absolument indispensables. La commission des affaires économiques pourrait s’en charger, en partenariat avec la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, dont c’est le rôle.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en conclusion, je voudrais rappeler ici que nous avons une responsabilité importante avec l’examen de ce texte. Par ses nombreux et riches apports, il peut contribuer – je dis bien « contribuer », soyons modestes – à relancer la consommation, qui reste la clef de voûte de notre croissance économique, ainsi qu’à rétablir la confiance, dans une société circonspecte et souvent en proie au doute.
Gardons à l’esprit ces objectifs de redressement du pays et de protection du consommateur, ainsi que le rôle positif que le projet de loi pourra jouer lorsque les nouvelles exigences qu’il contient rencontreront la volonté de réaliser des produits de meilleure qualité, et donc plus compétitifs. Il s’agit donc bien d’un rapport gagnant-gagnant, comme je l’évoquais au début de mon propos, qui, j’en suis convaincu, pourra découler de la mise en œuvre de cette loi tant attendue.