Intervention de François Trucy

Réunion du 10 septembre 2013 à 21h30
Consommation — Suite de la discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de François TrucyFrançois Trucy :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’occasion de cette discussion générale, je tiens moi aussi à féliciter Mmes et MM. les rapporteurs de leur travail sur un projet de loi relatif à la consommation qui touche à de nombreux et délicats sujets. Pour ma part, je ne m’exprimerai que sur la partie qui concerne la gestion de jeux d’argent et de hasard.

N’ayant pas de goût particulier pour défendre des amendements d’appel dont le sort est réglé par avance et qui font perdre un temps précieux, je vais ici, en quelques brèves minutes, tenter de vous convaincre, monsieur le ministre, sur quelques points qui me semblent importants.

Si l’adoption de la loi relative à l’ouverture du marché français aux jeux en ligne a efficacement contribué à légaliser et réguler un marché jusqu’ici totalement illégal, elle a aussi créé et mis en place des outils nouveaux et importants pour aider et conseiller les gouvernements, pour peu qu’ils acceptent d’écouter les experts dans un domaine où, jusqu’à présent, l’État est resté complètement sourd à tout ce qui lui était dit et qui était susceptible de contrarier sa démarche autoritaire et lucrative. C’est ainsi que les très graves problèmes sociaux et médicaux liés à l’addiction au jeu n’ont jusqu’ici pas bénéficié de l’attention et des moyens de l’État qu’ils méritaient.

La loi a donc créé l’Autorité de régulation des jeux en ligne, l’ARJEL, dont les analyses et les conseils débordent efficacement du cadre strict de jeux en ligne. Elle a aussi créé le Comité consultatif des jeux, que j’ai l’honneur de présider pour l’instant, et qui a pour vocation de conseiller le Gouvernement, même si celui-ci ne réclame pas les conseils.

Dans ce projet de loi, monsieur le ministre, vous avez abordé plusieurs problèmes. À l’article 72 quater, vous apportez des précisions utiles sur la définition des jeux. À l’article 72 quinquies est prévu un accroissement du temps de réponse de l’ARJEL.

Vous avez par ailleurs, et c’est une très bonne chose, renforcé les garanties que les opérateurs doivent donner à leurs joueurs par des dispositions qui manquaient dans la loi de 2010.

En revanche, s’agissant des sanctions que l’ARJEL est susceptible d’avoir à prononcer à l’égard de certains opérateurs, permettez-moi de vous dire que je les trouve relativement lourdes et excessives. J’ai appelé l’attention de Mme Michèle André, notre excellent rapporteur pour avis de la commission des finances, sur ce point, car, jusqu’ici, je n’ai jamais observé que la procédure instaurée par la loi de 2010 ait montré des défaillances. II m’est apparu, au contraire, que les rares incidents que l’ARJEL a eu à connaître ont été correctement sanctionnés, et ce dans des délais raisonnables. Mais passons sur ces procédures que vous mettez en place ; il nous appartiendra à tous de vérifier qu’elles ne sont pas contre-productives.

En outre, vous avez eu parfaitement raison d’interdire aux opérateurs de « relancer » par leurs publicités ou leurs offres d’avantages divers des joueurs qui se sont mis sous la protection de l’interdiction volontaire de jeux. Dernier recours des joueurs fragiles et dépendants quand ils ne maîtrisent plus leur comportement, l’interdiction est indispensable. Elle est parfaitement gérée par le ministère de l’intérieur et, si elle n’est pas encore adaptée aux paris hippiques et aux loteries de la Française des jeux, elle joue parfaitement son rôle pour les jeux de casino et les jeux en ligne. Encore fallait-il qu’elle soit respectée par les nouveaux opérateurs ; c’est maintenant le cas, et c’est très bien ainsi !

À l’Assemblée nationale comme devant la commission des affaires économiques du Sénat, vous avez refusé d’admettre les skill games dans le champ de la régulation française. En l’état actuel des choses, je ne vous désapprouve pas, car ce champ des jeux est pour l’instant beaucoup trop flou et l’on voit mal comment il pourrait d’ailleurs s’adapter aux contraintes nombreuses et rigoureuses que l’État impose à tous les opérateurs agréés.

Cela étant, il serait regrettable de ne pas étudier le problème des skill games avec attention. Je ne saurais trop vous conseiller de faire réaliser ces études par l’ARJEL et par l’Observatoire des jeux, qui, au sein du Comité consultatif des jeux, a une très bonne maîtrise des études et des travaux liés. En effet, si le refus de toute extension du domaine des jeux rassure les services et les fonctionnaires de l’État, qui ainsi n’ont rien à changer à leur travail, les professions du jeu ne se portent pas si bien qu’elles puissent indéfiniment se passer de jeux nouveaux, innovants, attractifs, mais bien entendu légaux et contrôlés.

J’en dirai tout autant du refus que vous opposez, dans le jeu de poker en ligne, à ce que les opérateurs agréés soient autorisés à ouvrir leurs tables de poker « à des jeux de cercle avec des joueurs inscrits sur le site d’un opérateur contrôlé par une autre autorité en charge de la régulation du secteur des jeux en ligne d’un État membre de l’Union européenne ou d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ».

La définition complète que je viens de citer est importante. Elle mérite attention. À partir du moment où les conventions nécessaires seraient passées dans des conditions rigoureuses, cette formule donnerait à l’industrie du poker en ligne de solides arguments pour lutter contre les jeux illégaux ou contre l’hémorragie que l’on constate quand les principaux joueurs dits « professionnels » quittent le jeu en ligne français pour retourner au secteur illégal.

Cette situation n’est pas bonne ! Il ne s’agit nullement d’aller vers une augmentation intempestive du jeu, que personne ne souhaite dans les milieux responsables, mais de donner à cette industrie des chances de se développer face à la concurrence illégale. C’est dans cet esprit que la sous-direction des libertés publiques du ministère de l’intérieur et la commission consultative des jeux de cercles et de casinos autorisent actuellement plusieurs expérimentations dans ces établissements – il s’agit du punto banco, de la bataille, du bingo sous une forme ou sous une autre, et même du pittoresque et, paraît-il, traditionnel jeu réunionnais qui s’appelle le devant-derrière.

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